7 novembre 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/05239

5e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 88H

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/05239



N° Portalis DBV3-V-B7C-S3L2



AFFAIRE :



[H] [K] [K]



C/



PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES YVELINES





Décision déférée à la cour : Décision rendu(e) le 02 Mars 2017 par la commission départementale d'aide sociale des Yvelines







Copies exécutoires délivrées à :



Me Jonathan HENOCHSBERG



PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DES YVELINES



Copies certifiées conformes délivrées à :



[H] [K] [K]











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [H] [K] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jonathan HENOCHSBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1071 substitué par Me Marie LEROY, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/029513 du 06/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)





APPELANTE

****************

Monsieur le PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES YVELINES

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Mme [U] [N] (Adjoint au chef du service vie sociale à domicile PA/PH à la direction gestion et contrôle des dispositifs) en vertu d'un pouvoir spécial





INTIME

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :



Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie José BOU, Présidente suppléante,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS











Mme [H] [K] [K], de nationalité centre-africaine, est arrivée en France en 2012 et s'est installée chez sa soeur, au [Adresse 3] (78).



Mme [K] [K] a été hospitalisée à compter du 22 avril 2013.

Du 26 février 2014 au 8 septembre 2014, elle a été transférée au sein du service de soins de suites médicochirurgicales et cancerologiques à l'hôpital du [Localité 9].



Afin de préparer sa sortie de l'hôpital, Mme [K] [K] a formulé une demande de prestation de compensation du handicap (ci-après la 'PCH') 'aides humaines' en date du 12 mars 2014. En complétant le formulaire CERFA, Mme [K] [K] a indiqué être hébergée au domicile de sa soeur à l'adresse précitée.



Par ailleurs, l'assistante sociale de l'hôpital a saisi la maison départementale des personnes handicapées (ci-après 'la MDPH') par courrier daté du 7 mars 2014 et formulé une demande de PCH aides humaines, précisant une domiciliation de Mme [K] [K] chez sa soeur.



Selon décision du 15 mai 2014, Mme [H] [K] [K] s'est vue accorder, la prestation de compensation du handicap 'aide humaine' à domicile, à raison de 91,25 heures mensuelles (3 heures par jour) pour un montant total de 1 605,09 euros par mois (52,77 euros/jour) du 15 mai 2014 au 31 mai 2015.



A sa sortie d'hôpital, le 9 septembre 2014, Mme [K] [K] n'a pas rejoint le domicile de sa soeur pour des motifs personnels mais a intégré un appartement de coordination thérapeutique situé à [Localité 4] (résidence des [8]) fourni par l'association [Adresse 7].

Elle a informé la MDPH des Yvelines par courrier du 8 octobre 2014.



La MDPH a ainsi rendu deux décisions en date du 16 décembre 2015 :

- une première décision en révision, à la suite de l'information donnée de son changement de lieu de résidence, venant corriger la notification du 15 mai 2014 et modifier la nature et le montant de la PCH servie à Mme [K] [K] et rédigée en ces termes : Mme [K] [K] résidant en appartement de coordination thérapeutique ayant la qualité d'établissement social et médico social, elle ne peut pas bénéficier de la PCH aides humaines à domicile mais uniquement de la PCH aides techniques versée à 10% de son montant journalier dans la limite fixée par le décret n°2007-158 du 5 février 2007, soit 3,05 euros par jour ;

- une seconde décision en renouvellement des droits de Mme [K] [K] du 1er juin 2015 au 31 mai 2020 au titre de la PCH aides techniques à hauteur de 3,08 euros/jour.



Par courrier du 4 avril 2016, Mme [K] [K] a saisi la commission départementale d'aide sociale des Yvelines (ci-après la 'CDAS') d'un recours aux fins de contester les modalités de paiement de la PCH qui lui est servie.



Selon décision du 2 mars 2017, la commission a décidé :

- article 1 : le recours à l'encontre des deux décisions du 16 décembre 2015 émises par le Département est rejeté ;

- article 2 : la présente décision sera transmise aux services chargés d'en assurer l'exécution et à la requérante, Mme [H] [K] [K] pour information.



Selon courrier du 6 octobre 2017, Mme [K] [K] a interjeté appel de la décision de rejet auprès de la commission centrale d'aide sociale (ci-après 'la CCAS').



En vertu de l'article 12 de la loi n°2016-1547 de 'modernisation de la justice du XXIème siècle' du 18 novembre 2016, l'ensemble des contentieux de la commission centrale d'aide sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019 aux juridictions d'appel de droit commun et en l'espèce à la 5ème chambre sociale de la cour d'appel de Versailles.



Mme [K] [K] demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes ; y faisant droit,

- annuler la décision de la CDAS en date du 2 mars 2017 ;

- lui accorder une remise totale de l'indu de PCH porté à son débit ;

- condamner l'État à lui payer la somme de 1 500 euros, en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, s'engageant à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.



Selon conclusions communiquées le 6 septembre 2019, le département des Yvelines sollicite de la cour qu'elle :

- confirme les décisions du 16 décembre 2015 : décision administrative du président du conseil départemental en révision de la PCH venant corriger la notification précédente et décision conjointe du président du conseil départemental/CDAPH en renouvellement des droits de Mme [K] [K] jusqu'en 2020, et la reconnaissance de la juste et exacte application des textes dans les modalités de paiement de la PCH versé à Mme [K] [K] ;

- confirme la décision de la commission départementale des Yvelines du 2 mars 2017 ;

- rejette comme sans objet la demande de remise d'indu de PCH ;

- rejette l'ensemble des prétentions en appel de la réquérante à l'encontre du Département.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.




MOTIFS



Mme [K] [K] fait notamment valoir que, depuis sa sortie de l'hôpital, elle bénéficie de l'intervention de la société 'Bien à la maison', à raison de trois heures par jour. Selon elle, la PCH 'doit être appréciée selon les besoins de la personne handicapée et les possibilités d'accompagnement de l'établissement dans lequel elle vit'. Le juge doit tenir compte de la situation de précarité de la personne handicapée.

Or, ses seules ressources sont l'allocation adulte handicapée, soit 819 euros par mois.

Elle a ainsi accumulé, à l'égard de la société prestataire, des impayés à hauteur de 18 507,50 euros, tandis qu'il lui est impossible d'aller vivre chez sa soeur.

Mme [K] [K] sollicite ainsi l'annulation de la décision de la CDAS du 2 mars 2017 et la remise de l'indu de PCH.



Le département des Yvelines rappelle que la PCH peut être servie à une personne ayant besoin d'aide, mais selon des modalités différentes en fonction du lieu de résidence de l'intéressée, à son domicile ou en établissement.

En l'espèce, Mme [K] [K] a rempli une demande de PCH, et l'assistance sociale a sollicité la PCH à domicile, alors qu'elle était encore hospitalisée. Mais, au lieu de se rendre, à sa sortie, chez sa soeur comme indiqué, elle est allée directement en ACT, ce dont elle n'a informé la MDPH qu'un mois après. Or, les ACT ont la qualité d'établissement social et médico-social, ce qui a pour conséquence que la personne qui y réside ne peut bénéficier de la PCH aides humaines à domicile (à la différence de la PCH aides techniques qui peut être versée même en établissement), étant précisé que l'ACT n'offre pas de caractère acquisitif de domicile à celle qu'il héberge.

Le département relève qu'il ne peut lui être opposé que l'admission de Mme [K] [K] aurait été conditionnée par un accord de prise en charge financière des intervention d'aides humaines.

Le département ajoute qu'il était précisé au verso de la première notification de PCH en date du 15 mai 2014, que, si sa situation administrative changeait (entrée en établissement, notamment), Mme [K] [K] devait 'impérativement' en informer la 'coordination handicap' locale.

Le département souligne, par ailleurs, que la présente instance 'n'est en aucun cas le cadre adapté à une ré-instruction médicale de la PCH de Mme [K] dont les besoins ont parfaitement été pris en compte lors de l'instruction de sa demande'.

Le département précise qu'il ne réclame aucun indu : Mme [K] n'est redevable d'aucune dette envers le département, les impayés sont dus au prestataire extérieur.

En fait, Mme [K] a 'intégré une structure médico-sociale inadaptée à sa situation'.



Sur ce



Aux termes de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable :



Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces. (...)

Lorsque le bénéficiaire de la prestation de compensation dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la prestation de compensation dans des conditions fixées par décret. (souligné par la cour)



L'article L. 245-3 de ce code se lit, dans sa version applicable :

La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges :

1° Liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ;

2° Liées à un besoin d'aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations prévues au 1° de l' article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ;

3° Liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant de son transport ;

4° Spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap ;

5° Liées à l'attribution et à l'entretien des aides animalières. A compter du 1er janvier 2006, les charges correspondant à un chien guide d'aveugle ou à un chien d'assistance ne sont prises en compte dans le calcul de la prestation que si le chien a été éduqué dans une structure labellisée et par des éducateurs qualifiés selon des conditions définies par décret. Les chiens remis aux personnes handicapées avant cette date sont présumés remplir ces conditions. (souligné par la cour)

L'article D. 245-74 du même code précise :



En cas d'hospitalisation dans un établissement de santé ou d'hébergement dans un établissement social ou médico-social, donnant lieu à une prise en charge par l'assurance maladie ou par l'aide sociale, intervenant en cours de droit à la prestation de compensation, le versement de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 est réduit à hauteur de 10 % du montant antérieurement versé dans les limites d'un montant minimum et d'un montant maximum fixés par arrêté du ministre chargé des personnes handicapées. Cette réduction intervient au-delà de quarante-cinq jours consécutifs de séjour ou de soixante jours lorsque la personne handicapée est dans l'obligation de licencier de ce fait son ou ses aides à domicile. Ce délai n'est pas interrompu en cas de sortie ne mettant pas un terme à la prise en charge. Le versement intégral est rétabli pendant les périodes d'interruption de l'hospitalisation ou de l'hébergement.

Lorsque la personne handicapée est hospitalisée dans un établissement de santé ou hébergée dans un établissement social ou médico-social au moment de la demande de prestation de compensation, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées décide de l'attribution de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 pour les périodes d'interruption de l'hospitalisation ou de l'hébergement et fixe le montant journalier correspondant. Le montant journalier réduit servi pendant les périodes d'hospitalisation ou d'hébergement est fixé à 10 % de ce montant dans les limites d'un montant journalier minimum et d'un montant journalier maximum fixés par arrêté du ministre chargé des personnes handicapées.



Enfin, l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que les appartements de coordination thérapeutique sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Il résulte des dispositions précitées qu'une personne résidant en établissement social ou médico-social ne peut bénéficier de la PCH aides humaines à domicile.



La circonstance que Mme [K] [K] ait été aidée dans ses démarches, avant de quitter le service de soins de suite du Vésinet, par une assistante sociale, est indifférente : elle avait indiqué, dans sa demande de prestation, qu'elle serait domiciliée chez sa soeur. Quand bien même ce ne serait pas de son fait qu'elle ait dû renoncer à retourner chez celle-ci, il demeure que Mme [K] [K] n'a jamais regagné l'adresse de [Localité 6] mais, au contraire, a été directement accueillie dans un ACT et que, en pratique et pour autant que la cour peut le vérifier, elle n'en est jamais sortie depuis.



Dès lors, Mme [K] [K] ne pouvait prétendre à aucun moment à une PCH aides humaines à domicile.

Les décisions de la CDAS, qui ont prévu que Mme [K] [K] pourrait bénéficier de cette aide seulement lors de ses retours à domicile, et qu'elle bénéficierait d'une PCH en établissement pour la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2020 sont ainsi fondées.



Elles seront confirmées.



La demande de Mme [K] [K] de se voir accorder une remise totale de l'indu de PCH porté à son débit est par ailleurs sans objet, puisque le département ne lui réclame aucun indu de cette sorte.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile  



Mme [K] [K], qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel.



Elle sera déboutée de sa demande de condamnation du département à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de la loi sur l'aide juridictionnelle.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,



Confirme la décision de la commission départementale d'aide sociale des Yvelines en date du 2 mars 2017 en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Décide n'y avoir lieu à accorder à Mme [H] [K] [K] une remise totale de l'indu de prestation de compensation de handicap porté à son débit ;



Condamne Mme [K] [K] aux dépens d'appel ;



Déboute Mme [K] [K] de sa demande de condamnation du département à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de la loi sur l'aide juridictionnelle ;



Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.



Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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