22 janvier 2020
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 16/02837

1re chambre sociale

Texte de la décision

BA/MD

































Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère chambre sociale



ARRET DU 22 JANVIER 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02837 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MSUA



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MARS 2016

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG





APPELANTE :



Madame [N] [H]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentant : Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



SARL ANTHEA RH CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Julien TAMPE, avocat au barreau de PARIS





En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.



COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2019,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère et Mme Martine DARIES, Conseillère, chargé du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère



Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ALARCON





ARRET :



- Contradictoire.



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Brigitte ALARCON, Greffier.






*

**



FAITS ET PROCÉDURE:



Un contrat de travail à durée déterminée à temps plein était signé le 02 juin 2009 entre la sarl Anthea RH Conseil et Madame [N] [H] engagée en qualité de consultante statut Etam

niveau II position 3.1, coefficient 400 jusqu'au 31 décembre 2009 au motif d'un surcroît temporaire d'activité.

Il était suivi d'un avenant à cette date le prolongeant jusqu'au 30 juillet 2010.

Un nouveau contrat à durée déterminée à temps complet était conclu le 08 septembre 2010 pour 2 jours puis un second à temps partiel était signé le 17 novembre 2010 à échéance du 31 décembre 2010 .

Le 1er mars 2011, le dit contrat à temps partiel était transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 01 janvier 2011.

Le 1er septembre 2012, l'engagement était à temps complet pour 169 heures mensuelles ( la rémunération comprenant les 35 heures légales et les heures majorées comprises entre 35 et 39 heures). Madame [H] était promue responsable prestations sud à cette date .



Elle était placée en arrêt-maladie à compter du 03 novembre 2014.



La salariée saisissait le 29 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins notamment de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et d'obtenir paiement de dommages et intérêts et diverses indemnités liées à la rupture du contrat.

Lors des visites de reprise des 02 et 19 février 2015, elle était déclarée inapte .



Madame [H] était convoquée le 31 mars 2015 à un entretien préalable fixé au 10 avril 2015.

Elle était licenciée pour inaptitude le 21 avril 2015.



Par jugement du 14 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Montpellier:

- Ecartait les pièces et conclusions produites par Madame [H] le 16 septembre 2015 à savoir les conclusions récapitulatives n°3 et les pièces 25 à 33 de son dossier de plaidoirie,

- Déboutait Madame [H] de l'intégralité de ses demandes,

- Déboutait la société Anthéa RH Conseils de ses autres demandes,

- Condamnait Madame [H] aux dépens.



Madame [H] interjetait appel de ce jugement.






PRETENTIONS DES PARTIES:



Au soutien de son appel, Madame [H] explique qu'en sa qualité de consultante elle était affectée sur une zone géographique étendue ( agences de [Localité 12], [Localité 17], [Localité 6] et [Localité 4]) et que son rythme de travail était très soutenu et sa rémunération non conforme aux tâches accomplies. Elle déclare qu'elle a bénéficié d'une apparente progression de sa qualification dans le cadre de la relation de travail et elle réclame une requalification de la classification au coefficient cadre échelon 3-2 et coefficient 210.

L'appelante sollicite également la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat à durée déterminée du 02 juin 2009 pour absence de surcroît d'activité et celle de la relation de travail en temps complet à compter du 17 novembre 2010 pour non conformité aux dispositions du code du travail.

Elle affirme avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées dont elle réclame le paiement outre celui d'une indemnité forfaitaire de travail dissimulé .

Elle fait valoir que bien qu'ayant averti son employeur de sa situation de souffrance au travail ( heures supplémentaires, non respect des heures de repos, harcèlement moral, violation des règles de sécurité), celui-ci n'a pris aucune mesure et elle a été contrainte à l'arrêt-maladie à compter du 03 novembre 2014.

L'appelante conclut que la gravité des manquements de la société justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et indemnisation.

A titre subsidiaire si la Cour ne retenait pas la résiliation judiciaire, Madame [H] argue que la dégradation des conditions de travail due aux manquements de l'employeur a entraîné l'inaptitude ayant donc une origine professionnelle et elle sollicite le prononcé de la nullité du licenciement. Elle fait valoir l'absence de consultation des délégués du personnel, le défaut de recherche de mesures destinées à adapter le poste de travail et le manquement à l'obligation de reclassement.





Madame [H] demande à la Cour de:

La Recevoir en son appel et l'y dire bien fondée,

En conséquence,

- REFORMER en toutes ses dispositions le jugement dont appel, et statuant à nouveau,

- REQUALIFIER le contrat de travail du 2 juin 2009 à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en conséquence CONDAMNER la société ANTHEA au paiement de la somme de 4 227,30 € au titre de l'indemnité de requalification.



- A TITRE PRINCIPAL, RETENANT un salaire de base de 4 227,30 € par mois et une qualification de Cadre coefficient 210 échelon 3-2:

REQUALIFIER en temps partiel/ temps complet la relation de travail depuis le 17 novembre 2010

CONDAMNER la société ANTHEA RH au paiement des sommes suivantes :

Arriérés de salaire :

o Période du 1er janvier 2010 au 30 juillet 2010 : 2 907,75 € au titre du paiement des heures supplémentaires, outre 290,77 € au titre des congés payés.

o Période du 17 novembre 2010 au 31 août 2012 : 64 902,33 €, outre 6 490,23 € à titre de congés payés (subsidiairement 7 543,27 € outre 10 % de congés payés soit 754,32€ au titre des heures complémentaires non rémunérées)

o Période du 1er septembre 2012 au 25 avril 2015 : 40 664,40 €, outre 4 066,44 € au titre des congés payés + heures supplémentaires : 21 812,39 € bruts outre 10 % de congés payés 2 181,24 €,

Indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 25 363,80 €

Contrepartie obligatoire en repos : 2 483,21 € bruts outre 248,32 € de congés payés

Non-respect des maxima légaux en matière de temps de travail : 5 000 €

Harcèlement moral : 15 000 €

Manquement à l'obligation de sécurité : 15 000 €

Absence de visite médicale d'embauché : 4 000 €

Non-respect des arrêts de travail : 4 000 €

Résiliation judiciaire du contrat de travail ou subsidiairement nullité du licenciement:

Dommages et intérêts : 76 000 €

Indemnité compensatrice de préavis : 12 681,90 € outre 1 268,19 € de congés payés,

Solde de l'indemnité de licenciement :

o Au titre de la résiliation judiciaire : 4 134.78 €, prospérant dans sa demande de requalification CDD / CDI, à défaut 1 520 €.

o Subsidiairement, en cas de nullité du licenciement : 12 462.56 € prospérant dans sa demande de requalification CDD / CDI. à défaut 8 488.90 €.

- Article 700 CPC : 4 000 €

Remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard

Dépens,



A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire le salaire de base retenu était de 2 900 €:

REQUALIFIER en temps partiel/ temps complet la relation de travail depuis le 17 novembre 2010,

CONDAMNER la société ANTHEA RH au paiement des sommes suivantes :

Arriérés de salaire :

o Période du 1er juin 2010 au 30 juillet 2010 : 1 559,88 €, outre 155,98 € au titre des

congés payés afférents

o Période du 17 novembre 2010 au 31 août 2012 : 23 391,75 €, outre 2 339,17 € au titre des congés payés (subsidiairement 4 297.22 € outre 429,72 € au titre des congés payés, au titre des heures complémentaires non rémunérées)

o Période du 1er septembre 2012 au 25 avril 2015 : Heures supplémentaires : 13 096,09 € outre 10 % de congés payés 1 309,60 €

Indemnité forfaitaire de travail dissimulé : 17 400 €

Contrepartie obligatoire en repos : 1 490,72 € outre 149,07 € de congés payés

Non-respect des maxima légaux en matière de temps de travail : 5 000 €

Harcèlement moral : 15 000 €

Manquement à l'obligation de sécurité : 15 000 €

Absence de visite médicale d'embauché : 4 000 €

Non-respect des arrêts de travail : 4 000 €

Résiliation judiciaire du contrat de travail ou subsidiairement nullité du licenciement :

Dommages et intérêts : 76 000 €

Indemnité compensatrice de préavis : 8 700 € outre 870 € au titre des congés payés,

Solde de l'indemnité de licenciement :

o Au titre de la résiliation judiciaire : en raison de la requalification CDD/CDI : 1520€

o Subsidiairement, en cas de nullité du licenciement : 7 233 € et plus subsidiairement en l'absence de requalification du CDD en CDI : 4 193 €.

- article 700 CPC: 4000 €

- remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50€ par jour de retard

- dépens





En réplique, la sarl Anthea RH Conseil sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes, alléguant notamment que Madame [H] a sollicité un temps partiel et non complet pour la période du 17 novembre 2010 au mois de décembre 2010 et qu'elle ne peut réclamer une reclassification au regard de la convention collective applicable puisque le travail de coordination accompli en tant que chef de projet correspond bien à l'échelon 2-1, coefficient 115 dont elle bénéficiait.

L'intimée conteste être redevable d'heures supplémentaires non rémunérées et d'une indemnité pour travail dissimulé. Elle affirme avoir respecté les obligations contractuelles concernant les périodes d'arrêt de travail et temps de repos et que la salariée ne démontre pas l'existence d'un préjudice pour retard dans la mise en oeuvre de la visite médicale initiale.

La société conteste tout agissement de harcèlement moral ou de contrevenance à l'obligation de sécurité et oppose l'absence de manquements suffisamment graves pour emporter la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

Elle conclut que le licenciement pour inaptitude non d'origine professionnelle prononcé est régulier et fondé, la société ayant satisfait à ses obligations de recherches de reclassement .



La sarl Anthea RH Conseil demande par conséquent à la Cour de :

1. EN TOUT ETAT DE CAUSE. AVANT DIRE DROIT :

Vu les articles 9 à 11 du Code de Procédure Civile,

Ordonner à Madame [N] [H] de produire les pièces suivantes :

La notification de la décision de la CPAM de l'Hérault suspendant le versement des indemnités journalières de Madame [H].

2. A TITRE PRINCIPAL :

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Débouter Madame [H] de l'ensemble de ses demandes

- Condamner Madame [H] à verser à la SARL ANTHEA RH CONSEILS la somme de 4000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile





Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.






SUR CE:



L'article 1184 du code civil tel qu'applicable au litige permet à l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique d'en demander la résolution judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante.

Lorsque, comme en l'espèce, un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l'employeur d'une gravité suffisante et, dans le cas contraire, doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.





I / Sur les manquements liés à la rémunération et au temps de travail:



- Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 02 juin 2009 en contrat à durée indéterminée:



Madame [H] rappelle qu'en application de l'article L 1424-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, quel que soit le motif.



Elle conteste la validité du motif de recours énoncé pour un surcroît temporaire d'activité.



Le dit contrat communiqué à la procédure mentionne : 'ce contrat est lié à un surcroît temporaire d'activité résultant de nouvelles missions confiées au cabinet Anthea RH Conseil notamment antenne Emploi EDA sites de [Localité 15] (13) et de [Localité 9] (34) et mission CBS à [Localité 19] ( 84)'.



L'employeur n'allègue d'aucun élément justifiant le motif visé au contrat et ne produit aucune pièce.



Il convient donc de procéder à la requalification du contrat de travail du 02 juin 2009 à durée déterminée en durée indéterminée et de condamner en application de l'article L 1245-2 du code du travail la société employeur à payer une indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire dont le montant ne peut être inférieur au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, tel qu'il sera déterminé ci-après.





- Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel du 17 novembre 2010 et de l'avenant du 01 mars 2011 à échéance du 30 août 2012 en temps complet:



Madame [H] invoque que les contrats ne respectent pas les dispositions de l'article L3123-14 du code du travail devant préciser notamment la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la nature d'une modification éventuelle de la répartition, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque jour sont communiquées par écrit au salarié, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.



L'appelante soutient d'une part en application de l'article D3171-8 du code du travail que n'étant pas soumise à un horaire collectif, l'employeur devait établir les documents nécessaires au décompte du temps de travail et d'autre part qu'il y avait dépassement de plus du dixème du temps prévu par les heures complémentaires effectuées, ayant accompli plus de 40 heures complémentaires par mois représentant plus de la moitié du contingent d'heures initialement prévu.



La société y objecte que la demande de temps partiel est à l'initiative de la salariée selon courrier du 16 novembre 2011et qu'elle n'a jamais été empêchée de chercher un autre emploi.



Le contrat du 17 novembre 2010 stipule que la durée mensuelle du travail est fixée à 78 heures réparties sur deux jours et demi par semaine.

La dite convention ne fixe pas la répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ni les modalités selon lesquelles les horaires sont communiqués à la salariée.

Il existe une présomption de temps complet à laquelle l'employeur ne répond pas par des éléments objectifs.



Les raisons personnelles et familiales qui auraient poussé Mme [H] à solliciter un temps partiel, de même que le fait que celle-ci aurait recherché un autre emploi sont indifférents et n'établissent qu'elle n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas tenue de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.



L'avenant du 01 mars 2011qui transforme le contrat précédent en contrat à durée indéterminée à compter du 01 janvier 2011 mentionne un temps de travail identique à celui du précédent contrat et que la salariée travaillera les lundi et mardi de 09 H à 12 H et de 14H à 18H et le jeudi de 09H à 13H.

La modification tardive de la convention quant à la répartition horaire ne supplée pas à la carence du précédent contrat.

Il sera donc fait droit à la demande de requalification de Madame [H] de travail en temps complet pour la période du 17 novembre 2010 au 30 août 2012.





- Sur la demande de reclassification:



Madame [H] expose qu'elle était initialement employée en qualité de consultante, statut Etam, coefficient 400, puis était promue au grade d'agent de maîtrise en janvier 2011 tel que mentionné sur ses bulletins de salaire mais pas sur le contrat régularisé le 1er mars 2011.

Elle devenait cadre en janvier 2013, classification 2-1, coefficient 115 correspondant à un cadre ayant au moins deux ans de pratique de la profession.



Elle prétend qu'elle n'était pas rémunérée à hauteur du minimum conventionnel afférent à sa fonction réelle alors que la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils N°3018 positionne à l'échelon 3-2 et au coefficient 210 l'ingénieur ou le cadre « orientant et contrôlant le travail de ses collaborateurs ».

Elle fait valoir que cette convention collective fait de l'organisation et du contrôle du travail des employés l'un des critères de la fixation de la rémunération, puisque la précédente position (3-1) correspond aux « ingénieurs ou cadres sans responsabilité complète placés sous les ordres d'un chef de service ».

Elle affirme au contraire qu'elle était en charge du contrôle de ses collaborateurs, placée uniquement sous la direction de Madame [S] [J], Directrice Générale et que sa signature fonctionnelle sur les courriers électroniques indiquait : « Chef de projet RH, Responsable Région Sud ». Elle ajoute qu'elle occupait des fonctions rigoureusement similaires depuis son entrée dans la structure, n'ayant changé que de titre , disposant de deux diplômes validant un niveau Bac+5 ( DEA : Education. Formation, Insertion (2000) -RNCP : Direction des Ressources humaines (2007) ) et cumulant plus de 10 ans d'expérience à ce poste ou un poste similaire.





La classification selon la convention collective mentionne concernant les ingénieurs et cadres:

- Position 2 : ceux ayant au moins 2 ans d'ancienneté de pratique de la profession:

. position 2-1 âgés de moins de 26 ans: coefficient 105

et âgés de plus de 2 ans: coefficient: 115 affecté ( à Madame [H])

- Position 2-2 : ingénieurs d'études et de recherches Coefficient 130

- Position 2-3 : ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique coefficient 150

- Position 3-1: ingénieurs ou cadres sans responsabilité complète placés sous les ordres d'un chef de service coefficient 170

- Position 3-2: ingénieurs ou cadre orientant et contrôlant le travail de collaborateurs coefficient 3-2 revendiqué par l'appelante à compter du 17 novembre 2010.



Si aucun document ne stipule que Madame [H] est chef de projet, l'employeur lui reconnaît ce titre pour lequel il communique une fiche de poste ( création 06-2013) fixant les missions et objectifs sous le contrôle de la direction générale avec comme subordonnés: les consultants et administratifs, à savoir: gestion des missions confiées au Cabinet, management d'équipe, promotion de l'image du Cabinet, représentation locale du cabinet, organisation de commission de suivi et animation, prestations Pôle Emploi.



L'employeur alléguant que la salariée engagée comme consultante n'avait aucune expérience maintient une application conforme de l'échelon 2-1, coefficient 115 de la Convention collective, tel qu'appliqué à Madame [E] du 28 octobre 2013 comme chef de projet région sud-est (coefficient 105) et correspondant ( selon l'annexe 2 de la classification) au statut des ' Ingénieurs ou cadres ayant au moins deux ans de pratique de la profession, ayant des qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études et qui coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études'.



Néanmoins la société reconnaît que Madame [H] disposait d'une grande autonomie dans l'organisation de son temps de travail, animait des réunions ( 'comme tous les chefs de projet'), avait un rôle d'organisation et de support dans la mesure où elle devait aussi participer à l'activité des personnes placées sous sa responsabilité, effectuait le même travail que les consultants mais qu'elle coordonnait en outre leurs actions, ce qui est le rôle du cadre, chef de projet. La société ajoute que l'activité supposait un découpage par région ou département mais que les personnes placées sous la responsabilité de l'appelante étaient très autonomes.



Les attestations émanant des anciens collègues de l'appelante corroborent les responsabilités exercées:

- Madame [Y] [M] consultante en reclassement du 11 juillet 2013 au 31 juillet 2014 à [Localité 7]: « (...) J'étais placée sous la responsabilité de Madame [N] [H], qui me rendait visite au moins une fois par mois pour effectuer mon suivi d'activité (...) Seule à [Localité 7], Madame [H] m'associait aux réunions d'équipe qu'elle animait à [Localité 18] (...) »

- Madame [O] [B] consultante à [Localité 18] ayant travaillé de février 2013 à juillet 2013 sous la responsabilité de Madame [H] qui était présente à chaque commission..

-Madame [W] [T] consultante RH à [Localité 6] atteste également qu'avec Madame [Y] [M], elle travaillait « sous l'autorité de notre responsable de Région, [N] [H] »,

- Madame [I] [D], consultante, fait un état des larges responsabilités confiées à l'appelante en tant que chargée de missions des régions Paca, Midi Pyrénées, Aquitaine et qui coordonne et supervise l'activité des consultants.

- Madame [C] [E], chef de projet depuis octobre 2013 sur la région Paca, atteste notamment que même sur sa zone, Madame [H] était en charge de la facturation des prestations Pôle Emploi et était également amenée à animer des réunions à [Localité 10].

- Madame [A] [F] (ayant démissionné en avril 2014) atteste que l'intitulé « Chef de projet » désigne chez ANTHEA les Cadres responsables d'Agences Régionales ayant à piloter des équipes.



Ainsi les fonctions exercées sont en adéquation avec celles correspondant à la position 3-2 niveau 210 réclamées par Madame [H]: « Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant, et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature', la convention n'exigeant pas une durée de pratique de la fonction, qui existait néamoins puisque l'appelante avait précédemment exercé dans un autre cabinet conseil où elle avait été en contact avec des membres de la direction du cabinet Anthéa tel qu'il ressort des termes d'une attestation de Monsieur [U] directeur développement.



L'employeur reconnaissant le statut de cadre à compter de septembre 2012 et l'appelante ne démontrant pas qu'elle ait eu un statut assimilé avant cette date, il sera fait droit à une reclassification à compter de cette date.





- Sur l'indemnité de requalification:



Du fait de la reclassification indiciaire, l'indemnité de requalification du contrat de travail du 02 juin 2009 en durée indéterminée est fixée à 4227, 30 euros.





- Sur les heures complémentaires et supplémentaires:



Madame [H] affirme avoir accompli de nombreuses heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées:

- 85,5 heures du 01 janvier 2010 ( temps non prescrit par rapport à la date de saisine de la juridiction prud'homale) au 30 juillet 2010,

- 252 heures 40 du 17 novembre 2010 au 31 août 2012 comme précédemment indiqué, période pour laquelle la Cour a prononcé une requalification du temps partiel en temps complet,

- 575,52 heures 40 minutes au-delà des 4 heures supplémentaires structurelles rémunérées et prévues dont 252 heures et 50 minutes au-delà de la 43ème heure de travail hebdomadaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 octobre 2014.



Elle produit des relevés d'activités détaillés ( par année, mois, semaine, jours, horaires et activités) pour ces périodes outre des notes de frais avec les justificatifs.



La société conteste les prétentions en opposant que le temps de travail est fixé par le contrat et le règlement intérieur prévoit que les temps de trajet font l'objet d'une fiche spécifique et que des heures supplémentaires peuvent être prévues au cas par cas.

Elle ajoute que la salariée choisissait ses lieux et temps de réunion hors de l'agence et qu'il lui était donc loisible de s'organiser afin de respecter l'amplitude horaire en prenant les modes de transports adaptés tel qu'il ressort des attestations de:



- Monsieur [R] responsable régional Ile de France et délégué du personnel cadre, en relation avec Madame [H] du fait de la similitude des fonctions sur deux régions différentes : ' Concernant les déplacements pour venir aux réunions mensuelles des chefs de projet à [Localité 14], je suis également étonné des propos de [N] [H] qui évoque des journées de 16 heures. La direction d'entreprise a toujours encouragé des déplacements importants par voie aérienne. Cet usage avait été évoqué en réunion DP et confirmé par Madame [S]. Le fait de venir à [Localité 14] en train relevait uniquement de la propre volonté de [N] [H] qui nous a toujours déclaré qu'elle n'aimait pas prendre l'avion. Concernant les trajets en voiture, là encore [N] [H] indique qu'au vu de ses horaires, elle était obligée de rentrer par des routes secondaires. Là encore, et lors des réunions des chefs de projet, [N] [H] nous a toujours déclaré qu'elle n'aimait pas utiliser les autoroutes et qu'elle privilégiait systématiquement les routes secondaires. En 2013, une chef de région PACA, [E], a été embauchée. Celle-ci prenait d'ailleurs régulièrement l'avion pour se rendre à [Localité 14] et non le train comme [N] [H]. La zone d'intervention de [N] [H] ne s'étendait donc plus sur le Languedoc-[Localité 16] et Midi-Pyrénées, sachant qu'au mois d'octobre 2013, une chef de bureau était nommée sur cette même région. J'ajoute que [N] [H] n'a jamais évoqué, lors des réunions de chef de projet, le rythme infernal de travail qu'elle décrit dans son courrier. Elle ne m'a jamais non plus contacté en tant que DP pour faire remonter ces informations. »,



- Monsieur [U], directeur développement:

«Fin octobre 2013, un chef de bureau a été nommé à [Localité 6] pour pallier au manque de [N] [H] et manager les équipes sur place. La zone d'activité de [N] [H] ne justifiait donc pas comme elle le prétend des journées de travail de 15 ou 16 heures.

Au sujet des accusations de [N] [H] sur ses amplitudes horaires tant sur les réunions avec les chefs de projet que sur ses activités quotidiennes, je précise qu 'il existe une directive précise de notre direction, à savoir prendre en priorité les transports en commun et l'avion pour les personnes les plus éloignées. Sur ce sujet [N] [H] a toujours refusé de prendre l'avion par choix personnel, en privilégiant le train malgré notre insistance ».



L'employeur fait valoir en outre que la salariée adressait mensuellement tant à la comptabilité qu'à la direction l'état de ses interventions et que selon courriel versé à la procédure le 2 février 2011, elle demandait à être payée de façon dissimulée dans le but de profiter indûment des versements de Pôle Emploi de même que le 2 décembre 2011, elle indiquait à Madame [S], gérante, qu'elle préférait que ses heures supplémentaires soient payées en notes de frais: ' Et pour les heures sup : ci-joint tableau d'activités et total de 161 heures en heures sup depuis le mois de septembre. Si ça peut passer en note de frais, comme nous l'avions évoqué, c'est parfait. ».

La société précise les sommes importantes payées au titre des indemnités kilométriques.



Madame [H] se défend d'avoir 'gonflé' les notes de frais.



Quel que soit le 'souhait' de la salariée concernant les modalités de paiement des frais et des heures supplémentaires, elle adressait le récapitulatif de ses activités et il appartenait à l'employeur d'appliquer les dispositions du code du travail et d'effectuer toute vérification utile notamment par rapport au mode de transport qui selon Madame [E], également chef de projet, était le train, préconisé par la direction comme étant moins cher que l'avion et celui majoritairement utilisé pour se rendre aux réunions à [Localité 13], le train permettant de rester jusqu'à la fin des réunions (19 heures).

Par ailleurs au contraire des temps de trajet domicile - lieu de travail ( que l'appelante a déduit de ses relevés comme les temps de pause déjeuners) les déplacements relatifs à des temps de déplacement entre l'entreprise et le lieu d'intervention ou entre deux lieux de travail sont considérés comme du temps de travail effectif, le salarié étant à disposition de l'employeur.

Il y a lieu de prendre en compte l'accomplissement d'heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées par l'appelante.





- Sur les montants des demandes salariales:



Madame [H] réclame, selon décomptes précisés dans les conclusions n'ayant pas fait l'objet d'observations particulières par la société,



- au titre du rappel de salaires pour la période du 01 janvier 2010 au 30 juillet 2010 sur la base de la qualification Etam les sommes de : 1559,88 euros outre 155,8 euros de congés payés afférents,



- au titre du rappel de salaires temps partiel - temps complet pour la période du 17 novembre 2010 au 31 août 2012 sur la base de la qualification Etam les sommes de:

23391,75 euros et 2339,17 euros de congés payés afférents,

- au titre du rappel de salaires sur la période du 1er septembre 2012 au 21 avril 2015:

. tenant compte de la revalorisation du statut portant le salaire mensuel à 4227,30 euros ( au lieu de 2550 euros) pendant 28 mois, un solde de 40 664,40 euros (brut) outre 4 066,44 euros de congés payés afférents,

. la somme de 21 812,39 euros (brut) pour les heures supplémentaires outre 10 % de congés payés 2 181,24 euros afférents,



Il sera fait droit à ces demandes.





Sur le travail dissimulé':



Selon l' article L 8221-5 du code du travail, est réputé'travail dissimulé'par dissimulation d'emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire à l'obligation d'établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L'article L 8223-1 dudit code dispose que le salarié, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



En l'espèce, l'intention de dissimulation de la société est caractérisée au vu du montant des heures non rémunérées sur de nombreux mois qui n'ont pas été portées sur les bulletins de salaires.

L'intimée sera condamnée à payer la somme de 25363,80 euros.





II /Sur les manquements liés au harcèlement et à la sécurité du travail:



A/ Sur les manquements aux obligations liées au repos:



La société les conteste.



- Sur la contrepartie en repos:



Madame [H] rappelle qu'en vertu de l'article L.3121-11 du Code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires (conventionnel ou, à défaut, réglementaire) ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos.

La contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 100% de ces heures dans les entreprises de plus de 20 salariés .



Elle demande l'indemnisation du préjudice subi lié au repos non pris, équivalente à la rémunération qui aurait été perçue si elle avait accompli son travail en vertu de l'article L.3121-28 du Code du travail et de l'article D.3121-14-1 du Code du travail fixant le contingent annuel d'heures supplémentaires à 22 heures par salarié.



Pour l'année 2013, le contingent d'heures supplémentaires ayant été dépassé de 89,10 heures, elle réclame la somme de 2 483,21 euros bruts outre 248,32 euros de congés payés sur la base de la revalorisation salariale.



La salariée, dont la demande d'heures supplémentaires a été accueillie par le juge, doit être considérée comme n'ayant pas été en mesure de formuler du fait de son employeur une demande de repos compensateur en temps utile et a droit à l'indemnisation du préjudice subi'qui comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur.

En l'espèce, sur la base des calculs de la salariée qui ne sont pas utilement contestés, il lui sera alloué les sommes réclamées au titre de l'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos non pris, étant précisé que cette indemnité est une indemnité compensatrice à caractère salarial.





- Sur le non-respect des maxima légaux applicables au temps de travail:



L'appelante fait valoir en outre, à l'appui des relevés horaires et d'un tableau récapitulatif de l'absence de repos de 11 heures consécutives, que la société Anthea a violé les maxima légaux en matière de temps de travail, la salariée ayant travaillé régulièrement plus de 10 heures par jour, sans repos de 11 heures ou plus entre deux jours de travail, plus de 48 heures par semaine, plus de 44 heures sur 12 semaines glissantes, comme par exemple du 24 mars au 27 juin 2014, période à l'issue de laquelle elle est tombée en arrêt maladie...

Elle sollicite l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros en réparation du préjudice subi.

Au des éléments de la procédure, la société sera condamnée au versement d'un montant de 1500 euros de dommages et intérêts.





B/ Harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité de résultat:



Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.



Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application des dispositions des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu envers ses salariés à une obligation générale de sécurité afin d'empêcher la survenance d'accident du travail ou le développement de maladie professionnelle.



Madame [H] allègue qu'elle faisait face à une situation de harcèlement moral caractérisé par un management méprisant son organisation du temps de travail, allant même jusqu'à la harceler alors qu'elle était en arrêt maladie.



Ainsi, elle expose que:

- elle était régulièrement missionnée à la dernière minute par la Directrice Générale pour effectuer des missions alors qu'elle avait déjà largement atteint le temps de travail qui correspondait à sa fonction:

ainsi le 2 octobre 2014, son employeur lui avait demandé de rejoindre [Localité 7] malgré une alerte météo niveau orange sur la région de l'Hérault et elle avait été contrainte, ne pouvant rentrer le jour même, de solliciter les services de son assistante maternelle pour garder sa fille la nuit au pied levé, ce qui est attesté par Madame [L], assistante maternelle

- elle était jointe régulièrement les soirs et fins de semaine par téléphone, son employeur lui demandant parfois des comptes immédiatement, même pendant les arrêts-maladie ainsi:

. lorsqu'elle a été en arrêt le 30 juin 2014, suite à une série de 12 semaines glissantes dépassant les 44 heures par semaine, son employeur lui a téléphoné à plusieurs reprises,

. de même, le 3 novembre 2014: son compagnon Monsieur [K] décide à ce moment de décrocher à la place de celle-ci afin de la préserver tel qu'il l'atteste.

- elle devait faire face à une grande charge de travail dont elle avait alerté l'employeur resté taisant, ce dont atteste Madame [E] chef de projet PACA: ' le 14 mai 2014 lors d'une réunion de travail à [Localité 11], il a été évoqué de diviser la région de Madame [H] qui comprend l'Aquitaine, Midi Pyrénées et Languedoc [Localité 16] et parfois [Localité 5] car la charge de travail et les temps de travail étaient plus conséquents.Madame [S] est restée sans réponse face à cette requête'.





A l'appui de ses griefs, elle verse des attestations des autres salariées de la structure sur le comportement de l'employeur face à ses demandes:

- Madame [Z] [V], ancienne chef de projet : 'lors de la réunion des chefs de projets du 20 octobre 2014, Madame [H] a évoqué ses temps de trajet, le fait qu'elle n'était pas payée pour ses heures supplémentaires et qu'elle n'avait pas le droit de les récupérer.

Mme [S] s'est de suite emportée à son encontre. Mme [H] a été critiquée, rabaissée et traitée sans aucune considération lors de cette réunion. Madame [S] lui a hurlé dessus et ne voulait pas entendre parler de ses temps de trajets et heures supplémentaires considérant que les «provinciaux» ne pouvait pas se plaindre car seuls les parisiens étaient débordés de travail. Nous avons tous été gênés de la façon dont Mme [H] a été traitée ce jourlà.

Lors de ces réunions mensuelles, nous étions tous, tour à tour, et particulièrement [N] [H] et moi-même rabaissées, critiquées devant tout le monde et humiliées. Je tiens à préciser que lors de ces réunions je devais partir de chez moi à 4h30 du matin et rentrer à minuit sans aucune compensation et Mme [H] était dans une situation similaire ».



- Madame [A] [F], ancienne salariée, relève que ' Madame [H],Madame [E] et Madame [V] ont souligné à plusieurs reprises les difficultés concrètes à mener de front l'ensemble des missions parfois très éloignées sur leur territoire les obligeant à cumuler temps d'intervention et temps de trajets ce qui induisait des journées d'une amplitude comprise entre 12 et 16 heures, ce qu'elle avait mis en évidence auprès de [X] [U] et [J] [S] à maintes reprises ...dont la direction n'a jamais voulu tenir compte..'



L'appelante considère que ce harcèlement se couple avec un manquement par la société à son obligation de sécurité et qu'elle a subi du fait de ce mode de fonctionnement des arrêts de travail qui mentionnent « syndrome anxio-dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles'. Elle ajoute ne pas avoir bénéficié de visite médicale d'embauche mais seulement d'une première visite le 8 avril 2013, selon la fiche produite, quatre ans après son premier contrat avec Anthea.



Le grief selon lequel l'appelante était régulièrement missionnée à la dernière minute sera écarté en l'absence de production d'ordres de mission de l'employeur notamment concernant celle du 02 octobre 2014. De même ne sera pas retenu celui selon lequel l'employeur l'appelait régulièrement le soir et les fins de semaine pour obtenir des renseignements professionnels en l'absence d'éléments circonstanciés.

Les autres éléments pris en leur ensemble laissent présumer une situation de harcèlement moral.

Il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



La société conteste le non respect allégué des périodes d'arrêt de travail et produit en réponse une attestation de Monsieur [U] qui déclare avoir pris des nouvelles pour des raisons d'amitié: ' [J] [S] et moi-même connaissons Madame [H] depuis de nombreuses années lors d'une expérience professionnelle antérieure dans un autre cabinet Rh Esse...les déclarations de [N] [H] au sujet de mon appel téléphonique pendant son arrêt-maladie m'ont particulièrement surpris . En effet connaissant [N] [H] depuis de nombreuses années je trouvais légitime de prendre de ses nouvelles. J'ai effectivement profité de l'appel téléphonique pour faire le point sur les dossiers en cours car je n'avais aucune information sur le serveur interne..'

En l'état de ces explications, le grief invoqué sera écarté.



Le grief de 'dénigrement' tel que décrit par Madame [V] apparaît constitué en l'absence d'explications de l'employeur.



La société dénie toute responsabilité dans la dégradation de l'état de santé de l'appelante et indique que l'assurance maladie a suspendu le versement de ses indemnités journalières et que malgré sa demande, la salariée ne s'est pas expliquée alors qu'elle était en congé pendant son arrêt de travail.

A cette demande avant-dire droit, l'appelante répond que la notification réclamée n'existe pas et qu'elle produit le relevé des indemnités journalières de sécurité sociale perçues jusqu'au 30 janvier 2015 correspondant au terme du dernier arrêt de travail avant la visite médicale de reprise.



En tout état de cause, l'employeur n'apporte aucun élément objectif pouvant justifier la surcharge de travail à laquelle Madame [H] était confrontée et qu'il n'a pas pas pris en compte malgré les alertes confirmées par les attestations, ce qui caractérise des agissements répétés de harcèlement moral, agissements qui relèvent en outre de la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur (comme également le défaut de visite médicale initiale, même si la salariée ne démontre pas avoir subi un préjudice), ce qui a entraîné une dégradation des conditions de travail et a mis en danger la santé physique et morale de Madame [H], telle que le médecin du travail a conclu lors de la seconde visite à une inaptitude au poste, confirmée par l'étude de poste et des conditions de travail, réalisée le 04 février 2015 et à une aptitude à un poste où les conditions de travail seraient moins stressantes.



L'accumulation des manquements est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de la Sarl Anthea RH Conseil, résiliation judiciaire qui doit produire ses effets à la date du licenciement qui a mis un terme au contrat.



En conséquence, si les demandes de dommages et intérêts pour absence de visite d'embauche et non respect des arrêts de travail sont rejetées, la société est condamnée à payer à Madame [H] à titre de dommages et intérêts la somme de 3000 euros pour harcèlement moral et celle de 2000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité.





Sur les demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail':



L'article 1235-3 du code du travail ( dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017 applicable aux litiges nés après cette date) dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse , le juge octroie une indemnité à charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Madame [H] était âgée de 38 ans, bénéficiait d'une ancienneté de plus de 4 ans au moment de la déclaration d'inaptitude dans une entreprise d'au moins 11 salariés et devait percevoir un salaire mensuel suite à reclassification de 4227,30 euros. Elle a effectué une formation pour devenir formateur pour adulte et est devenue formatrice en master 1 en direction des ressources humaines. Elle a signé le 15 juin 2018 un contrat de travail à durée indéterminée avec le groupe SOS Solidarité comme employée administrative pour un salaire net de 1263,64 euros.



Il lui sera alloué :

- 26000,00 euros de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur,

- 12681,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1268,19 euros de congés payés y afférents.

- 4134,78 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement





Sur les autres demandes :



L'employeur devra remettre à Madame [H] l'attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt.





Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à Madame [H] la somme de 1800,00 euros à ce titre pour la procédure de première instance et d'appel. La demande de la société sur ce fondement est rejetée.



L'employeur est tenu aux dépens.





PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant par arrêt rendu contradictoirement et mis à disposition au greffe:



Infirme le jugement déféré du conseil de prud'hommes de Montpellier du 14 mars 2016 sauf en ce qui concerne le débouté des demandes de dommages et intérêts pour le non respect par l'employeur des périodes d'arrêts de travail et le défaut de visite médicale initiale,



Statuant à nouveau et y ajoutant:



Prononce la requalification du contrat à durée déterminée du 02 juin 2009 en contrat de travail à durée indéterminée,



Prononce la requalification en temps complet du contrat de travail à temps partiel du 17 novembre 2010,



Dit que Madame [N] [H] bénéficie d'une revalorisation de la classification indiciaire à la position 3-2 coefficient 2010 à compter du 1er septembre 2012,



Condamne la sarl Anthea RH Conseil à payer à Madame [N] [H] les sommes de:



- 4227,30 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat du 02 juin 2009,

- 1559, 88 euros au titre du rappel de salaires pour la période du 01 janvier 2010 au 30 juillet 2010 sur la base de la qualification Etam outre 155,80 euros de congés payés afférents,



- 23391,75 euros au titre du rappel de salaires temps partiel - temps complet pour la période du 17 novembre 2010 au 31 août 2012 sur la base de la qualification Etam et 2339,17 euros de congés payés afférents,



- au titre du rappel de salaires sur la période du 1er septembre 2012 au 21 avril 2015:

. tenant compte de la revalorisation du statut portant le salaire mensuel à 4227,30 euros, un solde de 40 664,40 euros (brut) outre 4 066,44 euros de congés payés afférents,

. la somme de 21 812,39 euros (brut) pour les heures supplémentaires outre 2181,24 euros de congés payés afférents,



- 25363,80 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,



- 3000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,



- 26000,00 euros de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur, à effet au 21 avril 2015,

- 12681,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1268,19 euros de congés payés y afférents,

- 4134,78 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,



- 1800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel,



Ordonne la remise par sarl Anthea RH Conseil à Madame [N] [H] de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt,



Ordonne le remboursement par la sarl Anthea RH Conseil aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Madame [H] dans la limite de trois mois.



Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée.



Rejette les autres demandes des parties,



Condamne la sarl Anthea RH Conseil aux dépens.







LA GREFFIERE,LE PRESIDENT,

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