5 décembre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/04952

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2019



(n° 553 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04952 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OVP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Février 2019 -Président du tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 19/00324





APPELANTS



Monsieur [E] [Y]



[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assisté par Me Pauline MULLER du cabinet SAINT LOUIS AVOCATS substituant Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K79



Madame [L] [W] ÉPOUSE [Y]



[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Pauline MULLER du cabinet SAINT LOUIS AVOCATS substituant Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K79





INTIMES



Monsieur [R] [R]



[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté et assisté par Me Aude WEILL RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0430





SA SOCIETE DE GESTION DE GARANTIES ET DE PARTICIPATIO NS (SGGP)

représentée par son représentant légal domicilié audit siège



[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 302 09 7 1 911



Représentée par Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R189

Assistée par Me Delphine POIDATZ-KERJEAN substituant Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R189,

Assistée par Me Victoire CHATELIN substituant Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R189,





SCI MAUNOURY INVEST 2012 prise en la personne de son gérant Monsieur [R] [R]



[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 538 785 304



Représentée et assistée par Me Aude WEILL RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0430





SARL FINANCIERE ET FONCIERE DES VICTOIRES prise en la personne de son gérant, Monsieur [E] [Y]



[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Géraldine GAMBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D80,





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique DELLELIS, Présidente

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Isabelle CHESNOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle CHESNOT dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Lauranne VOLPI







ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Véronique DELLELIS, Président et par Lauranne VOLPI, Greffière,














EXPOSÉ DU LITIGE





Par jugement en date du 26 novembre 2002 (rectifié par décisions des 18 mars 2003 et 27 mai 2004), le tribunal de commerce de Paris a condamné M. [E] [Y] et Mme [L] [W] épouse [Y] à rembourser à la société Baticréances la somme de 11 434 830,08 euros augmentée des intérêts.



Le patrimoine de la société Baticréances a été repris par la Société de gestion de garanties et de participations ( ci-après SGGP ).



La SGGP et les époux [Y] ont conclu un protocole d'accord transactionnel en date du 7 avril 2009. Il était prévu une clause de retour à meilleure fortune aux termes de laquelle les époux [Y] s'engageaient à rembourser à la SGGP tout ou partie de la dette restant due, en cas d'amélioration de leur situation financière, cette clause s'appliquant pendant une durée de 10 ans à compter de la signature du protocole, soit jusqu'au 7 avril 2019, ainsi qu'une clause résolutoire dans l'éventualité de fausses déclarations.



Soupçonnant les époux [Y] d'avoir omis de déclarer certains biens détenus par l'intermédiaire de plusieurs SCI 'écrans', la SGGP a sollicité et obtenu le 28 juillet 2017, sur requête non contradictoire présentée sur le fondement de l'article 145, une ordonnance autorisant un huissier de justice désigné à procéder à un constat informatique au domicile des époux [Y], ainsi qu'aux sièges sociaux de la Société Financière et foncière des victoires ( ci-après FFDV ), dont M. [Q] est le gérant, et de la SCI Maunoury Invest 2012, dont M. [R] [R] est le gérant.



Par acte du 28 décembre 2017, les époux [Y] et la SARL Financière ont assigné la Société de gestion de garanties et de participations devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue le 28 juillet 2017.



Par ordonnance de référé, contradictoire, rendue le 22 février 2019, la juridiction saisie a :

- reçu M. [R] en son intervention volontaire ;

- dit qu'il n'y avait pas lieu à surseoir à statuer dans le cadre de la plainte pénale déposée par les époux [Y] ;

- débouté les époux [Y], la société FFDV et M. [R] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné in solidum les époux [Y], la société FFDV et M. [R] à payer à la SGGP la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

- le souci d'efficacité justifie qu'il soit dérogé au principe du dérogatoire, la requête exposant qu'une procédure contradictoire permettrait aux consorts [Q] d'effacer ou d'ordonner que soient effacés des ordinateurs tous fichiers ou documents utiles ;

- la SGGP justifie dans sa requête de la possible existence d'un procès futur notamment en résolution du protocole d'accord transactionnel ou dans l'exercice d'une action paulienne ;

- la SGGP justifie de la possibilité d'une confusion entre le patrimoine des époux et celui de la FFDV et d'une soustraction d'un immeuble sis [Adresse 1] ;

- l'ordonnance querellée a entendu cantonner la copie des documents à une liste de mots clés limitativement énumérés qui sont tous en relation avec les litiges futurs envisagés par la défenderesse, soit en ce qui concerne les sociétés concernées et leurs associés, soit en ce qui concerne les biens immobiliers en cause.



Par déclaration en date du 4 mars 2019, les époux [Y] ont fait appel partiel de cette ordonnance.

L'ordonnance est critiquée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a reçu M. [R] en son intervention volontaire.



Au terme de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 14 octobre 2019, les époux [Q] demandent à la cour, sur le fondement des articles 378, 493 et 496 alinéa 2 et suivants du code de procédure civile, de :

- les dire recevables et bien fondés dans leur appel ;

En conséquence :

- prendre acte de l'intervention volontaire de M. [R] ;

- dire et juger que la SCI Maunoury Invest 2012 et M. [R] sont bien parties à la présente procédure d'appel ;

- infirmer l'ordonnance de référé rétractation rendue le 22 février 2019 en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- débouté M. [Y] et Mme [Y], la société Financière et M. [R] de leurs demandes ;

- condamné in solidum M. [Y] et Mme [Y], la société Financière et M. [R] à payer à la Société de gestion de garanties et de participations la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Et statuant à nouveau, in limine litis, à titre principal :

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction pénale, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par eux ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2017 à leur encontre n'est pas légalement admissible et viole de manière injustifiée le principe du contradictoire ;

- rétracter l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2017 ;

- dire que l'ensemble des documents saisis doivent être restitués par la SGGP, sous contrôle de l'huissier de justice ayant instrumenté la mesure d'instruction, et faire interdiction à celle-ci de les utiliser ;

En tout état de cause,

- condamner la SGGP à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Les époux [Y] font valoir en substance les éléments suivants :

- sur le sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale :

- ils ont porté plainte avec constitution de partie civile contre X pour violation du secret fiscal et contre la SGGP pour recel de violation du secret fiscal ;

- ils alertent sur l'obtention anormale des informations présentées par la SGGP dans sa requête et l'utilisation d'informations privilégiées ; de fait, la décision de la juridiction pénale aura une influence sur la procédure de rétractation en cours ;



- sur la rétractation de la mesure d'instruction :

- en multipliant les procédures judiciaires, la SGGP tente de remettre intégralement en cause les accords des parties ; la clause de retour à meilleure fortune arrivant bientôt à son terme, la SGGP tente de reprendre les poursuites sur l'intégralité de la créance ;

- la seule volonté de la SGGP de se défaire d'un protocole, pourtant constitutif de la loi des parties, ne peut constituer à elle seule un motif légitime ;

- leur proposition transactionnelle s'entendait en dehors de tout contentieux (courrier du 5 septembre 2016) ;

- la SGGP ne prouve pas qu'ils auraient organisé leur insolvabilité ou caché plusieurs biens immobiliers ;

- elle ne démontre pas sérieusement un risque de déperdition de preuve justifié par une note technique selon laquelle un fichier informatique aurait été supprimé et glissé dans la « corbeille » de l'ordinateur ;

- les informations exposées par la SGGP dans sa requête sont confidentielles et n'ont pu être obtenues sans l'aide de son actionnaire principal (l'Etat), grâce à ses pouvoirs exorbitants d'enquête, ce qui constituent des agissements relevant d'une action pénale et ne doivent donc pas permettre de légitimer sa requête ;

- le président du tribunal relève dans son ordonnance plusieurs éléments qui ne sont pas probants ;

- ils ne sont pas associés de la FFDV et ne retirent aucun bénéfice de la détention des titres de sociétés par la FFDV ; la propriété à [Localité 1] n'a jamais été leur résidence ;

- la Société de gestion de garanties et de participations ne démontre à aucun moment l'existence d'écritures comptables, ni de mouvements de fonds les impliquant ;

- sur le constat informatique :

- les mots-clés énumérés ne sont pas tous en relation avec les sociétés, les associés et les biens immobiliers en cause dans les litiges futurs envisagés par la SGGP ; ils permettent à la mesure d'instruction d'avoir un spectre large non purement circonscrit aux faits litigieux ; cette mesure n'est donc pas proportionnée (ex de mots : solde ou dépôt) ;

- la mission de l'huissier n'est pas limitée dans le temps et revêt les caractéristiques d'une mission générale d'investigation ;

- l'absence de mesure de séquestre entraîne une délégation du pouvoir juridictionnel à l'huissier de justice dont la mission dépasse alors le cadre du simple constat.



La société de gestion de garanties et de participations , par conclusions transmises par voie électronique le 22 octobre 2019, demande à la cour, sur le fondement des articles 145 et 493 du code de procédure civile, de :

A titre liminaire :

- rectifier l'erreur matérielle de l'ordonnance dont appel 'en ce qu'il est indiqué en deuxième page le nom de la « SCI Maunoury Invest 2012 » comme partie à la procédure en indiquant « [R] [R] » en lieu et place de la SCI Maunoury Invest 2012 sur la deuxième page de l'ordonnance' ;

A titre principal :

- dire et juger que la SCI Maunoury Invest 2012 n'est pas intimée à la présente procédure et irrecevable en qualité d'intervenant volontaire ;

- confirmer l'ordonnance du 3 juillet 2019 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les écritures de la SCI Maunoury Invest 2012 en qualité d'intervenant volontaire ;

- déclarer d'office irrecevables les écritures de la SCI Maunoury Invest 2012 communiquées le 21 octobre 2019 en qualité d'intimé car hors délais ;

En conséquence :

- débouter la SCI Maunoury Invest 2012 de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- dire et juger que M. [R] n'est ni intimé, ni appelant, ni intervenant volontaire, dans la présente procédure ;

- confirmer l'ordonnance du 3 juillet 2019 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les écritures de M. [R] ès qualités d'intimé et d'appelant incident ;

- déclarer d'office irrecevables les écritures de M. [R] communiquées le 21 octobre 2019 ès qualités d'intervenant volontaire et appelant incident car hors délais ;

En conséquence :

- débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter les époux [Y] et la Société Financière et foncière des victoires de toutes

leurs demandes, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a :

- dit qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer,

- débouté M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] de leurs demandes en rétractation de l'ordonnance en date du 28 juillet 2017 ;

- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] à payer à la Société de gestion de garanties et de participations 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] aux dépens.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, M. [R] était recevable en sa qualité d'intimé, d'appelant incident et d'intervenant volontaire,

- débouter la SCI Maunoury Invest 2012 de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter M. [R] de toutes ses demandes fins et prétentions ;

- débouter la Financière et foncière des victoires de toutes ses demandes, fins et

prétentions ;

- débouter les époux [Y] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a :

- dit qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer,

- débouté M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] de leurs demandes en rétractation de l'ordonnance en date du 28 juillet 2017 ;

- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] à payer à la Société de gestion de garanties et de participations  5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], la société Financière et Foncière des Victoires et M. [R] aux dépens.

En tout état de cause :

- condamner in solidum M. [Y], Mme [Y] et la Société Financière et foncière des victoires à 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction pour Me Bonifassi.



La SGGP expose notamment ce qui suit :

- sur les conditions de réalisation du constat d'huissier chez M. [R] :

- le constat informatique n'est pas intervenu au domicile personnel de M. [R] mais au siège social de la SCI Maunoury Invest 2012 ;

- au jour de la requête, elle disposait d'éléments démontrant l'implication de M. [R] dans le rachat par la SCI Maunoury Invest de l'appartement sis avenue Maunoury, résidence principale des époux [Y] ;

- quand bien même les téléphones portables et ordinateurs seraient la propriété de tiers, cela n'affecte en rien le constat informatique réalisé puisque la notion de propriétaire n'a en l'espèce aucune importance, seule la qualité de l'utilisateur est primordiale ;

- il ressort du constat informatique la présence de nombreux éléments sur la SCI Maunoury Invest 2012 sur les téléphone et ordinateur remis par M. [R] à l'huissier de justice dont notamment la comptabilité de la SCI Maunoury Invest 2012 ;

- sur la confirmation de l'ordonnance du 28 juillet 2017 :



- sur le motif légitime :

- la requête faisait clairement état d'agissements dolosifs et de faits apportant un doute sérieux quant à la régularité et la légalité des montages réalisés par les époux [Y] au travers d'un grand nombre de sociétés (paiement par la FFDV, utilisation personnelle de la propriété de [Localité 1] etc...) ;

- les époux [Y] ne justifiaient pas de la publicité du don des parts sociales dans les formes légales, ce qui rend ce dernier inopposable à la SGGP, de sorte qu'à la date de signature du protocole, Mme [Y] était effectivement propriétaire des 50 parts sociales de la SCI Lucky ;

- cette donation est susceptible d'être une fraude, le don manuel ayant été réalisé cinq jours après que les époux [Y] eurent reçu une assignation délivrée à la requête de la SGGP introduisant une action paulienne ;

- les époux [Y] utilisent la société FFDV à titre personnel et il était essentiel de comprendre comment la FFDV permet aux époux [Y] de dissimuler leur patrimoine ;

- les informations qu'elle expose dans sa requête ont toutes été obtenues de manière légale et auprès de sources publiques (greffes des tribunaux de commerce, RCS ...) ;

- ni le secret des affaires, ni le respect de la vie privée ne sont des obstacles de principe à l'expertise in futurum de l'article 145 ;



-sur la proportionnalité :

- la mesure exercée n'était pas disproportionné par rapport aux besoins de la Société de gestion de garanties et de participations pour recouvrer ses droits et le juge qui a ordonné la mesure s'est assuré que les éléments de preuves recherchés soient parfaitement circonscrits aux faits décrits dans la requête et aux besoins de la procédure judiciaire envisagée.



- sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire :

- il ressort de la réalité de la vie économique actuelle que les échanges et le stockage d'archives se font désormais sous une forme dématérialisée, facilement escamotable ; il existait un risque réel de dépérissement des preuves relatives aux montages frauduleux ce qui justifiait le recours à l'ordonnance sur requête ;

- elle a été par le passé confrontée à la mauvaise foi et aux montages frauduleux des époux [Y], puisque ces derniers ont toujours refusé d'exécuter le jugement du 26 novembre 2002 devenu définitif en 2004 ;

- elle avait parfaitement conscience que, dès lors que les époux [Y] auraient eu connaissance de l'assignation en référé aux fins d'une expertise in futurum, ces derniers auraient effacé de leurs ordinateurs toute trace de leur implication dans ces montages ;

- ses craintes étaient in fine fondées puisque dès le début du constat, M. [Q] a tenté d'effacer des fichiers ( le fichier « AD-Perso » ayant été supprimé et placé dans la corbeille de l'ordinateur le jour du constat un peu avant 9h) et la nouvelle fraude avec un don manuel des parts de la SCI Lucky a été réalisée cinq jours à peine après la signification d'une assignation.



La SARL Financière et foncière des victoires, par conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2019, demande à la cour, sur le fondement 378, 493 et 496 alinéa 2 et suivants du code de procédure civile, de :

- dire la société FFDV recevable et bien fondée en son appel ;

En conséquence :

- infirmer l'ordonnance de référé rétractation rendue le 22 février 2019 par M. le président du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

- débouté la société Financière de ses demandes ;

- condamné in solidum M. [Y] et Mme [Y], la société Financière et M. [R] à payer à la Société de gestion de garanties et de participations la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Et statuant à nouveau, in limine litis, à titre principal :

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction pénale,

à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. et Mme [Y] ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2017 à l'égard de la société FFDV n'est pas légalement admissible et viole de manière injustifiée le principe du contradictoire ;

- rétracter l'ordonnance sur requête du 28 juillet 2017 ;

- dire que l'ensemble des documents saisis doivent être restitués par la Société de Gestion de Garanties et de Participations, sous contrôle de l'huissier de justice ayant instrumenté la mesure d'instruction, et faire interdiction à celle-ci de les utiliser ;

En tout état de cause,

- condamner la SGGP à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



La SARL Financière et foncière des victoires, dont M. [Y] est le gérant, expose en résumé ce qui suit :

- sur la rétractation de la mesure d'instruction ordonnée :

- le non-respect du contradictoire n'était pas une absolue nécessité pour assurer la protection du requérant, puisque le motif invoqué par ce dernier est la nullité d'un protocole d'accord transactionnel ;

- la SGGP ne démontre à aucun moment l'existence du moindre mouvement de fonds impliquant les époux [Y] et prouvant qu'ils ont organisé leur insolvabilité , ni leur qualité de propriétaires de plusieurs biens immobiliers cachés à leur créancier au moment de la signature du protocole ;

- le caractère très vaste des investigations qu'elle sollicite prouve la carence dans l'administration de la preuve -qui lui incombe- de la matérialité des faits incriminés ;

- la suppression de documents informatiques par le biais de la « corbeille » est courante et n'est pas définitive, le document restant inscrit dans le disque dur de l'ordinateur ;

- il n'existe aucune présomption d'abus de gestion ni d'irrégularité affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux ;

- s'agissant de voir ordonner la saisie de pièces comptables et commerciales touchant nécessairement au secret des affaires, il ne saurait être valablement soutenu par la SGGP que les données risquaient d'être détruites sans justifier d'éléments factuels qui lui ont légitimement laissé penser que la société FFDV agirait en ce sens ;

- la mesure sollicitée à l'encontre de la FFDV n'est pas indispensable pour démontrer les détournements frauduleux des époux [Y] au regard de l'ampleur des faits que prétend dénoncer la SGGP ;

- ni la requête ni l'ordonnance rendue le 28 juillet 2017 ne caractérisent les circonstances particulières ayant justifié la dérogation au principe du contradcitoire ;

- la mesure d'instruction n'est pas proportionnée puisque certains termes communs tels que « bateau, yacht, compte courant d'associé, propriété, immeuble, bien immobilier, banque, compte, solde, compte joint, dépôt » ne définissent pas avec précision des actifs susceptibles de se rapporter aux époux [Y] et d'être utilisés dans les procédures judiciaires introduites par la SGGP ;

- la mesure d'instruction telle qu'elle a été ordonnée n'est pas légalement admissible,

puisqu'elle revêt toutes les caractéristiques d'une mission générale d'investigation.



Par ordonnance en date du 3 juillet 2019, la cour a déclaré irrecevables les conclusions déposées par la SCI Manoury Invest et M. [R] le 12 juin 2019.

Des conclusions ultérieures, signifiées par le RPVA le 21 octobre 2019 pour ces mêmes parties, ne seront donc pas examinées par la cour.








SUR CE LA COUR



La cour constate que la SCI Maunoury Invest 2012 n'est pas partie en la cause pour n'avoir pas été assignée par la société FGGP puis n'être pas intervenue volontairement à l'instance devant le premier juge comme devant la cour, seul M. [R] [R], au demeurant gérant de la SCI Maunoury, ayant été déclaré recevable par le premier juge en son intervention volontaire.



Aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.



Lorsqu'il agit sur requête, le demandeur à la mesure d'instruction doit, en application des articles 812 et 493 du code de procédure civile, démontrer les éléments caractérisant des circonstances justifiant la dérogation au principe de la contradiction. Cette démonstration doit être faite dans la requête qui ne peut se borner à invoquer un risque de dépérissement des preuves et à reprendre les termes de l'article 493 précité sans décrire les éléments propres au cas d'espèce caractérisant de telles circonstances.



En l'espèce, la cour relève qu'aux termes de sa requête présentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la Société de gestion de garanties et de participations :

- expose qu'elle envisage d'agir en justice à l'encontre des époux [Y] en résolution du protocole d'accord transactionnel pour violation de ses articles 1, 3 et 6 ainsi qu'à l'encontre de ceux-ci et de certaines personnes morales et physiques dans le cadre d'une action paulienne sur le fondement de l'ancien article 1167 du code civil et du principe 'Fraus omnia corrumpit' ;

- décrit des montages financiers destinés, selon elle, à dissimuler les actifs des époux [Y] et des opérations démontrant une confusion des patrimoines de la FFDV et des époux [Y] ;

- explique que les éléments de preuve dont elle dispose ne sont pas suffisants pour engager une action en justice et qu'il est nécessaire qu'elle puisse obtenir des informations sur les liens existants entre la SCI Saint Denis Basilique, le bien immobilier de [Localité 1] et les membres de la famille [Q], les mouvements sur les comptes bancaires de la FFDV, les liens entre la FFDV et diverses sociétés en participation.



En conclusion de la partie de la requête intitulée 'Sur les preuves complémentaires nécessaires à l'introduction de l'action au fond', la SGGP énonce que : 'Les circonstances et la conservation de la preuve exige, bien entendu, qu'une décision non contradictoire soit rendue à l'encontre de Monsieur [E] [Y] et de Mme [L] [W] épouse [Y], Madame [H] [Y], Monsieur [B] [M], SARL Financière et Foncière des Victoires, SCI Saint Denis Basilique et SCI Maunoury Invest 2012; en effet, une procédure contradictoire permettrait à ces derniers d'effacer (ou d'ordonner que soient effacés) de ses ordinateurs tous fichiers/documents utiles.

Dès lors, Madame ou Monsieur le Président du Tribunal de grande instance ne pourra que constater que la société SGGP a un motif légitime d'établir, avant tout procès, les preuves précitées.' ( page 31 de la requête, mis en gras et souligné dans la requête).



Ces considérations d'ordre général sur la possible disparition de preuves détenues sur des supports informatiques ne répondent pas à l'exigence de caractérisation, in concreto, des circonstances particulières au cas d'espèce, justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction.

Le fait que le jour du constat d'huissier ayant débuté à 8 heures, M. [Y] a transféré un fichier intitulé 'AD-Perso' dans la corbeille de son ordinateur peu avant 9 heures, ne peut justifier, a posteriori, l'utilisation d'une mesure d'instruction non contradictoire, ce d'autant moins qu'une telle manoeuvre ne permet pas d'effacer définitivement les éléments contenus dans ce fichier, lesquels subsistent dans la mémoire du disque dur de l'ordinateur.



Par ailleurs, les informations que la SGGP estime nécessaires à une action future, listées page 24 de la requête, à savoir les participations et liens capitalistiques de la société FFDV, le patrimoine et les opérations immobilières ainsi que mobilières ( achat d'un bateau ) réalisées par les époux [Y] et la FFDV, les divers lieux de résidence et les relations d'affaires de M. [Y] peuvent être recueillies -et l'ont au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles- auprès de sources légales tels que les greffes des tribunaux de commerce, y compris à l'étranger, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers, les services de la publicité foncière.



En dernier lieu, force est de constater que le juge ayant rendu l'ordonnance autorisant les investigations par huissier de justice n'a pas relevé les circonstances particulières justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire.



Dans ces conditions, en l'absence de circonstances précises imposant à la SGGP de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause, l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 doit être rétractée.



Par conséquent, sans qu'il soit utile de statuer sur la demande de rectification d'erreur matérielle et sur la demande de sursis, l'ordonnance de référé-rétractation dont appel est infirmée.



Compte tenu du sens de la présence décision, les dépens de l'entière instance doivent être mis à la charge de la SGGP.



Il serait inéquitable de laisser totalement à la charge des époux [Y] et de la société FFV les frais irrépétibles engagés pour la présente procédure. Il leur sera accordé des indemnités telles que fixées dans le dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, par arrêt contradctoire, mis à disposition au greffe



Infirme l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris en date du 22 février 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a reçu M. [R] [R] en son intervention volontaire ;



En conséquence, statuant à nouveau,



Rétracte l'ordonnance rendue par le juge des requêtes en date du 28 juillet 2017 ;



Dit n'y avoir lieu à ordonner la mesure d'investigation sollicitée par la société FGGP ;



Condamne la SA Société de gestion de garanties et de participations aux dépens et à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'entière procédure procédure la somme globale de 5 000 euros aux époux [Y] et celle de 3 000 euros à la société Financière et foncière des victoires ;



Rejette toute autre demande.









La Greffière, La Présidente,

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