27 février 2020
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 19/05465

2e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 27 FEVRIER 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05465 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OJAG







Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUIN 2019

JUGE DE L'EXECUTION DE PERPIGNAN CEDEX

N° RG 18/00213







APPELANTS :



Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 9] ([Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représenté par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER



Madame [G] [T]

née le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 12] ([Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [S] [W] [T]

né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 12] ([Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES











COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 JANVIER 2020, en audience publique, Madame Myriam GREGORI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :



Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Mme Nelly SARRET, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE





ARRET :



- Contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;



- signé par Madame Véronique BEBON, Présidente de chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier.




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EXPOSE DU LITIGE



En vertu de décisions judiciaires lui accordant diverses sommes dans le cadre d'un partage de succession, M [S] [T] a fait diligenter une procédure de saisie immobilière à l'encontre de son frère, Monsieur [X] [T] ainsi que son épouse [K] [F] épouse [T] sur un bien immobilier leur appartenant constituant le lot numéro 611 dans un ensemble immobilier en copropriété sis à [Localité 13] , [Adresse 8] figurant au cadastre sous les références AX [Cadastre 5] lieu-dit « [Localité 13] » et dont ils ont fait donation en 2005 à leur fille [G] [T] épouse [M] .



Un commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré le 10 août 2018 à [X] [T] débiteur, ainsi qu'à [G] [M], tiers détenteur, avec dénonciation à l'épouse de M [X] [T].



Par jugement d'orientation en date du 28 juin 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a notamment :



- débouté Monsieur [X] [T] et Madame [G] [T] épouse [M] de leurs demandes,

- déclaré valable la procédure de saisie immobilière engagée à leur encontre par Monsieur [S] [T],

- constaté que le créancier poursuivant est titulaire d'une créance liquide et exigible et agit en vertu de titres exécutoires réguliers,

- constaté que la saisie pratiquée porte sur des droits réels saisissables,

- constaté que la créance, dont le recouvrement est poursuivi par Monsieur [S] [T] à l'encontre de Monsieur [X] [T], s'élève à la somme totale de 242'218,38 euros, arrêtée au 12 juin 2018, dans le détail fourni dans les deux décomptes annexés au commandement de payer valant saisie du 10 août 2018,

- ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi selon les modalités prévues au cahier des conditions de vente, y compris celle relative au montant de la mise à prix

- fixé la date de la vente au vendredi 11 octobre 2019.



Monsieur [X] [T] et Madame [G] [T] épouse [M] ont relevé appel de cette décision le 2 août 2019.



Ils ont été autorisés à assigner Monsieur [S] [T] à jour fixe pour l'audience du 20 janvier 2020.



Dans leurs dernières conclusions du 6 septembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur [X] [T] et Madame [G] [T] épouse [M] demandent à la Cour de:



- juger que la saisie ne pouvait pas porter sur le bien immobilier situé sur la commune de Toreilles, dans la mesure où s'agissant d'un bien commun, il ne pouvait être appréhendé par un créancier personnel de Monsieur [X] [T],

- juger qu'à tout le moins l'hypothèque ne pouvait concerner que les parts et portions de Monsieur [X] [T], comme conclu par Monsieur [S] [T] devant le juge de l'exécution,

- juge encore que la mesure de saisie immobilière ne pouvait concerner que la seule créance visée dans l'hypothèque du 8 mars 2004 pour un montant actualisé au jour de la délivrance du commandement de 13.378,98 euros

-prononcer pour les motifs énoncés la nullité de la procédure de saisie immobilière portant sur l'immeuble situé à [Localité 13] ,

- condamner Monsieur [S] [T] à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- dire que les intérêts au taux légal seront limités aux cinq dernières années précédant le commandement valant saisie immobilière en date du 10 août 2018,

en toute hypothèse,

- prononcer l'exonération totale du taux majoré des intérêts au profit de Monsieur [X] [T] compte tenu de sa situation financière et personnelle actuelle,

très subsidiairement,

- fixer la mise à prix de l'immeuble à la somme de 145'000 €.



Dans ses dernières conclusions du 19 décembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur [S] [T] demande à la Cour de :



- dire et juger irrecevable et à tout moment non fondé les consorts [T] en leur appel,

- débouter les consorts [T] de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner les appelants à lui verser la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.






MOTIFS DE LA DECISION



- Sur la nature du bien saisi



Monsieur [X] [T] et Madame [G] [M], sa fille, soutiennent que Monsieur [S] [T] ne pouvait faire saisir un bien immobilier dépendant de la communauté pour une dette personnelle à l'un des époux.



Mais en l'occurrence, l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 pour les seules parts et portions dont M [X] [T] était propriétaire sur le bien situé à [Localité 13] dépendant anciennement de la communauté des époux [X] [T]- [K] [F] a concerne désormais un bien devenu la propriété personnelle de leur fille en vertu d'une donation qu'ils lui ont consentie en 2005, soit postérieurement à l'inscription d'hypothèque.



L'article 2461 du code civil dispose que les créanciers ayant privilèges ou hypothèques inscrits sur un immeuble, le suivent en quelques mains qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions.



En application de ce texte, l'hypothèque inscrite le 1er mars 2004 et régulièrement renouvelée le 27 janvier 2014 permet au créancier garanti hypothécairement à hauteur de ses droits de suivre le bien en quelques mains qu'il passe et rend la sûreté opposable à l'acquéreur, en l'absence de purge préalable de l'hypothèque lors de la cession en l'espèce effectuée à titre gratuit par les époux [T] à leur fille [G].



Le créancier hypothécaire est alors admis à poursuivre l'exécution de sa créance sur l'immeuble donné en garantie, sans avoir à provoquer au préalable la licitation partage de la communauté ni à dénoncer la saisie à l'épouse commune en biens dès lors que le bien ne dépend plus de cette communauté.



En conséquence, la prise d'hypothèque sur les parts et portions dont Monsieur [X] [T] a été propriétaire sur le bien saisi en vertu d'une créance dont il reste personnellement débiteur vis-à-vis de son frère n'intéresse plus éventuellement que la procédure de distribution de deniers issus de la vente mais n'affecte en aucune façon la régularité de la procédure de saisie immobilière du dit bien directement entre les mains de la donataire qui s'est vue transmettre un immeuble spécialement affecté à la garantie du créancier de son père et s'est exposée ainsi au droit de suite du créancier.



La procédure de saisie immobilière n'est donc pas en elle-même critiquable et la demande de nullité de ces différents chefs sera donc rejetée.





- Sur la créance garantie



En l'espèce, l'inscription hypothécaire précise qu'elle est affectée, en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 28 janvier 2004, à la garantie de :

- principal représentant la soulte prévue par l'acte de partage : 68'602,06€

- intérêts afférents à cette somme à compter du 28 janvier 2004: mémoire

- article 700 du code de procédure civile : 2000€

- frais et accessoires évalués à : 6000€





Ce jugement valant titre exécutoire a été déclaré définitif par ordonnance du 3 juillet 2009 constatant l'acquisition de la péremption d'instance d'appel dont Monsieur [X] [T] avait pris l'initiative .



Monsieur [S] [T], en tant que créancier poursuivant, se prévaut dans son commandement du 10 août 2018 en sus en sus de la somme de 68 602,06€ majorée des intérêts, de l'article 700 du code de procédure civile et des frais correspondant en réalité à une condamnation pour recel successoral, d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 9 février 2015 fixant dans le cadre d'une première procédure immobilière la créance du créancier poursuivant à la somme précitée, mais également à la somme de 194'466€, majoré des intérêts et frais au titre de la soulte due à l'issue du partage successoral .



Bien que l'hypothèque n'ait pour objet, quelque soit la dénomination donnée lors de l'inscription, que de garantir le paiement privilégié de la somme de 68'602,06 euros et ses accessoires, le créancier poursuivant garde la possibilité, en cette seule qualité, d'adjoindre dans le cadre de la saisie immobilière une autre créance issue d'une décision définitive valant titre exécutoire, le créancier qui a entrepris la saisie immobilière étant , en application des articles L331-1 et R 334-2 du code des procédures civiles d'exécution, partie à la phase de distribution de deniers et pouvant à ce titre prétendre au remboursement de cette seconde créance chirographaire, après désintéressement des créanciers privilégiés, sur le solde qui reviendrait en toute hypothèse non au tiers détenteur évincé mais à son débiteur.



Le jugement sera confirmé, par ajout de motifs, en ce qu'il a retenu les sommes issues des deux décisions judiciaires pour fixer la créance du créancier poursuivant .



- Sur la prescription des intérêts



L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 9 février 2015 a définitivement fixé la créance de Monsieur [S] [T] sur Monsieur [X] [T] de la façon suivante :

- au titre du recel successoral à la somme de 68'602,04€ ,les intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2007 et au taux légal majoré de cinq points à compter de la signification de l'ordonnance du 3 juillet 2009, ainsi qu'à la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 1072,86 € et 264,01€ au titre des débours et frais,

- au titre de la créance de soulte à la somme de 194 466,66€ majoré des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2004 et au taux légal majoré de cinq points à compter de la signification de l'ordonnance du 3 juillet 2009, ainsi qu'à une somme de 1068,45 euros et 418,62 euros au titre des frais,

- dont à déduire les versements opérés par Monsieur [X] [T] qui totalisait 66'023,47 euros à la date du premier commandement de payer valant saisie immobilière du 17 juin 2013.



Le commandement du 10 août 2018 initiant la présente instance reprend ces sommes majorées des intérêts échus au 13 juin 2018, ceux à échoir étant visés pour mémoire et déduction faites de la vente issue de la saisie immobilière consécutive à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy dont le montant n'est pas sérieusement discuté, le décompte manuscrit attribué à Monsieur [S] [T] ne faisant pas la preuve d'une renonciation quelconque au principal intérêt frais tels que vérifiés par l'huissier avec son client et précisés au commandement servant seul sde fondement aux poursuites





Monsieur [X] [T] et Madame [G] [M] soutiennent qu'en application des dispositions de l'article 2224 du Code civil, les intérêts ne pouvaient être réclamés au-delà du délai de prescription de cinq ans, à savoir selon eux, au-delà du 10 août 2013.



Mais outre l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, il convient de constater qu'une première demande en justice, diligentée dès 2012 pour les mêmes causes issues du partage successoral notarié, avait valablement interrompu la prescription quinquennale jusqu'au 4 octobre 2013, date du jugement d'une première adjudication, de telle sorte qu'en toute hypothèse, les intérêts pouvaient être poursuivis à compter de cette date, sans que la prescription quinquennale soit acquise à la date du commandement du 10 août 2018 objet de la présente instance et à nouveau interruptif de prescription.



S'agissant de la demande d'exonération des intérêts majorés , c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'importance de la somme représentative des intérêts s'expliquait par la résistance injustifiée du débiteur contraignant le créancier à multiplier les instances de procédure d'exécution forcée pour obtenir le recouvrement de sa créance dont il demeure privé depuis de nombreuses années et que Monsieur [X] [T] restait particulièrement taisant au-delà de sa situation de retraité, sur sa situation patrimoniale, dont il s'est d'ailleurs en partie sciemment appauvri par la cession gratuite concédée à sa fille dans le but de faire échec aux droits du créancier, ce qui doit conduire de plus fort au rejet de sa demande d'exonération fondée sur l'article L 313 - 3 alinéa 2 du code monétaire et financier.



La créance poursuivie sera donc admise pour le montant retenu par le premier juge.



- Sur la mise à prix



En application de l'article L 322 - 6 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant.



À défaut d'enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d'office à ce montant. Le débiteur peut, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché. Toutefois, à défaut d'enchère, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale.





En l'espèce, le bien a été mis à prix pour la somme de 50'000 € dans le cahier des charges de la vente. La seule estimation d'une unique agence immobilière sans descriptif des lieux et selon lequel le bien saisi aurait une valeur marchande de 145'000 € n'est pas suffisant pour modifier la mise à prix qui doit rester attractive dans le cadre d'une vente aux enchères.



Le rejet de cette demande sera également confirmé.





- Sur l'article 700 et les dépens



Parties perdantes, Monsieur [X] [T] et Madame [M] seront condamnés in solidum à régler à M [S] [T] la somme de 2.000 € au titre des frais exposés en cause d'appel .



Les dépens d'appel resteront à la charge M [X] [T], jugé seul débiteur des causes du commandement.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne in solidum Monsieur [X] [T] et Madame [M] à régler à M [S] [T] la somme de 2.000 € au titre des frais exposés en cause d'appel,



Rejette toute autre demande,



Condamne Monsieur [X] [T] aux dépens d'appel.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT















VB

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