5 février 2020
Cour d'appel de Rennes
RG n° 17/01703

7ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°



N° RG 17/01703 - N° Portalis DBVL-V-B7B-NYNC













M. [D] [G]



C/



SA CREDIT MUTUEL ARKEA

















Confirme la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 FEVRIER 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Monsieur Pierre DANTON, lors des débats, et Monsieur Michael JACOTEZ, lors du prononcé,







DÉBATS :



A l'audience publique du 16 Décembre 2019, et en présence de Mme RICHEFOU Florence médiatrice de justice



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Février 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****



APPELANT :



Monsieur [D] [G]

né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent BEZIZ de la SCP LBBA, avocat au barreau de RENNES







INTIMÉE :



SA CREDIT MUTUEL ARKEA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérick DANIEL, avocat au barreau de BREST























Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Brest du 3 février 2017 ayant :

-rejeté la demande de sursis à statuer de M. [D] [G]

-dit justifié son licenciement pour faute lourde

-débouté M. [D] [G] de toutes ses demandes

-rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA en réparation d'un préjudice pour faute lourde

-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [D] [G] reçue au greffe de la cour le 10 mars 2017 ;

Vu les conclusions du conseil de M. [D] [G] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 9 juin 2017 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins d'infirmation du jugement entrepris et statuant à nouveau :

-de condamner la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA à lui régler les sommes de =

63 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse

84 811 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral

31 500 € de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité

14 381 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

15 690 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (3 mois de salaires)

2 091 € d'indemnité compensatrice de congés payés afférente

15 690 € de dommages-intérêts pour procédure de licenciement brutale, vexatoire et humiliante

5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

-d'ordonner la remise par la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA des documents sociaux de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard

-de la condamner aux dépens ;

Vu les conclusions du conseil de la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA adressées au greffe de la cour par le RPVA le 24 juillet 2017 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins de confirmation de la décision déférée ayant débouté de l'ensemble de ses demandes M. [D] [G], et d'infirmation pour le surplus avec sa condamnation reconventionnellement à lui payer les sommes de 11 330 € à titre de dommages-intérêts « pour destruction volontaire et systématique du fruit du travail pour lequel il avait été rémunéré » ainsi que 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2019 ayant prononcé la clôture de l'instruction avec renvoi pour fixation à l'audience de fond s'étant tenue le 16 décembre 2019.


MOTIFS :

La Sa CREDIT MUTUEL ARKEA a recruté M. [D] [G] en contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 1er novembre 2011 pour y occuper les fonctions de « responsable études conseil au sein du Département Gestion des Participations », catégorie cadre 3, et moyennant en contrepartie un salaire de base de 3 931,06 € bruts mensuels.



Par une lettre du 3 avril 2015, la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA a initialement convoqué M. [D] [G] à un entretien préalable prévu le 13 avril avec mise à pied conservatoire, entretien reporté dans un 1er temps au 16 avril aux termes d'un courrier du 7 avril, avant qu'il ne soit dans un 2ème temps à nouveau convoqué par une lettre du 7 mai à un entretien préalable programmé le 21 mai emportant de facto un report de la réunion du conseil de discipline à l'origine fixée le 13 mai.

L'employeur restant incertain quant au point de savoir si M. [D] [G] avait bien reçu le document de synthèse établi par la Direction de l'Inspection Générale et du Contrôle Périodique (DIGCP) le 12 mai 2015, intitulé « Note de l'Inspection générale relative aux actes malveillants de [D] [G] » - sa pièce 11 -, celui-ci lui a été signifié par un 1er acte d'huissier du 22 mai 2015 à l'initiative de l'intimée qui dans le même temps le convoquait une dernière fois à un entretien préalable prévu le 3 juin 2015, entretien auquel il ne s'est pas présenté, avant de lui signifier par un dernier acte d'huissier du 9 juin suivant qu'il avait encore conventionnellement la faculté de saisir la commission de discipline dans un délai de trois jours dès lors qu'il était toujours envisagé à son égard une mesure de licenciement, et de lui notifier en fin de procédure le 3 juillet 2015 son licenciement pour faute lourde.

La lettre de licenciement est rédigée en ces termes : « ' Cette décision est motivée par les faits suivants : A l'occasion de votre entretien annuel d'évaluation, intervenu le 25 mars 2015, vous avez fait preuve d'un comportement agressif, mettant votre hiérarchie en difficulté. Ce comportement s'inscrivait dans la continuité d'une attitude ayant déjà justifié la notification d'une sanction, le 20 janvier 2015, en raison notamment de marques d'indiscipline et impertinences répétées, formes de refus de l'autorité hiérarchique. Vous avez pénétré dans les locaux de l'entreprise, le mardi 7 avril 2015, vers 9 h 00, malgré la notification effective d'une mise à pied conservatoire et la suppression des accès aux bâtiments. A cette occasion, et durant toute la matinée, de 9 h 04 à 12 h 45, vous vous êtes livré à des opérations sur votre poste informatique. Malgré l'intervention de la Responsable des Ressources Humaines, en fin de matinée, vous avez persisté dans votre démarche, prétextant que vous souhaitiez récupérer quelques affaires. Vous n'avez quitté votre poste de travail qu'à 12 h 45 quand l'Adjoint au Directeur du Pôle vous a, de nouveau, demandé de quitter les lieux. En outre, il est ultérieurement apparu que vous aviez supprimé, vraisemblablement ce jour-là, l'essentiel des fichiers en mémoire sur le disque dur de l'ordinateur qui vous avait été attribué pour les besoins de vos fonctions. Précédemment, vous aviez installé, frauduleusement, sur ce même poste informatique, un logiciel de chargement de données ainsi qu'un logiciel vous permettant de violer des mots de passe de messagerie, sans l'accord de leurs détenteurs. Vous avez accédé à la boîte de messagerie de votre hiérarchique pour prendre connaissance et enregistrer, à son insu, sa correspondance, qu'elle soit professionnelle ou d'ordre privé. Vous avez effectué des copies de documents confidentiels, conservés sur le disque dur du poste informatique de votre hiérarchique, afin de les stocker sur votre poste de travail sous un dossier intitulé baise la pute. Au regard de ces éléments, il est flagrant que vous avez transgressé de nombreuses règles internes de l'entreprise, notamment le Règlement Intérieur, la Charte Inform'Ethique, et le Code Ethique dans le but de nuire à cette dernière et à ses collaborateurs. Je considère que ces agissements d'une gravité exceptionnelle constituent une faute lourde ».

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [D] [G] percevait une rémunération en moyenne de 5 230 € bruts mensuels.











Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral, et les demandes indemnitaires afférentes :

M. [D] [G] invoque tout d'abord la nullité de son licenciement au visa des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail puisque, rappelle-t-il, le 27 mars 2015 il a entendu compléter son entretien annuel d'évaluation du 25 mars 2015 par la dénonciation principalement d'un harcèlement moral dont il considère avoir été la victime de la part de sa supérieure hiérarchique directe, Mme [W], cela durant plusieurs mois, de même que par la contestation d'un avertissement disciplinaire lui ayant été notifié au mois de janvier - sa pièce sous cote 7.

L'appelant soutient en effet que la véritable cause de son licenciement est exclusivement à rechercher dans ses commentaires du mois de mars 2015 et que s'il n'avait pas contesté non seulement cet avertissement du 20 janvier 2015 mais surtout dénoncé des agissements de harcèlement moral à son égard, il serait encore très probablement salarié de la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA qui entend contester cette présentation des faits par M. [D] [G] puisque, selon elle, c'est lui qui a eu vis-à-vis de Mme [W] une véritable attitude de « prédation » gravement préjudiciable à cette dernière et à l'entreprise dans son fonctionnement interne.

*

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose que : « Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L'article L. 1152-2 rappelle que : « Aucun salarié ' ne peut être ', licencié ' pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».

L'article L. 1152-3 énonce que : « Toute rupture du contrat de travail intervenue des méconnaissances des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».

L'article L. 1154-1, dans sa version applicable au présent litige, précise que : « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 ' le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ' ».

*

Au soutien de sa demande de ce chef, M. [D] [G] verse aux débats :

-Plusieurs échanges de courriels en interne sur la période janvier 2013/janvier 2014 - ses pièces 24, 36, 37, 39 à 43, 46, 48, 49, 50 - dont certains avec Mme [W], sa supérieure hiérarchique, et à l'examen desquels il n'apparaît spécialement de la part de cette dernière aucun comportement déviant dans l'exercice légitime de son pouvoir de direction ;

-Ses entretiens annuels d'évaluation - ses pièces 2, 3, 4 et 6 -, entretiens menés et renseignés par Mme [W], lesquels s'inscrivent dans le cadre d'un suivi régulier de son activité, sachant qu'il n'y a rien d'anormal dans le fait que l'on ait pu lui adresser certaines remarques d'ordre purement professionnel, précisément en 2013 (« [D] fait preuve d'un savoir-faire correspondant largement à celui pour lequel il a été recruté ' il s'implique beaucoup, mais parfois sans tenir suffisamment compte de la culture interne de notre groupe, ce qui a pu provoquer des incompréhensions, voire une perte de confiance. Son comportement récent a été beaucoup plus adapté que par le passé ' », page 4 de la pièce 3 précitée), et 2015 (« En termes techniques, [D] satisfait pleinement aux attentes. Je fais pleinement confiance à ses capacités techniques et à la qualité de son travail lorsqu'il prend en charge un dossier. Son comportement ne m'a pourtant pas permise d'être en confiance quant au bon fonctionnement du département. Il a donné lieu à un avertissement en janvier dernier », page 4 de la pièce précitée 6).

C'est donc de manière totalement infondée, pour ne pas correspondre à la réalité même du présent litige tel que soumis à la cour, que M. [D] [G] prétend que face à sa volonté de progresser au sein de l'entreprise, « Madame [W] s'est très tôt sentie menacée par son subordonné », et que rapidement « elle a donc tout mis en 'uvre pour [lui] porter préjudice ».

Dès lors que pour les raisons venant d'être exposées par la cour, M. [D] [G] n'établit matériellement aucun fait permettant de présumer l'existence à son égard d'un harcèlement moral au sens des textes précités, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul (63 000 €).

*

La décision déférée sera par voie de conséquence également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [D] [G] « pour le préjudice lié au harcèlement moral » - somme portée à 84 811 € en cause d'appel.

Elle le sera tout autant au titre de sa réclamation indemnitaire distincte (31 500 €) pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité renvoyant plus généralement à l'article L. 4121-1 en matière de prévention des risques professionnels puisque, si M. [D] [G] entend se prévaloir au plan des principes de l'indépendance des préjudices indemnisables pour harcèlement moral proprement dit et pour absence de prévention de celui-ci, en ce que, rappelle-t-il, un salarié victime de harcèlement moral peut obtenir une indemnisation spécifique au titre du défaut par l'employeur de son obligation légale de le prévenir, il sera observé par la cour, qu'indépendamment du fait que ce dernier n'a pas satisfait à la règle probatoire issue de l'article L. 1154-1 précité, sa dénonciation de supposés tels agissements n'a en l'espèce été formellement actée qu'à l'occasion de son dernier entretien d'évaluation de mars 2015, en sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur un défaut de réponse appropriée en temps utile, cela avant de le licencier seulement moins de quatre mois après pour motif disciplinaire.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, et les demandes indemnitaires y étant liées :

Subsidiairement, M. [D] [G] estime son licenciement comme étant injustifié aux motifs tout d'abord que seule une intention de nuire non démontrée le concernant pouvait permettre à la société intimée d'invoquer en l'espèce à son encontre une faute lourde, qu'ensuite l'employeur a manqué à plusieurs garanties conventionnelles supplémentaires de fond au stade de la procédure de licenciement - un non-respect des modalités de sa convocation à un entretien préalable, des irrégularités dans la saisine du conseil de discipline, une violation du délai maximal d'un mois pour lui notifier son licenciement disciplinaire -, et qu'enfin sur le fond même aucun des griefs lui étant reprochés n'est établi puisque tout est parti, selon lui, du comportement agressif de Mme [W] à son égard lors de l'entretien annuel d'évaluation du 25 mars 2015.

*

Nonobstant ce que soutient ainsi M. [D] [G], et comme en justifie la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA par les éléments qu'elle produit, il a été mis en 'uvre en l'espèce une première procédure disciplinaire au début d'avril 2015 qu'elle a été contrainte d'abandonner avant d'en engager une deuxième dès le mois suivant, cela au vu d'une note interne du 12 mai 2015 des services de l'inspection ayant alors permis de révéler d'autres anomalies dans le comportement au travail de ce dernier - sa pièce 11 -, note dont M. [D] [G] a eu une entière et parfaite connaissance par un envoi en recommandé doublé d'une signification par huissier - ses pièces 12 et 14 - , ce qui a conduit dans le même temps la société intimée à le convoquer par acte d'huissier du 22 mai 2015 à un ultime entretien préalable prévu le 3 juin 2015 - sa pièce 14 précitée -, avant par un dernier acte d'huissier du 9 juin 2015 de lui rappeler qu'il avait encore conventionnellement la faculté de saisir la commission de discipline dans un délai maximum de trois jours puisqu'il était toujours envisagé son licenciement pour faute - sa pièce 15 -, et de lui notifier le 3 juillet 2015 son licenciement pour faute lourde - voir sa pièce 16 reprise ci-dessus -, dans le strict respect des règles procédurales instituées notamment aux articles 9.1, 9.3, et 9.4 de la convention collective des salariés de l'UES-ARKADE (chapitre 9 / Droits de la défense des salariés et sanctions).

S'agissant précisément des textes précités en discussion :

-l'article 9.1 rappelle en préambule les conditions d'intervention des services ou organes du contrôle avec l'« Inspection Générale » en vue d'une utilisation des moyens qui leur paraissent les mieux adaptés à chaque situation, et que « si les différentes investigations conduites par les instances de contrôle, montrent que des faits sont susceptibles d'être reprochés à un salarié, ce dernier sera convoqué à un entretien ' » ;

-l'article 9.3 prévoit à son 2ème alinéa que : « Toute sanction autre qu'une observation écrite ou avertissement écrit donne lieu à un entretien préalable », à l'alinéa 3 qu': « A l'appui de la convocation, adressée cinq jours ouvrables avant la date de l'entretien, le salarié reçoit communication du dossier constitué à son encontre », à l'alinéa 5 que : « La sanction envisagée est communiquée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre récépissé, après un délai de deux jours ouvrables à dater de l'entretien ' », et à l'alinéa 7 que : « La décision de sanction ne peut intervenir avant l'expiration du délai prévu [de deux jours ouvrables], ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ' » ;

-l'article 9.4 précise que toute sanction du second degré comme un licenciement avec ou sans préavis et indemnités peut donner lieu à la saisine pour avis du conseil de discipline, que le représentant de la direction à l'issue de l'entretien préalable qu'il aura mené informe le salarié de cette possibilité, que si ce dernier en fait la demande, elle est consignée par écrit, et que cette même demande peut également être formulée dans un délai de trois jours suivant la présentation de la lettre qui mentionne la sanction envisagée, par courrier en recommandé avec accusé de réception ou remis en main propre à la direction contre récépissé.

Le déroulement de la procédure disciplinaire dont M. [D] [G] a fait l'objet, contrairement à ce qu'il prétend, est conforme en tous points aux garanties conventionnelles ainsi prévues dès lors, sera-t-il rappelé, qu'il a été convoqué dans les formes requises le 22 mai 2015 à un entretien préalable le 3 juin, entretien auquel il ne s'est pas présenté, qu'informé le 9 juin 2015 de la possibilité qu'il avait de saisir le conseil de discipline conformément à la convention collective dont relève l'entreprise il a entendu user de cette faculté par un courrier du 12 juin 2015 adressé au service des ressources humaines, que cette même instance s'est régulièrement réunie le 2 juillet suivant, et que conformément à l'article 9.4 précité son licenciement lui a été notifié le 3 juillet 2015 dans le délai conventionnel maximum d'un mois à compter de l'entretien préalable du 3 juin.

*

Sur le fond, la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA peut se prévaloir devant la cour des éléments suivants :

-une attestation émanant de Mme [W], la supérieure hiérarchique directe de M. [D] [G], qui relate les difficultés relationnelles récurrentes d'ordre professionnel avec ce dernier, notamment lors de ses entretiens annuels d'évaluation qui s'avéraient particulièrement difficultueux et quelque peu problématiques, celle-ci insistant sur le fait qu'indépendamment de ses compétences techniques « son comportement affectait la qualité du travail », ce qu'elle développe en ces termes : « ' Depuis mon arrivée dans le Groupe, un malaise s'est rapidement instauré dans la relation, généré par des faits mineurs au début ', puis plus graves (une série de mails particulièrement déplacés et allusifs, stoppés après que j'ai convoqué [D] [G] pour le lui demander expressément), inquiétants (des informations confidentielles sur les rémunérations des cadres de Direction) et enfin mettant à mal le fonctionnement normal du département et ma responsabilité à l'égard des tiers. Au fil du temps, le malaise ressenti s'est transformé en angoisse ' » (pièce 22) ;

-le témoignage de Mme [B], responsable des ressources humaines, qui, à propos de l'avertissement de janvier 2015, rappelle que le point posant problème était dans les courriels que M. [D] [G] avait adressés à sa hiérarchie, ce que confirme un autre cadre de l'entreprise en la personne de M. [I] (pièces 23 et 24) ;

-la note des services de l'inspection générale, avec les pièces techniques en annexe, indiquant que le 7 avril 2015 M. [D] [G] s'est rendu à son poste de travail bien que mis à pied à titre conservatoire de manière effective depuis le 4 avril, que le 7 avril il s'est ainsi abusivement connecté sur son ordinateur professionnel de 9h04 à 12h29 en supprimant un nombre conséquent de fichiers informatiques, que le compte rendu établi par la Direction de l'exploitation et des technologies confirme que « le profil windows du poste de travail à été visiblement remis à zéro à cette date, côté données », qu'il a « détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son employeur ', les constats faits sur le poste de travail de [D] [G] attestent du téléchargement, le 6 janvier 2014, et par conséquent de la présence sur ce poste, d'un logiciel de chargement de données depuis un espace partagé ' Cet outil est appelé ShareVault. L'analyse technique et l'utilisation de cet outil prouve que [D] [G] a téléchargé depuis cet outil de partage de données ', un ensemble de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat dénommé Projet Windsor. Il est attesté qu'il a détruit l'ensemble de cette documentation ' Lors des opérations de restauration de l'activité, il est apparu que [D] [G] avait téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie ' pratique formellement interdite par le règlement intérieur de l'entreprise ' Au moyen de ce logiciel de piratage, [D] [G] a pu se connecter à la boîte de messagerie de sa responsable hiérarchique, [P] [W], accédant à l'ensemble de sa correspondance y compris personnelle ' [D] [G] a procédé à la copie sur son propre poste de travail de messages et de pièces jointes se trouvant dans la messagerie de [P] [W]. Il a déposé l'ensemble de ces éléments, appartenant à sa responsable hiérarchique, dans un dossier électronique, conservé sur son poste de travail et portant un intitulé à caractère pornographique : BAISE LA PUTE ' » (pièce 11).

Contrairement à ce que prétend l'appelant, que ce soit sur son comportement au travail vis à vis de sa hiérarchie indépendamment de ses compétences techniques reconnues, ou sur ses manipulations de données informatiques en violation totale avec le code éthique de l'UES ARKADE, la notice interne relative à l'utilisation des matériels et logiciels informatiques, et le règlement intérieur de l'entreprise, force est de constater que M. [D] [G] n'y apporte que des démentis de pure forme, pour se situer au niveau de simples généralités.

*

La faute lourde s'entend d'une faute d'une particulière gravité caractérisant l'intention du salarié de nuire à l'entreprise, laquelle implique la volonté de celui-ci de lui porter préjudice dans la commission d'un ou de faits fautifs, mais sans qu'elle ne puisse résulter de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.





Si en l'espèce les éléments recueillis à charge contre M. [D] [G], au regard précisément des deux types de griefs lui étant reprochés et matériellement établis, constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire, ils ne peuvent toutefois recevoir la qualification de faute lourde dans sa définition venant d'être rappelée.

Infirmant en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute lourde et, statuant à nouveau, il convient de débouter M. [D] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, mais de condamner la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA à lui payer les sommes non spécialement discutées dans leur mode de calcul de 14 381 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et 15 690 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis avec 1 569 € d'incidence congés payés, majorées des intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation.

Sur la demande de dommages-intérêts à raison du « caractère brutal, vexatoire et humiliant de la procédure de licenciement » :

M. [D] [G] n'établissant pas que la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA ait conduit à son endroit la procédure de licenciement pour faute de manière brutale, vexatoire ou humiliante puisque, bien au contraire, il a été précédemment relevé que l'intimée avait respecté les règles conventionnelles en vigueur, la décision critiquée sera confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur la demande indemnitaire reconventionnelle de la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA en réparation d'un préjudice pour faute lourde :

La même décision querellée le sera tout autant pour avoir rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de l'intimée en réparation d'un préjudice pour faute lourde (11 330 €).

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La Sa CREDIT MUTUEL ARKEA sera condamnée en équité à payer à M. [D] [G] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à la faute lourde, ainsi qu'aux dépens ;

L'INFIRME de ce chef et STATUANT à nouveau,

DIT que le licenciement pour motif disciplinaire de M. [D] [G], s'il est exclusif d'une faute lourde, repose sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, CONDAMNE la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA à lui régler les sommes de :

-14 381 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

-15 690 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, et 1 569 € d'incidence congés payés







avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation ;

Y AJOUTANT,

ORDONNE à la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA de délivrer à M. [D] [G] tous documents sociaux de fin de contrat conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte

CONDAMNE la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à M. [D] [G] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sa CREDIT MUTUEL ARKEA aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Le Greffier Le Président

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.