12 décembre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/02309

Pôle 4 - Chambre 7

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 12 Décembre 2019



(n° / 2019 , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02309 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B45RH



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Créteil- RG n° 16/00207





APPELANT



Monsieur [B] [U] [N]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 15]



Représenté par Me Rajess RAMDENIE de la SELARL GMR AVOCATS - GRANGE MARTIN RAMDENIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R251

Assistée de Me Charlie ZERNA du cabinet GMR AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R251





INTIMES



Société SADEV 94

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 13]



Représentée par Me Michaël MOUSSAULT de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T007

Assistée de Me Xavier GOSSELIN du cabinet DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T007





DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 12]



Représentée par M. [V] [P] en vertu d'un pouvoir spécial







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Hervé LOCU, Président de chambre et chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Hervé LOCU, Président de chambre

Mme. Valérie MORLET, Conseillère

Mme Marie-José DURAND, Conseillère



Greffière : Mme Samira SALMI, lors des débats





ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Hervé LOCU, et par Mme Léna ETIENNE, présente lors de la mise à disposition, auquel ou à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ :



Par arrêté du 28 octobre 2010, le préfet du Val-de-Marne a décidé la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) [Localité 14], dont l'aménagement a été confié à la Société d'aménagement et de Développement des Villes et du Département du Val-de-Marne (SADEV 94). Par suite, par arrêté du 11 juillet 2011, le Préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique, au profit de la SADEV 94, l'acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la ZAC [Localité 14].



L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 02 mars 2015.



Est notamment concerné par l'opération M. [N], propriétaire d'un bien sis [Adresse 5] correspondant aux lots 5, 7 et 15 de la parcelle cadastrée section AY n°[Cadastre 6] d'une superficie totale de 46,66 m². Les lots 5 et 7 correspondent à un appartement sur deux niveaux (rez-de-chaussée avec séjour, cuisine et 1er étage avec deux chambres et une salle de bain indépendante comportant un WC) et le lot 15 à une cave.



Faute d'accord sur l'indemnisation la SADEV a, par mémoire visé au greffe le 22 novembre 2016, saisi le juge de l'expropriation du Val-de-Marne



Par jugement du 06 novembre 2017, après transport sur les lieux le 28 mars 2017, celui-ci a :

- fixé l'indemnité due par la SADEV à M. [N] de la façon alternative suivante :

- si M. [N] renonce à être relogé, à la somme de 178 968 euros soit :



- 158 644 euros au titre de l'indemnité principale ;

[46,66 m² x 3400 euros]

- 16 364 euros au titre du remploi ;



-3 960 euros au titre des frais de déménagement ;

-si M. [N] demande à être relogé à la somme de 152 792 euros soit :

- 134 847 euros au titre de l'indemnité principale ;

[46,66 m² x 3400 euros x 0,85]

- 13 985 euros au titre du remploi ;

- 3 960 euros au titre des frais de déménagement ;







- condamné la SADEV à verser à M. [N] la somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SADEV aux dépens.



M. [N] a interjeté appel le 19 janvier 2018.



L' affaire fixée à l'audience du 28 mars 2019 a fait l'objet de deux renvois aux audiences du 20 juin 2019, puis à l'audience du 10 octobre 2019, en raison de transactions entre les parties, qui finalement ne sont pas parvenues à un accord.



Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :



- déposées au greffe, par M. [N], le 20 avril 2018, notifiées le 20 avril 2018 (AR du 23 avril 2018), aux termes desquelles il demande à la cour :

- d'annuler le jugement du 06 novembre 2017 sauf en ce qui concerne l'allocation des frais irrépétibles au titre de l'article 700 du code de procédure, qui sera confirmée ;

- en conséquence, statuant à nouveau de fixer :

- l'indemnité principale à la somme de 213 237 euros ;

[49,59 m² x 4 300 euros]

- l'indemnité de remploi à la somme de 22 323,70 euros ;

- l'indemnité de déménagement à la somme globale de 3 960 euros ;

- de condamner l'expropriante à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner l'expropriante aux entiers dépens ;



- déposées au greffe, par la SADEV 94 intimée, le 20 juillet 2018, notifiées le 21 août 2018 (AR du 06 septembre 2018), aux termes desquelles elle demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 06 novembre 2017 ;

- de condamner M. [N] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;



- adressées au greffe, par le Commissaire du gouvernement, respectivement le 07 juin 2018, notifiées le 11 juin 2018 (AR du 13 juin 2018) et le 27 février 2019, notifiées le 11 mars 2019 (AR du 17 mars 2019), aux termes desquelles il demande à la cour de fixer l'indemnité totale de dépossession en valeur libre à la somme de 165 000 euros se décomposant comme suit :

- 149 312 euros au titre de l'indemnité principale ;

[46,66 m² x 3 200 euros]

- 15 931 euros au titre du remploi ;




MOTIFS DE L'ARRÊT :



M. [N] fait valoir que :



- le bien est en bon état d'entretien extérieur et intérieur ;

- il convient de retenir la surface de 49,59 m², et non 46,66 m², conformément à l'attestation de mesurage du bien ; en outre, le bien doit être évalué en valeur libre d'occupation (car il est habité par le propriétaire) ;

- le jugement doit être annulé en ce qu'il a pris en compte des accords amiables réalisés par l'expropriante, alors même que les conditions de l'article L 322-8 du code de l'expropriation n'étaient pas remplies et parce qu'il n'a pas recherché si le bien exproprié était comparable aux biens concernés par ces accords ; en tout état de cause, le juge doit écarter les références procédant d'accords ou de ventes passées avec l'expropriant lorsque leur valeur moyenne est largement inférieure aux prix obtenus sur le marché libre ;

- les huit références retenues par le juge (6 de la SADEV ; 2 du Commissaire du gouvernement) doivent être écartées, car elles ne reflètent pas la valeur vénale des biens comparables sur le marché libre dans la mesure où il s'agit de mutations réalisées à l'issue de procédures de dépossession forcées au profit de l'autorité expropriante dans le cadre d'un marché contraint ; en outre, la cour de céans a déjà rappelé, dans le cadre d'une expropriation menée par la SADEV dans la ZAC [Localité 14], que de telles références doivent être écartées, lorsque leur valeur moyenne est largement inférieure au prix du marché libre; en l'espèce, la différence est notable entre les prix sur le marché libre (4 383 euros/m²) et les prix obtenus par la SADEV (3 156 euros/m²); en conséquence, les références issues du marché contraint devront être écartées car elles ne reflètent pas fidèlement la valeur vénale du bien exproprié ; par ailleurs ces références ne sont pas comparables au bien exproprié car elles sont de qualité inférieure (anomalies concernant l'électricité ; vétusté en raison de l'humidité), de superficie inférieure et leur prix a été fixé sans contradiction (l'exproprié n'apportant aucun terme de référence) ; ainsi, les références retenues en première instance devront être écartées, car elles ne sont pas comparables avec le bien exproprié ;

- outre les 6 références de la SADEV retenues à tort en première instance, les 17 autres références présentées dans son mémoire valant offre doivent être rejetées ; à cet égard, les références antérieures à 2014, compte tenu du dynamisme du marché immobilier d'[Localité 15], devront être écartées comme étant trop anciennes ; par ailleurs, ces références ne reflètent pas la valeur vénale des biens comparables sur le marché libre et ne sont pas comparables avec le bien exproprié (en termes de surface, de qualité) ;



- les termes de comparaison produits doivent être retenus ; en effet, les références se situent à moins de 500 mètres du bien et sont comparables en termes de surface ; en outre, les références ne sauraient être écartées au motif qu'il existe un écart de 1385 euros entre la valeur la plus forte et la plus faible dans la mesure où la grande majorité des termes de comparaison fait ressortir un prix de plus de 4 000 euros/m² ; ainsi, compte tenu du caractère atypique du bien, qui dispose, en plus de la jouissance d'une cour intérieure clôturée, d'une cave et dont l'état est bon, il apparaît équitable de fixer la valeur vénale du bien à la somme de 4 300 euros/m² ; dès lors, l'indemnité principale doit s'élever à la somme de 213 237 euros [49,59 m² x 4 300 euros] et l'indemnité de remploi à la somme de 22 323,70 euros ;

- concernant l'indemnité de déménagement, il convient de la fixer à la somme de 3 960 euros conformément aux deux devis réalisés par deux professionnels du déménagement;

- il convient de condamner la SADEV à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



La SADEV répond que :



- la superficie de 46,66 m² doit être retenue, conformément à l'attestation de la société Aredia et à l'accord des parties en première instance ;

- les termes de comparaison proposés par l'exproprié ne sauraient être retenus ; en effet, les références ne sont pas comparables avec le bien exproprié comme en témoigne l'écart manifeste entre celles-ci (3 936 euros/m² et 5 321 euros/m²) ; par ailleurs, à l'exception de la référence située [Adresse 17], aucune des autres ne concerne des biens situés à proximité immédiate du bien en cause ; or, comme l'a relevé le juge en première instance, la proximité des termes de comparaison avec le bien exproprié apparaît déterminante compte tenu de "la diversité de la qualité architecturale et de la variabilité de l'état de dégradation des voies publiques et des immeubles selon les rues concernées à [Localité 15]" ; en l'espèce, les références citées par l'exproprié devront être écartées des débats au regard de la différence d'environnement, d'état d'entretien et de consistance matérielle constatée entre les immeubles comparés ; en outre, il convient de souligner la situation désavantageuse de l'appartement exproprié se trouvant au rez-de-chaussé et derrière un garage automobile ; en tout état de cause, le [Adresse 17] correspond à un secteur où l'environnement est marqué par la dégradation urbaine rendant les biens s'y trouvant peu attractifs ;

- certains termes de comparaison proposés par le Commissaire du gouvernement ne sauraient être retenus ; en effet, compte tenu de leur consistance matérielle et de leur état d'entretien les références, par ailleurs situées dans un environnement plus favorable que le [Adresse 17], ne sont pas comparables avec le bien exproprié ;

- les références proposées situées [Adresse 17] doivent être privilégiées ; il en ressort une valeur de 3 340 euros/m² ; dès lors, la valeur de 3 400 euros/m² fixée par le tribunal apparaît satisfactoire notamment au regard de la similitude de consistance matérielle, d'environnement et d'état d'entretien des immeubles expropriés ; en tout état de cause, il ressort d'un arrêt de la Cour d'appel de Céans du 08 mars 2018 que la valeur de 3 500 euros/m² a été retenue concernant un loft en excellent état d'entretien, doté d'équipement de qualité et situé [Adresse 3] (donc voisin de l'appartement exproprié) ; ainsi, les prétentions de l'exproprié apparaissent manifestement excessives et doivent être rejetées ;

- la valeur de 3 400 euros/m² retenue en première instance doit être confirmée ; en effet, les termes de comparaison utilisés pour retenir cette valeur sont pertinents dans la mesure où ils concernent des biens de consistance et de superficie comparables, situés au sein de la même rue que l'appartement exproprié ; en outre, le juge a tenu compte des éléments de plus value de l'appartement, à savoir sa configuration et son état d'entretien, en majorant la valeur moyenne issue des références retenues (3 200 euros/m²) et en l'élevant à 3 400 euros/m² ; par ailleurs, la critique relative au manque de représentativité des termes de comparaison utilisés par le juge ne saurait être accueillie ; en effet, les nombreuses acquisitions et fixations indemnitaires intervenues au sein de la ZAC [Localité 14] concernent des biens similaires situés à proximité immédiate de l'appartement exproprié et peuvent parfaitement établir un prix de marché susceptible de constituer une référence pertinente à prendre en considération ; en conséquence, il convient de confirmer le jugement de première instance dans la mesure où aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise dans l'estimation du bien exproprié ;



Le commissaire du gouvernement soutient que :



- les termes de comparaison de l'expropriante trop anciens devront être écartés ; en outre, étant donné le nombre important de transactions d'appartements dans le secteur, les termes situés au sein du même immeuble seront privilégiés ; en conséquence, il convient de retenir seulement les trois termes de comparaison situés au [Adresse 5] ;



- parmi les termes de comparaison cités par l'exproprié, ceux d'un standing et d'une qualité supérieure devront être écartés ; ainsi seul le 12ème terme de comparaison, situé [Adresse 4], pourra être retenu même si sa valeur unitaire (4 400 euros/m²) est en décalage avec les références citées dans le même secteur ;

- la surface de 46,66 m² validée par toutes les parties lors du jugement de première instance sera retenue ; en effet, celle-ci n'a jamais été contestée par l'exproprié en première instance et ce dernier n'a jamais communiqué l'attestation de surface qu'il produit en appel alors même qu'elle date du 28 avril 2017 ;

-étant donné qu'il ressort des termes de comparaison proposés une valeur unitaire de 3 200 euros/m², conforme aux prix du secteur, l'indemnité principale sera fixée à 149 312 euros/m² [46,66 m² x 3 200 euros] et l'indemnité de remploi à 15 931 euros ;











SUR CE



sur la recevabilité des conclusions



Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017 , l'appel étant du 19 janvier 2018,à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.



À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.



L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.



Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.



Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.



Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.



En l'espèce , les conclusions de M. [N] du 20 avril 2018, de la SADEV 94 du 20 juillet 2018 et du commissaire du gouvernement du 7 juin 2018 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.



Les conclusions du commissaire du gouvernement du 27 février 2019 déposées hors délai sont de pure réplique, ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.



Les documents produits viennent uniquement au soutien des mémoires complémentaires.



sur la demande d'annulation du jugement



M. [N] demande l'annulation du jugement en indiquant que le premier juge aurait dû, avant de prendre en compte les accords amiables conclus avec la SADEV 94, vérifier qu'ils remplissaient l'un des deux quorums de ces dispositions et qu'il n'a pas non plus recherché si son bien serait ou non identique aux biens concernés par de tels accords.



Le premier juge a indiqué qu'il n'est pas contesté qu' aux termes de l'article L322-9 du code de l'expropriation " la juridiction tient compte des accords réalisés à l'amiable entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique..."



Aux termes de l'article L322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prends pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.



En conséquence, il n'est pas contesté que les conditions de quorums ne sont pas réunies et qu'en conséquence, le juge ne les prend pas pour base, mais doit effectivement en tenir compte.



En conséquence il convient de débouter M. [N] de sa demande d'annulation.



au fond



Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.



L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété , si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.



Aux termes de l'article L321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.



Conformément aux dispositions de l'article L322-2, du code de l'expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L322-3 à L322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.



L'appel de M. [N] porte aux termes de son dispositif sur toutes tes dispositions sauf sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.



Cependant, s'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer au 9 avril 2015 conformément à l'article L213-6 du code de l'urbanisme, date de la dernière modification du PLU d'[Localité 15].



S'agissant des données d'urbanisme, les parties retiennent également la zone UIC, correspondant presque en totalité au périmètre de la ZAC [Localité 14] et prend appui sur une orientation dénommée " Ivry- Confluences".



Le jugement sera donc confirmé sur ces points.



Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'une parcelle cadastrée AY [Cadastre 6] d'une superficie de 604 m² sur laquelle est édifiée un ensemble immobilier à usage d'habitation et commercial pour partie.



Il s'agit des lots N°5 et N°7 correspondant à un appartement sur deux niveaux: rez de chaussée et 1° étage et le lot N°15 est une cave.



Les parties sont en désaccord sur la superficie et l'état du bien.



M. [N] souligne que son bien se situe à environ 5mn en véhicule et 15 mn à pied de la gare RER d'[Localité 15], en face de l'arrêt de bus Gambetta, à 450 mètres de l'université [16] et à 10 mn à pied du centre commercial " quai d'ivry".



S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle de la première instance, soit le 06 novembre 2017.







sur l'indemnité principale



1° sur la superficie



Le premier juge a retenu l'accord des parties pour une surface totale loi Carrez de 46,66m².



M. [N] en appel revendique 49, 59 m².



La SADEV produit( pièce N°1) une attestation de surface loi Carrez de AREDIA du 17 février 2014 effectuée à sa demande de 46, 66 m² et M. [N] un acte de vente du 16 janvier 1989, une attestation de superficie de la partie privative( loi Carrez) et de la surface habitable de Diagnostic France du 28 avril 2017 du 28 avril 2017 retenant 49, 59 m².



Aucune des parties ne sollicitant une expertise par un géomètre , il convient de retenir le mesurage le plus récent et le plus favorable à l'exproprié soit 49, 59 m².



Le jugement sera donc infirmé en ce sens.



2° sur l'état du bien



M. [N] indique que le bien immobilier dispose d'une cour intérieure en bon état d'entretien, accessible par un portail sur rue, que l'escalier reliant le rez de chaussée est en état correct; qu'il s'agit d'un duplex avec un bon état d'entretien intérieur et il produit à l'appui des photographies.



La SADEV 94 rétorque en produisant également des photographies que l'état d'entretien est correct , à l'exception de l'escalier.



Le commissaire du gouvernement indique qu' il y a une cuisine équipée en bon état et bien entretenue, un accès au salon en bon état, des pièces lumineuses , un salon et une salle de bain bien entretenus et en bon état; il précise qu'il n'y a pas de possibilité de fermer la chambre parentale et de l'isoler de l'escalier, ni la chambre d'enfant située dans un renfoncement ; dans l'estimation, il indique que le fait que ce soit un duplex n'est pas forcément un élément de plus- value, que tel aurait été le cas pour un appartement au dernier étage avec de beaux volumes et une hauteur sous plafond importante, mais en l'espèce, il s'agit plus d'une optimisation de l'espace et de l'agencement.



Le procès verbal de transport du 28 mars 2017 qui fait foi en ce qui concerne les constations matérielles mentionne :

" on pénètre tout d'abord dans une cuisine équipée, en bon état et bien entretenue, avec du carrelage blanc au sol et une fenêtre donnant sur l'impasse.

On accède ensuite au salon également en bon état avec le même carrelage au sol et une fenêtre identique sur l'impasse.

Le vis à vis peu élevé permet que ces pièces soient lumineuses malgré l'étroitesse de l'impasse.

Dans le salon un escalier droit en bois permet d'atteindre une double pièce comportant une fenêtre sur l'impasse, et une salle de bains, le tout bien entretenu et en bon état. Il n'existe pas de possibilité de fermer la chambre parentale et de l'isoler de l'escalier ni de la chambre de l'enfant situées dans un renfoncement.

Le chauffage est électrique".



La cour retiendra donc ces constatations du transport, qui correspondent aux photographies de M.[N], soit un bon état général et l'appréciation du commissaire du gouvernement, et l'absence de plus value bien qu'il s'agisse d'un duplex.





3° sur la situation locative



Le bien est occupé par M. [N], qui sollicite une évaluation libre et renonce donc a être relogé.



Le bien sera donc évalué non en alternative, mais en valeur libre d'occupation.



Le jugement sera donc infirmé en ce sens.



4° sur la méthode



Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.



La méthode de la comparaison utilisée par le premier juge n'étant pas contestée par les parties, le jugement sera confirmé sur ce point.



5° sur la fixation de l'indemnité



Le premier juge a retenu en valeur libre une valeur de 3 400 euros, la SADEV en demandant la confirmation; M. [N] sollicite une valeur de 4 300 euros/m² et le commissaire du gouvernement demande de la ramener à 3 200 euros;



Il convient donc d'examiner les références des parties:



A) références de M. [N]



Il invoque tout d'abord neuf références se situant à moins de 500 m :



'20 mai 2015 : 5, rue Maurice Couderchet, 33,65 m², 157'000euros,

4 665euros/m²



'2 avril 2015 : 2, rue Pierre Galais, 41,36 m², 182'000euros,

4 440euros/m²



'1er mars 2016 : 2 place de l'insurrection d'août 1944, 46,39 m², 191'000euros, 4 117euros/m²



'17 mai 2016 : [Adresse 7], 39,12 m², 183'000euros, 4 678euros/m²



'20 juillet 2016 : 7, rue Lénine, 52,03 m², 215'000euros, 4 132euros/m²



'30 septembre 2015 : 58 bis rue Jean-Jacques Rousseau, 45,89 m², 184'000euros, 4009euros/m²



'1er juillet 2015 : 16, avenue Jean Jaurès, 43,68 m², 180'000euros, 4 120euros/m²



'18 septembre 2015 : [Adresse 7], 36,07 m², 142'000euros, 3 936euros/m²





'7 janvier 2016 : 33, rue Lénine, 39,46 m², 210'000euros,5 321euros/m²



soit une moyenne de 4 375euros/m².



Le premier juge a indiqué que compte tenu de la diversité de la qualité architecturale et de la variabilité de l'état de dégradation des voies publiques et des immeubles selon les rues concernées à [Localité 15], la proximité des termes de comparaison avec le bien en cause apparaît déterminante ; il a ajouté qu'à la lecture du reportage photographique produit par l'autorité expropriante, la quasi-totalité des termes de comparaison sont d'une qualité bien supérieure, tant dans leur consistance que dans leur environnement.



Cette argumentation n'est pas contestée en appel par Monsieur [N] ; la pièce numéro un (photographie des termes de comparaison issue de Google Earth) du commissaire du gouvernement et les photographies de l'expropriant démontrent effectivement qu'il s'agit de biens de standing et d'une qualité supérieure au bien exproprié, tant dans leur consistance que dans leur environnement.



Ces références seront donc écartées.



Monsieur [N] se prévaut également des termes de référents suivants :



'11 juillet 2014 : 61, boulevard de Brandebourg, 105 m², 147'000euros, 4 156euros/m²



'20 mai 2014 : 81, boulevard de Brandebourg, 34 m², 159'100euros, 4 679euros

/m²



soit une moyenne de 4417,50 euros/m².



Ces deux références pour des motifs identiques ne sont pas comparables.



En outre, comme l'indique le commissaire du gouvernement, toutes ces références se situent bien dans le secteur d'Ivry confluence, mais dans des zones autres que la zone UIC, et sont pour la plupart, identifiées dans le patrimoine bâti de la ville (pièce numéro trois, annexe du PLU) ; en effet deux termes se situent en zone UF1, qui est une zone urbaine couvrant un tissu urbain de type faubourg, à dominante résidentielle, en zone UG ,une zone urbaine mixte, correspondant à un tissu d'habitats collectifs relativement peu denses, réalisés en retrait des limites parcellaires avec des emprises au sol restreinte, mais avec des hauteurs présentes plus importantes que le reste de la ville avec une propension généreuse de ces espaces accordés aux espaces libres, huit termes se situent en zone UM qui est une zone urbaine mixte tant du point de vue de la forme urbaine et l'implantation des constructions que les fonctions urbaines, qui recouvrent la plus grande partie du territoire de la commune à l'Est comme à l'ouest des voies ferrées et qui a vocation à muter progressivement en permettant une densification maîtrisée du tissu.



En conséquence ces références situées dans un autre zonage que le bien exproprié seront écartées.



Enfin Monsieur [N] se réfère à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 octobre 2016 : [Adresse 4], appartement de 77 m² et 31 m², 340'824euros et 118'371 soit 4400 euros /m². (Pièce numéro quatre).



Cependant un arrêt postérieur( pièce N°2) du 8 mars 2018 a retenu la moyenne entre les mutations et la jurisprudence de 3090 euros et ce n'est qu'en raison de la particularité du bien( 247m² en excellent état, en loft disposant de très belles hauteurs sous plafond, aucune des pièces ne donnant sur la rue et le logement disposant d'une climatisation réversible), que la cour a majoré en retenant la somme de 3 500 euros.



En conséquence comme l'indique le commissaire du gouvernement, si ce terme de comparaison du 20 octobre 2016 se situe bien au [Adresse 4], sa valeur unitaire fixée à 4 400 euros, reste en décalage avec les références situées dans le même secteur.



Cette référence sera donc écartée.











B) références de la SADEV 94



Elle cite l'arrêt susvisé du 8 mars 2018 avec une valeur de 3 500 euros.



Elle se réfère aux références suivantes:



-3 décembre 2012 : [Adresse 2], 35,34 m², 100'500euros,

2844euros/m², occupé



'28 juin 2012 : [Adresse 10], 28,71 m², 95'000euros, 2978euros/m², libre



'20 juin 2013 : [Adresse 11], 22,63 m², 81'205euros,

3141,6 euros/m², occupé



'2 septembre 2013 : [Adresse 9], 78'080euros, 3 123euros/m², libre



'11 septembre 2013 : [Adresse 9], 77'160euros, 3 124euros/m², libre



Ces termes sont anciens étant antérieurs à 2014, et il convient de privilégier les références situées au sein du même immeuble.



Ils seront donc écartés.



-Vente du 5 mars 2015 : (pièce numéro cinq) : [Adresse 2], 36,31 m², 115'454,55 euros, 3179euros/m²

Ce terme sera écarté pour le même motif.



'Jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 24 novembre 2014 : [Adresse 5], 50,5 m², 165'589euros, soit 3 279euros/m²



Ce terme situé dans le même immeuble comparable sera retenu.



- jugement du TGI de Créteil du 12 janvier 2015:[Adresse 5], 25,52 m² et 32,10 m², 182'812euros,3 172euros/m²

Ce terme situé dans le même immeuble comparable sera retenu.



'acte de quittancement [Y] (pièce numéro six) : [Adresse 3], 22,5 m², 67'272euros, 2 990euros/m²



Ce terme qui n'est pas situé dans le même immeuble sera écarté



'Acte de quittancement Marinho(pièce numéro 8) : [Adresse 11], 27,03 m², 86'075euros, 3 184/m²



Ce terme sera écarté pour la même motif.



'Acte de quittancement [X] du 30 janvier 2017 :[Adresse 5], 20m², 60'800euros, 3 040euros/lem²



Ce terme situé dans le même immeuble sera retenu.



S'agissant des références retenues, Monsieur [N] indique qu'il convient de les écarter car elles ne reflètent pas la valeur la des biens comparables sur le marché libre ; cependant, il n' établit pas qu'elles sont largement inférieures aux prix obtenus sur le marché libre, puisqu'il ne verse aucune référence du même immeuble et il convient conséquence de les considérer comme pertinentes



C) références du commissaire du gouvernement



Il cite tout d'abord de la jurisprudence d'appartements situés dans le même immeuble :



'TGI de Créteil du 24 novembre 2014: 3279euros/m² : déjà retenu

Monsieur [N] indique exactement que le jugement est ancien, que l' exproprié n'avait fourni aucun termes de référence; ce terme reste cependant pertinent, sauf à considérer qu'il d'une valeur basse.



'TGI du 12 janvier 2015 : homologation d'accord, 3 222euros/m²

Monsieur [N] indique exactement que l'accès à l'appartement est rendu inaccessible, que le bien est simplement en état d'usage et que la référence résulte d'un accord; cependant ce terme reste pertinent sauf à considérer qu'il s'agit d'une valeur basse



'TGI du 9 février 2015 : 3624euros/m²

M. [N] indique exactement que l'exproprié n'a fourni aucun terme de référence, mais ce terme reste cependant pertinent, sauf à considérer qu'il s'agit d'une valeur basse.



'cour d'appel du 10 novembre 2016 : homologation d'accord, 3040euros/m²

Si cette référence résulte d'un accord, son caractère captif n'est pas établi et elle sera donc retenue;



Le commissaire du gouvernement cite également la référence du 26 mars 2015,2 180'000euros, avec une valeur de 2 727euros/m².

Cette référence manifestement trop basse sera écartée.



Il indique qu'avec cinq termes de comparaison il ressort une moyenne de 3178euros/m².



Il retient la valeur arrondie à 3 200euros/m²



Monsieur [N] demande d'écarter ces références, car elles ne correspondent pas à la valeur vénale des biens comparables sur le marché libre ; il n'établit pas cependant en l'espèce que ces références qui procèdent d'accord de vente passée avec l'autorité expropriante , soient largement inférieures au prix obtenu sur le marché libre, puisque Monsieur [N] ne produit aucune référence concernant le même immeuble.



Les références retenues correspondent donc à :

3172+3040+3279+3222+3624+3040= 19377/6=3229, 50 euros/m².



Compte tenu du caractère bas de certaine références, de la plus value tenant au bon état du bien, il convient de porter la valeur à 3 400 euros ,

soit de fixer l'indemnité principale à la somme de :

3400 euros X 49, 59=168 606 euros.



Le jugement sera donc infirmé en ce sens.



sur les indemnités accessoires



1°sur l'indemnité de remploi



20% sur 5000 euros=1000 euros

15% entre 5000 et 15000 euros=1500 euros

10% sur 166106 euros(168606-2500) =16610, 6 arrondi à 16 611

total 2500+16611=19 111 euros



Le jugement sera infirmé en ce sens.



2° sur l'indemnité de déménagement



Le premier juge a fixé l'indemnité de déménagement à la somme de 3 960 euros.



M. [N] demande la même somme, la SADEV 94 la confirmation et le commissaire du gouvernement n'a pas conclu sur ce point.



Au vu du devis le moins onéreux( pièce N°3), le premier juge a exactement alloué ce montant de 3 960 euros.



Le jugement sera donc confirmé sur ce point.



L'indemnité totale est donc de 191 677 euros en valeur libre se décompensant :

- indemnité principale:168 606 euros

- indemnité de remploi: 19 111 euros

- indemnité de démenagement:3 960 euros



Le jugement sera donc infirmé en ce sens.



sur l'article 700 du code de procédure civile



Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 à verser à M. [N] la somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité commande de débouter la SADEV 94 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et de la condamner à verser à M. [N] la somme de 2000 euros sur ce même fondement.



sur les dépens



Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.



La SADEV 94 perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.





PAR CES MOTIFS,



La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,



Déclare recevables les conclusions des parties



Déboute M. [N] de sa demande d'annulation du jugement entrepris



Infirme partiellement le jugement



Statuant à nouveau





Fixe l'indemnité due par la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne à Monsieur [B] [N] au titre de la dépossession du bien sis [Adresse 5], correspondant au lot 5,7 et 15 de la parcelle cadastrée section AY numéro [Cadastre 6] à la somme totale de 191'677euros en valeur libre se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 168'606 euros

'indemnité de remploi : 19'111 euros

'indemnité de déménagement : 3 960euros



Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions



Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires



Déboute la société d'aménagement et de développement des villes du département du Val-de-Marne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Condamne la société d'aménagement et de développement des villes du département du Val-de-Marne à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Condamne la société d'aménagement et de développement des villes du département du Val-de-Marne aux dépens.



Le greffierLe président

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