3 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-22.351

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C100084

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Transfusion sanguine - Virus de l'hépatite C - Contamination - Indemnisation - Modalités - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang - Présomption d'imputabilité - Portée

Il résulte de l'article 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, complété par l'article 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, que, dans les actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010, au titre des préjudices résultant des contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins, les victimes de contamination, dont l'origine transfusionnelle est considérée comme établie, sont aussi indemnisées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale et ne sont pas tenues de prouver la provenance des produits sanguins administrés. L'incertitude sur le centre de transfusion sanguine ayant fourni les produits sanguins contaminés fait, cependant, obstacle à l'action en garantie de l'ONIAM

SANTE PUBLIQUE - Transfusion sanguine - Virus de l'hépatite C - Contamination - Indemnisation - Modalités - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang - Effets - Mise en jeu de la garantie des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang - Conditions - Identification du fournisseur des produits sanguins contaminés - Portée

ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Garantie - Cas - Etablissement français du sang - Contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C - Indemnisation - Substitution de l'ONIAM à l'établissement français du sang - Effets - Mise en jeu de la garantie des assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang - Conditions - Identification du fournisseur des produits sanguins contaminés - Portée

PREUVE - Règles générales - Charge - Applications diverses - Santé publique - Transfusions sanguines - Contamination par le virus de l'hépatite C - Présomption d'imputabilité - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2016




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 84 FS-P+B

Pourvoi n° J 14-22.351







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), dont le siège est [Adresse 4],

contre l'arrêt rendu le 21 mars 2014 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa assurances IARD, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris, anciennement la société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à l'Etablissement français du sang, venant aux droits de l'Etablissement de transfusion sanguine anciennement CRTS de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à Mme [F] [J] épouse [N], domiciliée [Adresse 5],

4°/ à M. [Z] [H], domicilié [Adresse 6],

5°/ à la société Generali IARD, dont le siège est [Adresse 2], nouvelle dénomination de Generali France assurances,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 janvier 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Delmas-Goyon, Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme [N], de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Axa assurances IARD, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD, l'avis de M. Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 mars 2014), qu'ayant appris qu'elle était contaminée par le virus de l'hépatite C, après avoir subi, en 1984, des interventions chirurgicales à l'occasion desquelles des produits sanguins lui avaient été administrés, Mme [N] a, en 1996, assigné en responsabilité et indemnisation l'Etablissement de transfusion sanguine de [Localité 1] (l'ETS), venant aux droits du Centre de transfusion sanguine de [Localité 1] (le CTS), assuré par la société Axa France IARD (la société Axa) ; que les premiers juges ont condamné l'ETS à indemniser Mme [N] des préjudices liés à sa contamination et la société Axa à le garantir ; qu'au cours de la procédure, l'Etablissement français du sang (l'EFS), venu aux droits de l'ETS, a été substitué par l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) ;

Attendu que l'ONIAM fait grief à l'arrêt de le condamner à indemniser Mme [N] des préjudices liés à sa contamination et de rejeter ses demandes à l'encontre de la société Axa alors, selon le moyen :

1°/ que l'ONIAM substitué à l'EFS en application de l'article 67, IV, de la loi du 17 décembre 2008 ne peut prendre en charge l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins que si ces produits ont été fournis par un centre de transfusion auquel l'EFS était lui-même substitué ; qu'en retenant que l'ONIAM est tenu de plein droit d'indemniser le préjudice de la victime contaminée par le virus de l'hépatite C dès lors qu'il est établi que cette contamination est consécutive à une transfusion sanguine, et en mettant à la charge de l'office l'indemnisation des préjudices résultant d'une contamination par des produits dont elle constatait que leur fournisseur ne pouvait être identifié, la cour d'appel a violé l'article 67, IV, de la loi du 17 décembre 2008 ;

2°/ que la présomption d'imputabilité à la transfusion de produits sanguins de la contamination par le virus de l'hépatite C, prévue par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, ne s'étend pas au point de savoir si les produits sanguins transfusés ont été fournis par un établissement auquel l'ONIAM serait substitué ; qu'en mettant à la charge de l'ONIAM, substitué à l'EFS, l'indemnisation des préjudices subis du fait de la contamination par des produits dont elle constatait que leur fournisseur ne pouvait être identifié, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;

3°/ qu'en mettant à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par des produits sanguins prétendument fournis par l'ETS et en retenant, dans le même temps, que le fournisseur de ces produits ne pouvait être identifié, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 confiant, au I, à l'ONIAM l'indemnisation des préjudices résultant des contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang, a prévu, au IV, dans les actions juridictionnelles en cours au titre de ces préjudices, n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable au 1er juin 2010, la substitution de celui-ci à l'EFS venant aux droits et obligations des centres de transfusion sanguine privés et publics ; que l'article 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable aux actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, a complété l'article 67, IV, pour permettre à l'ONIAM, ayant indemnisé les victimes de contamination transfusionnelle, de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures reprises par l'EFS ; qu'il résulte de ces dispositions que les victimes de contamination, dont l'origine transfusionnelle est considérée comme établie, sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, même lorsqu'il est substitué à l'EFS, et qu'elles ne sont pas tenues de prouver la provenance des produits sanguins administrés ; qu'en revanche, l'incertitude sur le centre de transfusion sanguine ayant fourni les produits sanguins contaminés fait obstacle à l'action en garantie de l'ONIAM ;

Qu'il en résulte qu'après avoir retenu que la contamination de Mme [N] était imputable à des produits sanguins administrés en 1984, la cour d'appel a, d'abord, énoncé à bon droit que l'ONIAM devait l'indemniser de ses préjudices ; qu'ensuite, constatant, au vu des rapports d'expertise et sans entacher sa décision de contradiction, qu'il n'était pas établi que les produits sanguins contaminés provenaient du CTS, elle n'a pu que rejeter la demande en garantie de l'ONIAM à l'encontre de la société Axa, en l'absence de preuve de la responsabilité de son assuré dans la survenue de la contamination ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'ONIAM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'ONIAM à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et par le président en son audience publique du trois février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'ONIAM à verser à madame [N] la somme de 241.913,80 euros en indemnisation de ses préjudices liés à la contamination par le virus de l'hépatite C, outre la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'avoir débouté de ses demandes tendant la condamnation de la société Axa France Iard à prendre en charge les condamnations prononcées à son encontre ;

Aux motifs qu'au vu des constatations et des conclusions des rapports d'expertise du professeur [S] (1995) et du professeur [M] (1998) les premiers juges ont, par une motivation détaillée qui mérite confirmation, retenu à juste titre que la matérialité de la transfusion de trois flacons de plasma sec à l'occasion de l'opération du 27 avril 1984 (sic) était bien établie et que s'agissant d'un produit particulièrement contaminant à l'époque et pour lequel aucune enquête transfusionnelle n'a pu être réalisée, il existait un faisceau suffisant de présomptions graves, précises et concordantes permettant d'imputer à cette transfusion la contamination (¿) ; que le jugement du 18 octobre 1999 doit néanmoins être infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'ETS de [Localité 1] compte tenu de l'évolution législative intervenue depuis lors, la loi du 17 décembre 2008, modifiée par celle du 17 décembre 2012, ayant instauré un nouveau dispositif d'indemnisation depuis le 1er juin 2010, applicable aux procédures en cours, substituant l'ONIAM à l'EFS et aux anciens centres de transfusion sanguine ; que l'ONIAM est en effet tenu de plein droit d'indemniser le préjudice de la victime contaminée par le VHC dès lors qu'il est établi, comme en l'espèce, que cette contamination est consécutive à une transfusion sanguine, peu important que le dommage soit ou non imputable à une faute ; qu'il en résulte que la victime ne dispose plus d'aucun recours direct contre l'EFS et son assureur ; que par contre l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 a rétabli la possibilité d'un recours en garantie de l'ONIAM contre l'assureur du centre de transfusion sanguine ; mais la société Axa fait valoir à juste titre que sa garantie n'est mobilisable qu'à la condition de démontrer que son assuré ¿ l'ex ETS de [Localité 1] ¿ était le fournisseur du produit sanguin contaminé ; que les experts judiciaires, relevant que les trois flacons de plasma sec ne portaient pas de numéro d'identification ou qu'en tout cas ces numéros n'avaient pas été reportés sur la feuille d'anesthésie, n'ont pu avoir aucune certitude sur la provenance de ce produit ; que si l'ETS de [Localité 1] était le « fournisseur habituel » du CHRU de [Localité 1], cette présomption ne constitue pas une preuve suffisante de l'origine des trois flacons de plasma sec dont le mode de fabrication est très différent de celui des culots globulaires ; que l'ONIAM, qui ne peut se prévaloir d'une présomption légale quant à l'identité du fournisseur, doit être déclaré mal fondé en son recours en garantie contre la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de l'ex-ETS de [Localité 1] (¿) ; qu'il doit d'autre part être constaté que l'ONIAM, même s'il invoque dans les motifs de ses conclusions la faute médicale imputable au docteur [H], ne forme aucun appel en garantie à son encontre, qu'en conséquence l'appel en garantie formé subsidiairement par le docteur [H] contre la société Générali est également sans objet ;

Alors d'une part que l'ONIAM substitué à l'EFS en application de l'article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008 ne peut prendre en charge l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins que si ces produits ont été fournis par un centre de transfusion auquel l'EFS était lui-même substitué ; qu'en retenant que l'ONIAM est tenu de plein droit d'indemniser le préjudice de la victime contaminée par le virus de l'hépatite C dès lors qu'il est établi que cette contamination est consécutive à une transfusion sanguine, et en mettant à la charge de l'office l'indemnisation des préjudices résultant d'une contamination par des produits dont elle constatait que leur fournisseur ne pouvait être identifié, la cour d'appel a violé l'article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008 ;

Alors d'autre part que la présomption d'imputabilité à la transfusion de produits sanguins de la contamination par le virus de l'hépatite C, prévue par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, ne s'étend pas au point de savoir si les produits sanguins transfusés ont été fournis par un établissement auquel l'ONIAM serait substitué ; qu'en mettant à la charge de l'ONIAM, substitué à l'EFS, l'indemnisation des préjudices subis du fait de la contamination par des produits dont elle constatait que leur fournisseur ne pouvait être identifié, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;

Alors en outre qu'en mettant à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par des produits sanguins prétendument fournis par l'ETS et en retenant, dans le même temps, que le fournisseur de ces produits ne pouvait être identifié, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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