7 novembre 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/04604

5e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B



5e Chambre





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/04604



N° Portalis DBV3-V-B7C-SYGF



AFFAIRE :



[E] [C]



C/



SA DASSAULT AVIATION

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Val d'Oise

N° RG : 15-00871





Copies exécutoires délivrées à :



Me Arnaud OLIVIER



la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES



AARPI JFR AVOCATS



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [C]



SA DASSAULT AVIATION,



SA ESPACE MONDIAL INTERIM EMI,











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0476 - N° du dossier 2014107





APPELANT

****************

SA DASSAULT AVIATION

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8 substituée par Me Julia ERB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0798



SA ESPACE MONDIAL INTERIM EMI

[Adresse 1]

[Localité 3]

Dispensée de comparution, ayant pour avocat Me Oriane DONTOT de AARPI JFR AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE S EINE

Contentieux Général et Technique

[Localité 5]

représentée par Mme [S] [B] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général





INTIMEES

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,



Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,







La société Dassault Aviation SA (ci-après désignée également 'la Société' ou 'société Dassault') exploite à [Localité 7] un établissement spécialisé dans l'assemblage d'avions civils et militaires.



Le 20 août 2013, elle a conclu, avec la société Espace Mondial Interim EMI ETT (ci-après désignée 'société EMI') un contrat de mise à disposition concernant M. [C] sur un poste d'ajusteur pour la période du 20 août 2013 au 20 décembre 2013.



Le 8 novembre 2013, M. [C] a été victime d'un accident du travail que l'employeur a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (ci-après désignée 'la Caisse') dans les termes suivants : « Lors d'une opération sur une perceuse à colonne, le gant de l'opérateur a été entraîné par le manche provoquant l'arrachement de son pouce gauche ».



Pour sa part, la société utilisatrice déclarait cet accident auprès de l'inspection du travail dans les termes suivants : « l'opérateur réalisait l'ajustage d'une bouterolle de pistolet de rivetage (aplanissement) sur une perceuse à colonne. Pour cela, la bouterolle est insérée dans le mandrin d'une perceuse à colonne. Celle-ci est mise en fonctionnement et la bouterolle est abaissée sur du papier abrasif calé sur une plaque métallique tenue à la main de façon à retoucher la surface de la bouterolle. Le gant de l'opérateur a alors été entraîné par le mouvement de rotation du papier abrasif provoquant l'arrachement de son pouce gauche ».



Le certificat médical initial établi le 20 novembre 2013 par le docteur [T] mentionne les lésions suivantes : « Amputation pouce gauche complète ».



La Caisse a pris en charge d'emblée cet accident au titre du risque professionnel par décision notifiée aux parties le 26 novembre 2013.



L'état de santé de M. [C] a été considéré comme consolidé au 2 avril 2015. Le certificat médical final faisait mention d'une amputation du pouce gauche et, au titre des séquelles, des névralgies au niveau du moignon et un syndrome dépressif majoré.



Au regard d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 44 %, confirmé par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris saisi par la Société, M. [C] est bénéficiaire, depuis le 3 avril 2015, d'une rente au titre des « séquelles à type d'amputation transmetcarpienne du pouce gauche chez un assuré droitier avec douleurs importantes du moignon et syndrome dépressif réactionnel ». Son montant est fixé trimestriellement à la somme de 1 781,63 euros.



Par requête du 2 septembre 2015, M. [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société utilisatrice, la SA Dassault Aviation, dans la survenance de son accident du travail.



Par jugement du 28 septembre 2018, notifié le 6 novembre 2018, le tribunal a débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes.



M. [C] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 7 novembre 2018 et les parties ont été convoquées à l'audience du 10 septembre 2019.



M. [C], reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- dire que l'accident du travail dont il a été victime le 8 novembre 2013 résulte de la faute inexcusable de la société Dassault Aviation ;

- ordonner la majoration à son taux maximum de la rente qui lui est versée au titre de l'accident du travail ;

- indiquer dans le dispositif de la décision à intervenir qu'en cas de modification de son taux d'IPP la majoration de la rente versée par la CPAM des Hauts-de-Seine suivra l'évolution de son taux d'IPP, et qu'en cas d'aggravation de son état, le dossier pourra être rouvert, pour que soit sollicitée une indemnisation complémentaire ;

- désigner tel Expert qu'il appartiendra avec mission d'examiner M. [C], en prenant en considération la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC et selon la mission proposée dans la motivation ;

- dire que les frais d'expertise seront avancés par la Caisse conformément à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

- lui allouer la somme de 15 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de ses préjudices, étant précisé, en tant que de besoin, que cette somme sera avancée par la CPAM des Hauts-de-Seine conformément à l'article L. 452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale ;

- et condamner la société Dassault Aviation et la société Espace Mondial Intérim EMI ETT à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Dassault Aviation, se référant à ses écritures, demande à la cour de confirmer le jugement querellé et, en conséquence à titre principal de débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite :

- que la mission d'expertise soit limitée aux seuls postes de préjudice dont M. [C] justifie l'existence ;

- que la demande de provision soit réduite à de plus justes proportions;

- et que l'étendue de la garantie dont dispose la société Espace Mondial Intérim au titre de l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale soit limitée au capital représentatif de la rente.



La société Espace Mondial Intérim, dispensée de comparaître à l'audience par ordonnance du 10 septembre 2019, demande à la cour de se référer à ses écritures, et, en conséquence :

- à titre principal qu'elle confirme le jugement entrepris,

- à titre subsidiaire, qu'elle juge que la société Dassault Aviation devra garantie de toute condamnation qui serait prononcée contre Espace Mondial Intérim.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. [C] à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine reprenant oralement le bénéfice de ses écritures, soulève in limine litis l'irrecevabilité des demandes de M. [C] en ce qu'elles sont toutes dirigées contre la société utilisatrice, la société Dassault, et non contre l'employeur, la société de travail temporaire EMI.

A titre subsidiaire, la Caisse demande à la cour de confirmer le jugement entrepris ou, si la faute inexcusable de l'employeur était retenue, de :

- prendre acte qu'elle s'en rapporte sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Espace Intérim EMI ETT au titre de l'accident du travail dont a été victime M. [C] le 8 novembre 2013 ;

- si la cour reconnaissait la faute inexcusable de l'employeur de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de discuter le cas échéant, le principe et le quantum correspondant à la réparation des préjudices personnels, lesquels ne devront pas excéder les montants ordinairement alloués par les juridictions de droit commun ;

- limiter l'expertise aux seuls dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

- dire et juger que la Caisse bénéficie de plein droit d'une action récursoire contre la société Espace Intérim EMI ETT et, au besoin, condamner celle-ci à lui rembourser l'intégralité des indemnités qui seront versées à M. [C] dans le cadre de la présente instance ainsi que le capital représentatif de majoration de rente.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.




MOTIVATION DE LA COUR



Sur la recevabilité de l'action de M. [C]



La Caisse, au visa de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, relève que le salarié intérimaire, victime d'un accident du travail, ne peut engager une action en reconnaissance de faute inexcusable qu'à l'encontre de la seule entreprise de travail temporaire, employeur juridique du salarié mis à disposition, laquelle est tenue d'appeler en la cause l'entreprise utilisatrice.

Or en l'espèce, M. [C] n'a formé de demandes qu'à l'encontre de la société Dassault, entreprise utilisatrice, qui n'est pas l'employeur. La Caisse rappelle qu'elle ne dispose d'une action récursoire que contre l'entreprise de travail temporaire de sorte que s'il était fait droit à la demande de M. [C], elle ne pourrait pas recouvrer les sommes qui lui seraient allouées au titre de la faute inexcusable. Enfin, elle s'oppose à ce que M. [C], à l'audience, indique que ses demandes sont aussi formées contre la société EMI, relevant qu'il s'agit d'une demande nouvelle, non recevable pour la première fois en cause d'appel.



Le Conseil de M. [C] indique à l'audience s'étonner de la position de la Caisse et fait valoir ' qu'il a toujours procédé ainsi et que cela n'a jamais posé de problèmes  . Il entend préciser qu'il ne conteste pas que c'est bien l'entreprise de travail temporaire qui est juridiquement responsable et ' si besoin, oralement, [il convient] de dire que les demandes sont dirigées vers la Société EMI  .



Sur ce,



Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale



Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.



Pour sa part, l'article L. 412-6 du même code précise



Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.



Il résulte ainsi du second de ces textes, auquel le premier ne déroge pas, que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ne peut être engagée qu'à l'encontre de l'employeur de la victime sans préjudice de l'action en remboursement dont ce dernier dispose contre l'auteur de la faute inexcusable.



En l'espèce, il est constant que M. [C], salarié de la société de travail temporaire EMI, mis à disposition de la société Dassault aviation, a été victime, le 8 novembre 2013, d'un accident pris en charge, le 26 novembre suivant, au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.



Il est tout aussi constant que M. [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise puis la présente cour d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Dassault. Toutes ses demandes, y compris financières, sont dirigées contre la société utilisatrice, qui n'a pour autant jamais été son employeur.



Il convient en conséquence de déclarer l'action de M. [C] en reconnaissance de la société Dassault irrecevable, la cour précisant que des demandes qu'il présente pour la première fois en cause d'appel contre la société de travail temporaire EMI sont également irrecevables, le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été partie en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre d'une partie contre laquelle l'appelant n'a pas conclu en première instance.



Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions.



Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile



M. [C], qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et il sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la société Dassault à ce même titre.





















PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;



Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (n°15-00871/P),



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déclare l'action de M. [E] [C] en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Dassalt Aviation SA irrecevable ;



Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;



Décide n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [E] [C] aux dépens d'appel.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.



Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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