4 novembre 2019
Cour d'appel de Rennes
RG n° 18/07113

6ème Chambre A

Texte de la décision

6ème Chambre A





ARRÊT N° 586



N° RG 18/07113 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PIRF









Jugement du 17/07/2018 Juge aux affaires familiales LORIENT - RG 16/02949







Mme [T] [E]



C/



M. [S] [W]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me RUAULT-HAAS

Me Laurence QUELVEN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Yves LE NOAN, Conseiller,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 23 Septembre 2019 devant Madame Cécile MORILLON-DEMAY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Novembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****



APPELANTE :



Madame [T] [E]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 1]



Représentée par Me Marion RUAULT-HAAS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/010752 du 05/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)







INTIMÉ :



Monsieur [S] [W]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 5] (56)

demeurant [Adresse 4]



Représenté par Me Laurence QUELVEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT















Monsieur [S] [W] et Madame [T] [E], concubins, ont acquis en 1987 à concurrence de chacun pour moitié indivise une maison située [Adresse 1].



Le couple s'est séparé en janvier 2007.



Par jugement du 9 décembre 2008, le Tribunal de grande instance de LORIENT a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision ayant existé entre eux et dans ce cadre désigné Monsieur le président de la chambre interdépartementale des notaires du Morbihan pour y procéder,

- commis un magistrat en charge de contrôler les opérations,

- débouté Mme [E] de sa demande d'attribution préférentielle,

- ordonné la licitation de l'immeuble sur une mise à prix de 260.000 euros,

- déclaré Mme [E] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter de janvier 2007 jusqu'à la libération effective des lieux, le notaire étant en charge de fixer le montant de cette indemnité,

- déclaré M. [W] créancier de l'indivision à hauteur de 804 euros correspondant à la taxe foncière de 2007.



Par arrêt du 30 octobre 2012, après avoir fait diligenter une expertise sur la valeur vénale de l'immeuble, la Cour d'appel de RENNES a notamment :

- ordonné la licitation de1'immeuble sur la mise à prix de 150.000 euros avec faculté de baisse du prix d'un quart en cas de non enchère,

- dit que Mme [E] était redevable envers1'indivision d'une indemnité de 35.885 euros pour la moins value subie de son fait par l'immeuble,

- fixé à la somme de 700 euros par mois depuis le 1er janvier 2007 jusqu'à la fin de l'occupation des 1ieux, l'indemnité d'occupation due par Mme [E].



Par ordonnance du 5 octobre 2015, le juge de 1'exécution de LORIENT a autorisé le notaire en charge des opérations à entrer dans l'immeuble et à faire intervenir différents professionnels afin de recueillir les renseignements nécessaires à la licitation.



Aux termes d'un procès-verbal d'adjudication du 26 août 2016, reçu par Maître [L], l'immeuble a été adjugé à M. [W] moyennant le prix de 112.500 euros.



Un procès-verbal de difficultés a été établi par le Notaire le 13 octobre 2016.



Par assignation du 14 décembre 2016, M. [W] a saisi le juge aux affaires familiales près le Tribunal de grande instance de LORIENT qui, par jugement contradictoire du 17 juillet 2018, a notamment :

- constaté la recevabilité de la demande tendant à voir déclarer nulle la licitation de l'immeuble indivis,

- débouté Mme [E] de sa demande tendant à voir déclarer nulle la licitation de 1'immeuble indivis,

- ordonné l'homologation du projet de partage d'indivision conventionnelle établi le 13 octobre 2016 par Maître [L] sous réserve de l'ajout de 1a créance de Mme [E] à 1'égard de1'indivision pour un montant de 2.848 euros au titre de la taxe foncière de l'immeuble indivis des années 2011, 2012 et 2013,



- renvoyé les parties devant le notaire en charge des opérations de liquidation aux fins d'établissement de l'état liquidatif définitif,

- dit n'y avoir lieu à condamner Mme [E] au paiement de la somme de 69.243,76 euros,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes d'expulsion et de clause pénale de M. [W] et invité celui-ci à mieux se pourvoir,

- condamné Mme [E] à payer à M. [W] la somme de 3.000 euros

sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Mme [E] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.



Par déclaration du 2 novembre 2018, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.



Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 31 janvier 2019, Mme [E] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- déclarer nulle et irrégulière la licitation du bien immobilier effectuée 1e 26 août 2016 au profit de M. [W],

- dire et juger que cette licitation est parfaitement inopposable et dépourvue de tout effet,

- ordonner une nouvelle licitation,

- constater que le projet d'état liquidatif établi le l3 octobre 2016 par Maître

[L] ne peut être homologué en l'état,

- dire et juger qu'aucune somme au titre du prêt Crédit Foncier de France ne doit apparaître dans l'état liquidatif d'indivision, au profit de l'indivision et à sa charge, étant principalement prescrite et irrecevable, et subsidiairement mal fondée,

- dire et juger qu'aucune somme au titre du prêt FINAREF ne doit apparaître dans l'état liquidatif d'indivision, au profit de l'indivision et à sa charge, étant prescrite et irrecevable,

- dire et juger que les taxes foncières qu'elle a acquittées depuis 2008 seront intégrées à 1'état liquidatif et que M. [W] sera redevable de la moitié du montant correspondant au profit de1'indivision,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais irrépétibles,

- condamner M. [W] aux dépens.



Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 3 avril 2019, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

- débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes,

- y additant, condamner Mme [E] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [E] aux entiers dépens.



Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2019.








MOTIFS DE LA DECISION



Sur la nullité de la licitation



A l'appui de sa demande de nullité, Madame [T] [E] conteste les conditions de la vente sur licitation, estimant que les acquéreurs potentiels n'ont pas été en mesure de porter des enchères, les conditions de publicité ayant été insuffisantes, créant un préjudice certain pour l'indivision. Elle considère que Monsieur [S] [W] a usé de moyens déloyaux pour obtenir le bien à un prix inférieur à sa valeur vénale.



Pour sa part, Monsieur [S] [W] fait valoir que les opérations de vente sur licitation ont été réalisées par le notaire commis par décision judiciaire et qu'aucune irrégularité n'est démontrée. Il ajoute que Madame [T] [E] a toujours mis obstacle à la vente du bien qu'elle occupe depuis 12 ans, refusant d'en laisser l'accès pour parvenir à la vente.



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de première instance a pu considérer que les deux attestations produites par Madame [T] [E] étaient contredites par l'attestation du notaire et les publications produites par Monsieur [S] [W] dans l'édition du journal Sud Ouest et le Télégramme de juillet 2016. Ces pièces permettent à la cour de s'assurer qu'il n'y a eu aucun obstacle aux enchères et que la vente a bien été réalisée à l'heure et au jour annoncés, plusieurs personnes étant présentes lors des enchères. Madame [T] [E] produit également deux attestations de personnes datées du 28 septembre et du 3 octobre qui affirment qu'en téléphonant chez le notaire, il leur a été répondu que le bien n'était plus en vente. L'imprécision des témoignages produits par Madame [E] ne permet cependant pas de s'assurer que les appels téléphoniques allégués ont été émis avant la date prévue pour la vente.



Enfin, Madame [T] [E] ne saurait se plaindre de l'absence de visite du bien alors qu'il a fallu une ordonnance du juge de l'exécution pour permettre au Notaire d'accéder aux lieux et pouvoir faire dresser les actes nécessaires à la vente. Outre que cette absence de visite, si elle était démontrée, ne permettrait pas d'en déduire un obstacle quelconque aux opérations de licitation, l'attitude de Madame [T] [E] suffit à elle seule à expliquer l'absence de candidat acquéreur.



Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas retenu de motifs susceptibles d'entraîner la nullité de la licitation.



Sur l'homologation du projet d'état liquidatif



Aux termes du jugement déféré devant la cour, le juge aux affaires familiales a ordonné l'homologation du projet de partage d'indivision conventionnelle établi le 13 octobre 2016 par Maître [L].



Madame [T] [E] s'y oppose contestant certaines dispositions du projet d'état liquidatif tel qu'il a été établi par le Notaire. En particulier, elle invoque la prescription de la créance résultant des prêts Crédit Foncier de France et FINAREF et estime qu'il ne s'agit pas d'une dette indivise. Elle précise qu'elle a acquitté les taxes foncières depuis 2008 qui devront être intégrées dans l'état liquidatif.





Pour sa part, Monsieur [S] [W] fait valoir que la prescription a été interrompue par le jugement du 9 décembre 2008 qui a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision, que l'indemnité d'assurance qui a permis de régler le prêt lui est propre et que Madame [T] [E] ne rapporte pas la preuve des paiements qu'elle invoque. Il ajoute qu'il a payé seul le solde du crédit FINAREF et demande la confirmation du jugement qui a ventilé le paiement des taxes foncières en fonction des années entre les deux parties.



Il résulte des dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil que la prescription quinquennale des actions personnelles et mobilières est interrompue par l'action en justice et que cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.



En l'espèce, l'action de Monsieur [S] [W] fondée sur la créance qu'il détient à l'encontre de l'indivision est bien une action personnelle qui se prescrit par 5 ans. Or, il a engagé l'action en liquidation et partage de l'indivision par assignation du 29 octobre 2007. Par jugement du 9 décembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Lorient a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage de l'indivision. Il résulte des dispositions des articles 1360 et suivants du code de procédure civile que l'instance engagée sur ce fondement reste pendante jusqu'à l'établissement d'un partage amiable ou jusqu'à ce qu'il soit statué sur les point de désaccord.



Par conséquent, la procédure n'ayant pas abouti à ce stade au partage de l'indivision, le délai de prescription n'a pas repris son cours et la prescription n'est pas acquise.



Monsieur [S] [W] est parfaitement recevable à invoquer des impenses au titre des prêts CFF et FINAREF.



Par ailleurs, il est démontré par la production du contrat de prêt CFF que Madame [T] [E] a bien la qualité de co-emprunteur et que ce prêt a été souscrit pour l'acquisition de l'immeuble de [Localité 7].



L'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.



Les parties vivant en union libre au moment des remboursements litigieux, il convient d'appliquer le régime légal de l'indivision. Il est constant que le remboursement des échéances d'un emprunt contracté pour financer l'acquisition de l'immeuble indivis est une dépense de conservation remboursée par l'indivision à l'indivisaire ayant exposé la dépense. Il convient donc de s'assurer que la dépense a bien été faite sur les deniers personnels de l'indivisaire qui les invoque.



Par conséquent, si les échéances du prêt sont prises en charge par une assurance garantissant l'incapacité ou l'invalidité de l'emprunteur, qu'elles aient été versées directement au prêteur par la compagnie d'assurance ou qu'elles aient fait l'objet d'un remboursement à l'emprunteur qui en a fait l'avance, ces impenses qui ne proviennent pas de deniers personnels, n'ouvrent pas droit à créance au profit de l'indivisaire qui ne s'est pas trouvé appauvri d'une quelconque façon au profit de l'indivision.



En l'espèce, Monsieur [S] [W] reconnaît que l'assurance souscrite pour garantir le prêt a bien pris en charge une partie des échéances. Il est d'ailleurs produit aux débats plusieurs courriers du Crédit Foncier de France mais également de la compagnie AXA attestant de la mise en jeu de cette garantie et du versement direct par l'assureur d'un certain nombre de mensualités à l'organisme de crédit. Ces paiements qui ne proviennent pas du patrimoine de Monsieur [S] [W] ne peuvent lui ouvrir droit à créance. Par conséquent, il y aura lieu de déduire de la créance de Monsieur [S] [W] le montant total des versements effectués par l'assureur au titre de ce prêt.



Pour le reste, Madame [T] [E] ne rapporte pas la preuve de sa contribution au règlement des échéances de ce prêt, le seul document faisant référence à une éventuelle participation de Madame [T] [E] n'est pas daté ni signé et est donc inexploitable.



La créance FINAREF a été reconnue en justice. Elle est liquide et exigible. Elle a été payée par Monsieur [S] [W] et ouvre droit à créance contre l'indivision. Le jugement sera confirmé sur ce point.



Le jugement, qui a analysé avec minutie l'ensemble des pièces justificatives qui lui étaient soumises, sera également confirmé s'agissant de la créance détenue par Madame [T] [E] à l'égard de l'indivision au titre des taxes foncières pour un montant total de 2 848 €.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Chacune des parties succombant pour partie dans ses prétentions, les dépens d'appel seront partagés par moitié.



Aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant dans les limites de l'appel,



Confirme la décision entreprise sauf en ce que le premier juge a débouté Madame [T] [E] de sa demande au titre du prêt CFF,



Statuant à nouveau de ce chef,



Ordonne qu'il soit déduit de la créance de Monsieur [S] [W] à l'encontre de l'indivision, au titre des mensualités du prêt CFF, le montant total des versements effectués par l'assureur en remboursement de ce crédit,



Et en conséquence,







Ordonne au Notaire chargé d'établir l'acte définitif de partage de procéder aux rectifications nécessaires,



Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Ordonne le partage des dépens d'appel par moitié entre les parties et dit qu'ils seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,



LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

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