7 novembre 2019
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 19/00137

Chambre Commerciale

Texte de la décision

N° RG 19/00137 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J2LA





PG



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 07 NOVEMBRE 2019





Appel d'une ordonnance (N° RG 18/00616)

rendue par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 12 décembre 2018,

suivant déclaration d'appel du 09 Janvier 2019



APPELANTE :



SAS SPORT HOLDING DEVELOPPEMENT

SAS au capital de 1.050.000 €, immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° 498 932 995, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me MAIREY-ROHR, avocat au barreau de LYON plaidant





INTIMÉE :



SCI LE PARC SAINT PAUL

SCI au capital de 1.000,00 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 450 946 769, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me BENDAIF, avocat au barreau de PARIS, plaidant





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Patricia GONZALEZ, Présidente,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,

Monsieur Lionel BRUNO, Conseiller,



Assistés lors des débats de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier.



DÉBATS :



A l'audience publique du 25 Septembre 2019



Madame GONZALEZ, Président, a été entendue en son rapport,



Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,



Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,



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EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 23 décembre 2011, la société Le Parc Saint Paul a accordé à la société Sport Holding développement un bail commercial portant sur un local sis 'le Parc Saint Paul' à [Localité 3] (Drôme) et destiné à la vente d'articles de prêt à porter mixte et multimarques.



Aux termes d'un avenant numéro 2 du 24 septembre 2015, la société Sport Holding développement a été substituée par la société Saint Paul's Store.



Par acte sous seing privé du même jour, la société Sport Holding Développement s'est portée caution solidaire de la société Saint Paul's Store envers le bailleur dans la limite de trois mois de loyer de base annuelle TTC soit 27.000 euros au jour de l'acte.



La société Saint Paul's Store a été défaillante dans le paiement des loyers et le 25 août 2016, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a ouvert une procédure de conciliation à son bénéfice et un protocole valant avenant n°3 au bail a été signé avec le bailleur le 6 décembre 2016 et homologué le 23 décembre 2016.



La société Le Parc Saint Paul a saisi le président du grande instance de Valence aux fins de paiement le 16 mai 2018 tandis que le 6 juin 2018, la société Saint Paul's Store a saisi le tribunal de commerce pour un report d'exigibilité de sa dette. La société Saint Paul's Store a finalement été placée en liquidation judiciaire le 1er août 2018.



Le bailleur a procédé à une déclaration de créance et parallèlement a actionné la caution par sommation du 17 août 2018.



Par acte introductif d'instance du 30 octobre 2018, la Sci le Parc Saint Paul a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence la société Sport Holding Développement aux fins de paiement d'une provision représentant trois mois de loyer.



Par ordonnance réputée contradictoire du 12 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence a :

- condamné la société Sport Holding développement en qualité de caution solidaire de la société Saint Paul's Store à payer à la société Le Parc Saint Paul la somme provisionnelle de 22.171,56 euros au titre des arriérés de loyers et charges dûs par la société Saint Paul Store,

- condamné la société Sport Holding Développement à payer à la société le Parc saint Paul la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.



La société Sport Holding Développement a formé appel de cette ordonnance par déclaration d'appel du 9 janvier 2019.



L'intimée a déposé une requête sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile mais entre temps est intervenue une saisie-attribution portant sur l'intégralité de la condamnation de première instance.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2019.



* * *



Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 12 juillet 2019 (dites conclusions récapitulatives numéro 3), la société Sport Holding développement demande à la cour :

- de dire ses exceptions recevables,





- de dire

- que l'ordonnance querellée se heurte à des contestations sérieuses,

- que les manquements reprochés sont opposables à la Sci le Parc Saint Paul,

- que la privation des privilèges de la Sci le Parc Saint Paul décharge la caution de son engagement,

- que la Sci le Parc Saint Paul n'a pas respecté les conditions de mise en oeuvre de la caution, qu'en ne sollicitant pas la résiliation du bail, elle a porté atteinte aux droits de la concluante,

- que la société Le Parc Saint Paul a privé la caution des privilèges qu'elle détenait sur le débiteur principal et n'a pas permis la revente du fonds de commerce,



- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à payer la somme de 22.171,56 euros en qualité de caution solidaire,

- d'ordonner la restitution de la somme de 23.152,54 euros appréhendée par saisie attribution du 6 février 2019 outre intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019,

- de dire qu'en ayant fait procéder à ses risques et périls à l'exécution d'ordonnance malgré son caractère provisoire, la Sci le Parc Saint Paul doit réparer le préjudice causé et de la condamner au paiement par provision de la somme de 5.000 euros à valoir sur son préjudice moral,

- de réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à une somme sur l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Le Parc de Saint Paul à lui payer 2.500 euros sur ce fondement outrer les dépens de l'instance avec application de l'article 699 du code de procédure civile.



Prétendant que le conseil adverse a manqué à ses obligations déontologiques de sorte qu'elle n'a pu comparaître en première instance, elle fait valoir :

- qu'elle n'a pu contester la forme, le contenu et la portée de son engagement que dans ses conclusions numéro 2, faute de transmission des pièces adverses en temps utile, que ses conclusions ne sont que sa réponse aux pièces adverses, que 17 pièces lui ont été adressées dont l'acte de caution après les premières conclusions,

- qu'aucune demande de paiement par lettre recommandée avec accusé de réception ne lui a été envoyée,

- qu'elle a été privée de plusieurs moyens de défense puisque le bailleur n'a pas exercé la clause résolutoire en aggravant l'engagement de la caution aux motifs que le parc comporte 40 de locaux vides et doit apparaître occupé, alors que le bailleur est responsable de l'échec de fréquentation,

- que le bailleur disposait du privilège de l'article 2332 du code civil outre le dépôt de garantie de sorte qu'il n'y a avait pas lieu d'actionner la caution,

- que le pas de porte du local aurait pu être cédé au groupe Intersport mais que le bail est désormais résilié,

- que le bailleur a commis des fautes dans la fréquentation du parc, (diminution du nombre des véhicules), alors qu'il s'était engagé sur un volume de fréquentations,

- que la saisie-attribution handicape gravement sa trésorerie.



* * *



Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 11 septembre 2019, la Sci le Parc Saint Paul demande à la cour, au visa des articles 910-4, 808 et 809 du code de procédure civile :

- à titre principal, de déclarer irrecevables les prétentions formulées par la société Sport Holding Développement dans ses conclusions numéro 2 notifiées le 13 mai 2019,

- de constater l'abandon par l'appelante de sa demande visant à voir déclarer nul son engagement de caution,









- à titre subsidiaire, si la cour déclarait recevables les prétentions formulées par l'appelante dans le cadre de ses conclusions numéro 2, et la demande de nullité comme non abandonnée,

- de rejeter l'appel et de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions,

- de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Sport Holding Développement tendant à voir juger que la caution solidaire serait nulle comme se heurtant à contestation sérieuse,

- en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée,

- y ajoutant, de condamner la société Sport Holding développement à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel.



Elle soutient que :

- les demandes sont irrecevables faute d'avoir été développées dans les premières conclusions d'appelant,

- l'appelante avait connaissance des pièces adverses, elle était partie au bail, elle avait régularisé l'acte de caution, elle avait donc connaissance de son engagement,

- l'acte de cautionnement lui a été dénoncé dans le cadre de la sommation, l'assignation comportait la totalité des pièces communiquées et un décompte des sommes dues,

- la signification de l'assignation au domicile est régulière, l'appelante n'a pas fait diligence, la cour n'est pas compétente s'agissant d'un manquement déontologique à la profession d'avocat,

- l'appelante ne pouvait se 'réserver un droit' dans le cadre des premières conclusions, elle a renoncé à sa demande de nullité du cautionnement,

- sur la mise en oeuvre de la caution, il s'agit d'une prétention nouvelle, il en est de même des contestations propres au débiteur et des dommages intérêts,

- l'alinéa 2 de l'article 910-4 du code de procédure civile n'est pas applicable à la cause,

- l'appelante connaît nécessairement le contenu d'un acte qu'elle a signé, une sommation de payer a été délivrée, l'engagement était plafonné de sorte que la résiliation du bail est sans intérêt,

- elle est libre d'actionner la caution alors qu'elle était par ailleurs tenue aux règles de la liquidation judiciaire, l'appelante ne démontre pas avoir été privée de ses droits du fait du bailleur au titre d'un prétendu privilège mobilier,

- elle n'a commis aucune faute, ne s'étant pas engagée sur une fréquentation du centre commercial, elle assure la promotion et l'animation du parc.



Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.






MOTIFS DE LA DECISION



De manière liminaire, concernant l'argument de l'appelante sur un défaut de respect des règles déontologiques de la profession par l'avocat adverse, force est de constater en l'espèce, que l'assignation a été valablement délivrée à la société Sport Holding Développement, la régularité de l'acte et la nullité de la procédure n'étant en tout état de cause pas dénoncés.



Dès lors, l'argumentation de l'appelante selon laquelle le conseil de l'intimée aurait manqué aux règles déontologiques de sa profession en omettant d'aviser le conseil adverse de la procédure est inopérante dans le présent litige et ne relève en tout état de cause de la compétence de la présente juridiction.





Sur la recevabilité des prétentions portées sur les deuxièmes conclusions de l'appelante



Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, ' à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité eut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables dans les limites des chefs de jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait'.



Dans ses premières conclusions d'appelante, la société Sport Holding développement enjoignait à l'intimée de produire ses pièces soutenant l'assignation, contestait en la forme le contenu et la portée de l'engagement de caution sur le principe en se réservant de pouvoir soulever la nullité sous réserve des pièces produites, elle concluait à la nullité de l'acte de cautionnement et à l'infirmation de la décision.



Elle a effectivement modifié dans ses conclusions 2 ses prétentions, ne reprenant plus la nullité de l'engagement.



Toutefois, et nonobstant la notification de pièces avec l'assignation, il est constant que n'ayant pas été comparante en première instance, la société Sport Holding Développement n'a pas été à même de discuter les prétentions et pièces de son adversaire, qu'en appel, en sa qualité d'appelante, elle devait conclure dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile même sans avoir reçu les pièces adverses, et qui lui ont été dénoncées ensuite au nombre de 17.



Elle a pu ensuite conclure utilement en réponse aux conclusions et pièces adverses.



Il en résulte que ses prétentions portées dans le dispositif de ses prétentions numéro 2 reprises dans ses conclusions numéro 3 sont recevables eu égard à l'article 910-4 alinéa 2 susvisé.



Sur le fond



Selon l'article 873 du code de procédure civile, 'Le président peut dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir d'un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire'.



En l'espèce, la Sci le Parc Saint Paul justifie de l'engagement de son adversaire en qualité de caution par la production de l'acte de cautionnement.

Pour établir que la créance de l'intimée est sérieusement contestable nonobstant l'engagement de caution et la défaillance du débiteur principal, ce qui excéderait les pouvoirs du juge des référés, la société appelante prétend que son adversaire aurait eu un comportement fautif à plusieurs niveaux.











Elle fait valoir que l'intimée n'aurait pas mis en oeuvre la caution avant l'instance mais la Sci le Parc Saint Paul a bien mis en oeuvre la caution par la sommation de payer signifiée le 17 août 2018 à laquelle l'acte de cautionnement était annexé et comportant le décompte des sommes réclamées.



Sur l'absence de mise oeuvre de la clause résolutoire par le créancier, qui aurait entraîné l'alourdissement de la dette selon la caution, il est rappelé, outre l'existence de la procédure collective limitant les pouvoirs d'action du créancier, que le cautionnement est en tout état de cause plafonné à trois mois de loyers de sorte que cet argument apparaît inopérant pour rendre la créance sérieusement contestable (alors que la dette locative est bien supérieure et déjà de plus de 80.000 euros lors du commandement de payer), puisqu'il n'existe pas de risque d'alourdissement de la dette.



Il en est de même de l'argumentation (contradictoire avec la précédente) selon laquelle le pas de porte aurait pu être cédé mais que la Sci n'aurait pas permis la revente du fonds de commerce.



Il n'est pas non plus démontré que la Sci aurait pu recouvrer sa dette sur les biens mobiliers du débiteur nonobstant les règles de la procédure collective.



Sur la gestion du parc commercial et les manquements du bailleur pendant l'exécution du bail, (la caution évoque la non fourniture du niveau de fréquentation promis, la nature des enseignes présentes sur le site, la signalétique, la promotion, l'animation...) et à défaut d'établir des engagements contractuels précis de la Sci quant à la commercialité et à la rentabilité du centre commercial, (la société appelante ne produit à cet effet que des correspondances qui n'établissent concrètement aucun comportement fautif et le rapport d'un technicien du 3 décembre 2018 commandé par les organes des procédures collectives et qui ne fait part que d'une supposition sur ce point), le comportement fautif du bailleur préjudiciable à la caution n'est pas non plus rapporté.



Il n'existe donc aucune contestation sérieuse rendant le juge des référés incompétent pour accorder une provision sur les sommes dues au titre du cautionnement.



En conséquence de ce qui précède, l'ordonnance déférée doit être confirmée.



La demande de l'appelante en paiement de dommages intérêts pour préjudice moral subi du fait de l'exécution de l'ordonnance ne peut qu'être rejetée.



La société Sport Holding Développement qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel mais il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Les dépens de première instance et la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmés.



PAR CES MOTIFS':



La Cour



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,



Dit que les prétentions portées dans les conclusions numéro 2 et 3 de l'appelante sont recevables.





Au fond, confirme l'ordonnance déférée.



Y ajoutant,



Déboute la société Sport Holding Développement de sa demande provisionnelle de dommages intérêts pour préjudice moral.



Condamne la Sas Sport Holding Développement aux dépens d'appel.



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.





SIGNE par Madame GONZALEZ, Président et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.







Le GreffierLe Président

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