14 février 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/14711

Pôle 6 - Chambre 12

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 14 Février 2020



(n° , 4 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14711 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2CE7



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Octobre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 12/00983





APPELANTE

SA FONDERIE DE [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Alexandre DEVAUX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN702 substitué par Me Rodolphe MENEUX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1702





INTIMEE

CPAM de l'ESSONNE

DEPARTEMENT JURIDIQUE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS





Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 3]

avisé - non comparant



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Michel CHALACHIN, président

Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère

Monsieur Lionel LAFON, conseiller

qui en ont délibéré





Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats









ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M .Lionel LAFON , conseiller (président empêché), et par Mme Vénusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire





La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SA Fonderie de [Localité 6] d'un jugement rendu le 27 octobre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.




EXPOSE DU LITIGE



Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard. Il suffit de rappeler que le 13 septembre 2011, Mme [F], ouvrière au sein de la SA Fonderie de [Localité 6] , a déclaré présenter « une périarthrite scapulo-humérale sous-épineux de l'épaule droite », pathologie qu'elle souhaitait voir reconnaître comme une maladie professionnelle. Elle joignait un certificat médical initial du 9 septembre 2011 constatant « épaule droite : périarthrite scapulo-humérale (sous-épineux)». Après enquête, le 6 mars 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne prenait en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle.



Contestant l'opposabilité de cette décision, la SA Fonderie de [Localité 6] a saisi la commission de recours amiable de la caisse. A défaut de décision explicite, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry par courrier du 14 août 2012.



Par jugement rendu le 27 octobre 2016 , ce tribunal a dit la SA Fonderie de [Localité 6] recevable mais mal fondée en son recours, et l'a déboutée de son action en inopposabilité.



Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SA Fonderie de [Localité 6] demande à la cour de :

- dire et juger que la décision de la caisse de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [F] lui est inopposable,

- en conséquence, infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Essonne du 27 octobre 2016 ,

aux motifs que :

- la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire dans l'instruction du dossier,

- elle a adressé un dossier incomplet (sans le rapport d'enquête et l'avis de l'inspecteur de la caisse) malgré la demande tardive de pièces, la privant de faire des réserves,

- elle n'était pas tenue d'adresser le dossier après sa décision, mais si elle y consent, elle doit adresser un dossier complet,

- il n'est pas justifié de la modification de la date de première constatation médicale,

- la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial et le certificat de prolongation du rhumatologue visent une première constatation au 12 décembre 2000,

- Mme [F] indiquait dans son questionnaire avoir été aussi exposée au risque professionnel chez son employeur précédent, la société Siccom,

- c'est chez cet employeur que les recherches devaient être menées,

- le colloque médico-administratif a rafraîchi cette date au 5 février 2009, sans en justifier.





Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne requiert de la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner la société à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

aux motifs que :

- elle a vis à vis des employeurs une obligation générale d'information,

- elle a adressé le 15 février 2012 un courrier informant l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant le 6 mars 2012, date de la prise de décision,

- ce n'est qu'après celle-ci, le 26 mars 2012 qu'il a sollicité la communication du dossier,

- elle a satisfait à ses obligations même si le dossier adressé était incomplet,

- l'avis du médecin-conseil qui fixe la date de première constatation médicale est une preuve des conditions du tableau,

- aucun texte n'oblige la communication des éléments médicaux qui serait contraire à la protection du secret médical et au respect de la vie privée.



Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.






SUR CE, LA COUR,



Sur la demande de communication de pièces



L'article R 441-11 du code de sécurité sociale dispose :

II. La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.



L'article R 441 - 13 du même code poursuit en définissant le contenu du dossier que doit constituer la CPAM, précisant que ce dossier "peut à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires".



Dès lors, la communication des pièces notamment médicales n'est prévue que dans le cadre de l'instruction des dossiers et non postérieurement à la décision de prise en charge.



En l'espèce, la demande de communication de pièces ayant été adressée le 26 mars 2012, soit postérieurement à la décision de prise en charge du 6 mars 2012, la caisse n'était pas tenue d'y faire droit et il ne saurait être argué du caractère incomplet de l'envoi pour justifier de la violation du principe du contradictoire. Ce moyen sera rejeté.





Sur l'absence d'élément relatif à la 1ère constatation médicale



L'article L.461-1 alinéa 2 du code de sécurité sociale établit une présomption d'origine professionnelle pour les maladies désignées dans un tableau de maladies professionnelles dès lors qu'elles ont été contractées dans les conditions mentionnées à ce même tableau.



Il s'en déduit que la présomption suppose deux conditions cumulatives : la désignation de la maladie dans un tableau et le respect des conditions de l'exposition au risque professionnel, conditions de fond de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.



En l'espèce, dans sa déclaration de maladie professionnelle du 13 septembre 2011, Mme [F] indiquait souffrir d'une « périarthrite scapulo-humérale sous-épineux de l'épaule droite », précisant que la première constatation médicale était du 12 décembre 2000. Le certificat médical initial établi le 9 septembre 2011 par le rhumatologue constatait « épaule droite : périarthrite scapulo-humérale (sous-épineux)», fixant lui aussi la première constatation médicale au 12 décembre 2000.



Dans le colloque médico-administratif du 17 février 2012, était repris l'avis du médecin-conseil visant le tableau 57 A pour une épaule droite douloureuse, avec une date de première constatation médicale du 5 février 2009, mentionnant comme document ayant permis de fixer cette date, une échographie. Aucune case n'était cochée par lui pour préciser si les conditions médicales étaient remplies ou non.



Si l'avis du médecin-conseil s'imposait à la caisse, on ne saurait lors d'une procédure judiciaire et s'agissant d'une condition de fond de la prise en charge, se retrancher derrière le secret médical ou le respect dû à la vie privée pour faire prévaloir cet avis à l'encontre notamment de celui émis par le propre médecin de la salariée disant avoir constaté la pathologie 9 ans plus tôt.



Cela est d'autant plus essentiel qu'en 2000, Mme [F] travaillait chez un autre employeur, la société Siccom, chez lequel elle indiquait avoir aussi été exposée à des gestes répétitifs des bras en élévation.



Dès lors, en l'absence de justification du report de 9 ans de la date de première constatation médicale, la caisse ne justifie pas aujourd'hui des conditions du tableau 57 A vis à vis de la SA Fonderie de [Localité 6] et la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme [F] ne peut donc que lui être déclarée inopposable. Le jugement entrepris sera infirmé.





Sur la demande d'article 700 du code de procédure civile



Eu égard à la décision rendue, il convient de rejeter la demande présentée par l'intimée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme le jugement entrepris,



Statuant à nouveau,



Déclare inopposable à la SA Fonderie de [Localité 6] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [F] le 13 septembre 2011,



Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens d'appel.



La greffièrePour le président empêché,

La conseillère

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