14 janvier 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/05771

13e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53J



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JANVIER 2020



N° RG 18/05771 - N° Portalis DBV3-V-B7C-STET



AFFAIRE :



[U] [Y]



C/



CAISSE RÉGIONAL DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D'ILE DE FRANCE









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 Juin 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2016f00543





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14/01/2020





à :



Me Dan ZERHAT



Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN



TC PONTOISE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [U] [Y] agissant poursuites et diligences

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par Maître Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 18078089 et par Maître Driss FALIH avocat plaidant au barreau de PARIS







APPELANT



****************





LA CAISSE RÉGIONAL DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D'ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1800629 et par Maître Bernard-claude LEFEBVRE avocat plaidant au barreau de PARIS







INTIMÉE

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,







La société ANL MOTOS qui avait pour activité le commerce et la réparation de motocycles et était présidée par M. [U] [Y], associé majoritaire, était titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la SCOP Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 6] et d'Ile-de-France (le Crédit agricole).



Par acte sous-seing privé en date du 2 juillet 2015 la société ANL MOTOS a souscrit auprès du Crédit agricole un prêt d'un montant de 82 071,93 euros, remboursable en une mensualité de 1 033,46 euros et 83 mensualités de 1 033,07 euros.



Au même acte, M. [Y] s'est porté caution des engagements de la société ANL Motos pour un montant maximum de 106 693,50 euros couvrant le montant du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 108 mois.



Par jugement en date du 15 mars 2016, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société ANL MOTOS et fixé au 29 février 2016 la date de cessation des paiements.



Par lettre recommandée du 30 mars 2016, le Crédit agricole, au titre de ce prêt, a déclaré une créance de 79 891,86 euros entre les mains du mandataire judiciaire.



Après avoir informé M. [Y] du premier incident de paiement de la débitrice principale en date du 8 avril 2016 en lui demandant de prendre en charge les mensualités à venir en sa qualité de caution solidaire par lettre recommandée du 20 avril 2016, le Crédit agricole, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2016, lui a indiqué mettre en oeuvre une procédure judiciaire à son encontre et lui a adressé le décompte des sommes dues au 20 mai 2016 à hauteur de 80 427,32 euros.



Selon jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 15 juin 2018, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi par assignation du Crédit agricole du 27 juillet 2016, a :



- déclaré le Crédit agricole mal fondé en sa demande de rejet de pièces et l'en a débouté ;

- condamné M. [Y] en sa qualité de caution solidaire à payer au Crédit agricole la somme de 76 783,20 euros majorée des intérêts de droit au taux contractuel de 6,59 % à compter du 23 avril 2016 ;

- débouté M. [Y] de toutes ses demandes ;

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1342-1 du code civil ;

- condamné M. [Y] à payer au Crédit agricole la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens.



M. [Y] a interjeté appel de cette décision le 9 août 2018.




Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 avril 2019, M. [Y] demande à la cour de :



- dire et juger que les demandes du Crédit agricole sont irrecevables et infondées ;

- dire et juger que le Crédit agricole se prévaut d'un cautionnement consenti par une personne physique, dont l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion et dont le patrimoine ne permet pas au moment de la mise en oeuvre du cautionnement d'y faire face ;

- en conséquence, le déchoir du droit de le poursuivre ;

- dire et juger que le Crédit agricole a engagé sa responsabilité en lui demandant un cautionnement qui était manifestement disproportionné à ses biens et revenus lors de sa conclusion et en manquant à son obligation de mise en garde ;

En conséquence,

- débouter le Crédit agricole de son appel incident et de toutes ses demandes ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné en qualité de caution solidaire de la société ANL Motos ;

- condamner la banque à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 76 783, 20 euros au paiement de laquelle il a été condamné en qualité de caution solidaire ;

- condamner le Crédit agricole à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le Crédit agricole aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction sera faite au profit de la Selarl Falih & Bent-Mohamed associés.



Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2019, le Crédit agricole demande à la cour de :



- le recevoir en son action et l'y déclarer bien fondé ;

- infirmer le jugement seulement en ce qu'il a fixé « l'indemnité contractuelle de 7 % » à la somme de 2000 euros et le confirmer pour le reste ;

- fixer « l'indemnité contractuelle de 7 % » due par M. [Y] à la somme de 5 239,06 euros ;

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 80 764,87 en qualité de caution solidaire de la société ANL Motos outre intérêts postérieurs contractuels au 14 juin 2016 ;

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [Y] ;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1342-2 du code civil ;

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [Y] aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2019.



Pour un plus ample exposé des prétentions des moyens et des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.






SUR CE,



Il convient de préciser en préalable que M. [Y] ne développe pas d'autres moyens que ceux relatifs à la disproportion de son engagement de caution et au devoir de mise en garde de la banque.



Sur la disproportion du cautionnement :



M. [Y] qui se fonde sur l'article L.332-1 du code de la consommation, soutient qu'au moment de sa conclusion et de sa mise en oeuvre, son cautionnement était disproportionné au regard de ses revenus et du patrimoine qui pouvait être pris en compte. Après avoir observé que la banque n'a fourni aucune fiche patrimoniale en première instance, il expose qu'hormis les biens en commun avec son épouse, dont leur résidence principale qui ne saurait être prise en compte dans la mesure où elle est insaisissable en vertu des dispositions de la loi Macron d'août 2015, il n'a aucun patrimoine propre et qu'en tout état de cause, il restait redevable lors de la signature du cautionnement de deux emprunts immobiliers et d'un troisième emprunt représentant un endettement total de 359 767,92 euros qui doit être soustrait du montant des actifs retenus par la banque. Il soutient qu'en ne tenant compte que de sa résidence secondaire et de ses valeurs mobilières et après déduction des prêts en cours, il disposait d'un actif de 86 750,08 euros qui doit être divisé par deux puisqu'il s'agit de biens communs, soit un patrimoine valorisé à 43 375,04 euros outre un revenu annuel d'un montant de 20 461 euros brut.



Il fait enfin état de ses charges mensuelles d'un montant de plus de 3 000 euros, celui-ci précisant qu'avec son épouse ils ont deux enfants à charge et rencontrent des difficultés financières, leurs revenus mensuels étant actuellement de 3 800 euros pour lui et de 2 000 euros pour son épouse.



Le Crédit agricole demande à la cour de confirmer le jugement et de rejeter l'argumentation développée par M. [Y] au titre d'une prétendue disproportion de son cautionnement en application de l'article L.650-1 du code de commerce. Il ajoute qu''en toute hypothèse et à supposer que l'article L.650-1 soit inapplicable en l'espèce', la disproportion ne saurait pour autant être retenue au regard des conditions dans lesquelles elle s'apprécie et des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus à la date de la conclusion du cautionnement ; que M. [Y] auquel incombe la preuve du caractère disproportionné de son engagement ne le démontre pas au regard de ses revenus et de son patrimoine tels qu'il les a déclarés dans la fiche de renseignements versée aux débats. Le Crédit agricole souligne que les biens communs doivent être pris en compte pour apprécier la proportionnalité du cautionnement, quand bien même l'épouse n'y aurait pas consenti et que M. [Y] ne peut davantage invoquer utilement l'insaisissabilité de sa résidence principale qui ne s'applique qu'aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la loi du 6 août 2015, le cautionnement ayant en outre été souscrit avant la promulgation de l'article L.526-1 du code de commerce créé par cette loi.



La demande en paiement du Crédit agricole, objet de la présente instance, concerne la caution de la société ANL motos et non la débitrice principale en redressement judiciaire. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.650-1 du code de commerce, étant souligné que les dispositions du code de la consommation, seules invoquées par l'appelant et relatives à la disproportion manifeste du cautionnement, s'appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie.



Il résulte des dispositions de l'article L 341-4 ancien du code de la consommation, reprises par l'ordonnance du 14 mars 2016 aux articles L 332-1 et L 343-4 du même code, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.



En outre, lorsque la caution, lors de son engagement, a déclaré des éléments sur sa situation financière au créancier, celui-ci, en l'absence d'anomalies apparentes, peut se fonder sur ces seules déclarations de la caution dont il n'a pas à vérifier l'exactitude. La caution n'est pas alors admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l'existence d'autres charges pesant sur la caution.



Il ressort de la fiche de renseignements datée du 4 mars 2015 que le Crédit agricole communique sous sa pièce 9 et à l'égard de laquelle M. [Y] n'émet aucune critique que les informations suivantes ont été portées à la connaissance de la banque, la signature de M. [Y] étant précédée de la mention dactylographiée selon laquelle il a certifié exacts les renseignements qui y étaient mentionnés :



- M. [Y], signataire d'un pacte civil de solidarité, a deux enfants à charge ; n'étant pas marié, il n'a pas rempli les cases relatives au régime matrimonial ;

- il n'est mentionné aucun salaire le concernant mais uniquement des revenus versés par Pôle emploi pour un montant annuel de 31 200 euros et un revenu locatif annuel de 8 400 euros ;

- sa 'conjointe' est assistante commerciale depuis mai 2011 pour un revenu annuel de 23 400 euros ;

- M. [Y] est propriétaire de deux maisons :

*la résidence principale du couple à [Localité 5] achetée au prix de 323 000 euros en 2011 et évaluée à 460 000 euros, étant indiqué qu'un prêt de 300 000 euros est en cours,

* une résidence secondaire dans le Pas de Calais, achetée 118 000 euros en 2012, évaluée à 145 000 euros et pour laquelle un prêt est également en cours, cette résidence procurant le revenu locatif précité ; la case 'bien en communauté' est cochée à propos de ce seul bien ;

- il est fait état de 51 000 euros de valeurs mobilières détenues au Crédit agricole,

- et également de charges mensuelles de 1 450 euros et 690 euros au titre des crédits immobilier, la case 'autres crédits' ne portant aucune information de même que les rubriques 'divers' au titre des charges et 'commentaires' .



M. [Y] n'indique pas que sa situation aurait évolué entre la signature de cette fiche et son engagement de caution du 2 juillet 2015. Il est fait référence dans ses écritures comme dans celles du Crédit agricole aux 'biens communs' du couple et à 'l'épouse' de M. [Y], aucune des parties n'évoquant ni la date de ce mariage ni le pacte civil de solidarité mentionné dans la fiche de renseignements, lequel est pourtant versé aux débats par le Crédit agricole et a été signé le 3 juillet 2009.



Il n'est pas indiqué que M. [Y] se serait marié entre la signature de cette fiche et la signature du cautionnement, d'ailleurs non soumis aux formalités de l'article 1415 du code civil, l'avis d'imposition 2017 de M. [Y] et de sa compagne portant sur les revenus 2016 mentionnant, comme celui de 2015, la lettre O relativement à la situation du foyer, lettre correspondant à l'existence d'un pacte civil de solidarité. Il convient de considérer qu'à la date du cautionnement M. [Y] était donc, comme lorsqu'il a rempli la fiche de renseignement, uni à sa compagne par un pacte de solidarité.



Il n'y a pas lieu, pour apprécier l'éventuelle disproportion du cautionnement de M. [Y], d'exclure de son patrimoine sa résidence principale dans la mesure où les dispositions qu'il invoque, prévues à l'article L.526-1 du code de commerce, ont été édictées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 publiée au journal officiel le 7 août 2015 et qui est donc postérieure à l'engagement souscrit par l'appelant. Ces dispositions n'ont en outre d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication de cette loi, l'appréciation du patrimoine de la caution étant en tout état de cause indépendante du caractère saisissable des biens qui le composent.

S'il n'est pas mentionné sur la fiche de renseignements le solde restant dû sur les crédits immobiliers souscrits pour l'achat des biens immobiliers dont M. [Y] était propriétaire, il ressort cependant des éléments qu'il verse aux débats que ces prêts ont été consentis par le Crédit agricole qui en avait donc une complète connaissance ; le solde restant dû au titre de ces prêts au 5 juillet 2015 devra donc être déduit de la valeur déclarée dans la fiche de renseignements à hauteur de 227 631,11 euros pour la résidence principale et de 109 249,92 euros pour la résidence secondaire, soit une valeur résiduelle de 232 368,89 euros pour la première et de 35 750,08 euros pour la seconde.



Si le prêt à taux 0 évoqué également par M. [Y] dans ses conclusions a aussi été souscrit, d'après sa pièce 7, auprès du Crédit agricole, l'appelant ne justifie cependant pas suffisamment que ce prêt, non mentionné sur la fiche de renseignements, ait été souscrit en 2015, le document communiqué n'évoquant le capital restant dû que pour les années 2018 à 2039 sans aucune précision sur la date de sa conclusion.



D'après la fiche de renseignements, le bien correspondant à la résidence principale de M. [Y] est un bien qui lui est personnel, étant relevé qu'à cette date il n'avait à cocher ni la case 'bien propre' ni la case 'bien commun' puisqu'il n'était pas marié. Il a néanmoins coché la case 'bien commun' pour la résidence située dans le Pas de Calais et en l'absence de toute justification de la part de chacun des propriétaires indivis sur ce bien, il sera considéré qu'il en est propriétaire de la moitié, son avocat qui a évoqué une propriété 'en commun' ayant retenu dans le patrimoine de M. [Y] la moitié de la valeur de ce bien après déduction du prêt.



Compte tenu de cette précision et des valeurs mobilières également déclarées par M. [Y], son patrimoine à la date du cautionnement s'évalue, après déduction des emprunts encore en cours à la date de son engagement, à la somme totale de 301 243,93 euros (232 368,89 +17 875,04+51 000 euros).



Il se déduit de ces éléments qu'au regard du seul patrimoine de M. [Y] et sans même tenir compte de ses revenus déclarés et versés par le Pôle emploi, son engagement de caution à hauteur de la somme maximale de 106 693,50 euros en principal, intérêts et pénalités de retard, n'était pas manifestement disproportionné.



Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande à ce titre.



Sur le devoir de mise en garde :



M. [Y], après avoir rappelé l'obligation de mise en garde du banquier à l'égard de la caution non avertie, fait valoir qu'il n'était titulaire d'aucun diplôme en gestion ou en finance, que la gestion et le management des entreprises lui étaient totalement étrangers et que par conséquent il était non averti de la situation financière de la société cautionnée et de ses perspectives de développement en dépit de sa fonction de président de sorte que la banque était tenue d'un devoir de mise en garde à son égard ; qu'au moment où il a consenti le cautionnement en cause, la société avait à peine deux mois d'existence et que le jugement de liquidation a été prononcé moins d'un an après la création de la société, ce qui confirme qu'il n'avait pas, au moment de son engagement, apprécié les risques pris et sur lesquels la banque, en sa qualité de professionnel, aurait dû attirer son attention. Il soutient que c'est donc à tort que le tribunal a rejeté ses demandes à ce titre et que son préjudice consiste en la perte de chance de ne pas contracter le cautionnement dont le paiement lui est désormais réclamé par la banque.



Le Crédit agricole rappelle également les conditions dans lesquelles est apprécié le devoir de mise en garde du banquier et soutient qu'en l'espèce il n'était tenu à l'égard de M. [Y] d'aucune obligation à ce titre dès lors qu'il n'existe ni risque d'endettement du débiteur cautionné, le financement accordé à la société étant parfaitement adapté dans la mesure où il n'y avait pas de remboursement impayé lors de l'ouverture de la procédure collective, ni risque d'endettement personnel de M. [Y] et que ce dernier apparaît comme une caution avertie au regard non seulement de sa qualité de dirigeant de la société débitrice mais aussi de son expérience et des services dont il a bénéficié, celui-ci disposant incontestablement des compétences pour apprécier les risques du financement garanti. Le Crédit agricole ajoute enfin qu'à supposer établie une violation du devoir de mise en garde, l'appelant n'établit pas son préjudice, la perte de chance de ne pas contracter ne pouvant être équipollente au montant de la créance de la banque.



Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou lorsqu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur, étant rappelé que la charge de la preuve de ces éléments appartient à la caution.



S'il est exact que le prêt dont a bénéficié la société cautionnée par M. [Y] lui a été accordé au début de son activité puisque l'objet du financement était le 'lancement' du fonds de commerce exploité par la société ANL motos et qu'il n'est pas indiqué par le Crédit agricole qu'il lui aurait été remis des éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de la société, la banque ne versant aux débats que le projet présentant la structure sans éléments comptables précis, il n'est cependant pas démontré par M. [Y] qui ne produit de son côté aucun document comptable de la société dont il était le président, qu'il existait un risque d'endettement de la société, né de l'octroi de ce prêt et résultant de son inadaptation aux capacités financières de cette dernière. Les mensualités de ce prêt remboursable à compter du mois d'août 2015, d'un montant de 1 033,07 euros, ne sont d'ailleurs restées impayées que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que le précise la mise en demeure adressée à M. [Y] à compter du premier incident de paiement du 8 avril 2016, la déclaration de créance du 30 mars 2016 ne faisant état que du capital restant dû au 15 mars 2016, sans échéance antérieurement impayée.



Au regard du patrimoine dont disposait M. [Y], tel que précédemment décrit et déclaré au Crédit agricole, il ne peut davantage être considéré que son cautionnement n'était pas adapté à ses capacités financières.



Dans ces conditions, il ne peut être reproché au Crédit agricole d'avoir manqué à son devoir de mise en garde. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de toute demande à ce titre.



Sur la condamnation en paiement :





Le Crédit agricole conteste la décision des premiers juges qui ont réduit l'indemnité contractuelle de 7 % à 2 000 euros en soutenant que cette indemnité n'a pas le caractère d'une clause pénale susceptible de révision. Il expose qu'elle ne consiste pas en l'évaluation forfaitaire et anticipée des conséquences de l'inexécution contractuelle dès lors qu'elle est calculée sur le montant des sommes exigibles et qu'elle n'a pas pour objet de contraindre l'emprunteur à assurer l'exécution de son obligation de remboursement dans la mesure où la déchéance du terme était acquise. A la supposer réductible, il soutient que son caractère manifestement excessif n'est pas démontré.



M. [Y] qui a conclu au débouté du Crédit agricole en son appel incident n'a présenté aucune autre observation à cet égard.



L'indemnité dont le Crédit agricole sollicite le paiement à hauteur de 5 239,06 euros correspond à l'indemnité de 7% contractuellement prévue et définie en ces termes aux conditions générales du prêt : ' Si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l'emprunteur s'oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2 000 euros.'



Cette clause qui prévoit une indemnité forfaitaire à raison de l'inexécution par l'emprunteur de son obligation de remboursement et qui tend à le contraindre à exécuter le contrat s'analyse en une clause pénale susceptible de réduction dans les conditions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.



Etant relevé qu'en l'espèce, la résiliation du contrat est intervenue du seul fait de la liquidation judiciaire de la société débitrice principale de l'emprunt sans qu'aucune mensualité n'en ait été auparavant laissée impayée, l'indemnité de 7 % apparaît manifestement excessive et les premiers juges l'ont à juste titre fixée à la somme de 2 000 euros, somme minimale prévue au contrat ; le jugement sera également confirmé de ce chef.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement du 15 juin 2018 en toutes ses dispositions,



Condamne M. [U] [Y] à verser à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 6] et d'Ile de France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [U] [Y] aux dépens de la procédure d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.





Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,La présidente,

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