19 décembre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/05335

Pôle 2 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2019



(n° 2019 - 360, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05335 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5IIH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/14473





APPELANT





Monsieur [N] [K]

Né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 8]



Représenté et assisté de Me Jean-Baptiste MOQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0599





INTIMÉS





Monsieur [G] [W]

Né le [Date naissance 5] 1941 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Olivier BARATELLI de l'ASSOCIATION LOMBARD, BARATELLI & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0183





L'ASSOCIATION DIOCESAINE DE PARIS, prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée et assistée à l'audience de Me Laurent DELVOLVÉ de l'AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C0542







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente

Madame Patricia LEFEVRE, conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère







qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats :Madame Laure POUPET







ARRÊT :

- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et par Madame Fatima- Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.






******



Vu le jugement en date du 12 mars 2018 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré les demandes irrecevables, comme prescrites,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] aux dépens, qui pourront être recouvrsconformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Vu l'appel relevé le 12 mars 2018 par M. [K] ;




Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2019 par lesquelles M. [K] demande à la cour de :

Vu les articles 16-3, 1240 et 2226 du code civil, 3, 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, 699 et 700 du code de procédure civile,

- considérant qu'il justifie n'avoir pris conscience de la véritable nature des viols et agressions sexuelles de [G] [W] qu'en 1995 et que son préjudice corporel, toujours pas consolidé, s'est trouvé aggravé encore par le refus de la justice pénale de donner suite à ses actions, sans les juger, tandis que la seconde faute de [G] [W] et de l'Association Diocésaine de Paris n'est pas un abus de leur liberté d'expression mais l'instrumentalisation de la justice et la trahison de la confiance de M. [K] à grand renfort de campagnes médiatiques avec leurs puissants soutiens au sein de l'intelligentsia,

En conséquence, infirmer le jugement déféré et rejeter les exceptions d'irrecevabilité et prescription soulevées par [G] [W] et l'Association Diocésaine de Paris, qui est naturellement engagée par les actes de son représentant légal dans la gestion du diocèse,

- considérant que les viols et agressions sexuelles commis par [G] [W] sur l'enfant [N] [K] de 1972 à 1975 sont établis non seulement par les déclarations très précises et concordantes de celui-ci, de sa mère et sa s'ur, mais encore par les contradictions de celui-là et des représentants de l'Eglise catholique,

En conséquence, condamner [G] [W] à réparer l'intégralité du préjudice corporel et psychique provoqué par la faute civile corrélative, directement à l'origine des graves troubles de ses conditions d'existence, vie sexuelle ou professionnelle, en lui octroyant les sommes de 100.000 euros au titre de son préjudice fonctionnel et d'agrément, 50.000 euros pour son préjudice sexuel, 50.000 euros pour les souffrances endurées, mais encore 9.496,50 euros au titre de ses dépenses de santé déjà engagées, sauf à parfaire, et une provision de 1.200 euros sur celles à venir, ainsi que 375.000 euros en réparation de son préjudice économique au titre des conséquences de ces agissements sur sa vie professionnelle,

- déclarer le jugement opposable à la CPAM qui a déclaré ne pas avoir de créance à opposer,

- considérant que [G] [W] et l'Association Diocésaine de Paris, en la personne de ses représentants, ont encore engagé leur responsabilité solidaire au titre de leurs dénégations publiques des agissements dénoncés et de leur instrumentalisation conjointe de la justice pour tromper de concert l'opinion publique, en accablant médiatiquement M. [K], prolongeant ainsi son calvaire de plus de 15 ans et ravivant encore en profondeur ses blessures et traumatismes anciens, par cette nouvelle trahison d'une institution dont le message et la raison d'être voulaient qu'elle le protégeât plutôt que de l'accabler,

En conséquence, condamner solidairement [G] [W] et l'Association Diocésaine de Paris à réparer le préjudice qu'il a subi de ce fait par l'octroi d'une somme de 50.000 euros de dommages et intérêts, en réparation de ce supplice odieusement prolongé,

- condamner enfin [G] [W] et l'Association diocésaine à lui régler une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Moquet conformément à l'article 699 du code procédure civile ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2018 par lesquelles M. [G] [W] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- juger irrecevables les demandes de M. [N] [K] ;

A titre infiniment subsidiaire,

- juger qu'aucun des faits allégués comme fautifs n'est établi et qu'il n'a commis aucune faute ;

- débouter en conséquence [N] [K] de toutes ses demandes

En tout état de cause,

- débouter [N] [K] de toutes ses demandes ;

- condamner [N] [K] à lui payer une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Olivier Baratelli, ainsi qu'aux entiers dépens ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2018 par lesquelles à l'Association Diocésaine de Paris demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes irrecevables comme prescrites et condamné M. [K] aux dépens ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter M. [N] [K] de toutes ses demandes à son encontre ;

- condamner M. [N] [K] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;

- condamner M. [N] [K] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;



Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 septembre 2019 ;




SUR CE, LA COUR



Considérant que le 14 novembre 2001, M. [N] [K] a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris pour des faits de viols et d'agressions sexuelles commis entre 1972 et 1975, alors qu'il était scolarisé au grand collège [11] à [Localité 10] (7ème) , par M. [G] [W], alors directeur du petit collège ;





Que le 21 mars 2002, la plainte a été classée sans suite pour cause de prescription des faits ;



Que le 2 juillet 2002, M.[K] a déposé plainte auprès du doyen des juges d'instruction au tribunal de grande instance de Paris pour les mêmes faits ;



Que le 20 septembre 2002, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer qui a été confirmée, suivant arrêt en date du 20 janvier 2003 prononcé par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en raison de la prescription des faits dénoncés ;



Que par arrêt du 1er octobre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non admis ;



Que le 3 novembre 2009, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré le recours de M. [K] irrecevable ;



*



Considérant que parallèlement, le 4 mars 2002, M. [W] a déposé une première plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction au tribunal de grande instance de Paris pour dénonciation calomnieuse, et le 16 juillet 2002, une seconde plainte dirigée contre M. [K], qui ont fait l'objet d'une ordonnance de non lieu prononcée le 1er juin 2004 ;



Que le 15 novembre 2004, M. [K] a fait délivrer citation directe à [G] [W] devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de dénonciation calomnieuse ; que ce dernier a été relaxé par un jugement du 10 mai 2005 ;



*



Considérant que suivant acte du 23 septembre 2016, M. [K] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [W], l'Association diocésaine de Paris, et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis aux fins de mise en 'uvre de la responsabilité des premiers et d'indemnisation de ses préjudices ;



Que par le jugement entrepris, ses demandes ont été déclarées irrecevables comme prescrites ;



Que les premiers juges ont notamment indiqué :

'S'agissant des agressions sexuelles et de viols dès 1972, les faits ont été le point de départ de la manifestation du dommage et même à supposer que le point de départ de la prescription soit le début de la thérapie suivie par M. [K] en mars 1989, la prescription a été acquise en 1999.

S'agissant de la manipulation médiatique reprochés à [G] [W] et à l'Association diocésaine de [Localité 10] , M. [K] se fonde sur la plainte déposée le 4 mars 2002 par [G] [W] et sur la plainte déposée le 15 juillet 2002, des chefs de dénonciation calomnieuse.A supposer que ces plaintes constituent une faute engageant la responsabilité de [G] [W], la prescription de l'article 2224du code civil étant de cinq ans, l'action est prescrite depuis 2007. M. [K] fait encore grief à [G] [W] et à l'Association diocésaine de [Localité 10] d'avoir nié publiquement les faits et de s'être présentés comme victimes en médiatisant des démentis, alors même que les faits avaient été reconnus par la hiérarchie de l'église. Contrairement à ce que prétend M. [K], les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réparés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, et non sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Mais même à supposer que M. [K] ne soulève aucun grief de diffamation, comme il l'indique, les déclarations mensongères des défendeurs par voie de presse se prescrivent alors et en tout état de cause par cinq ans. La prescription serait alors acquise depuis 2007" ;



Considérant que M. [K] conteste, en premier lieu, le jugement sur la prescription de son action en responsabilité au titre des abus sexuels dont il se dit victime ; qu il expose que la prescription trentenaire qui courait à compter de sa majorité a été ramenée à 10 ans par la loi du 5 juillet 1985 ; qu'il relate qu'il a commencé une thérapie en 1989 à l'âge de 29 ans, qu'il s'est confié à sa mère pour dire ce qui s'était passé avec M. [W] en 1991, et qu'il a pris conscience du dommage, c'est-à-dire de la nature criminelle des actes subis en 1995 avec la découverte d'avoir été la victime de la sexualité déviante d'un adulte pervers ; qu'il indique avoir contacté 'la voix de l'enfant'en janvier 2000 et avoir écrit au cardinal [H] en mars 2001 ;



Qu'il affirme que les portes closes de la justice, les graves démentis de M. [W] qui bénéficiait d'appuis et relais médiatiques, et l'impunité de ce dernier, ont eu un retentissement considérable sur lui puisqu'il a été disqualifié, trahi, et mis en cause sur le plan médiatique ;qu' il rappelle que M. [W] a déposé plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse ; qu'il soutient que l'aggravation du dommage a fait courir un nouveau délai de prescription de 10 ans à compter de mars 2002, et a été interrompu par les actions successives entreprises afin que la faute de M. [W] soit sanctionnée et que son préjudice soit réparé ;



Qu'il se prévaut des dispositions de l'article 2226 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 et invoque l'effraction physique et psychique commise par M. [W] à l'origine d'un préjudice corporel ainsi que l'absence de consolidation ;



Considérant que M. [W] rappelle l'évolution législative en matière de prescription civile extra contractuelle ; qu'il estime que la prescription a été acquise le 1er janvier 1996, soit 10 ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'il indique que l'action en responsabilité civile extra contractuelle fondée sur des faits prétendument commis entre 1972 et 1975 est d'autant plus prescrite que jusqu'à la loi du 23 décembre 1980 portant réforme de la procédure pénale la règle applicable était celle de l'unité des prescriptions civiles et pénales, et qu'en vertu de cette règle, l'action civile en réparation d'une infraction se prescrivait suivant les règles de l'action publique ; qu'il relève qu'aux termes de l'arrêt définitif du 20 janvier 2003, l'action publique est éteinte sur les faits dénoncés ; qu'il observe que la manifestation du dommage remonte à 1975, date à laquelle M. [K] serait tombé malade, et au plus tard en mars 1989, date à laquelle il a débuté une thérapie ; qu'il en déduit que l'action a été prescrite dès les mois de novembre 1985 ou au mois de mars 1999 par application de la prescription de 10 ans ; qu'il rappelle que l'article 2222 du code civil issu de la réforme du 18 juin 2008 a prévu que la loi qui allonge la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription acquise et que la durée totale de la prescription ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il soutient que l'article 2226 créé par la loi du 18 juin 2008 n'a pas vocation à s'appliquer aux faits, alors que la prescription était déjà acquise, et que même à suivre M. [K] dans son raisonnement la prescription a été acquise entre 1992 et 1995 eu égard au délai butoir de 20 ans instauré par l'alinéa de l'article 2226 ;



Considérant que M. [K] est né le [Date naissance 3] 1960 ; qu'il est devenu majeur le 17 juin 1978 ; que les faits de viols et d'agressions sexuelles qu'il invoque dans le cadre de son action en responsabilité civile se situent, durant sa minorité, entre 1972 et 1975 ;



Qu'il est constant que le premier délai de prescription, qui a couru à compter de sa majorité en vertu de l'article 2252 ancien du code civil, était trentenaire par application des dispositions de l'article 2262 ancien du code civil alors en vigueur ;



Que ce délai a été ramené à 10 ans selon l'article 2270-1 issu de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux termes duquel 'les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation', texte entré en vigueur le 1er janvier 1986 ;





Considérant que M.[K], âgé de 41 ans, a dénoncé à l'autorité judiciaire, par l'intermédiaire de son conseil, des faits de viols et d'agressions sexuelles dans sa plainte en date du 14 novembre 2001 adressée au procureur de la République, expliquant avoir 'compris et intégré en 1995 qu'il n'avait vraisemblablement pas été la seule victime de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une relation personnelle mais bien de pédophilie' ; qu'entendu le 22 novembre 2001 par la brigade de protection des mineurs, il a confirmé la teneur de son courrier et a précisé en fin d'audition 'c'est parce que je sais que les faits sont prescrits que j'ai décidé le 24 mars 2001 d'adresser un courrier à Monseigneur [H] pour l'alerter sur le comportement nuisible de [W] sachant que celui-ci pouvait continuer ses agissements' ;



Que néanmoins, sa mère, Madame [R] veuve [K], a exposé dans son procès-verbal d'audition du 13 décembre 2001 que son fils lui avait dit en 1991 qu'il avait été violé par M. [W] ;



Que le docteur [I] [C], psychiatre, a certifié avoir suivi en psychothérapie M.[K] d'octobre 1989 à juillet 1991 et que pendant cette thérapie il a exprimé avoir subi des relations sexuelles de 12 à 15 ans imposées par un homme auquel sa mère le confiait chaque semaine ; qu'elle a précisé que 'M. [K] dit que depuis ce traumatisme sa vie a basculé avec impossibilité de s'extérioriser, repli sur soi, blocage de la mémoire affective et sensation d'être emprisonné dans un mur de silence', et, 'pour M. [K] les images traumatiques longtemps refoulées sont ressorties progressivement lors de sa thérapie et lui laisse un sentiment amer d'injustice et de gâchis lorsqu'il repense à l'enfant gai et éveillé qu'il était avant ce traumatisme' ;



Que la thérapie entreprise par M. [K] est révélatrice de sa prise de conscience de l'aggravation du dommage et de la nécessité d'y remédier, même si la connaissance et la manifestation du dommage sont antérieures eu égard à la nature des attouchements sexuels qu'il dit avoir subi lorsqu'il était adolescent ;



Que la juridiction de première instance a, à juste titre, retenu comme point de départ de la prescription au plus tard l'année 1989, et non l'année 1995 dont il n'est pas démontré le caractère déterminant ;



Que la prescription a été ainsi acquise au plus tard au mois d'octobre 1999 par application du délai de prescription de 10 ans, étant observé que M. [K] était alors âgé de 39 ans et qu'une période de plus de 24 ans s'était écoulée depuis les derniers faits allégués ;



Que l'arrêt définitif du 20 janvier 2003 rendu par la cour d'appel de Paris rappelle que la partie civile n'ignorait et ne pouvait ignorer les atteintes qui aurait été portées mais soutient qu'elle n'était pas en mesure d'en faire la révélation à la justice, appréciation qui relève de l'intimité de chaque plaignant et ne saurait permettre la détermination du point de départ du délai prescription qui résulte d'une règle par essence de portée générale et qui repose sur l'examen de critères objectifs permettant sa mise en 'uvre ;



Que le contentieux qui a opposé M. [K] et M. [W] dans le cadre de dénonciations calomnieuses réciproques et de la médiatisation de l'affaire à partir de l'année 2002 est sans incidence sur l'expiration du délai de prescription mentionné ;



Qu'en vertu de l'article 2222 de la loi du 18 juin 2008, l'appelant invoque vainement les dispositions de l'article 2226 issues de la loi du 18 juin 2008 compte tenu de la prescription des faits qui était intervenue depuis plusieurs années ; que son argumentation relative au dommage corporel est donc inopérante ;



Considérant que M. [K] conteste, en second lieu, la prescription de son action en responsabilité au titre de la manipulation de la justice, des médias, et de l'opinion publique et du retentissement qui en a résulté pour lui ; qu'il indique que M. [W] s'est présenté comme une victime de calomnie et a déposé plainte avec constitution de partie civile afin d'instrumentaliser la justice ; qu'il estime qu'il ne s'agit pas d'un abus de la liberté d'expression mais qu'il s'agit un abus des règles de droit pour tromper l'opinion publique et éluder ses responsabilités grâce à ses appuis au sein de l'intelligentsia ;



Qu'il allègue que le cardinal [H] a décidé d'arrêter la carrière de M. [W], ainsi que l'a reconnu le père [E], puis qu'il a diffusé le 19 mars 2002 un communiqué de presse pour prétendre qu'il n'y avait rien dans le dossier ; qu'il soutient que ces dénégations publiques lui ont causé un préjudice secondaire, en le discréditant et en trahissant la confiance qu'il avait donnée par ses révélations au représentant de l'association diocésaine de [Localité 10], ont ravivé le traumatisme ancien, et ont prolongé l'atteinte portée à son intégrité physique ainsi que sa souffrance et son calvaire ;



Considérant que M. [W] invoque la prescription de l'action en responsabilité fondée sur la manipulation fautive de la justice et des médias en 2002, qui procède d'une action personnelle ou mobilière comme l'a indiqué le tribunal de grande instance, et non d'une action en réparation d'un préjudice corporel ; qu'il fait valoir que l'assignation délivrée le 28 septembre 2016, plus de 10 ans après le 19 décembre 2002 et plus de cinq ans après la date d'entrée en vigueur du 17 juin 2008 est doublement prescrite ;



Que l'association diocésaine de [Localité 10] soutient que l'action en responsabilité engagée à son encontre en raison de la communication effectuée par le cardinal [H] le 19 mars 2002 est prescrite ; qu'elle relève le délai de 14 ans écoulé au moment de l'assignation délivrée le 28 septembre 2016 ; qu'elle fait valoir que les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réparés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, et non sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, et que même à supposer que M. [K] ne soulève aucun grief de diffamation la prescription est acquise depuis 2007 par application du délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil ;



Considérant que les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réparés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 et non sur le fondement de l'article 1382 devenu l'article 1240 du Code civil ; que néanmoins, les atteintes dont se prévaut M.[K] ne relèvent pas de la diffamation de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'irrecevabilité par référence à la loi sur la presse ;



Que par ailleurs, l'action en responsabilité fondée sur les propos tenus publiquement ou dans les médias en 2002 par M. [W] et le cardinal [H] ne peut être assimilée à une action en réparation d'un préjudice corporel, contrairement à ce que soutient M.[K], mais s'analyse en une action personnelle ou mobilière, dont la loi du 17 juin 2008, a réduit la prescription de 10 à 5 ans ; qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;



Qu'il s'ensuit que la prescription était acquise au moment de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en date du 23 septembre 2016 eu égard aux délais applicables ;



Qu'il s'infère des développements qui précèdent que le jugement sera confirmé sur l' irrecevabilité des demandes de M.[K] ;



Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



Rejette toutes autres demandes, notamment celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [N] [K] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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