14 novembre 2019
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 19/01390

3ème chambre

Texte de la décision

14/11/2019



ARRÊT N°805/2019



N° RG 19/01390 - N° Portalis DBVI-V-B7D-M3WI

CBB/MR



Décision déférée du 15 Mars 2019 - Président du TGI de CASTRES (18/00151)

M. SCHWEITZER

















[B] [X]





C/





[U] [M]



Mutualité CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC - GROUPAMA D'OC



Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DU TARN





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***



APPELANTE



Madame [B] [X]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean FABRY de la SELARL DUCO-FABRY, avocat au barreau de TOULOUSE



INTIMES



Monsieur [U] [M]

[Adresse 7]'

[Localité 6]

Représenté par Me Michel ALBAREDE de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ALBI

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE



Mutualité CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC - GROUPAMA D'OC Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE



Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DU TARN Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social.

Assignée le 16 avril 2019 à personne morale

[Adresse 2]

[Localité 5]

Sans avocat constitué



COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

V. BLANQUE-JEAN, conseiller



Greffier, lors des débats : I. ANGER



ARRET :



- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre


FAITS



M. [M] a été gravement blessé dans une chute en moto lors d'une rencontre de motocross organisée le 29 octobre 2017 sur le terrain situé à [Localité 8] loué suivant bail rural par Mme [X].



La compagnie Groupama d'Oc, assureur multirisques-habitation du terrain de Mme [X] a refusé sa garantie par lettre du 19 décembre 2018 au motif que le contrat ne couvrait pas les manifestations sportives.



PROCEDURE



Par acte d'huissier du 28 novembre 2018, M. [M] a assigné la compagnie Groupama d'Oc et Mme [X] au contradictoire de la CPAM du Tarn devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Castres pour obtenir sur le fondement des articles 145 et 809 du code de procédure civile l'organisation d'une expertise et l'octroi d'une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel outre 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ordonnance du 15 mars 2019 le juge a :

- fait droit à la demande d'expertise médicale, et désigné pour y procéder le docteur [H] [S],

- condamné Mme [X] à payer à M. [M] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

- réservé les droits de la caisse primaire d'assurance maladie,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] aux dépens.



Par déclaration du 21 mars 2019, Mme [X] a relevé appel de la décision.

L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [M] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, et condamné aux dépens.



Par ordonnance du 12 juin 2019, le premier président de la cour d'appel a débouté Madame [X] de sa demande en suspension de l'exécution provisoire et l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



Mme [X] dans ses dernières conclusions en date du 19 septembre 2019 demande à la cour au visa des articles 145 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile de :

- dire et juger que la demande tendant à sa condamnation au paiement d'une provision à M. [M] se heurte à plusieurs contestations sérieuses.

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. [M] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Statuant à nouveau,

- débouter M. [M] de ses demandes à son encontre,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les dépens à la charge de M. [M].



Elle soutient que':

- elle conteste toute responsabilité dans l'accident et notamment une faute d'imprudence ou de négligence comme relevé par le premier juge en ce qu'elle aurait « organisé une rencontre sportive sans autorisation administrative préalable et sans qu'aucune exigence légale ou réglementaire pour encadrer les activités physiques et sportives ait été respectée »,

- en effet, elle ne peut être considérée comme organisateur d'une manifestation sportive puisqu'elle n'a fait que mettre à la disposition d'un groupe d'amis motards un terrain durant la journée, leur permettant d'exercer une activité de motocross ; les organisateurs sont ceux qui ont publié l'annonce Facebook, notamment, dont l'identité est pourtant connue : ils ont élaboré le tracé du parcours et réalisé l'implantation matérielle ; au surplus, l'organisateur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens dont le manquement n'est pas rapporté, ni même un éventuel lien causal avec le dommage alors qu'il est reconnu que la victime est tombée seule de sa moto,

- par ailleurs, le rôle causal de la chose n'est pas démontré (en l'espèce le relief sur le terrain) ; les circonstances de l'accident ne sont pas clairement établies et donc sujettes à contestations, notamment sur la faute de la victime ; la question relève de la compétence du juge du fond,

- la demande de provision se heurte donc à des contestations sérieuses.



M. [M] dans ses dernières conclusions en date du 3 juillet 2019 demande au visa des articles 145 et 809 alinéa 2 du code de procédure civile à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [S] au contradictoire de la compagnie Groupama d'Oc et de Mme [X].

A titre principal :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté M. [M] de sa demande de condamnation solidaire de la compagnie Groupama d'Oc et de Mme [X] au paiement d'une provision,

- condamner solidairement la compagnie Groupama d'Oc et Mme [X] au paiement d'une provision d'un montant de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel.

A titre subsidiaire :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [X] au paiement d'une provision en l'absence de contestation sérieuse,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a fixé le montant de la provision à 30 000 euros,

- condamner Mme [X] au paiement d'une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Il soutient que':

- depuis l'accident il souffre d'une paraplégie complète alors qu'au jour des faits, il n'était âgé que de 23 ans,

- il a saisi le tribunal au fond par assignations des 17 et 18 avril 2019,

- la mesure d'expertise doit être confirmée au contradictoire du Groupama assureur du terrain en ce que le rôle causal de la chose (caractère anormal du terrain) dans la réalisation du dommage est rapportée dès lors qu'il est attesté que le terrain comprenait une marche dangereuse sur laquelle d'autres participants ont également chuté ; la responsabilité du fait des choses étant susceptible d'être engagée, la présence de l'assureur à l'expertise est indispensable,

- de même que la responsabilité de l'assuré peut être engagée sur le terrain de la faute de négligence dès lors que le terrain n'était pas sécurisé ni aménagé pour une rencontre de moto ni homologué'; la décharge qu'il a signée est sans valeur, n'ayant jamais renoncé à tout recours contre le responsable de son dommage,

- la rencontre était organisée par Madame [X] via le site Facebook, elle avait la jouissance du terrain en vertu d'un bail rural et était assurée auprès du Groupama ; le terrain comprenait des dénivelées naturels ; la participation était payante à hauteur de 30 € par participant payés à Mme [X] et il n'avait à justifier d'aucune licence ni d'aucune assurance ni permis de conduire,

- sa responsabilité est donc engagée en toute hypothèse sur l'article 1241 du code civil en raison de son imprudence d'une part et du caractère anormal de la chose d'autre part de sorte qu'elle doit être condamnée à une provision solidairement avec son assureur,

- le fondement contractuel doit être rejeté en l'absence de contrat entre Madame [X] et Monsieur [M],

- elle apparaît comme seule organisatrice de la manifestation sportive,

- La Macif le garantit au titre d'une garantie contractuelle accident qui indemnise seulement le DFP évalué à75'% sous forme de rente.



La compagnie Groupama d'Oc, dans ses dernières conclusions en date du 5 juin 2019 au visa des articles 9, 145, 809 du code de procédure civile, l'article 1353 du code civil demande à la cour de :

- constater l'existence de nombreuses contestations sérieuses entachant la demande de provision à son encontre,

- débouter, en conséquence, M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contre elle,

- condamner enfin la ou les parties succombantes d'avoir à lui régler la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Elle expose que':

- bien qu'elle ne garantisse pas un accident survenu dans le cadre d'une manifestation sportive organisée à son insu, elle s'en remet quant à la désignation d'un expert,

- la demande de provision se heurte à des contestations sérieuses de l'obligation de l'assureur susceptibles de faire échec au moins partiellement à la demande,

- l'assureur multirisque habitation d'un bien immobilier ne peut pas garantir un accident survenu lors d'une manifestation sportive de motocross engageant des véhicules nécessairement assurés et ce, même si l'accident intervient sur un terrain appartenant ou sous la responsabilité de l'assuré agissant en qualité d'organisateur,

- en effet, l'accident est intervenu lors de l'organisation d'une manifestation sportive c'est-à-dire dans un cadre contractuel, l'assuré agissant en qualité d'organisateur': l'assurance responsabilité civile n'est donc pas mobilisable (annonce du programme sur son site Facebook, information sur la nécessité d'une assurance et de la signature d'une décharge de responsabilité, diffusion du programme de l'enduro cross, préparation du circuit, organisation de repas via le recours à un prestataire, versement de droit d'entrée à hauteur de 30 € pour la journée encaissée par Madame [X] (échange de courriels probants)),

- au surplus l'organisateur d'une activité sportive de loisirs n'était tenu qu'à une obligation de moyens,

- et l'anormalité du terrain n'est pas rapportée s'agissant d'une course de motocross se déroulant de facto sur un terrain jonché d'obstacles mais ne présentant aucun risque particulier ainsi que certains témoins en attestent ; les participants à une activité sportive acceptent les risques liés à cette activité ; la garantie de l'assureur responsabilité civile n'est donc pas mobilisable dans ce cadre d'une participation à une activité sportive,

- aucune action en responsabilité ne peut donc aboutir ce qui exclut la garantie de l'assurance multirisque habitation,

- et ce d'autant, que la victime a signé une renonciation à tout recours contre l'organisateur, elle a donc accepté une participation au risque,

- et elle était par ailleurs assurée auprès de la Macif pour une « garantie accident »,

- la preuve de contestations sérieuse étant rapportée, le Groupama ne peut être condamné au paiement d'une provision solidairement avec Madame [X].



La caisse primaire d'assurance-maladie du Tarn n'a pas constitué avocat bien que régulièrement citée le 16 avril 2019.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2019.



La cour a sollicité la production du contrat d'assurance Groupama en cours de délibéré, sans opposition des parties.




MOTIVATION



L'appel est limité à la condamnation au paiement de la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices de M. [M] et les intimés ne s'opposent pas à l'expertise sous la réserve d'usage relative à la responsabilité de Mme [X] et de la garantie du Groupama.



L'article 809, second alinéa, du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond. Ainsi, la contestation doit être sérieuse et paraître susceptible de prospérer au fond.



Et la contestation sérieuse prive le juge des référés du pouvoir de prescrire une mesure lorsque celle-ci implique le règlement par ses soins de cette contestation.



En l'espèce, M. [M] soutient devant la cour, la responsabilité de Mme [X] sur le terrain délictuel en application de l'article 1241 du code civil pour faute d'imprudence et de négligence et en sa qualité d'organisatrice d'une manifestation sportive.

Il fait également état de la responsabilité de Mme [X] du fait des choses. Il exclut le fondement contractuel ce qui l'autorise alors, à rechercher la garantie du Groupama.



Mme [X] reconnaît que la'«'rencontre amicale de motards'» ou «'manifestation sportive'» suivant la terminologie adoptée par les parties, du 29 octobre 2017, s'est déroulée sur son terrain qu'elle a prêté pour une activité «'d'enduro-cross'».



M. [M] a chuté au passage d'une «'marche'» qu'il qualifie de dangereuse'; M. [E], autre participant a chuté au même endroit et qualifie également ce passage de dangereux en ce que le terrain était en réalité un champ non sécurisé, comportant quelques banderoles de guidage mais où effleuraient encore des souches d'arbres coupés.



Mme [X] ne fait état d'aucune préparation ni homologation des lieux pour l'accueil d'une telle course qu'elle qualifie elle même «'d'enduro-cross'» soit une pratique sportive par nature dangereuse et comportant des risques pour la sécurité et la santé des participants.



Les contestations de la responsabilité de Mme [X] n'apparaissent donc pas en l'état suffisamment sérieuses pour justifier le rejet de la demande de provision. Et il n'appartient pas au juge des référés de trancher la question du fondement exact de la responsabilité délictuelle voire contractuelle invoquée ou opposée ni même de trancher la question de la qualité de Mme [X] d'organisatrice d'une manifestation sportive, qui relèvent de l'appréciation du juge du fond.



Au regard de la gravité des blessures subies en lien avec la chute de moto, le montant accordé par le premier juge de 30 000€ est donc fondé, M. [M] ne justifiant pas plus devant la cour du montant réclamé de 50 000€.



Le Groupama garantit Mme [X] au titre du contrat Privatis (assurance habitation) comprenant une assurance responsabilité civile vie privée et une assurance responsabilité civile propriétaire ou occupant d'immeuble.

L'assurance responsabilité civile vie privée garantit les conséquences financières de la responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle que l'assuré peut encourir au cours de sa vie privée en raison des dommages corporels et matériels causés à autrui et résultant d'un accident, voire les conséquences financières de la responsabilité civile contractuelle.

Le contrat ne garantit pas «'la pratique d'un sport lorsque la responsabilité de l'assuré est garantie par un contrat d'assurance attaché à une licence délivré par une fédération officielle'» ni, les dommages causés ou subis par un véhicule soumis à l'obligation d'assurance.



Dans ces conditions, au vu des conditions de l'assurance sus visées, il n'apparaît pas avec évidence que la garantie du Groupama sera écartée par le juge du fond et ainsi que son obligation se heurte à une contestation suffisamment sérieuse de son obligation.



Dès lors, Mme [X] et le Groupama seront condamnés solidairement à payer à M. [M] le somme de 30 000 € à titre provisionnel. La décision sera donc réformée sur ce point.



PAR CES MOTIFS

La cour



- Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Castres sauf en ce qu'elle a condamné Mme [X] à payer à M. [M] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.







Statuant à nouveau de ce chef infirmé,



- Condamne solidairement Mme [X] et le Groupama à payer à M. [M] une provision de 30.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.



- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [X] et le Groupama à lui verser la somme de 1500€.



- Condamne Mme [X] et le Groupama aux dépens d'appel.



LE GREFFIERLE PRESIDENT









I. ANGERC. BENEIX-BACHER

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