21 janvier 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-10.566

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C300107

Titres et sommaires

LOTISSEMENT - Cahier des charges - Stipulation - Caractère contractuel - Effets - Détermination

Le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis et continuent à s'appliquer entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, y compris celles qui ont trait aux conditions d'utilisation du sol


LOTISSEMENT - Cahier des charges - Violation - Construction non conforme - Démolition - Conditions - Proportionnalité entre la mesure ordonnée et la gravité de l'atteinte causée

Après avoir relevé que l'article 15 du cahier des charges du lotissement excluait toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés quelle que soit la nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle était implantée et, que le bâtiment préexistant d'un coloti avait déjà une superficie de 736 mètres carrés, une cour d'appel retient à bon droit que la démolition de la totalité de l'extension, d'une superficie de 389 mètres carrés, devait être ordonnée pour faire cesser le trouble subi, une telle mesure poursuivant le but légitime d'assurer le respect du cahier des charges régissant les droits des colotis et n'apparaissant pas disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte causée par l'extension litigieuse

Texte de la décision

CIV.3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 janvier 2016




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 107 FS-P+B

Pourvoi n° V 15-10.566







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Beval, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre C), dans le litige l'opposant à M. [Q] [G], domicilié [Adresse 1],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 décembre 2015, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Mas, conseiller doyen rapporteur, MM. Pronier, Jardel, Nivôse, Maunand, Bureau, conseillers, Mmes Vérité, Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Dupont, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Mas, conseiller doyen, les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat de la société Beval, de Me Ricard, avocat de M. [G], l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2014), rendu en référé, que M. [G], propriétaire d'un lot d'un lotissement, a assigné la société Beval pour obtenir sa condamnation à démolir l'extension d'un bâtiment édifié sur un lot voisin au motif que cette extension ne respectait pas les dispositions de l'article 15 du cahier des charges du lotissement limitant la superficie des constructions pouvant être édifiées sur chaque lot et que ces travaux d'extension, dont l'interruption avait été ordonnée par une précédente décision, avaient été achevés ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Beval fait grief à l'arrêt de la condamner sous astreinte à faire procéder aux travaux de démolition de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », édifiée en vertu d'un arrêté de la commune d'[Localité 1] en date du 7 décembre 2010 et de dire que l'astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard s'appliquerait à nouveau, sans limitation de durée, à compter de la signification de l'arrêt, alors, selon le moyen, que constitue une règle d'urbanisme toute disposition relative aux conditions d'utilisation du sol et notamment à la surface des constructions ; qu'en retenant que la clause du cahier des charges réglementant la surface des constructions autorisées dans le lotissement n'était qu'une convention de droit privé et n'instituait pas une règle d'urbanisme - qualification qui aurait justifié la position d'une question préjudicielle à la juridiction administrative ou emporté caducité de la règle concernée du fait de la couverture du [Localité 2] par le plan d'occupation des sols puis le plan local d'urbanisme de la ville d'Antibes-, la cour d'appel a violé l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il n'y avait pas lieu à question préjudicielle devant la juridiction administrative et que ces dispositions continuaient à s'appliquer entre colotis ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Beval fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge des référés ne peut valablement déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite d'une prétendue méconnaissance d'une clause ambiguë du cahier des charges d'un lotissement, dont l'interprétation excède ses pouvoirs ; que l'article 15, alinéa 1, du cahier des charges du lotissement, intitulé « coefficient de construction », stipulait que « la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de deux cent cinquante mètres carrés ; les construction existant à ce jour pourront être maintenues et aménagées quelle que soit leur position » ; qu'en affirmant que ladite clause « exclut d'évidence toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés, quelle que soit sa nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle est implantée », quand elle ne visait qu'une « construction principale », notion que l'absence de définition contractuelle rendait nécessairement ambiguë relativement à sa portée, de sorte que s'imposait une interprétation exclusive du pouvoir du juge des référés, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ que lorsqu'est établie une violation d'une servitude continue stipulée dans le cahier des charges d'un lotissement, il appartient au coloti qui se prévaut de ladite servitude de démontrer qu'elle a été exercée depuis moins de trente ans ; qu'en se déterminant par la considération qu'il n'était pas établi que tous les colotis sans exception n'avaient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause et que les travaux litigieux avaient été exécutés en vertu du permis de construire délivré le 7 décembre 2010, quand il appartenait à M. [G] d'établir qu'un coloti avait exercé le droit de servitude qui résultait du cahier des charges du 19 août 1926 depuis moins de trente ans, dès lors qu'il était soutenu par la société Beval que de nombreux colotis avaient méconnu l'article 15 du cahier des charges du lotissement depuis plus de trente ans sans être inquiétés « ni par M. [G], ni par quelque autre colotis, de sorte que M. [G] et l'ensemble des colotis, en laissant perdurer des situations contraires à l'article 15, [avaient] prescrit leur droit de l'invoquer, même au plan civil », la cour d'appel a interverti la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ que la servitude est éteinte par non-usage pendant trente ans ; qu'en matière de lotissement, l'extinction par non-usage trentenaire de la servitude de ne pas bâtir au-delà d'une certaine densité, stipulée au cahier des charges, résulte de la preuve de l'édification d'une seule construction en contravention à ladite servitude sans action d'un coloti en vue d'en assurer le respect ; qu'en se déterminant par la considération qu'il n'était pas établi que tous les colotis sans exception n'avaient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause et que les travaux litigieux avaient été exécutés en vertu du permis de construire délivré le 7 décembre 2010, quand il était soutenu par la société Beval que de nombreux colotis avaient méconnu l'article 15 du cahier des charges du lotissement depuis plus de trente ans sans être inquiétés « ni par M. [G], ni par quelque autre colotis, de sorte que M. [G] et l'ensemble des colotis, en laissant perdurer des situations contraires à l'article 15, [avaient] prescrit leur droit de l'invoquer, même au plan civil », la cour d'appel a violé les articles 706 et 707 du code civil ;

4°/ que la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'il serait résulté du cahier des charges qu'aucune construction ne pouvait excéder 250 mètres carrés de surface dans le lotissement et n'a pas recherché, comme l'y avait invitée la société Beval, si l'article 15 de ce document ne devait pas être lu notamment à la lumière de son deuxième alinéa, selon lequel « aucune construction ne devra[it] couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera[it] implantée » et s'il n'en découlait pas qu'en l'état d'un coloti tel qu'elle-même, propriétaire de plusieurs lots constitutifs d'un même « terrain » au sens de cette disposition et sur lesquels étaient implantées plusieurs constructions, l'existence d'un lien de principal à accessoire entre ces diverses constructions imposait que la norme de surface édictée à l'alinéa premier du même texte s'appliquât exclusivement à la « construction principale », laquelle était au cas particulier le château de la Brague et non le bâtiment « L'Oliveraie », construction annexe seule critiquée par M. [G] comme comportant une surface au sol excessive ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, pourtant indispensable à la solution du litige puisque de nature à faire apparaître l'absence de trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

5°/ que la société Beval avait rappelé que la précédente instance en référé engagée à son encontre par M. [G] et ayant donné lieu au prononcé d'une ordonnance rendue le 23 décembre 2011 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse puis d'un arrêt rendu le 6 décembre 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait concerné des travaux de réhabilitation du bâtiment « L'Oliveraie », achevés dès avant cette instance antérieure, et non les travaux d'extension de ce bâtiment, seuls concernés par la présente instance en référé introduite par M. [G] par acte du 20 juin 2013 ; qu'en retenant qu'un trouble manifestement illicite serait d'autant plus caractérisé que la société Beval aurait, en violation de ces précédentes décisions de justice, achevé les « mêmes travaux de construction » que ceux concernés par la précédente instance en référé, sans rechercher si les deux instances en référé successivement introduites par M. [G] n'avaient pas concerné des travaux distincts, de sorte qu'aucune mauvaise foi ni persistance illicite de la société Beval ne pouvait en être déduite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

6°/ que la cour d'appel avait constaté la prohibition dans le lotissement, par l'article 15 du cahier des charges, des constructions d'une surface excédant 250 mètres carrés, ce dont il résultait qu'une mise en conformité au cahier des charges supposait seulement une réduction des constructions implantées en cas de dépassement de cette surface, et non leur entière démolition ; qu'en décidant néanmoins la démolition pure et simple de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », et non la simple réduction de sa surface à concurrence du plafond admis par le cahier des charges, la cour d'appel a imposé au propriétaire constructeur une atteinte à ses biens disproportionnée aux exigences de l'intérêt commun des colotis et a violé l'article 1143 du code civil, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans procéder à une interprétation excédant les pouvoirs du juge des référés, que l'article 15 du cahier des charges du lotissement excluait toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés, quelle que soit sa nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle était implantée, la cour d'appel, devant laquelle la société Beval avait indiqué que le bâtiment préexistant avait une superficie de 736 mètres carrés environ et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile, a retenu, à bon droit, que le moyen de la société Beval tiré de la prescription de l'action de M. [G] était inopérant, que la réalisation de l'extension contrevenant aux dispositions de l'article 15 du cahier des charges constituait pour M. [G] un trouble manifestement illicite et que la démolition de la totalité de l'extension devait être ordonnée pour faire cesser le trouble subi, une telle mesure poursuivant le but légitime d'assurer le respect du cahier des charges régissant les droits des colotis et n'apparaissant pas disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte causée par l'extension litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Beval aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Beval et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Beval.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, rendu en référé, D'AVOIR confirmé l'ordonnance du 28 octobre 2013 ayant condamné sous astreinte la SARL BEVAL à faire procéder aux travaux de démolition de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », édifiée en vertu de l'arrêté de la commune d'Antibes en date du 7 décembre 2010 et, y ajoutant, D'AVOIR dit que l'astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard s'appliquerait à nouveau, sans limitation de durée, à compter de la signification de l'arrêt ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur [G] fonde sa demande sur l'article 15 du cahier des charges du lotissement du [Localité 2] du 19 août 1926 selon lequel la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de 250 mètres carrés et aucune construction ne devra couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera implantée ; que l'appelante soutient qu'il s'agit d'une clause de nature réglementaire et qu'à tout le moins le juge administratif devrait être saisi d'une question préjudicielle ; que, selon son acte d'acquisition du 4 novembre 1998, la vente est soumise aux clauses et conditions résultant du cahier des charges du lotissement ; que ce cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues ; que son article 22 stipule bien que les dispositions du cahier des charges feront loi entre les différents acquéreurs ; qu'il s'agit d'une convention de droit privé pour laquelle il ne saurait y avoir lieu à question préjudicielle devant la juridiction administrative ; que l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, invoqué par l'appelante, dispose expressément que ses dispositions ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement (arrêt, p. 4, premier à troisième alinéas) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 809, alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le juge des référés saisi sur ce fondement doit essentiellement constater soit l'imminence du dommage, afin, à titre préventif, de maintenir une situation existante, soit le caractère manifestement illicite du trouble, après réalisation d'un trouble pour y mettre fin ; que le dommage imminent visé par l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » ; que le trouble manifestement illicite visé par ce même article désigne « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » ; que le cahier des charges d'un lotissement constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et ses dispositions continuent à s'imposer contractuellement entre lots, même si elles sont devenues caduques pour l'administration, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ; que Monsieur [Q] [G], dont la qualité de coloti n'est pas contestée, justifie donc d'un intérêt à agir (ordonnance du juge des référés, p. 3, premier à sixième alinéas) ;

ALORS QUE constitue une règle d'urbanisme toute disposition relative aux conditions d'utilisation du sol et notamment à la surface des constructions ; qu'en retenant que la clause du cahier des charges réglementant la surface des constructions autorisées dans le lotissement n'était qu'une convention de droit privé et n'instituait pas une règle d'urbanisme ¿ qualification qui aurait justifié la position d'une question préjudicielle à la juridiction administrative ou emporté caducité de la règle concernée du fait de la couverture du [Localité 2] par le plan d'occupation des sols puis le plan local d'urbanisme de la ville d'Antibes ¿, la cour d'appel a violé l'article L.442-9 du code de l'urbanisme.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, rendu en référé, D'AVOIR confirmé l'ordonnance du 28 octobre 2013 ayant condamné sous astreinte la SARL BEVAL à faire procéder aux travaux de démolition de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », édifiée en vertu de l'arrêté de la commune d'Antibes en date du 7 décembre 2010 et, y ajoutant, D'AVOIR dit que l'astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard s'appliquerait à nouveau, sans limitation de durée, à compter de la signification de l'arrêt ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur [G] fonde sa demande sur l'article 15 du cahier des charges du lotissement du [Localité 2] du 19 août 1926 selon lequel la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de 250 mètres carrés et aucune construction ne devra couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera implantée ; que l'appelante soutient qu'il s'agit d'une clause de nature réglementaire et qu'à tout le moins le juge administratif devrait être saisi d'une question préjudicielle ; que, selon son acte d'acquisition du 4 novembre 1998, la vente est soumise aux clauses et conditions résultant du cahier des charges du lotissement ; que ce cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues ; que son article 22 stipule bien que les dispositions du cahier des charges feront loi entre les différents acquéreurs ; qu'il s'agit d'une convention de droit privé pour laquelle il ne saurait y avoir lieu à question préjudicielle devant la juridiction administrative ; que l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, invoqué par l'appelante, dispose expressément que ses dispositions ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement ; que la clause précitée est claire et précise, contrairement à ce que prétend l'appelante, en ce qu'elle exclut d'évidence toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés, quelle que soit sa nature où la surface du lot ou du terrain sur lequel elle est implantée, de sorte qu'elle ne nécessite aucune interprétation ; que la société BEVAL argue ensuite de l'absence de cause de l'obligation prévue par l'article 15 susvisé ; qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité du cahier des charges dont les clauses s'imposent aux parties tant qu'il n'a pas été annulé ; qu'au demeurant, en l'espèce, ce cahier des charges prévoit des obligations réciproques entre les colotis dont chacun peut réclamer l'exécution par application de l'article 1143 du code civil ; qu'est inopérant le moyen tiré de la prescription de l'action de Monsieur [G] puisque l'extension qui est reprochée à la société Beval résulte de travaux exécutés en vertu d'un permis de construire délivré le 7 décembre 2010 ; qu'en outre, il n'est pas établi que tous les colotis sans exception n'aient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause, d'autant que des dérogations aux stipulations du cahier des charges sont prévues par son article 22, comme il sera examiné ensuite ; que la société Beval ne discute pas avoir procédé à une extension par emprise au sol supplémentaire de 389 m², soit au-delà des 250 m² autorisés par l'article 15 du cahier des charges ; qu'elle invoque cependant une dérogation conformément à l'article 22 du cahier des charges, qu'aurait accordée le lotisseur, la société TINA, à Madame [R], acquéreur des parts de la société Kleber Longchamp en 1952, étant précisé que celle-ci a vendu le lot à la société Unibail le 29 octobre 1979, laquelle l'a revendu à la société Beval le 4 novembre 1998 ; que l'article 22 stipule que la société venderesse pourra accorder aux acquéreurs toutes dérogations au cahier des charges pour de nouvelles ventes à faire sans que les acquéreurs de parcelles antérieurement venues soient fondés à exercer contre elle aucun recours ; qu'en l'espèce, les lots concernés avaient été initialement vendus par le lotisseur à Monsieur [J] et non à Madame [R] ou à la société Kleber Longchamp, sans qu'il soit allégué qu'une dérogation eût alors été accordée à l'acquéreur ; que l'acte d'acquisition de la société Beval, du 4 septembre 1998, ne se réfère d'ailleurs qu'au cahier des charges sans mention d'une quelconque dérogation à celui-ci ; qu'il s'ensuit que l'ultime moyen de l'appelante ne peut qu'être écarté ; qu'il ressort de ces motifs que le trouble manifestement illicite dont se plaint Monsieur [G] est caractérisé ; qu'il fait d'ailleurs relever que, dans sa décision du 23 décembre 2011, le juge des référés de Grasse avait expressément constaté que l'emprise de l'extension du bâtiment dénommé l'Oliveraie, supérieure à 250 m², constituait une violation caractérisée de l'article 15 du cahier des charges et un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 809 du code de procédure civile, ce qu'à confirmé la cour de céans dans son arrêt du 6 décembre 2012 ; qu'il s'ensuit que l'achèvement des mêmes travaux de construction en violation de ces décisions est manifestement constitutif d'un trouble manifestement illicite, qu'il convient de faire cesser en modifiant seulement la nature des mesures précédemment édictées par la juridiction des référés ; qu'en définitive, l'ordonnance déférée doit être confirmée ; que l'astreinte sera maintenue sans limitation dans le temps à compter de la signification du présent arrêt (arrêt, pp. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article 809, alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le juge des référés saisi sur ce fondement doit essentiellement constater soit l'imminence du dommage, afin, à titre préventif, de maintenir une situation existante, soit le caractère manifestement illicite du trouble, après réalisation d'un trouble pour y mettre fin ; que le dommage imminent visé par l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » ; que le trouble manifestement illicite visé par ce même article désigne « toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » ; que le cahier des charges d'un lotissement constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et ses dispositions continuent à s'imposer contractuellement entre lots, même si elles sont devenues caduques pour l'administration, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ; que Monsieur [Q] [G], dont la qualité de coloti n'est pas contestée, justifie donc d'un intérêt à agir ; que la sanction de la violation d'un cahier des charges d'un lotissement relève des dispositions de l'article 1143 du code civil et un coloti a le droit de demander que ce qui a été fait en contravention à ce cahier soit détruit et, ce indépendamment de l'importance du dommage, le demandeur à l'action n'ayant pas à justifier de l'existence d'un préjudice quelconque, la démolition étant la seule mesure permettant de faire cesser l'infraction au cahier des charges ; que l'absence de contestation par Monsieur [Q] [G] du permis de construire accordé à la société Beval est inopérante en l'espèce, tout permis de construire étant délivré sous réserve des droits des tiers, que le juge judiciaire est chargé de faire respecter ; que la caractérisation d'un trouble manifestement illicite implique que la clause invoquée, prétendument violée, ne soit pas susceptible d'interprétation ; qu'aux termes de l'article 15 du cahier des charges du lotissement, « la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de 250 m² », et il en résulte donc qu'aucune construction ne peut excéder 250 m² ; que, comme l'a relevé la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 6 décembre 2012, l'examen du permis de construire du 7 décembre 2010 contient en annexe le détail de l'emprise au sol des constructions, ce détail mentionne pour le bâtiment "L'Oliveraie" une extension du bâtiment d'une superficie de 389 m², supérieure à 250 m², pour laquelle la sarl Beval est infondée à se prévaloir d'une prescription trentenaire, étant observée que monsieur [Q] [G] se borne à demander la démolition de cette extension ; qu'en conséquence, le trouble manifestement illicite invoqué par Monsieur [Q] [G] concernant l'extension du bâtiment l'Oliveraie est caractérisé et il sera fait droit à se demande de démolition ; que la sarl Beval sera donc condamnée, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, astreinte commençant à courir 2 mois après la signification de la présente ordonnance, et courant pendant 6 mois, à faire procéder aux travaux de démolition de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », édifiée en vertu de l'arrêté de la commune d'[Localité 1] en date du 7 décembre 2010 (ordonnance du juge des référés, pp. 3 et 4) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le juge des référés ne peut valablement déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite d'une prétendue méconnaissance d'une clause ambiguë du cahier des charges d'un lotissement, dont l'interprétation excède ses pouvoirs ; que l'article 15, alinéa 1er, du cahier des charges du lotissement, intitulé « coefficient de construction », stipulait que « la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de deux cent cinquante mètres carrés ; les construction existant à ce jour pourront être maintenues et aménagées quelle que soit leur position » ; qu'en affirmant que ladite clause « exclut d'évidence toute construction au sol d'une superficie dépassant 250 mètres carrés, quelle que soit sa nature ou la surface du lot ou terrain sur lequel elle est implantée », quand elle ne visait qu'une « construction principale », notion que l'absence de définition contractuelle rendait nécessairement ambiguë relativement à sa portée, de sorte que s'imposait une interprétation exclusive du pouvoir du juge des référés, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1er du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE lorsqu'est établie une violation d'une servitude continue stipulée dans le cahier des charges d'un lotissement, il appartient au coloti qui se prévaut de ladite servitude de démontrer qu'elle a été exercée depuis moins de trente ans ; qu'en se déterminant par la considération qu'il n'était pas établi que tous les colotis sans exception n'avaient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause (arrêt, p. 4, al. 8) et que les travaux litigieux avaient été exécutés en vertu du permis de construire délivré le 7 décembre 2010 (arrêt, p. 4, al. 7), quand il appartenait à monsieur [G] d'établir qu'un coloti avait exercé le droit de servitude qui résultait du cahier des charges du 19 août 1926 depuis moins de trente ans, dès lors qu'il était soutenu par la société Beval (conclusions, p. 17) que de nombreux colotis avaient méconnu l'article 15 du cahier des charges du lotissement depuis plus de trente ans sans être inquiétés « ni par Monsieur [G], ni par quelque autre colotis, de sorte que Monsieur [G] et l'ensemble des colotis, en laissant perdurer des situations contraires à l'article 15, [avaient] prescrit leur droit de l'invoquer, même au plan civil », la cour d'appel a interverti la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

ALORS, EN TROISIÈME LIEU ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE la servitude est éteinte par non-usage pendant trente ans ; qu'en matière de lotissement, l'extinction par non-usage trentenaire de la servitude de ne pas bâtir au-delà d'une certaine densité, stipulée au cahier des charges, résulte de la preuve de l'édification d'une seule construction en contravention à ladite servitude sans action d'un coloti en vue d'en assurer le respect ; qu'en se déterminant par la considération qu'il n'était pas établi que tous les colotis sans exception n'avaient pas usé pendant trente ans de la servitude en cause (arrêt, p. 4, al. 8) et que les travaux litigieux avaient été exécutés en vertu du permis de construire délivré le 7 décembre 2010 (arrêt, p. 4, al. 7), quand il était soutenu par la société Beval (conclusions, p. 17) que de nombreux colotis avaient méconnu l'article 15 du cahier des charges du lotissement depuis plus de trente ans sans être inquiétés « ni par Monsieur [G], ni par quelque autre colotis, de sorte que Monsieur [G] et l'ensemble des colotis, en laissant perdurer des situations contraires à l'article 15, [avaient] prescrit leur droit de l'invoquer, même au plan civil », la cour d'appel a violé les articles 706 et 707 du code civil ;

ALORS, EN QUATRIÈME LIEU, QUE la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'il serait résulté du cahier des charges qu'aucune construction ne pouvait excéder 250 mètres carrés de surface dans le lotissement et n'a pas recherché, comme l'y avait invitée la société Beval (conclusions, pp. 18 et s.), si l'article 15 de ce document ne devait pas être lu notamment à la lumière de son deuxième alinéa, selon lequel « aucune construction ne devra[it] couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera[it] implantée » et s'il n'en découlait pas qu'en l'état d'un co-loti tel qu'elle-même, propriétaire de plusieurs lots constitutifs d'un même « terrain » au sens de cette disposition et sur lesquels étaient implantées plusieurs constructions, l'existence d'un lien de principal à accessoire entre ces diverses constructions imposait que la norme de surface édictée à l'alinéa premier du même texte s'appliquât exclusivement à la « construction principale », laquelle était au cas particulier le château de la Brague et non le bâtiment « L'Oliveraie », construction annexe seule critiquée par Monsieur [G] comme comportant une surface au sol excessive ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, pourtant indispensable à la solution du litige puisque de nature à faire apparaître l'absence de trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIÈME LIEU, QUE la société Beval avait rappelé (conclusions d'appel, p. 6) que la précédente instance en référé engagée à son encontre par Monsieur [G] et ayant donné lieu au prononcé d'une ordonnance rendue le 23 décembre 2011 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse puis d'un arrêt rendu le 6 décembre 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait concerné des travaux de réhabilitation du bâtiment « L'Oliveraie », achevés dès avant cette instance antérieure, et non les travaux d'extension de ce bâtiment, seuls concernés par la présente instance en référé introduite par Monsieur [G] par acte du 20 juin 2013 ; qu'en retenant qu'un trouble manifestement illicite serait d'autant plus caractérisé que la société Beval aurait, en violation de ces précédentes décisions de justice, achevé les « mêmes travaux de construction » que ceux concernés par la précédente instance en référé, sans rechercher si les deux instances en référé successivement introduites par Monsieur [G] n'avaient pas concerné des travaux distincts, de sorte qu'aucune mauvaise foi ni persistance illicite de la société Beval ne pouvait en être déduite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

ALORS, EN SIXIÈME LIEU ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel avait constaté la prohibition dans le lotissement, par l'article 15 du cahier des charges, des constructions d'une surface excédant 250 mètres carrés, ce dont il résultait qu'une mise en conformité au cahier des charges supposait seulement une réduction des constructions implantées en cas de dépassement de cette surface, et non leur entière démolition ; qu'en décidant néanmoins la démolition pure et simple de l'extension du bâtiment « L'Oliveraie », et non la simple réduction de sa surface à concurrence du plafond admis par le cahier des charges, la cour d'appel a imposé au propriétaire constructeur une atteinte à ses biens disproportionnée aux exigences de l'intérêt commun des co-lotis et a violé l'article 1143 du code civil, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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