3 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-14.689
Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA
Publié au Bulletin
ECLI:FR:CCASS:2016:C100101
Titres et sommaires
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Domaine d'application - Opérations de crédit n'en relevant pas - Soumission volontaire des parties - Effets - Application impérative - Conditions - Qualité de consommateur de l'emprunteur
Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour déclarer l'action d'une banque prescrite en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, retient que les parties ont entendu soumettre le prêt aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du même code, sans constater la qualité de consommateur de l'emprunteur
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Qualité de consommateur de l'emprunteur - Caractérisation - Nécessité
PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Domaine d'application - Crédit immobilier consenti par un organisme de crédit au consommateur - Défaillance de l'emprunteur - Qualité de consommateur de l'emprunteur - Caractérisation - Nécessité
Texte de la décision
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 février 2016
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 101 F-P+B
Pourvoi n° B 15-14.689
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par le Crédit immobilier de France développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône-Alpes-Auvergne, dont le siège est [Adresse 5],
contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2015 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [O], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de gérant et d'associé de la société civile immobilière [O] et en qualité de représentant légal des associés mineures [R] et [K] [O],
2°/ à Mme [L] [O], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à M. [U] [O],
4°/ à Mme [V] [O],
5°/ à Mme [D] [O],
domiciliés tous trois [Adresse 1],
6°/ à la société [O], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
7°/ à la trésorerie principale de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 4],
8°/ au Centre des finances publiques de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3], représenté par le comptable public,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 janvier 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat du Crédit immobilier de France développement, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [Y] [O], ès qualités, de Mme [L] [O], M. [U] [O], Mme [V] [O], Mme [D] [O] et de la société [O], l'avis de M. Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, aux droits duquel vient le Crédit immobilier de France développement (la banque), ayant consenti à la société civile immobilière [O] (l'emprunteur), par acte notarié du 4 février 2005, un prêt immobilier dont certaines échéances sont demeurées impayées, a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre du débiteur, qui a soutenu que l'action de la banque était tardive ;
Attendu que, pour déclarer l'action de la banque prescrite en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'arrêt relève qu'il ressort de l'examen de l'offre de prêt litigieuse que la banque et l'emprunteur ont entendu soumettre celle-ci aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du même code ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 137-2 susvisé concerne uniquement l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs et qu'elle n'avait pas constaté la qualité de consommateur de l'emprunteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société civile immobilière [O] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour le Crédit immobilier de France développement venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action du CIFRAA résultant du prêt souscrit le 4 février 2005 par la Sci [O] et, en conséquence, ordonné la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière délivré les 28 août, 29 août et 2 septembre 2013 et publié le 17 octobre 2013, volume 2013 S n 23, auprès du service de la publicité foncière de [Localité 1] 1 et la radiation dudit commandement ainsi que de toutes les mentions en marge ;
AUX MOTIFS QUE il ressort de l'examen de l'offre de prêt litigieuse que le CIFRAA et la Sci [O] ont entendu soumettre celleci aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ; qie les appelants sont dès lors fondés à invoquer les dispositions de l'article 137-2 du Code de la consommation, applicables au crédit immobilier consenti par un professionnel et un consommateur, qui prévoient que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le point de départ de ce délai de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer l'action concernée soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; iI se déduit du relevé de « la position emprunteur » produit par le CIFRAA et daté du 7 février 2014, que le premier incident de paiement non régularisé est en date du 10 novembre 2010 ; or, le commandement aux fins dc saisie immobilière a été délivré à la SCI [O] le 2 septembre 2013, soit plus de deux ans après cet événement ; que l'action du CIFRAA sera donc déclarée prescrite ; que par voie de conséquence, la mainlevée du commandement publié le 17 octobre 2013, volume 2013 S n° 23 auprès du service de la publicité foncière de [Localité 1] I et la radiation dudit commandement ainsi que de toutes les mentions en marge seront ordonnées ;
ALORS QUE l'exposant faisait valoir que le prêt ne pouvait être soumis aux dispositions du code de la consommation ayant été accordé à une société civile dont l'activité déclarée au RCS est l'investissement immobilier ; qu'en se fondant dès lors sur la seule mention « articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation » de l'offre de prêt, quand l'acte notarié de prêt ne comportait aucune stipulation propre à soumettre le prêt aux dispositions du code de la consommation et qu'il avait été accordé à une société civile immobilière, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la volonté des parties à soumettre le prêt aux dispositions du droit de la consommation, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation.