22 novembre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/15257

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 22 NOVEMBRE 2019



(n°163, 5 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 18/15257 - n° Portalis 35L7-V-B7C-B533B



Décision déférée à la Cour : décision du 22 mai 2018 - Institut National de la Propriété Industrielle - Référence IG 17-005







DECLARANTE AU RECOURS





Association SAVON DE MARSEILLE FRANCE

Organisme de Défense et de Gestion d'indication géographique industrielle et artisanale du Savon de Marseille, agissant en la personne de son président, M. [I] [E], domicilié en cette qualité au siège situé

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Ayant élu domicile

C/O Cabinet de Me Stéphanie D'HAUTEVILLE

Avocat à la Cour

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée par Me Stéphanie D'HAUTEVILLE, avocate au barreau de PARIS, toque B 1087

Assistée de Me Stephan DENOYES, avocat au barreau de PARIS, toque B 721







EN PRESENCE DE





MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE (INPI)

[Adresse 5]

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représenté par Mme [H] [D], Chargée de Mission





COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 26 septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :



Mme Anne-Marie GABER, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère



qui en ont délibéré



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT





Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par Mme Brigitte GARRIGUES, Substitute Générale, qui a fait connaître son avis





ARRET :



Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.











Vu la décision n°2018-69 du 22 mai 2018, par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté la demande d'homologation d'indication géographique > n°17-005 déposée le 26 décembre 2017 par l'Association Savon de Marseille France (ASDMF) et modifiée par elle le 23 mars 2018, visant à protéger des savons sous forme solide, liquide ou pâteuse produits par saponification sur le territoire français à savoir l'ensemble des départements de la France métropolitaine et les départements d'Outre-Mer,



Vu le recours formé le 18 juin 2018 par l'ASDMF,



Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens du recours déposé au greffe par l'association requérante le 13 juillet 2018,



Vu l'arrêt de cette cour du 21 juin 2019 qui a rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) présentées par l'ASDMF le 15 mars 2019 dans le cadre de son recours,









Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées le 22 février 2019 sur ledit recours, soutenues contradictoirement à l'audience du 26 septembre 2019,



Vu le mémoire récapitulatif au soutien du recours de l'ASDMF déposé au greffe le 8 mars 2019, repris oralement à l'audience,



Le ministère public entendu en ses observations orales,






SUR CE,





L'ASDMF a déposé le 26 décembre 2017 auprès de l'INPI une demande d'homologation de son cahier des charges 'Savon de Marseille' en vue de l'obtention d'une indication géographique protégée industrielle et artisanale (IGPIA), étant rappelé que l'IGPIA résulte de l'homologation par l'INPI d'un cahier des charges.



Le directeur de l'INPI ayant, rejeté le 22 mai 2018 sa demande d'homologation, l'ASDMF a formé recours à l'encontre de cette décision qui retient que sa demande n'est pas complète et que le cahier des charges ne répond donc pas aux conditions prévues par les textes.



L'ASDMF a maintenu dans le dispositif de son mémoire récapitulatif sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la communication des observations éventuelles de la Commission européenne formulées dans le cadre des procédures d'homologation des cahiers des charges soumis par l'UPSM (Union des Professionnels du Savon de Marseille) et l'AFSM (Association des Fabricants de Savon de Marseille), mais reconnaît que l'INPI a communiqué les deux avis circonstanciés de la Commission européenne dont s'agit et que sa demande de sursis à statuer n'a plus lieu d'être. Ces avis concernent des demandes d'homologation après réalisation d'enquêtes publiques (2° de l'alinéa 2 de l'article L. 721-3 du code de la propriété intellectuelle).



Le présent recours tend à l'annulation de la décision de rejet de la demande d'homologation lors de la phase antérieure de vérification du contenu du cahier des charges (1° de l'alinéa 2 de l'article L.721-3 précité), et subsidiairement à son infirmation, étant précisé que, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour ne peut dans le cadre du présent recours que rejeter ledit recours ou annuler la décision déférée sans pouvoir y substituer sa propre décision.



Il sera rappelé que la décision d'homologation est prise par l'INPI après en premier lieu la vérification du contenu du cahier des charges, l'article R. 721-2 du code de la propriété intellectuelle prévoyant que lorsque le dossier déposé est incomplet l'INPI accompagne notamment la notification de réception du dossier, s'il y a lieu, d'une demande de compléments sur les éléments du dossier mentionnés à l'article R 721-1, le déposant devant alors adresser les éventuels compléments demandés, sous peine de rejet de la demande. Il résulte du 3° du II du dit article R.721-1que le dossier de demande d'homologation comprend le projet de cahier des charges de l'indication géographique comportant l'ensemble des précisions prévues à l'article L.721-7, soit en particulier le nom de l'indication géographique demandé, le produit concerné, la délimitation de la zone géographique associée, ainsi que la qualité, la réputation, le savoir-faire traditionnel ou les autres caractéristiques que possède le produit concerné et qui peuvent être attribuées essentiellement à cette zone géographique, ainsi que les éléments établissant le lien entre le produit et la zone géographique associée.











Il ne peut pas dès lors être sérieusement soutenu que l'INPI n'aurait pas le pouvoir dans le cadre de la vérification du contenu du cahier des charges d'apprécier le caractère éventuellement incomplet du dossier déposé sous peine de rejet de la demande, ni que pourrait être considéré comme complet un dossier comprenant un projet de cahier des charges qui ne comporterait pas l'ensemble des précisions susvisées.



En l'espèce l'INPI, après avoir reçu le projet de cahier des charges, a adressé à l'ASDMF le 26 février 2018 une notification 'd'incomplétude' précisant que des précisions méritaient d'être apportées, y annexant une demande de compléments, visant notamment les points 2 à 4 du cahier des charges relatifs respectivement au nom de l'indication géographique, au produit concerné, et à la présentation du produit.



Il ressort du courrier du 23 mars 2018 de transmission du cahier des charges ensuite 'mis à jour'par l'ASDMF que celle-ci n'a entendu apporter des modifications que sur le point 4, n'acceptant pas la position de l'INPI sur les points 2 et 3 arguant d'un traitement discriminatoire de sa demande, s'agissant de la zone géographique, et de l'absence de critère objectif et uniforme, s'agissant du produit concerné.



Or l'INPI avait relevé sur ces deux points respectivement :

- que la dénomination retenue était 'Savon de Marseille', que le nom de Marseille pouvait difficilement à lui seul caractériser la zone géographique choisie qui est la France entière et qu'en l'état la dénomination proposée ne répondait pas à la définition d'une indication géographique car ne permettant pas de caractériser la zone géographique,

- qu'une demande d'indication géographique ne peut porter que sur un produit unique alors que le projet de cahier des charges prévoit que le produit concerné peut exister sous formes solide, liquide ou pâteuse et peut être issu de réactifs différents selon des procédés différents.



C'est dans ces circonstances, que la décision de rejet critiquée a été rendue par le directeur général de l'INPI qui a notamment relevé que :

- la demande ne répondait manifestement pas à la définition d'une indication géographique, faute d'adéquation entre le nom de l'indication géographique demandée et la délimitation de la zone géographique, Marseille ne caractérisant pas la France entière, le procédé décrit apparaissant en outre reproductible en tout lieu et portant sur des produits issus de réactifs distincts selon des précédés différents,

- le projet de cahier des charges ne comprenait pas d'éléments de nature à établir que les savons liquides et pâteux présentaient une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques pouvant être attribuées 'essentiellement à cette zone géographique'.



L'ASDMF reproche à l'INPI d'avoir ainsi porté un jugement de valeur discrétionnaire sur le fond du cahier des charges qui selon elle contenait l'ensemble des éléments formels nécessaires.



L'INPI s'est toutefois prononcé dans le cadre d'une demande d'IGPIA, laquelle constitue la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, ce qui suppose des éléments quant à un lien entre le produit concerné et la zone géographique délimitée associée.



Or ensuite de la demande de compléments faite par l'INPI, pour l'IGPIA'Savon de Marseille'sollicitée, le produit concerné est selon le point 3 du cahier des charges le savon lié à la qualification 'de Marseille' qui regroupe le savon sous sa forme dure dit 'Savon de Marseille', mais aussi son évolution sous forme liquide dite 'savon liquide de Marseille' et son évolution sous forme pâteuse'Savon pâte de Marseille'>> et la délimitation de la zone géographique est la zone France selon le point 4 du dit cahier des charges, lequel vise un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble du territoire national, une absence de terroir des matières premières, et un procédé de fabrication>. Il y est fait état d'un 'procédé Marseillais' qui >, qui >, de plusieurs décisions judiciaires ayant retenu que le terme 'savon de Marseille' n'était pas attaché à un lieu et de considérations de l'administration et de la doctrine sur ce point.



Nonobstant la demande de compléments d'éléments, le cahier de charges quoique concernant la dénomination 'savon de Marseille' qui vise manifestement une seule ville de France associant le produit à cette commune précise que la délimitation de la zone géographique associée serait néanmoins la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble du dit territoire et d'un procédé trouvant son origine sur l'ensemble de ce même territoire.



Il s'infère de ces observations que le dossier de demande d'homologation de l'ASDMF en vue de l'obtention de l'IGPIA dont s'agit demeurait incomplet au sens des articles susvisés, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second point de la décision du directeur général de l'INPI, lequel a dès lors pu rejeter la demande d'homologation, sans excéder ses pouvoirs.



Il ne peut pas plus être retenu une rupture de l'égalité de traitement avec d'autres demandes concernant la même dénomination, comprenant le nom de Marseille, pour lesquelles une enquête publique a pu être réalisée, dans la mesure où celles-ci y associaient, ainsi qu'il ressort des avis précités de la Commission européenne, une zone délimitée au sein de la zone France et située dans le sud comme l'est la ville de Marseille, sans rapport avec la zone géographique choisie par l'ASDMF, étendue à l'ensemble du territoire national.



Le présent recours à l'encontre de la décision du directeur de l'INPI ne saurait en conséquence prospérer et il sera donc rejeté.







PAR CES MOTIFS, LA COUR





Rejette le recours formé par l'Association Savon de Marseille France à l'encontre de la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 22 mai 2018 ;



Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée à ce titre par l'Association Savon de Marseille France ;



Dit n'y avoir lieu à condamnation à dépens ;



Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à l'Association Savon de Marseille France et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle par lettre recommandée avec accusé de réception.





La Greffière La Présidente

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