29 janvier 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/14813

Pôle 6 - Chambre 8

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 29 JANVIER 2020



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14813 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TTD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2017 -Conseil de Prud'hommes de SENS - RG n° F16/00165





APPELANTE



SAS GROUPE PAVONIS SANTE anciennement dénommée QUIETUDE CHARTRETTES, venant aux droits de l'EURL MANOIR DE LA POMMERAIE,

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 453 43 2 4 37



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIMEE



Madame [E] [L] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par MeKarymFELLAH , avocat au barreau de SENS





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Pascale MARTIN, Présidente

Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente

Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sophie GUENIER LEFEVRE présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

















ARRET :



- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé pour la présidente empêchée par Sophie GUENIER LEFEVRE, Présidente et par Philippe ANDRIANASOLO, greffier de la mise à disposition, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire






FAITS ET PROCEDURE



Le 27 août 2007, Madame [E] [L] ép. [B] était engagée par la société Vermiglio Sens, exploitant des établissements pour personnes âgées, en qualité d'Infirmière référente, catégorie Agent de maîtrise, coefficient 323.



A compter du 1er janvier 2011, elle était promue Infirmière Coordinatrice, catégorie cadre, coefficient 363, puis devenait cadre le 1er juillet 2012.



Après avoir assuré du 1er juin 2013 au 30 septembre 2013, les fonctions de directrice par intérim, dans le cadre d'une mise à disposition de la société Vermiglio Sens au profit de la société 'Le manoir de la Pommeraie' exploitant à [Localité 5], un Etablissement d'Hebergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) dénommé 'Le Manoir de la Pommeraie', elle était engagée en qualité de directrice de cet établissement à compter du 1er octobre 2013.



Un contrat de travail a été établi le 18 février 2014 constatant cet engagement avec reprise d'ancienneté au poste de directrice de la résidence, catégorie cadre, niveau III-B, coefficient 425, avec une rémunération annuelle brute forfaitaire de 35 292 euros pour 213 jours de travail outre une prime d'assiduité mensuelle et une part variable divisée en trois primes dites d'activité, de gestion et de qualité.



La convention collective de l'Hospitalisation privée est applicable à la relation de travail.



Par décisions notifiées les 30 janvier et 20 mars 2015, Mme [B], faisait l'objet de mise à pied disciplinaires respectivement de trois jours à effet des 10,17 et 24 février 2015 pour la première et de deux jours à effet des 13 et 14 avril 2015 pour la seconde, et le 30 juillet 2016, lui était notifié un avertissement.



En arrêt de travail du 31 mai au 29 septembre 2016, elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 septembre 2016.



En son dernier état, la rémunération moyenne brute mensuelle de la salariée s'élevait à 2 966,50 euros.



Estimant que les sanctions disciplinaires dont elle avait fait l'objet étaient injustifiées, que lui restaient dues diverses sommes à titre de rappel de salaire, qu'elle avait été victime de harcèlement moral et que la rupture de son contrat de travail était en conséquence entachée de nullité, l'intéressée saisissait le conseil des prud'hommes de Sens le 29 juillet 2016 pour faire valoir ses droits.



Par jugement du 29 septembre 2017, rendu sous la présidence du juge départiteur, cette juridiction a:

- écarté des débats les pièces produites par Mme [B] postérieurement à 1'audience du 9 juin 2017,

- déclaré irrecevables les demandes formulées contre la Société Pavonis Santé et JTPG

- annulé la sanction disciplinaire du 20 février 2015,



- condamné la société Le Manoir de la Pommeraie à payer à Mme [B] les sommes de:

- 60 405,84 euros brut à titre de primes et d'indemnités d'astreinte compensés avec le trop perçu,

- 27 229,25 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour harcèlement moral,

- débouté la société le Manoir de la Pommeraie de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné la société Le Manoir de la Pommeraie aux dépens,

- assorti la décision de 1'exécution provisoire.



Par déclaration du 17 novembre 2017, la société le Manoir de la Pommeraie aux droits de laquelle se présente la société Groupe Pavonis Santé a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 24 septembre 2019, la société Pavonis Santé demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a:

- annulé la sanction disciplinaire du 20 février 2015 (en réalité du 20 mars 2015),

- condamné la société la société le Manoir de la Pommeraie à payer à Madame [E] [B] les sommes de:

- 60 405,84 euros bruts, pour les primes et indemnités d'astreinte compensés avec le trop perçu,

- 27 229,25 euros bruts en indemnisation du préjudice pour harcèlement moral,

- débouté la société Le Manoir de la Pommeraie de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société le Manoir de la Pommeraie aux dépens,

- assorti la décision de l'exécution provisoire,



Et statuant à nouveau, de débouter Mme [B] des demandes formées de ces chefs,



- En tout état de cause, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

- déclaré irrecevables les demandes formulées contre la société Pavonis santé et JIPG,

- rejeté la demande d'annulation de la sanction disciplinaire du 30 janvier 2015,

- débouté Mme [B] de ses autres demandes,



- de condamner Mme [B] à lui payer 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens.



Par conclusions déposées le 26 mars 2019, Mme [B], appelante incidente demande au contraire à la cour:



A titre principal :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Le Manoir de la Pommeraie à payer à Mme [B] les sommes de:

- 60 405,84 euros brut à titre de primes et d'indemnités d'astreinte compensés avec le trop perçu,

- 27 229,25 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice pour harcèlement moral,

- annulé la sanction disciplinaire du 20 février 2015



- d'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- d'a

nnuler la sanction disciplinaire notifiée le 30 janvier 2015,

- en conséquence, de condamner la société Le Manoir de la Pommeraie à lui verser 340,15 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied exécutée les 10, 17 et 24 février 2015,

- d'annuler la sanction disciplinaire notifiée le 20 mars 2015,

- en conséquence, de condamner la société Le manoir de la Pommeraie à lui verser226,77 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied exécutée les 13 et 14 avril 2015,

- d'annuler l'avertissement notifié le 30 juillet 2016,

- de condamner la société Le Manoir de la Pommeraie à lui verser 5.410 euros correspondant aux frais exposés pour suivre la formation,

- de donner à la prise d'acte les effets d'un licenciement nul compte tenu des faits de harcèlement moral caractérisés,

En conséquence,

- de condamner la société Le Manoir de la Pommeraie à lui verser les sommes de:

- 20.409,54 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 20.409,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.040,95 € à titre de congés payés afférents.



En tout état de cause :



- de débouter la société Le Manoir de la Pommeraie de l'ensemble de ses demandes.

- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens.





L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2019. .



Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.




MOTIFS.



I- sur l'exécution du contrat de travail,



A- sur les astreintes,



Aux termes de l'article L 3121-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.



Il est admis que les éléments constitutifs d'une astreinte sont doubles: il doit y avoir obligation imposée au salarié par l'employeur et cette obligation doit consister à se tenir prêt à intervenir au profit de l'employeur.



L'astreinte n'est constituée que si le salarié reste même de façon atténuée, soumis au pouvoir de direction de l'employeur.



La preuve d'une contrainte est nécessaire.



Dès lors que le contrat de travail de Mme [B] stipule en ses articles 3 et 5 qu'en sa qualité de directrice de la résidence elle doit assurer la garantie de 'la qualité et de la continuité de la prise en charge des résidents' et que 'la nature de ses fonctions comme la fréquence des interventions impromptue qu'elles sont susceptibles d'impliquer à toute heure au sein de la résidence (...), requièrent pour les besoins de la bonne gestion de l'établissement ainsi que pour le traitement des situations ou événements inopinés, qu'elle puisse rallier la résidence dans un délai restreint', il ne peut être considéré que l'employeur n'a pas ainsi imposé une obligation d'astreinte et que cette dernière ne résulte que de l'initiative de Mme [B], le fait qu'aucun planning d'astreinte n'ait été établi par la direction pour la salariée étant sans emport sur la réalité de l'obligation.



Cette dernière résulte aussi des déclarations de M. [P], et de celles de Mme [K] aux termes desquelles il leur était imposé par leur employeur des astreintes, leurs qualités d'anciens directeurs de deux autres établissements du même type que celui dont Mme [O] avait la charge et dépendant du même groupe n'étant pas contestées et aucune pièce de nature à remettre en cause la réalité de ces affirmations n'étant versée aux débats.



Cela résulte également des termes des attestations de Mmes [A] et [N], infirmières coordinatrices au sein de la résidence Le Manoir de la Pommeraie sur des périodes contemporaines à celle pendant laquelle Mme [B] y travaillait, et selon lesquelles la directrice de l'établissement était joignable par téléphone ' 7 jours sur sept et 24h/24" ou 7j/7 et 24h/24 même lors de ses vacances'.



En application de l'article 82-3-1 de la convention collective applicable, une indemnité d'astreinte égale pour chaque heure d'astreinte au tiers du salaire horaire doit être versée au salarié auquel est imposé ces astreintes.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Le Manoir de la Pommeraie à verser à ce titre la somme de 62 275,48 euros, rien ne mettant la cour en mesure de remettre en cause ce montant dès lors qu'une astreinte de vingt quatre heures sur vingt quatre a été admise, la présence d'un cadre de santé destiné à partager cette charge n'étant pas même évoquée par l'employeur.



B- sur les primes,



Aux termes de l'article 7 du contrat de travail, Mme [B] devait percevoir une prime mensuelle dite d'assiduité, équivalente à 1/12ème de 80% de la rétribution mensuelle sous condition stricte de présence au cours de la période appréciée (soit 196,06 euros brut), et une rémunération variable en fonction de la réalisation des objectifs définis par la gérance de la société chaque début d'année civile et composée de trois primes:

- prime d'activité, de 0 à 450 euros selon le taux de remplissage de la résidence et fonction du pourcentage d'atteinte des objectifs fixés,

- prime de gestion, de 0 à 450 euros assise sur le résultat d'exploitation mensuel hors primes de la résidence et fonction du pourcentage d'atteinte des objectifs mensuels assignés,

- prime de qualité de 0 à 400 euros en fonction des résultats obtenus par l'établissement aux divers audits qualité et du pourcentage d'atteinte des objectifs mensuellement réalisés.



Selon l'alinéa 3 2° b de l'article 7, ces gratifications ne sont pas dues pendant les périodes de suspension du contrat de travail quelles qu'en soient la cause et la durée.



Le fait que Mme [B] n'ait plus perçu ses primes d'activité et de gestion depuis le 7 juillet 2015 n'est pas contesté et contrairement à ce que soutient l'employeur il ne peut être considéré que les objectifs retenus pour ces primes ont été communiqués, les courriers électroniques évoqués à l'appui de cette transmission (pièces numérotées 29 à 44 et 45 à 47) et les tableaux de gestion transmis n'établissant pas que la définition des objectifs et l'information de la salariée sur ce point aient été régulièrement faites.



Dès lors c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a condamné la société 'Le Manoir de la Pommeraie' à verser à ce titre la somme de 4 525 euros compte tenu des périodes de suspension du contrat de travail et des sommes déja versées de ce chef.



C- sur les sanctions disciplinaires,



Aux termes de l'article L. 1331-1 du Code du Travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.



En vertu de l'article 1333-1 du Code du Travail, en cas de litige sur le prononcé d'une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.



L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



a) mise à pied disciplinaire du 30 janvier 2015,



La lettre de sanction dont les termes fixent les limites du litige reproche à Mme [B]:

- l'effondrement du taux d'occupation de la résidence, des négligences dans le traitement des demandes de renseignements formulées par les famille,

- le délaissement des tâches de directrice, des inactions et des négligences tenant:

- à l'absence de recrutement d'une infirmier coordinateur,

- au défaut d'encaissement de règlements,

- à l'absence de traitement du courrier,

- à l'absence de traitement et de signalement des dysfonctionnements relatifs à la livraison des repas,

- au défaut d'affichage des tarifs,

- à l'affichage des absences de la salariée,

- à la gestion non rationnelle des remplacements,

- au défaut d'information de la famille de Mme [H] , et à l'absence de traitement de la plainte concernant le bris de téléviseur,

- sa carence dans l'entretien de l'établissement,

- le non respect des protocoles tenant :

- à l'absence de réponse aux appels malade et l'absence de fonctionnement des luminaires,

- à l'absence de procédure de prise en charge des résidents désorientés,

- au défaut de tenue de l'infirmerie,

- une insubordination, tenant à un refus d'ajournement d'une formation et à une absence consécutive à ce refus le 7 janvier 2015 .



S'agissant de ce dernier grief, Mme [B] ne conteste pas le fait qu'elle ait été absente pour suivre sa formation préalablement autorisée par l'employeur, le 7 janvier 2015, malgré la demande qui lui avait été faite par Mme [Y], directrice d'exploitation de la société et en tant que telle sa supérieure hiérarchique, soulignant que cette demande lui a été présentée très tardivement et alors qu'elle n'avait pu prévenir l'organisme de formation de son absence.



Des pièces versées aux débats par l'employeur, il apparaît que Mme [B] a été avisée par courrier électronique du lundi 5 janvier 2015 à 22 h15, de ce que Mme [Y] serait présente le lendemain à la résidence pour qu'un 'point' soit fait le lendemain sur 'le report' de la formation, la présence de la salariée étant de ce fait requise l'après midi.



Le courriel du 6 janvier 2015 adressé à la salariée à 23h32 permet de constater que Mme [B] s'est pliée à cette obligation dès lors qu'y est évoqué 'notre entretien de cet après midi' au cours duquel il apparaît qu'a été notamment abordée la question de l'absence de la salariée à raison de sa formation.



Alors que la convention de formation précise que l'employeur conserve sur son agent en cours de formation ses prérogatives, il ne peut être reproché à la société Le Manoir de la Pommeraie d'avoir exigé de Mme [B], qu'elle ajourne sa formation en cours, la convention prévoyant dans cette hypothèse que l'employeur restait tenu de verser les frais afférents à l'organisme chargé de l'assurer.



Cependant, alors que n'est pas contesté le fait que Mme [B] était présente à sa formation le 7 janvier 2015, et non absente de son poste sans autre motif, force est de constater que la demande d'ajournement de la formation et de présence le 7 janvier n'a été formalisée par écrit que très tardivement par courrier électronique adressé la veille à 23h32.



Par ailleurs, les pièces produites ne permettent pas d'imputer à l'absence de Mme [B] à compter de septembre 2014, la faiblesse du taux d'occupation de l'établissement, le relevé d'activité versé en pièce 12 démontrant qu'en 2011 et en 2013, le nombre de 42 résidents n'avait pas été atteint (88,31% en 2011 soit 37 résidents et 90,04% soit 38 en 2013), alors au demeurant qu'est établi le fait que l'employeur connaissant ces chiffres avait néanmoins accepté la formation envisagée par la salariée et signé la convention avec l'organisme formateur aux termes de laquelle les périodes d'absence étaient parfaitement circonscrites.



Sans autre élément caractérisant les autres griefs retenus à l'appui de la sanction, cette dernière doit être annulée, le jugement devant être infirmé de ce chef et la société Le manoir de la Pommeraie condamnée à verser à Mme [B] les sommes dues à titre de rappel de salaire pour les trois jours de mise à pied.







b) mise à pied disciplinaire du 20 mars 2015,



L'employeur reprochait dans ce cadre à Mme [B] de ne pas avoir été présente le 4 février 2015, alors que cela lui avait été expressément demandé afin d'assister à un entretien préalable à un licenciement organisé ce même jour pour un salarié de l'établissement, et d'avoir transmis le 3 février un arrêt de travail pour la période du 3 février au 2 mars inclus, alors que parallèlement, la salariée s'est rendue à sa formation les 3 et 4 février 2015.



Cependant, dès lors qu'un arrêt de travail lui était délivré comprenant le 4 février 2015 , il ne peut être fait grief à la salariée d'avoir été absente de son poste, quel que soit par ailleurs le fait qu'elle ait assisté ce même jour à sa formation, ce qui au demeurant ne résulte d'aucune des pièces produites.



C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes a annulé la sanction ainsi prononcée.



c) avertissement du 31 juillet 2016,



les fautes reprochées à Mme [B] tiennent cette fois aux faits suivants:

- absence de préparation de la fête de l'été du 4 juin 2016,

- absence de planning des chambres à fond,

- organisation du linge défectueuse,

- manque d'investissement dans l'activité commerciale,



Pour justifier du bien fondé de la sanction, l'employeur renvoie la cour à ses pièces N° 52 à 54 sans faire l'analyse de ces dernières ni expliciter en quoi elles permettent de caractériser la réalité des faits reprochés alors au demeurant que la contestation de Mme [B] de ces faits n'a appelé aucune réponse ni justification de la part de l'employeur.



Faute d'éléments de nature à permettre de retenir le bien fondé de l'avertissement, ce dernier sera annulé et le jugement entrepris infirmé de ce chef.



D- sur les frais de formation,



La salariée sollicite à ce titre la somme de 5 410 euros en renvoyant la cour à l'examen d'une pièce N° 53 constituée de factures et de titres divers de repas et de transports;



De la mise en demeure transmise les 18 mars puis 26 mai 2016 par la salariée, il ressort que l'établissement employeur a été poursuivi pour obtenir le paiement de la somme de 2 296 euros que ce dernier ne conteste pas avoir dus au titre de la formation dispensée à Mme [B].



Il ne peut donc être considéré que cette dernière ait réglé cette somme et qu'elle lui serait due de ce fait.



En revanche, s'agissant des titres de transports et de nourriture, tels que versés aux débats par la salariée, il ne peut être retenu que les sommes exposées par cette dernière à ce titre et pendant sa formation lui ait été remboursées.



Au regard du montant de cette dépense tel qu'évalué par l'organisme Actalians, il y a lieu de condamner la société le Manoir de la Pommeraie à verser à Mme [B] de ce chef la somme de 2 327,93 euros, rien ne démontrant qu'à ce stade, l'employeur ait rempli ses obligations sur ce point.



Le jugement entrepris sera donc infirmé dans cette mesure.



E- sur le harcèlement moral.



Aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Par ailleurs, le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



En application de l'article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.



En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.



Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.



Au delà des faits tenant à l'organisation de son temps de travail et des astreintes, à la suppression indue de ses primes, au non paiement de ses frais de formation, aux sanctions répétées et injustifiées dont elle a fait l'objet, la salarié évoque également à l'appui de sa demande:

- la dégradation de son état de santé, par une atteinte à son integrité physique et psychique,

- un conflit de valeurs dès lors qu'elle estime avoir été poussée à devoir licencier du personnel de manière injustifiée,

- un conflit éthique tenant au fait qu'on l'incitait à ne pas faire hospitaliser des patients pour éviter que l'établissement perde l'Aide personnalisée à l'Autonomie qui leur était allouée,

- une mise à l'écart des décisions importantes

- un discrédit,

- des propos diffamatoires humiliants et vexatoires,

- un climat de grande instabilité,

- la multiplicité de ses tâches sans être assistée ni d'une secrétaire ni d'un agent d'accueil,

- la compromission de son avenir professionnel.



Outre qu'il résulte de ce qui précède que sont établis les faits tenant aux modalités d'organisation de son temps de travail et notamment des astreintes non rémunérées qui lui étaient imposées, à la suppression indue de certaines de ses primes, au non paiement en temps et en heures de ses frais de formation, au caractère injustifié des trois sanctions prononcées, force est de relever que la dégradation de l'état de santé de l'intéressée, concomitante au faits établis et en lien avec eux, résulte des arrêts de travail répétés dont elle a été l'objet et qui ne sont pas contestés, alors au surplus, que bien qu'inopposable à l'employeur, une décision d'admission au bénéfice des prestations relevant des accidents et maladies professionnels sur la base d'un événement survenu le 3 février 2015 a été rendue ainsi que le révèle l'attestation de paiement des indemnités journalières que la salariée verse aux débats.



Les éléments ainsi réunis suffisent à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.



Or face à cela, comme il a été démontré ci-dessus, l'employeur n'apporte aucune justification permettant de considérer que ces agissements sont fondés sur des raisons objectives étrangères à tout harcèlement, ainsi que cela résulte des précédents développements.



Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point.



Au regard de la durée et du nombre important de faits subis, compte tenu du préjudice matériel en résultant, tel que retenu par le juge du premier degré et, en l'absence d'élément médicaux précis, eu égard au préjudice moral tel qu'il résulte des arrêts de travail et des termes de l'enquête de la CPAM, il y a lieu de fixer à 17  000 euros le montant des dommages-intérêts dus de ce chef, le jugement devant être infirmé dans cette mesure.



II- sur la rupture,



A- sur l'imputabilité de la rupture



Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.



Dans le cadre de l'exception d'inexécution il est admis que les manquements de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.



Il appartient aux juridictions de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture.



Force est de constater que malgré ses réclamations et notamment celle résultant de son courrier du 10 juillet 2015, Mme [B] n'a pas, jusqu'au jour de sa prise d'acte le 28 septembre 2016, obtenu le paiement des primes qui lui étaient dues ni des astreintes auquel elle pouvait prétendre



De même a-t-elle fait l'objet le 29 juillet 2016 d'un avertissement dont il a été dit qu'il n'était pas justifié et devait être annulé, cette sanction illégitime succédant à deux de même nature remontant à l'année précédente et elles mêmes annulées.



Ainsi doit il être constaté une continuité dans les manquements de l'employeur, la prise d'acte intervenue le 28 septembre 2016 ne pouvant être considérée comme n'étant pas le résultat de ces manquements graves qui ont émaillé la relation de travail à compter de septembre 2014 et jusqu'en juillet 2016.





En conséquence, la rupture du contrat de travail doit être imputée aux torts et griefs de la société Le Manoir de la Pommeraie, le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef.



B- sur les effets de la rupture,



La rupture étant en lien avec les faits de harcèlement retenus, elle a les effets d'un licenciement nul.



A ce titre, il sera alloué à Mme [B] la somme de 20 409,54 euros à titre de dommages-intérêts outre 20 409,54 euros au titre de l'indemnité de préavis et 2 040,95 euros au titre des congés payés afférents, sommes dont l'employeur conteste le principe mais non le quantum.





III- sur le remboursement des allocations de chômage,



Les conditions d'application de l'article L 1235 - 4 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite, de 6 mois d'indemnités.



En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Mme [B] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, et dont le montant sera fixé au dispositif.





PAR CES MOTIFS



Par arrêt contradictoire,



CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a:



- annulé la sanction disciplinaire du 20 mars 2015,

- condamné la société Le Manoir de la Pommeraie à payer à Mme [B] la somme de- 60 405,84 euros brut à titre de primes et d'indemnités d'astreinte compensés avec le trop perçu,



INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

- annule les sanctions disciplinaires prononcées contre Mme [B] les 30 janvier 2015 et 31 juillet 2016,

- condamne la société Le Manoir de la Pommeraie à lui verser les sommes de:

- 17 000 eguros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 20 409,54 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul,

-20 409,54 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 040,95 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,



DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.



ORDONNE le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.



DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.



CONDAMNE la société le Manoir de la Pommeraie aux entiers dépens de première instance et d'appel.









LE GREFFIER LA PRESIDENTE

P/ la présidente empêchée

S. GUENIER LEFEVRE

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