19 novembre 2019
Cour d'appel de Lyon
RG n° 19/03505

1ère chambre civile B

Texte de la décision

N° RG 19/03505 - N° Portalis DBVX-V-B7D-ML6J









Décisions :

- Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN

Au fond du 10 novembre 2015



RG : 13/10032

ch n°3 - Construction



- Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE

du 28 septembre 2017

RG : 16/01806

4ème chambre A



- Cour de Cassation Civ.3

du 18 avril 2019

Pourvoi n°D 18-11.414

Arrêt n°399 FS-P+B+R+I









[J]



C/



Commune de [Localité 1]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 19 Novembre 2019



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTE :



Mme [L] [R] [J]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2] (ALLEMAGNE)

[Adresse 1]

[Localité 3] (ALLEMAGNE)



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938

Assistée de la SCP LABORDE & FOSSAT, avocats au barreau de DRAGUIGNAN









INTIMÉE :



La Commune de [Localité 1] représentée par son maire en exercice, M. [K] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102

Assistée de Me Jean CAPIAUX, et du Cabinet DS Avocats, avocats au barreau de PARIS







******







Date de clôture de l'instruction : 11 Octobre 2019



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Octobre 2019



Date de mise à disposition : 19 Novembre 2019







Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller



assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier



A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.



Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE



M. [B] et M. [T] étaient propriétaires aux termes de deux actes reçus le 27 janvier 1978 par Me [Z] notaire à [Localité 1] d'une parcelle de terre située à [Localité 1], lieu-dit [Localité 5], cadastrée section A n°[Cadastre 1], figurant en emplacement réservé pour la réalisation d'un espace vert par le plan d'occupation des sols de la commune.



MM. [B] et [T] ont mis la commune en demeure d'acquérir cette parcelle.



Par un jugement du 20 septembre 1982, rectifié le 24 janvier 1983, le juge de l'expropriation du département du VAR a prononcé le transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 1] (la commune) de la parcelle AL n°[Cadastre 2] (issue de la parcelle A n°[Cadastre 1]) pour 1981 m² et de la parcelle AL n°[Cadastre 3] (issue de la parcelle A n°[Cadastre 4]) pour 119 m² et a fixé à la somme de 2 310 000 francs le prix d'acquisition des parcelles.



Par un arrêt 8 novembre 1983, la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a, réformant le jugement, fixé à la somme de 800 000 francs le prix de la parcelle A n°[Cadastre 1] et donné acte aux parties de leur accord sur l'acquisition par la commune de 125 m² de terrain prélevé sur la parcelle A n°[Cadastre 4].



Par un accord du 30 novembre 1993 conclu avec M. [T], la commune s'est engagée à rétrocéder une bande de terre en limite de sa propriété, à prélever sur la parcelle AL n°[Cadastre 2] lui appartenant, en contrepartie du terrain de 125 m² prélevé sur la parcelle A n°[Cadastre 4] (parcelle A n°[Cadastre 3]).



Le 22 décembre 2008, la commune a procédé à la vente aux enchères de la parcelle AL n°[Cadastre 3], de la parcelle AL n°[Cadastre 5] et de la parcelle AL n°[Cadastre 6], cette dernière provenant de la division de l'ancienne parcelle AL n°[Cadastre 7] elle-même issue de la division de la parcelle AL n°[Cadastre 2].



A l'issue des enchères, la société Fimas a été déclarée adjudicataire desdites parcelles, moyennant le prix de 5 320 000 euros.



La société Fimas a obtenu, le 18 octobre 2011, un permis de construire pour l'édification d'une villa individuelle avec piscine et garage.



Venant aux droits de MM. [B] et [T], Mme [J] a assigné la commune en paiement de la somme de 5 198 041 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice consécutif à la revente des parcelles, sur le fondement du droit de rétrocession de l'article L.12-6 du code de l'expropriation.







Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a déclaré recevable l'action de Mme [J] en qualité d'ayant-droit des propriétaires originaires de la parcelle délaissée, et a rejeté sa demande en dommages et intérêts.



Mme [J] a interjeté appel de ce jugement.



Par arrêt du 28 septembre 2017, la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a confirmé en toutes ses dispositions le jugement.



Mme [J] s'est pourvue en cassation le 30 janvier 2018.



La cour de cassation a rendu, le 18 avril 2019, la décision suivante :


- CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré recevable l'action de Mme [J] en qualité d'ayant droit des propriétaires originaires de la parcelle délaissée, l'arrêt rendu le 28 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.



Mme [J] demande à la cour d'appel de LYON, aux termes de ses dernières conclusions :



Vu l'article 1er du 1er protocole de la Convention européenne des droits de l'Homme,

Vu l'arrêt rendu le 18 avril 2019 par la Cour de cassation,

Vu le code de procédure civile,

Vu le code civil,

Vu la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics,



- REFORMER le jugement déféré et, statuant à nouveau,



- REJETER les fins de non-recevoir soulevées par la commune,



A titre principal :

- CONDAMNER la commune de [Localité 1] à verser à Mme [J] la somme de 7 326 041 euros correspondant à la valeur actuelle du bien diminuée de l'indemnité allouée aux auteurs de Mme [J], Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal, capitalisés par application de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil, à compter de la première demande d'indemnisation de Mme [J], formée par assignation du 29 octobre 2013.



A titre subsidiaire :



- CONDAMNER la commune de [Localité 1] à verser à Mme [J] la somme de 5 198 041 euros correspondant au prix de revente du terrain, en décembre 2008, diminuée de l'indemnité allouée aux auteurs de Mme [J], Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal, capitalisés par application de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil, à compter de la vente par la commune de [Localité 1] du terrain soit le 22 décembre 2008.



En toute hypothèse :

- CONDAMNER la commune de [Localité 1] à verser à Mme [J] la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral,



- ASSORTIR ces condamnations de l'intérêt au taux légal à compter du 29 octobre 2013, date de l'assignation, avec capitalisation annuelle à compter de cette date, par application des dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil,



- CONDAMNER la commune de [Localité 1] à verser à Mme [J] la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- CONDAMNER la commune de [Localité 1] aux dépens distraits au profit de Maître LAFFLY, Avocat, sur son affirmation de droit.


La Commune de [Localité 1] demande à la cour de renvoi aux termes de ses dernières conclusions :



Vu l'article 1er du Protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

Vu l'article 41 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

Vu la loi des 16 et 24 août 1790 relative à l'organisation judiciaire,

Vu les articles 122, 123, 564 et 565 du code de procédure civile,

Vu l'article 1er de la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968,

Vu les articles L 13-13, L 13-15 et R 13-46 du code de l'expropriation dans leurs rédactions, applicables à l'époque des faits,

Vu l'article L 123-9 du code de l'Urbanisme dans sa rédaction applicables à l'époque des faits,

Vu la convention du 25 septembre 2013.



A titre principal et liminaire,

- DIRE ET JUGER irrecevables les demandes de Mme [J] ;



Egalement à titre liminaire,

- SAISIR le Tribunal Administratif de TOULON de questions préjudicielles portant d'une part sur la question de savoir si, dans la présente affaire, un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu au sens de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme et, d'autre part, sur la légalité des délibérations du Conseil Municipal de [Localité 1] des 23 septembre et 30 octobre 2008 décidant de déclasser la parcelle AL [Cadastre 1] et de la céder en vue de réaliser un pôle enfance ;



Subsidiairement au fond,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN du 10 novembre 2015 ;



- REJETER la demande principale de Mme [J] tendant à la condamnation de la commune de [Localité 1] à lui verser la somme de 7 325 041 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi suite à la revente de la parcelle n°[Cadastre 1] ;



- REJETER la demande subsidiaire de Mme [J] tendant à la condamnation de la commune de [Localité 1] à lui verser la somme de 5 198 041 euros au titre du préjudice quelle estime avoir subi suite à la revente de la parcelle n°[Cadastre 1] ;



Très subsidiairement,

- FAIRE INJONCTION à Mme [J] de donner toutes informations sur les modalités du remploi du prix du bien délaissé en 1982 et sur la valeur actuelle des biens acquis en réemploi de ce prix ;



- FIXER les indemnités à revenir à Mme [J] à la somme de 4 785 055,68 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi suite à la revente de la parcelle n°[Cadastre 1] ;



En toute hypothèse,

- CONDAMNER Mme [J] à verser à la Commune défenderesse la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.










MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur l'étendue de la saisine :



Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;



Attendu que du fait de la cassation partielle, la recevabilité de l'action de Mme [J] est définitivement acquise, uniquement au regard de sa qualité d'ayant droit des propriétaires d'origine de la parcelle délaissée, que dès lors la cour de renvoi se doit d'examiner les moyens de recevabilité soulevés par la commune de [Localité 1] sur d'autres fondements,



Sur la recevabilité des demandes de Mme [J] :



*Sur la compétence :



Attendu que la mairie de [Localité 1] soutient que seul le tribunal administratif est compétent pour statuer sur l'action intentée par Mme [J], ce juge étant seul compétent pour constater, et le cas échéant sanctionner une illégalité fautive, voire la responsabilité sans faute d'une collectivité,



Mais attendu que le juge judiciaire est le gardien de la propriété individuelle, qu'il ne s'agit pas en l'espèce de dire si la commune de [Localité 1] a commis une faute mais si la mesure contestée porte une atteinte excessive au droit au respect des biens de Mme [J] au regard du but légitime poursuivi et dans l'affirmative de l'indemniser,



Attendu qu'il y a donc lieu de se déclarer compétent,



*Attendu que la mairie de [Localité 1] soutient que l'action de Mme [J] est irrecevable en ce qu'elle n'est pas dirigée contre l'état français :



Attendu que la mairie de [Localité 1] soutient que si Mme [J] est susceptible de recevoir une indemnité sur le fondement de l'article 1er du protocole additionnel de la CEDH, le débiteur ne peut être la collectivité territoriale qui a respecté la loi mais l'état français qui n'a pas introduit en droit interne des dispositions légales permettant d'effacer les conséquences de la violation de ladite convention,



Attendu que le transfert de la propriété concerné par le présent litige ayant été effectué au profit de la commune de [Localité 1] qui a ultérieurement revendu ledit bien, c'est à juste titre que Mme [J] a dirigé son action à l'encontre de cette dernière, que son action est recevable de ce chef,



*Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme :



Attendu que la commune de [Localité 1] allègue que la demande de dommages et intérêts serait nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce que, devant le tribunal de grande instance, la demande de dommages et intérêts était la résultante du droit à rétrocession qui était devenu impossible du fait de la cession de la parcelle litigieuse, et que devant la cour elle est fondée sur l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme,



Mais attendu qu'en application de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent,











Attendu que la demande de dommages et intérêts, fondée sur l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme, qui tend aux mêmes fins de dédommagement de son préjudice consécutif à la revente de la parcelle que la demande de dommages et intérêts au titre du droit à rétrocession devenu impossible, est dès lors recevable,



*Sur l'obligation de concentration des moyens :



Attendu que la commune soutient qu'il est porté atteinte au principe de concentration des moyens en sollicitant des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme alors que sa précédente demande indemnitaire fondée sur un autre moyen a été rejetée,



Attendu que s'agissant de la même instance, il n'est pas porté atteinte au principe de concentration des moyens,



*Sur la prescription :



Attendu que la commune soutient que l'action de Mme [J], qu'il s'agisse d'une créance de nature administrative ou civile, est dans toutes les hypothèses prescrite,



Attendu que la demande indemnitaire formée par Mme [J], née de la non pérennité de l'affectation du bien à l'intérêt général, est une créance de nature civile, que le point de départ du délai quinquennal de prescription de l'article 2224 du code civil, s'agissant d'une action personnelle ou mobilière, part du jour où elle a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d'exercer son action à savoir du jour de la revente par la commune de [Localité 1] du bien litigieux à la SA FIMA soit du 22 décembre 2008,



Attendu que Mme [J] ayant intenté son action par exploit du 29 octobre 2013, et la demande de dommages et intérêts, fondée sur l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme, ayant été considérée comme n'étant pas une demande nouvelle, dès lors non susceptible d'occasionner un report du délai aux premières conclusions l'invoquant, son action intentée dans le délai de 5 ans n'est dès lors pas prescrite,



Sur la question préjudicielle devant le juge administratif :



Attendu que la commune de [Localité 1] allègue que seul le juge administratif est habilité à constater une illégalité fautive et par conséquent devrait être saisi d'une question préjudicielle portant sur le bien fondé ou sur la légalité des décisions communales de désaffecter le parc de jeux litigieux, du déclassement de la parcelle concernée et de sa vente à un particulier,



Mais attendu qu'il n'est pas demandé au juge judiciaire de juger de la légalité de la mise en oeuvre du projet communal mais d'apprécier si la mesure contestée porte ou non une atteinte, excessive au regard du but légitime poursuivi, au droit au respect au bien de Mme [J], et si tel est le cas de lui allouer une indemnité,



Attendu qu'il n'y a dès lors pas lieu à question préjudicielle devant le juge administratif,



Sur le fond :



Attendu que l'article 1 du Protocole n°1 (P1-1) additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme dispose que :

"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes."



Attendu que la commune fait valoir que le prix évalué à 800 000 francs par la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE était bien représentatif de la valeur marchande du bien à l'époque, et a permis aux vendeurs de faire une bonne plus value, de réemployer ce prix pour le placer de sorte que le bien acquis en remploi a pu prendre de la valeur et que le bien litigieux acquis par des marchands de biens étant destiné à la vente, Mme [J] ne peut prétendre à un préjudice,



Attendu que Mme [J] soutient que les circonstances de l'espèce à savoir la cession du terrain inconstructible et réservé pour devenir un espace vert, le changement des règles d'urbanisme et la revente du terrain pour un prix 43 X supérieur au prix de la première cession caractérisent l'atteinte excessive au droit de celle-ci,



Attendu que la cour doit se pencher sur la question de savoir si la mesure contestée porte ou non une atteinte, excessive au regard du but légitime poursuivi, au droit au respect au bien de Mme [J], et pour se faire doit apprécier l'opération dans sa globalité,



Attendu qu'il résulte des pièces produites devant la cour de renvoi :



- qu'aux termes du POS rendu public le 7 janvier 1977, la parcelle litigieuse avait fait l'objet d'un emplacement réservé dans le dessein de créer un espace vert,



- que M. [B] et M. [T] ont acquis ce bien, évalué à la somme de 512 250 francs, en viager le 27 janvier 1978,



- que l'usufruitière est décédée le [Date décès 1] 1978,



- qu'après mise en demeure en application de la procédure de délaissement, le prix d'acquisition a été fixé par la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE par arrêt du 8 novembre 1983, aucun accord n'étant intervenu sur le prix de cession, à la somme de 800 000 Francs prix fixé sans tenir compte de l'emplacement réservé, pour un terrain à bâtir et libre d'occupation,



- que de 2002 jusqu'à sa vente, une aire de jeux a été aménagée sur ce terrain par la commune,



- que la commune a déclassé la parcelle litigieuse en vue de l'affecter au domaine public privé et l'a vendue en 2008 au prix de 5 320 000 euros,



Attendu qu'il résulte de ces éléments que de 1983 à 2002 soit pendant près de 20 ans puis après 2008 la parcelle litigieuse n'a pas reçu l'affectation d'intérêt général prévue, ayant justifié sa mise en réserve, et que la commune de [Localité 1] a déclassé la parcelle, qui faisait partie de son domaine public, pour permettre son affectation au domaine privé de la commune et la revendre en 2008 au prix de 5 320 000 euros réalisant ainsi une plus value très importante, au regard du prix auquel elle l'avait acquise,



Attendu que la commune ne s'explique pas sur l'absence d'aménagement d'un espace vert, motif de la réserve, pendant de très nombreuses années, après son acquisition,



que l'absence d'affectation pérenne de la parcelle litigieuse à l'intérêt général après 2008 ne peut être utilement combattue par l'argument, dont la preuve n'est, de plus, pas suffisamment rapportée par la commune, que le prix de vente de ladite parcelle aurait été utilisé pour financer la réalisation d'un pôle enfance,



Attendu que le fait que M. [B] et M. [T] aient été des marchands de biens et aient mentionné à l'acte de vente, à des fins fiscales, que l'immeuble était destiné à être revendu dans le délai de 5 ans, ne permet pas de préjuger de leurs intentions, non réalisées, quant au bien immobilier litigieux,



Attendu qu'au regard des éléments ci- dessus rappelés, la mesure contestée, en dépit du délai de 25 ans écoulé, porte une atteinte excessive au droit au respect des biens de Mme [J] au regard du but légitime poursuivi, justifiant son indemnisation par la commune de [Localité 1],



Attendu qu'il n'est pas justifié que l'acte d'échange de 1994 est de nature à minorer l'indemnisation due à Mme [J], précisément parce qu'il s'agissait d'un échange,



Attendu qu'il n'y a pas lieu à déduction au titre des travaux d'aménagement, la commune ne justifiant pas suffisamment par les pièces produites (relevés d'altimétrie et liste des végétaux plantés et frais d'aménagement générés) que les travaux réalisés, destinés à créer une aire de jeux, aient modifié de façon notable les caractéristiques du terrain et l'aient valorisé en vue de sa revente,



Attendu que Mme [J] a droit à des dommages-intérêts correspondant à la valeur actualisée du bien au jour de la décision constatant l'impossibilité de rétrocession, valeur incluant,'la plus-value acquise par ledit bien depuis la date à laquelle il a fait l'objet d'une expropriation', sous la seule déduction de l'indemnité principale perçue au moment de l'expropriation, majorée des intérêts au taux légal depuis son versement,



Attendu que Mme [J] ne justifie pas suffisamment de la plus value alléguée du bien entre 2008 et 2019 par sa pièce 9 émanant des Clés du midi, qui n'est pas un expert en matière immobilière et n'est pas spécifique au bien litigieux, que la plus value qui sera retenue par la cour est donc celle de 2008,



Attendu que la commune propose, à titre subsidiaire, de retenir concernant la déduction de l'indemnité perçue majorée des intérêts, un taux moyen de 5% l'an,



Attendu qu'au regard de la moyenne du taux d'intérêt légal pendant les années écoulées, il y a lieu d'appliquer un taux de 5%,et de calculer ainsi, le mode de calcul proposé par la commune n'étant pas critiqué par Mme [J], l'indemnité principale perçue majorée :



800 000 Francs x 1,05= 2 709 000 Francs soit 412 985,42 euros,



Attendu qu'ainsi le montant de la plus value diminué du prix payé initialement augmenté des intérêts soit 5 320 000 euros - 412 985,42 euros correspond à la somme 4 907 014,58 euros, somme au paiement de laquelle la commune est condamnée,



Attendu que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2008, date de la vente au profit de la SA FIMAS et qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil (devenu 1343-2 du code civil),



Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral :



Attendu que Mme [J] est déboutée de sa demande au titre du préjudice moral dont elle ne rapporte pas la preuve,


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :



Attendu que la commune est condamnée aux dépens et à payer à Mme [J] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Statuant dans les limites de la cassation,



Déclare l'action de Mme [J] recevable,



Déclare recevable sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne des droits de l'homme,



Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle devant le juge administratif,



Infirme la décision déférée,



Condamne la commune de [Localité 1] à verser Mme [J] la somme de

4.907 014,58 euros,



Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2008,



Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil (devenu 1343-2 du code civil),



Condamne la commune de [Localité 1] à verser Mme [J] à une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.







LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

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