21 janvier 2020
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 18/00076

5e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie


délivrées le


à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER





5e chambre (anciennement 1e chambre C)





ARRET DU 21 JANVIER 2020





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00076 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NPOF











Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 NOVEMBRE 2017


TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER


N° RG 11-16-0004











APPELANTE :





Madame T..., I..., M... J... ayant pour curatrice Madame X... B..., suivant décision du Juge des tutelles en date du 24 septembre 2015, domiciliée [...]


née le [...] à MONTPELLIER (34000)


de nationalité Française


[...]


[...]


Représentée par Me Hervé Charles BERNARD STENTO de l'AARPI JURICAP, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant


assistée de Me Nicolas CASTAGNOS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Hervé Charles BERNARD STENTO, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant














INTIME :





Monsieur U... R...


né le [...] à MONTPELLIER


de nationalité Française


[...]


[...]


Représenté par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant


assisté de Me Willy LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Pascale CALAUDI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant














ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Novembre 2019





COMPOSITION DE LA COUR :








En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 DECEMBRE 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller, chargé du rapport.





Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre


Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller


Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée





Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON








ARRET :





- contradictoire.





- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;





- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.















*


* *








FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES





Par acte notarié du 18 juillet 2003, G... J..., T... J... et D... J... ont établi un compromis de vente visant une maison d'habitation avec hangar au bénéfice d'U... R..., moyennant le prix de 183.000 €. Cet acte prévoit que l'acquéreur s'engage à louer les lieux à T... J... tant qu'elle le souhaitera, pour un loyer mensuel hors charges de 480 € révisable sur le coût de la construction.





Par acte authentique du 23 octobre 2003, G... J..., T... J... et D... J... ont vendu ladite maison à U... R... au prix de 183.000 €. L'acte stipule que l'acquéreur s'engage à louer les lieux à T... J..., sans d'autre précision.





Par courrier du 22 décembre 2010, U... R... a indiqué à sa locataire qu'aucune révision du loyer n'avait été faite jusqu'à cette date et il lui a demandé une régularisation sur les cinq dernières années.





Par acte d'huissier du 22 avril 2015, T... J... s'est vue notifier un congé pour reprise des lieux.





Par acte d'huissier du 3 mars 2016, T... J... a fait assigner U... R... devant le Tribunal d'Instance de Montpellier aux fins de voir invalider le congé délivré le 22 avril 2015 et de constater que le bail d'habitation s'est poursuivi selon les modalités du compromis de vente du 18 juillet 2003, ainsi que de voir condamner U... R... au paiement de 4.099,80 € au titre de la répétition des sommes indûment payées par la locataire et de 4.000 € à titre d'indemnisation de son préjudice moral.





Le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le Tribunal d'Instance de Montpellier énonce dans son dispositif :





Valide le congé délivré le 22 avril 2015 à T... J....

Dit que T... J... est déchue de plein droit de tout titre d'occupation à compter du 22 octobre 2015.

Constate la résiliation du contrat de bail conclu entre T... J... et U... R... à compter du 22 octobre 2015.

Ordonne l'expulsion de T... J... et de tous occupants de son chef et la condamne à restituer les clés, faute de délaissement volontaire des lieux au plus tard deux mois après la signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux, et ce avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si nécessaire.

Dit que les meubles et objets se trouvant sur les lieux seront, en tant que de besoin, transportés et séquestrés dans tel garde-meuble qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et périls du défendeur.

Ordonne la transmission de la présente décision à Monsieur le Préfet du département de l'Hérault.

Fixe à 500 € l'indemnité mensuelle d'occupation due par T... J... à U... R... à compter du 22 octobre 2015, date de la résiliation du bail, avec intérêts au taux légal, jusqu'à parfaite évacuation des lieux.

Condamne T... J... à payer à U... R... la somme de 700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne T... J... aux dépens de l'instance.

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Rejette l'ensemble des autres demandes.






Le jugement expose que l'absence de durée prévue au bail d'habitation ne prive pas U... R... de sa possibilité de délivrer un congé à sa locataire, dans la mesure où les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sont d'ordre public et que les baux perpétuels sont prohibés. Le congé délivré le 22 avril 2015 répond aux exigences légales et est donc valide. Il convient par conséquent de constater la résiliation du contrat de bail à compter du 22 octobre 2015 et d'ordonner l'expulsion de T... J....





Le jugement relève que les parties n'ont pas établi de contrat de bail d'habitation autonome, ce dernier est donc indissociable du contrat de vente de la maison d'habitation puisque les deux contrats portent sur le même bien. Dès lors, l'acte liant les parties ne peut être que l'acte définitif du 22 octobre 2003 et non le compromis qui lui est antérieur.





L'acte du 22 octobre 2003 ne fait pas mention d'une révision de loyer, qui n'est pas obligatoire et ne peut pas se présumer. La demande de T... J... tendant à la restitution des sommes versées à ce titre est donc fondée, mais celle-ci ne rapportant pas la preuve des paiements indus, elle en sera déboutée.





T... J..., ayant pour curatrice X... B... suivant décision du juge des tutelles du 24 septembre 2015, a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 5 janvier 2018.





La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2019.






Les dernières écritures pour T... J... avant clôture ont été déposées le 15 novembre 2019 , elle a à nouveau déposé des écritures cette fois post clôture le 6 décembre 2019.





Les précédentes conclusions de l'appelante sont en date du 4 avril 2018.





Les dernières écritures pour U... R... avant la clôture ont été déposées le 26 juin 2018.





Dans ses dernières écritures post-clôture en date du 3 décembre 2019 U... R... demande d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et à défaut de rejeter les conclusions en date du 15 novembre 2019 déposées par T... J... à quelques jours de la clôture.








La cour observe à la lecture comparée des conclusions de l'appelante aux dates respectives des 4 avril 2018 et 15 novembre 2019 que le dispositif des écritures est identique de même que les pièces.





La cour retiendra alors que dans une procédure d'appel ouverte depuis le 5 janvier 2018, alors que les parties ont échangé leurs premières écritures d'appel respectivement le 4 avril 2018 pour l'appelante et le 26 juin 2018 pour l'intimé , le dépôt de nouvelles écritures par l'appelante le vendredi 15 novembre 2019 à 21 h 10 soit la veille au soir d'un week-end, trois jour avant la date de clôture de la procédure avec des développements supplémentaires ne répond pas à l'exigence de la loyauté des débats dans l'exercice du principe fondamental en procédure civile du contradictoire.


La cour rejette en conséquence les écritures déposées par T... J... le 15 novembre 2019 et le 6 décembre 2019, et les écritures déposées par U... R... post clôture.





La cour retiendra par conséquent pour T... J... les écritures déposées le 4 avril 2018 et pour U... R... les écritures déposées le 26 juin 2018.





Le dispositif des écritures pour T... J... énonce :





Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Débouter U... R... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Dire nul et de nul effet le congé pour reprise du 22 avril 2015.

Ordonner sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la signification du jugement à intervenir, la communication par U... R... des documents requis par la CAF pour le versement de l'allocation logement.

Dire que l'exécution de cette obligation sera justifiée par un courrier de la CAF prenant acte de la transmission des documents requis pour instruire le dossier d'allocation logement et de Majoration Vie Autonome.

Se réserver le droit de liquider l'astreinte.

Condamner U... R... à verser à T... J... la somme de 4.099,80 € à titre de répétition des sommes indûment payées par la locataire suivant réclamation du bailleur du 22 décembre 2010.

Y ajoutant,

Condamner U... R... à verser à T... J... la somme de 7.595,27 € à titre de répétition des sommes indûment payées par la locataire de janvier 2012 à avril 2018.

Condamner U... R... à verser à T... J... la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier.

Condamner U... R... au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.






T... J... soutient que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'article 14 de la loi du 24 mars 2014 est applicable au cas d'espèce, de sorte qu'il y a lieu de procéder à un contrôle a priori du motif allégué et du caractère réel et sérieux du congé délivré le 22 avril 2015. Or, il apparaît que le motif de reprise pour habiter invoqué au profit du fils du bailleur n'est pas réel et sérieux. Ce dernier disposait en effet d'un logement familial autre que celui objet du litige et le contrat de bail produit pour justifier que le fils du bailleur a dû se loger ailleurs faute de libération des lieux par T... J... est sujet à caution dans la mesure où le contrat de bail est en date de août 2016 alors que le congé venait à échéance le 21 octobre 2015, le contrat de bail porte sur un bien situé à Montpellier alors que le bien objet de la reprise se trouve à Maugio et qu'enfin le bail de Montpellier est une colocation.





Le congé est frauduleux et devra être annulé.





T... J... comme ses s'urs a en outre été grossièrement dupée par U... R... qui a acheté la maison à vil prix et son notaire, en ce que l'acte réitératif de vente du 23 octobre 2003 dont elle n'a pas reçu copie occulte la mention pourtant portée dans le compromis de vente, selon laquelle l'acquéreur s'engageait à louer les lieux à T... J... tant qu'elle le souhaitera.





Elle ajoute avoir été d'autant plus facilement dupée que l'acheteur était le médecin de la famille depuis plus de vingt ans





T... J... soutient encore que les indexations de loyers effectuées sont nulles dès lors que l'acte authentique n'en fait pas mention.





Elle ajoute qu'elle justifie parfaitement en appel par la production de ses relevés bancaires de la réalité des virements et paiements effectués.





Le bailleur doit ainsi être condamné à rembourser la somme de 4.099,80 € perçue suivant sa réclamation du 22 décembre 2010, outre la somme de 7.595,27 € pour la période de janvier 2012 à avril 2018.





T... J... indique que U... R... a profité de sa vulnérabilité, qu'il ne pouvait ignorer en sa qualité de médecin traitant, pour la conduire dans une situation financière dramatique, notamment en ne remettant pas à la CAF les documents nécessaires au versement de l'allocation logement. Il devra ainsi être condamner à lui verser la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation préjudice moral et financier subi.





Le dispositif des écritures d'intimé et d'appel incident pour U... R... énonce :





Condamner T... J... au paiement de la somme de 4.970,72 € au titre des arriérés de loyers arrêtés au 31 octobre 2016 et l'autoriser à s'exécuter conformément aux dispositions de ce plan contractuel.

Dire irrecevable la demande de T... J... tendant à la condamnation au paiement de U... R... de la somme de 7.595,27 € à titre de répétition des sommes indûment payées par la locataire de janvier 2012 à avril 2018 comme étant une demande nouvelle en appel.

A défaut la dire infondée.

A défaut la dire partiellement prescrite.

Débouter T... J... de l'intégralité de ses demandes.

Dire régulier et valide le congé pour reprise délivré le 22 avril 2015.

Dire que T... J... est occupante sans droit ni titre depuis le 22 octobre 2015.

Fixer à sa charge une indemnité d'occupation mensuelle de 676 € depuis le 22 octobre 2015 jusqu'à la libération effective des lieux sous déduction des versements opérés depuis le 1er novembre 2016 au titre de l'indemnité d'occupation et des paiements reçus directement de la CAF.

Ordonner l'expulsion de T... J..., de celle de ses meubles et de tous occupants de son chef avec au besoin l'aide et l'assistance de la force publique.

Condamner T... J... à payer à U... R... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le coût du congé du 22 avril 2015.






U... R... fait valoir que c'est à juste titre que le rédacteur de l'acte de vente du 23 octobre 2003 n'a pas repris les dispositions du compromis puisque l'interdiction des baux perpétuels est d'ordre public et que cette clause serait frappée de nullité. A défaut de mention dans l'acte notarié du 23 octobre 2003, la durée du bail est donc réglementée par les textes d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989.





L'article 5-5°b de la loi du 24 mars 2014 permettant de vérifier la réalité du motif invoqué a priori n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'un contrat de location en cours à la date de l'entrée en vigueur de ladite loi. En toute hypothèse, il existe bien un caractère réel et sérieux au congé pour reprise dès lors que U... R... souhaitait y loger son fils devenu majeur et peu importe qu'il n'y ait pas de corrélation entre la date du congé donné à T... J... et celle du bail que son fils a donc souscrire faute de libération des lieux de même qu'il est sans effet de discourir sur les lieux de localisation des deux biens et leur surface respective.





U... R... relève que la locataire ne peut sérieusement soutenir avoir subi un quelconque préjudice de la remise parfois tardive par le bailleur de documents à la CAF puisqu'en cas de suspension des versements des allocations logement, versées directement au bailleur, ce dernier est le seul pénalisé.





U... R... soutient que la demande de T... J... de répétition de la somme de 7.595,27 € est irrecevable car nouvelle en cause d'appel, et en tous les cas infondée et partiellement frappée de prescription. En effet, malgré l'absence de clause d'indexation dans le contrat de bail, une révision du loyer est possible en cours de bail en cas d'amélioration des conditions d'habitation exécutées aux frais du bailleur et après l'achèvement de ces travaux, ce qui est le cas en l'espèce comme le démontrent les factures de travaux produites au débat.





Ainsi en outre comme cela résulte du plan contractuel d'apurement des arriérés signé entre les parties sous l'égide de la CAF, les parties ont convenu d'une révision du montant du loyer en cours de bail. Il n'y a donc aucun indu sur les loyers indexés.






MOTIFS





La cour observe tout d'abord que les parties se livrent dans leurs écritures à de longs développements sur la question de savoir si le bien litigieux a été vendu à U... R... à vil prix, sur un éventuel abus de la vulnérabilité des vendeurs et aussi sur les obligations et la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte.





Toutefois ces discussions ne se traduisent par aucune prétention dans le dispositif des écritures auquel la cour est seul tenu de répondre, la cour n'est donc pas saisie de la question de la validité de la vente du bien ni de la question de l'éventuelle responsabilité du notaire qui n'est d'ailleurs pas dans la procédure, si bien que la cour se limitera à l'examen des points du litige qui font l'objet de sa saisine.





Sur la validité du congé pour reprise :





Les dispositifs de lois particulières visant à régir les rapports locatifs n'excluent pas l'application des dispositions générales du code civil sur les baux d'habitation.





Selon l'article 1709 du code civil qui définit dans son principe le louage de chose et ses caractéristiques il est posé la prohibition des baux perpétuels et aucune loi venue régir les rapports locatifs n'a posé une exception à ce principe d'ordre public .





Par conséquent c'est par une juste application des dispositions de l'article 1709 du code civil que l'acte authentique de vente du bien en date du 23 octobre 2003 n'a pas repris la disposition du compromis de vente du 18 juillet 2003 selon laquelle « l'acquéreur s'engage à louer les lieux à T... J... tant qu'elle le souhaitera » et mentionne seulement « l'acquéreur s'engageant à louer les lieux à T... J...».





Les parties ne s'opposent pas sur le fait que la relation locative existant entre U... R... en qualité de bailleur et entre T... J... en qualité de preneur est régie par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989.





Ainsi comme retenu à juste titre par le premier juge en application des dispositions de l'article 15-I de la dite loi le bailleur peut donner congé à son locataire notamment si ce congé est justifié par sa décision de reprendre le logement afin d'y établir sa résidence principale ou celle de son conjoint, de son partenaire, de son concubin notoire, de ses ascendants, de ses descendants... notamment.





Ce congé doit ensuite respecter des conditions de forme et un délai de préavis de six mois.





En l'espèce par acte d'huissier délivré à T... J... le 22 avril 2015 U... R... a donné congé à sa locataire pour le 22 octobre 2015 pour reprise au profit de son fils V... R... domicilié actuellement à Maugio pour y établir sa résidence principale.





Le congé du 22 avril 2015 ne fait l'objet d'aucune critique quant à sa forme, à sa date de délivrance et à la date à laquelle le congé sera effectif.





En revanche T... J... conteste le motif réel et sérieux de ce congé et reproche au premier juge de ne pas s'être livré à une appréciation a priori du motif allégué et du caractère sérieux et réel du congé.





Concernant le contrôle auquel peut se livrer le juge sur la réalité et le sérieux du motif du congé la loi du 24 mars 2014 a modifié en profondeur la nature de ce contrôle dans la mesure où elle a reconnu au juge un pouvoir de contrôle a priori c'est à dire celui de rechercher si au moment de la délivrance du congé le bailleur avait une intention frauduleuse.





Cependant c'est à juste titre que le juge d'instance a rappelé que la loi du 24 mars 2014 ne s'applique pas aux baux en cours tel que le bail litigieux du 23 octobre 2013.





Si comme le soutient l'appelante la loi du n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant sur certains points la loi du 24 mars 2014 a décidé que l'article 15 serait dorénavant applicable aux baux en cours c'est sous réserve que les nouvelles dispositions de la loi de 2015 soient entrées en vigueur au moment de la délivrance du congé.





Or en l'espèce le congé pour reprise a été délivré le 22 avril 2015 soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 dont les dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer au cas d'espèce.





Par conséquent c'est à bon droit que le premier juge n'a pas procédé à un contrôle a priori du caractère réel et sérieux du congé et dans la mesure où aucun autre motif de nullité de ce congé n'est invoqué c'est à juste titre qu'il a déclaré le congé délivré le 22 avril 2015 à T... J... valide, qu'il a constaté la résiliation du bail à compter du 22 octobre 2015 et dit qu'à compter de cette date T... J... est devenue occupante sans droit ni titre et ainsi ordonné son expulsion à défaut de libération volontaire des lieux.





Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions.





Sur la révision du loyer et les sommes versées à ce titre :





Après avoir sollicité en première instance la somme de 4.099,80 € à titre de répétition des sommes indûment payées par la locataire suivant réclamation du bailleur du 22 décembre 2010 au titre de la révision du loyer, T... J... sollicite également en appel la somme de 7.595,27 € à titre de répétition des sommes indûment payées par la locataire de janvier 2012 à avril 2018 toujours au titre de la révision des loyers.





Contrairement à ce qui est soutenu par le bailleur cette demande de répétition de l'indu sur la période de janvier 2012 à avril 2018 ne peut s'analyser comme une demande nouvelle en appel, demande qui serait donc irrecevable car elle n'est que le complément de la demande initiale en remboursement des sommes qui auraient été payées au titre d'une révision irrégulière du loyer.





C'est pertinemment que le juge d'instance a d'abord rappelé qu'en application de l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 la révision du montant du loyer n'est pas obligatoire et automatique et doit être expressément prévue par le bail.





C'est également à bon droit qu'il a considéré qu'en l'espèce les parties n'ayant pas établi de contrat de bail d'habitation autonome ce dernier est indissociable de l'acte authentique de vente du bien en date du 23 octobre 2003 qui prévoit au chapitre PROPRIETE JOUISSANCE la location du bien à T... J... qui l'occupe d'ailleurs au moment de la vente.





Par ailleurs par sa nature même l'acte de vente authentique vient se substituer au compromis de vente préalable du 18 juillet 2003.





L'acte authentique de vente ne comporte aucune mention d'une révision du loyer et c'est à bon droit que le premier juge a considéré que si les parties avaient entendu prévoir une révision du loyer comme dans le compromis elles se devaient de la mentionner dans l'acte du 23 octobre 2003 ce qui n'est pas le cas.





U... R... soutient alors que malgré l'absence de clause d'indexation dans le contrat de bail, une révision du loyer est possible en cours de bail en cas d'améliorations des conditions d'habitation exécutées aux frais du bailleur et après l'achèvement de ces travaux, ce qui est le cas en l'espèce comme le démontrent les factures de travaux produites au débat.





Toutefois si l'article 17-1I de la loi du 6 juillet 1989, article issu de la loi du 24 mars 2014 prévoit la révision du loyer à la suite de travaux d'amélioration c'est sous réserve que les parties aient convenu par une clause expresse de travaux d'amélioration que le bailleur fera exécuter, et le contrat de bail ou un avenant à ce contrat fixe alors la majoration consécutive à la réalisation de ces travaux.





Or en l'espèce il ne ressort d'aucun document produit que le bailleur et sa locataire aient convenu par une clause expresse de la réalisation de travaux d'amélioration aux frais du bailleur et d'une majoration consécutive du loyer suite à la réalisation de ces travaux.





En outre il a été rappelé que les dispositions de la loi du 24 mars 2014 ne s'appliquent pas aux baux conclus avant son entrée en vigueur et U... R... ne peut se fonder sur des dispositions entrées en vigueur en 2014 pour justifier en 2010 une demande de révision du loyer sur les cinq dernières années soit une somme totale de 4.099,80 € demandée le 22 décembre 2010.





Par conséquent c'est à juste titre que le tribunal a dit que le bailleur ne pouvait solliciter une révision du loyer.





Cependant c'est également à bon droit que le premier juge a aussi rappelé que la charge de la preuve du paiement indu incombe au demandeur en restitution et donc en l'espèce à T... J... preuve qu'elle n'a pas rapportée en première instance se contentant de produire un décompte mentionnant le montant de l'indexation pratiquée par le bailleur entre 2004 et 2009.





T... J... pour rapporter cette preuve en appel verse au débat :


un document intitulé analyse des dépôts de chèques du docteur R... dont l'on ne peut déterminer si ces chèques concernent le paiement de sommes en lien avec le bail ou plus vraisemblablement avec des consultations médicales puisqu'il y est mentionné à plusieurs reprises différence entre le montant du chèque et le remboursement CPAM ou remboursement visite ce qui est totalement étranger au présent litige ;

des relevés de comptes bancaires pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 faisant apparaître les virements effectués au profit de U... R....

des attestation de paiement de la CAF au titre de l'allocation logement pour les années 2012, 2013, les six premiers mois de l'année 2014, l'année 2015, et l'année 2017,

un décompte établi par la locataire des sommes indûment perçues pour les années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et pour les mois de janvier, février, mars et avril 2018.






Il ressort de l'ensemble de ces éléments y compris du courrier adressé par la bailleur à sa locataire le 22 décembre 2010 pour la révision du loyer que le montant initial du loyer convenu entre les partie est bien de 500 € comme d'ailleurs retenu par le premier juge lors de l'évaluation de l'indemnité d'occupation.





Au vu des pièces communiquées il est justifié :


année 2011 absence de trop perçu


année 2012 trop perçu de 55,53 €


année 2013 trop perçu de 150,96 €


année 2014 trop perçu de 325,66 €


année 2015 trop perçu de 2.126,28 €


année 2016 pas de trop perçu ( pas d'allocation logement versée par la CAF et seulement 370,47 € versée chaque mois par la locataire) et reste à régler au titre de l'année la somme de 1.554,36 €


année 2017 trop perçu de 2.111,64 €.








Pour les mois de janvier, février, mars et avril 2018 aucun document n'est communiqué sur cette période.





Par conséquent il ressort de l'ensemble de ces éléments que T... J... justifie avoir versé entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2017 une somme indue de 4.770,07 €.





Par conséquent infirmant sur ce point le jugement dont appel U... R... sera condamné à payer à T... J... la somme de 4.770,07 € au titre des sommes indûment perçues du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017.








Sur le montant de l'indemnité d'occupation :





C'est à juste titre au vu de ce qui précède que le juge d'instance a fixé le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux à la somme de 500 € car cette somme correspond au montant du loyer convenu à l'origine entre les parties, loyer dont il vient d'être jugé que sa révision est irrégulière.





En outre U... R... n'expose pas pour quel autre motif que celui de la révision qui a été écartée le montant de l'indemnité d'occupation devrait être supérieur à celui du loyer contractuellement fixé.





Le jugement sera donc confirmé sur ce point.





Sur la condamnation de T... J... au paiement de la somme de 4.970,72 € au titre des arriérés locatifs arrêtés au 31 octobre 2016 :





Il ressort des pièces versées au débat par la locataire comme déjà exposé que pour l'année 2016 c'est T... J... qui est redevable d'une somme de 1.554,36 € au titre des loyers.





En outre la reconnaissance d'un paiement indu par T... J... au titre de la révision du loyer et la condamnation U... R... à lui rembourser les sommes indûment perçues suite à cette révision induit le rejet de l'appel incident du bailleur sur la demande de condamnation de T... J... à lui verser la somme complémentaire de 3.416,36 € (4.970,72 €- 1.554,36 €) au titre des arriérés de loyers cette demande étant fondée sur un loyer révisé à hauteur de 615,45 € au 1er janvier 2015 alors que le loyer comme l'indemnité d'occupation sont fixés à la somme de 500 €.





Par conséquent ajoutant sur ce point au jugement dont appel T... J... sera condamnée à payer la somme de 1.554,36 € au titre de l'arriéré locatif.





La cour rappelle enfin que la compensation entre les créances réciproques des parties est de droit.





Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral et financier :





T... J... sollicite une somme de 4.000 € au motif principal que son bailleur en ne communiquant pas à la CAF les documents nécessaires est responsable de la suspension pendant une certaine période de son allocation logement ce qui aurait entraîné des conséquences financières dommageables et lui aurait causé aussi un préjudice moral ce d'autant qu'elle est une personne handicapée et donc particulièrement vulnérable.





Il ne semble pas que le juge d'instance ait statué sur cette demande pourtant présentée en première instance.





Toutefois les seules pièces produites sur ce point par T... J... sont insuffisantes à démontrer une faute de U... R... et un lien de causalité entre cette faute présumée et les préjudices invoqués par T... J....





En effet si l'appelante produit au débat des courriers où elle demande à son bailleur de transmettre certaines pièces elle ne rapporte pas la preuve soit de ce que ce dernier n'a pas transmis les dites pièces , soit que ce défaut ou retard de transmission lui a causé un préjudice.





Ainsi la lecture du courrier de la CAF en date du 9 décembre 2010 relatif à la suspension de l'allocation logement en janvier 2009 ne rapporte pas la preuve que cette suspension soit imputable à U... R... et T... J... qui ne produit aucun relevé bancaire sur cette période ne démontre pas qu'elle était à jour de la part de loyer restant à sa charge.





Elle verse également au débat un courrier de la CAF en date du 9 janvier 2014 dans lequel il est indiqué que l'attestation de loyer de juillet 2013 n'a pas été fournie par son bailleur et que sans ce document le versement de l'aide au logement sera interrompu dès le 5 février 2014 mais il ressort des autres pièces produites par T... J... à savoir les attestations de paiement de la CAF et un tableau sur les comptes entre les parties établi par ses soins que l'allocation logement a bien été versée pour tous les mois de l'année 2014.





Par conséquent à supposer que le bailleur ait tardé à transmettre l'attestation de loyers de juillet 2013 il n'est pas démontré que ce retard ait causé un préjudice à T... J....





Cette dernière ne rapporte pas non plus la preuve que ses soucis financiers ont pour origine un comportement fautif de son bailleur ni même qu'ils ont été aggravés par un comportement fautif de ce dernier et il ne saurait lui être reproché d'avoir accepté de signer avec sa locataire sur proposition de la CAF un plan d'apurement de la dette locative en février 2014.





Enfin T... J... dans des développements assez confus où s'enchevêtrent les relations qu'elle entretient avec U... R... en sa qualité de bailleur et celle qu'elle entretient avec ce dernier en sa qualité de médecin traitant argue mais sans le démontrer que le retard que ce dernier aurait mis à déposer certains chèques dont il était bénéficiaire et la présentation à l'encaissement de plusieurs de ces chèques simultanément auraient pu avoir des conséquences délétères sur la gestion de ses comptes .





Toutefois il n'est pas démontré en quoi ce comportement à le supposer avéré serait fautif pas plus qu'il n'est justifié du préjudice réel subi par T... J....





Par conséquent T... J... ne pourra qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaires.





Sur la demande de condamnation d'U... R... à remettre des documents à la CAF sous astreinte :





Tout d'abord T... J... ne précise pas de quels documents il s'agit.





Par ailleurs U... R... justifie pour sa part avoir à plusieurs reprises répondu à des courriers qui lui avaient été adressés par la CAF en 2016.





Enfin il sera rappelé que la validité du congé délivré par le bailleur le 22 avril 2015 entraîne la résiliation du bail au 22 octobre 2015, date à laquelle T... J... est devenue occupante sans droit ni titre ce qui la prive de la faculté de pouvoir exiger de son bailleur des documents dans le cadre d'un contrat de bail qui est résilié et donc n'existe plus.





Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté T... J... de sa demande de condamnation d'U... R... à remettre des documents à la CAF sous astreinte.





Sur les demandes accessoires :





Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.





En appel l'équité commande de ne pas faire appel application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chaque partie conservera la charge des dépens exposés devant la cour d'appel.





PAR CES MOTIFS :





La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe ;





Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 novembre 2017 par le tribunal d'instance de Montpellier sauf en ce qui concerne la demande de remboursement de sommes indûment versées au titre de la révision du loyer ;





S'y substituant sur ce point et y ajoutant,





Condamne U... R... à payer à T... J... la somme de 4.770,07 € au titre des sommes indûment perçues du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2017 ;





Condamne T... J... à payer à U... R... la somme de 1.554,36 € au titre de l'arriéré locatif ;





Rappelle que la compensation est de droit entre les créances réciproques des parties ;





Déboute T... J... de sa demande en dommages et intérêts complémentaires ;





Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;





Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés dans le cadre de la procédure d'appel.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.