28 janvier 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-28.812

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:C300120

Titres et sommaires

BAIL (RèGLES GéNéRALES) - Incendie - Responsabilité du preneur - Présomption - Domaine d'application - Dommages supportés par des tiers étrangers au contrat de location - Exclusion - Portée

Le bailleur qui, en l'absence de faute prouvée dans la survenance d'un incendie, n'est pas tenu d'indemniser le préjudice subi par les occupants de l'immeuble voisin ne peut en demander réparation au locataire dans les locaux duquel l'incendie a pris naissance

Texte de la décision

CIV.3

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 janvier 2016




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 120 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° H 14-28.812









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Foncière Saint-Louis, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Equité, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 décembre 2015, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Fossaert, Brenot, Masson-Daum, MM. Echappé, Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, M. Barbieri, conseillers, Mmes Proust, Meano, M. Jariel, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Foncière Saint-Louis, l'avis de M. Sturlèse, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2014), qu'un incendie d'origine indéterminée a pris naissance dans l'appartement donné à bail à Mme [O] et a entièrement détruit l'immeuble, propriété de la société Foncière Saint Louis ; que celle-ci a assigné la société Equité, assureur du preneur, en indemnisation de divers préjudices et notamment des frais de relogement des occupants de l'immeuble voisin ;

Attendu que la société Foncière Saint Louis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement des frais de relogement des occupants de l'immeuble voisin, alors, selon le moyen, que le locataire répond à l'égard de son bailleur des conséquences de l'incendie ; que cette réparation doit être intégrale ; qu'à la suite de l'incendie litigieux, la société Foncière Saint Louis s'était vu délivrer un titre exécutoire et avait été contrainte de prendre en charge le coût du relogement des occupants de l'immeuble voisin, qui ne pouvaient plus accéder à leur domicile ; qu'elle avait donc subi un préjudice en raison des frais exposés par elle pour le relogement des voisins du fait de l'incendie ; qu'en retenant que la société l'Equité n'était pas tenue des frais de relogement des occupants du [Adresse 3], « ce dommage concernant des tiers au contrat de location », la cour d'appel a violé les articles 1384 alinéas 2 et 3 et 1733 du code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que le dommage constitué par les frais de relogement des locataires de l'immeuble voisin, dont la société Foncière Saint Louis n'était pas le bailleur, concernait des tiers au contrat de location pour lesquels les dispositions de l'article 1733 du code civil présumant le locataire responsable n'étaient pas applicables, la cour d'appel, qui a estimé souverainement que la société Foncière Saint Louis ne démontrait pas, conformément à l'article 1384, alinéa 2, du code civil, l'existence d'une faute imputable à Mme [O], en a exactement déduit, sans violer le principe de réparation intégrale du préjudice dès lors que le bailleur sollicitait l'indemnisation du préjudice subi par un tiers, que la demande de la société Foncière Saint Louis devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Foncière Saint Louis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Foncière Saint Louis ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Foncière Saint-Louis.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société FONCIERE SAINT LOUIS de sa demande de condamnation de la société L'EQUITE au paiement de la somme de 68.853 euros correspondant aux frais de relogement des locataires du [Adresse 3],

AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que l'incendie a pris naissance dans l'appartement loué par la société FONCIERE SAINT LOUIS à Madame [O] qui est dès lors débitrice de la présomption de responsabilité prévue par l'article 1733 du code civil à l'égard de son bailleur; que le locataire responsable doit réparation non seulement des dommages survenus dans les locaux qui lui ont été donnés à bail, mais également dans ceux, voisins, donnés à bail par le même propriétaire à un autre locataire, ce dont il résulte que la société L'EQUITE doit être condamnée à prendre en charge les frais de relogement des locataires du [Adresse 4], dont le bailleur est également la société FONCIERE SAINT LOUIS ; que ces frais sont justifiés pour une somme de 20.147 euros comprise dans le préjudice total de 1.037.726 euros ; que par contre, la somme de 68.853 euros représente les frais de relogement des locataires du [Adresse 3], dont il n'est pas contesté que la société FONCIERE SAINT LOUIS n'est pas le bailleur celui-ci étant, au vu des pièces produites, la SCI MACHU PICHU ; que ce dommage concerne des tiers au contrat de location, pour lesquels les dispositions de l'article 1733 du code civil présumant le locataire responsable, ne sont pas applicables ; que, alors qu'elle ne démontre pas, en application de l'article 1384-2 du code civil l'existence d'une faute imputable à Madame [O], la société FONCIERE SAINT LOUIS ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 68.853 euros représentant le coût de relogement des locataires du [Adresse 3], ainsi que de sa demande additionnelle en paiement de la somme de 2652 euros au titre des pénalités de retard,

ALORS QUE le locataire répond à l'égard de son bailleur des conséquences de l'incendie; que cette réparation doit être intégrale ; qu'à la suite de l'incendie litigieux, la société FONCIERE SAINT LOUIS s'était vu délivrer un titre exécutoire et avait été contrainte de prendre en charge le coût du relogement des occupants de l'immeuble voisin, qui ne pouvaient plus accéder à leur domicile; qu'elle avait donc subi un préjudice en raison des frais exposés par elle pour le relogement des voisins du fait de l'incendie; qu'en retenant que la société l'EQUITE n'était pas tenue des frais de relogement des occupants du [Adresse 3], « ce dommage concernant des tiers au contrat de location », la cour d'appel a violé les articles 1384 alinéas 2 et 3 et 1733 du code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice.

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