27 février 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 17/23121

Chambre 4-4

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020



N° 2020/

GB/FP-D











Rôle N° RG 17/23121 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBWSQ







[K] [O]





C/



SAS DACHSER





















Copie exécutoire délivrée

le :

27 FEVRIER 2020

à :

Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON



Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 27 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00171.





APPELANT



Monsieur [K] [O], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE



SAS DACHSER prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Paul COEFFARD, avocat au barreau de POITIERS













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 785, 786, 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 novembre 2019, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Madame Marie-Noëlle ABBA, Président, et Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller







Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 février 2020.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 février 2020,



Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***







































PROCÉDURE





Par déclaration électronique réceptionnée le 28 décembre 2017, M. [K] [O] a interjeté appel du jugement rendu le 27 novembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Nice le déboutant de ses demandes formées à l'encontre de la SAS Dachser.



Par conclusions dites 'Récapitulatives 1', notifiées le 23 juillet 2019, M. [O] poursuit devant la cour la condamnation de la société Dachser à lui verser, au bénéfice de la résiliation de son contrat de travail, les sommes suivantes :



5 548,48 euros, ainsi que 554,84 euros pour les congés payés afférents, au titre de son préavis,

5 398,36 euros au titre d'un solde de l'indemnité de licenciement,

70 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences pécuniaires de la rupture de son contrat de travail,

27 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral, le tout avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

3 000 euros pour ses frais irrépétibles.



Ce salarié réclame la remise de documents de rupture conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir.



Par conclusions notifiées le 7 juin 2018, la société Dachser conclut à la confirmation du jugement déféré à la censure de la cour, sans préjudice de l'allocation d'une indemnité de 1 000 euros pour ses frais non répétibles.



La cour renvoie pour plus ample exposé au jugement déféré et aux écritures des parties.



La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 12 novembre 2019.






MOTIFS DE LA DÉCISION





M. [O] est réputé avoir été au service de la société Dachser, en qualité de chauffeur livreur au sein de cette entreprise de transport de messagerie et de logistique, du 24 février 1997 au 31 août 2016.



Le salarié a introduit le 25 janvier 2016 son action en résiliation de son contrat de travail, exposant qu'il a été destinataire le 7 août 2015 d'une proposition de mutation du site de [Localité 4], Alpes-Maritimes, où il exécutait sa prestation de travail, vers le site des [Localité 3], Var, distant de 92 kilomètres, motifs pris de la fermeture programmée des agences de [Localité 5] et [Localité 6], dont les activités migraient sur le site des [Localité 3], ces deux sites ayant atteint un niveau de saturation important, cependant que cette réorganisation devait permettre d'apporter une réponse à la croissance de l'activité de l'entreprise se traduisant par la nécessité de la mise en place de nouveaux moyens (bâtiments, véhicules, outils informatiques, engins de manutention), les infrastructures du site des [Localité 3] permettant cette mise en oeuvre.



Le salarié refusait cette mutation le 4 septembre 2015, mettant en avant les perturbations sur un plan personnel liées à son déménagement.



En l'état de ce refus, l'employeur le licenciait le 17 juin 2016.



.../...



L'article 3 du contrat de travail conclu avec la société Transports Graveleau, aux droits de laquelle vient la société Dachser, intitulé 'Lieu et Modalités de travail', stipulait que 'Le premier poste de travail sera situé à [Localité 4], mais quelle que soit la ville ou la région, le changement du lieu de travail ne pourra entraîner rupture du contrat de travail du fait de la Société', ce dont il résulte que cette clause de mobilité était nulle faute de définir de façon précise sa zone géographique d'application, raison pour laquelle l'employeur a fait le choix de mettre en avant le motif économique de la sauvegarde de la compétitivité et de proposer aux représentants du personnel un document unilatéral intitulé 'Note technique sur le projet de réorganisation et PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI', homologué le 12 mai 2016 par la Dirrecte, concernant les 20 salariés travaillant sur les agences de [Localité 5] et [Localité 6] sur un effectif total de la société de 3002 salariés.



Ce document, dont la version finale était datée du 21 avril 2016, ne pouvait être mis en oeuvre avant son homologation le 12 mai 2016 par la Dirrecte, ce dont il résulte que le salarié avait vocation à travailler sur le site de [Localité 4] jusqu'à la mise en oeuvre du plan.



Néanmoins une lettre du 24 novembre 2005 informait le salarié qu'à la suite de son refus d'accepter sa mutation géographique il était 'mis à la disposition de Dachser France à votre domicile à compter du 30 novembre 2015' avec maintien de sa rémunération.



Ce non-emploi, du fait de la fermeture prématurée de l'agence de [Localité 4] où le salarié accomplissait son travail, perdurera du 30 novembre 2015 au 17 juin 2016 et, comme le fait valoir à bon droit son conseil, il caractérisait un manquement de l'employeur à son obligation de fournir au salarié le travail prévu au contrat.



Ce manquement était d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.



Le reçu pour solde de tout compte du 12 septembre 2016 établit que le salarié a perçu un préavis de 3 531,97 euros, représentant deux mois d'un salaire mensuel de 1670,32 euros brut, cette somme de 3 531,97 euros incluant les congés payés afférents.



Contrairement à l'affirmation du conseil de l'employeur l'indemnité de préavis doit être calculée sur la base du salaire tel qu'il résulte des dernières fiches de paie du salarié, tous les éléments de rémunération fixes et variables ayant le caractère de salaire devant être retenus.



La période d'inactivité forcée de M. [O] ne peut servir de base utile de calcul de son indemnité compensatrice de préavis, dès lors que cette situation a été provoquée par la faute de son employeur.



Le salarié estime son salaire de référence à la somme de 2 774,24 euros brut, ce qui n'est pas conforme à la moyenne de sa rémunération lorsqu'un travail lui était fourni qui était de 2 511 euros sur les 9 premiers mois de l'année 2015.



Son préavis de 2 mois ouvrait donc droit à une indemnité compensatrice d'un montant de 5 022 euros.



Après déduction de la somme de 3 531,97 euros, versée le 30 juin 2016, la cour entrera en voie de condamnation à hauteur de la somme de 1 490,03 euros (5.022 € - 3 531,97 €), outre 310,67 euros au titre des congés payés afférents (502 € - 191,33 €).



La somme de 13 086,93 euros a été versée au titre de l'indemnité de licenciement.



Les parties sont contraires en fait sur le calcul de cette indemnité : 16 229,29 euros selon le salarié, 13 086,93 euros selon l'employeur.



L'article 14 de l'annexe de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, applicable à la relation de travail, prévoit une indemnité calculée à raison de un cinquième de mois par année de présence sur la base de la moyenne des salaires que le salarié, justifiant d'au moins 3 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a ou aurait perçus au cours des trois derniers mois.



Ce droit conventionnel ne saurait s'appliquer étant moins favorable au salarié que la loi.



En effet, l'article R. 1234-2 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008, dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure au cinquième de mois de salaire par année de présence, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.



Le salaire à prendre en considération pour le calcul de cette indemnité le plus avantageux pour le salarié est le douzième de sa rémunération lorsqu'il était au travail, soit 2 511 euros brut.



M. [O] ayant une ancienneté de 19 ans et 6 mois (préavis inclus), son indemnité légale doit être calculée comme suit :



- de 1 à 10 ans : 1,5 mois/année = 5 022 €

- de 10 à 19 ans : 1,5 mois/année = 4 519,80 €

+ 2/15 mois/année = 3 013,20 €

+ 6 mois = 669,60 €, soit au total la somme de 13.224,60 euros.



Après déduction de la somme de 13 086,93 euros versée au titre de cette indemnité, l'employeur reste devoir un différentiel de 137,67 euros.



Âgé de 43 ans au jour de son licenciement, prononcé le 17 juin 2016, la résiliation judiciaire de son contrat de travail prenant effet à cette date, M. [O] a perdu un salaire mensuel brut de 2 511 euros, en l'état d'une ancienneté de 19 ans et 6 mois au sein d'un entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés.



L'intéressé a retrouvé un emploi à durée indéterminée le 3 septembre 2017, toujours en qualité de conducteur routier, mais moins rémunéré puisque son salaire de base lui fait perdre environ 800 euros par mois.



La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à la somme de 35 000 euros la juste et entière réparation de son préjudice pécuniaire.



M. [O] ne verse aux débats aucune pièce médicale établissant la réalité d'un préjudice moral lié à sa période d'inactivité et son conseil étant peu disert sur le lien de causalité entre sa situation de non-emploi et l'anxiété dans l'avenir qu'il met en avant, cette prétention sera rejetée.



.../...



Les créances de nature salariale seront assorties du bénéfice de l'intérêt au taux légal capitalisé à compter du 24 février 2016, date de la tenue du bureau de conciliation et d'orientation valant première mise en demeure de payer, la cour ne disposant pas de la date de la convocation de la débitrice devant le bureau.



.../...



La société Dachser délivrera à M. [O] un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée au Pôle emploi mentionnant les créances salariales retenues par le présent arrêt.



Le certificat de travail délivré le 10 juillet 2017 étant conforme à la réalité de la relation de travail, il n'y a lieu de le délivrer une seconde fois.



.../...



L'intimée, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.





PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.





Infirme le jugement.



Statuant à nouveau, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] aux torts exclusifs de la société Dachser.



Condamne la société Dachser à verser à M. [O] les sommes suivantes :



1 490,03 euros au titre du solde de son préavis,

310,67 euros au titre du solde de ses congés payés afférents,

137,67 euros au titre du solde de son indemnité de licenciement, le tout avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 24 février 2016,

35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail.



Dit que la société Dachser délivrera à M. [O] un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.



Rappelle que les sommes ci-dessus allouées sont exprimées pour leur montant brut.



Rejette les demandes plus amples ou contraires.



Condamne l'intimée aux entiers dépens.



Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Dachser à verser à M. [O] une indemnité de 3 000 euros.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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