2 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-84.355

Chambre criminelle - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:CR00464

Texte de la décision

N° A 15-84.355 FS-D

N° 464


FAR
2 FÉVRIER 2016


REJET


M. GUÉRIN président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________







LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à [Localité 1], a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :


-
-
M. [E] [K],
La société [B] [2],


contre l'arrêt n°1 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 12 juin 2015, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de complicité de prise illégale d'intérêt, a prononcé sur leur demande de constatation de l'extinction de l'action publique par prescription ;







La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 janvier 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. [C] ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 octobre 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-6, 121-7 et 432-13 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a estimé l'action publique du chef de complicité de participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée non prescrite ;

"aux motifs que M. [J] [N] n'a pas porté à la connaissance de la commission de déontologie, de M. [P], directeur de l'AFSSAPS, ni de M. [R] [I], magistrat détaché à l'AFSSAPS pour les questions de déontologie son intention de souscrire un contrat de consultant avec le groupe [B] ; que la connaissance que pouvait avoir Mme [V], adjointe de M. [N], sur les projets du professeur [N], relève du bavardage, du ressenti et n'est pas suffisante pour établir que les projets de M. [N] étaient publics, que les confidences de M. [N] ne permettaient pas le déclenchement de l'action publique et n'étaient pas de nature à interrompre la prescription ; que le contrat de consultant avec les laboratoires [B] était souscrit par l'intermédiaire de la société allemande [1] et de ce fait dissimulé, qu'il résulte notamment des déclarations de M. [G], docteur, que cette dissimulation avait pour but de dissimuler l'infraction prévue par l'article 432-13 du code pénal, d'autant plus connu que ce dernier était écrit sur le dossier saisi au domicile de M. [N] ; que cette activité n'est apparue qu'au cours de l'enquête préliminaire diligentée du 13 décembre 2010 au 4 février 2011, que les faits n'étaient pas prescrits le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif du chef de participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée ; que les faits de complicité de ce délit n'étaient pas prescrits le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif, qu'ils ne l'étaient pas le 13 février 2013, date de la mise en examen de M. [E] [K], le 20 juin 2013, date de la mise en examen de [U] [B], le 11 décembre 2013, date de la mise en examen de la société [B] [2] ;

"1°) alors que le délit de participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise privée réprime la prise de participation par travail ou conseil, dans une entreprise privée, par un fonctionnaire chargé de vérifier cette entreprise, dans les trois ans suivant la cessation de ses fonctions dans l'administration publique ; que l'action publique de ce délit se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, et au plus tard trois ans après la cessation des fonctions de l'intéressé en tant que fonctionnaire ; que M. [N] ayant cessé ses fonctions à l'agence du médicament le 31 décembre 2000, l'interdiction de prise de participation dans une entreprise privée cessait le 31 décembre 2003 ; qu'en conséquence, le délit était prescrit au 31 décembre 2006, soit antérieurement à la date du réquisitoire introductif du 18 février 2011 ; qu'en estimant cependant l'action publique non prescrite, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"2°) alors que le point de départ de la prescription de l'action publique du délit de participation illégale d'un fonctionnaire, ne peut être reporté qu'en cas de dissimulation, par le fonctionnaire, de sa participation dans une entreprise privée ; que la dissimulation consiste à masquer l'infraction, à savoir la participation du fonctionnaire dans une entreprise privée précédemment contrôlée ; que la dissimulation est exclue lorsque l'intéressé a informé sa hiérarchie et ses adjoints de cette participation ; qu'il résulte des pièces de la procédure et des énonciations de l'arrêt l'information, par M. [N], dès l'année 2000, de l'activité de consultant pour des établissements pharmaceutiques français et étrangers, incluant l'établissement pharmaceutique [B], information communiquée à la commission de déontologie, au directeur général de l'AFSSAPS qui l'a autorisé à exercer cette activité, et à son adjointe ; qu'en estimant cependant cette activité de consultant dissimulée, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
"3°) alors que les mis en examen invoquaient, dans leurs observations régulièrement déposées, les informations, écrites et réitérées, par M. [N], auprès du directeur général de l'AFSSAPS et de la commission de déontologie, de son projet de devenir consultant pour des établissements pharmaceutiques français et étrangers et les réponses qui y ont été apportées ; qu'en s'abstenant de répondre à ces arguments péremptoires établissant l'absence de dissimulation des projets de M. [N], la chambre de l'instruction n'a pas davantage justifié sa décision ;

"4°) alors que l'infraction de participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise privée précédemment contrôlée n'impose pas le détail des entreprises et des contrats, il suffit que soit révélée une prise de participation dans une telle entreprise ; que tel est le cas de l'information communiquée par M. [N] à la commission de déontologie, au directeur général de l'AFSSAPS, et à son adjointe, et mentionnant l'exercice d'une activité de consultant « pour le compte d'établissements pharmaceutiques français et étrangers » au titre desquels figure l'établissement pharmaceutique [B] ; qu'en déduisant cependant la dissimulation aux motifs inopérants de la souscription du contrat de consultant par l'intermédiaire d'une société tierce, ou encore de l'absence de précision de souscrire un contrat « avec le groupe [B] » et tandis que les informations communiquées mentionnaient nécessairement cet établissement, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;"

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte le 18 février 2011, contre personne non dénommée, des chefs, notamment, d'obtention indue d'autorisation, tromperie sur les qualités substantielles d'un médicament avec mise en danger de la vie de l'homme, prise illégale d'intérêts ; que M. [J] [N], professeur de pharmacologie, directeur de l'évaluation des médicaments à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) jusqu'au 31 décembre 2000, a été mis en examen pour prise illégale d'intérêts ; que M. [E] [K], directeur opérationnel des laboratoires [B], et la société [B] [2] ont été mis en examen pour complicité de ce délit ; qu'il est reproché au premier d'avoir permis au groupe pharmaceutique [B] de conclure avec la société JM [N] un contrat de consultant par l'intermédiaire de la société allemande [1], contrat aux termes duquel la mission consistait "selon les demandes du docteur [B] en des analyses de dossiers touchant à l'efficacité des médicaments en développement ou déjà mis sur le marché et des supports d'aide aux décisions stratégiques de développement", en particulier en établissant, le contrat liant la société [1] et [B] [2] ; qu'il est reproché à la seconde d'avoir sollicité M. [N] pour des prestations de conseils à compter de 2001, moyennant une rémunération transitant par l'intermédiaire de la société allemande [1], cette rémunération étant de l'ordre de 150 000 euros par an ; que M. [K] et la société [B] [2] ont déposé une requête tendant à voir constater la prescription de l'action publique qui a été rejetée par les juges d'instruction ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt relève que M. [N] n'a pas porté à la connaissance de la Commission de déontologie, du directeur de l'AFSSAPS, ni du magistrat détaché au sein de cette instance pour les questions de déontologie, son intention de souscrire un contrat de consultant avec le groupe [B], ses confidences à son adjointe ne permettant pas le déclenchement de l'action publique et n'étant pas de nature à interrompre la prescription ; que les juges ajoutent que le contrat de consultant avec les Laboratoires [B] était souscrit par l'intermédiaire de la société allemande [1] ayant pour objet social toute activité en rapport avec la mise sur le marché national et international de préparations pharmaceutiques, et de ce fait dissimulé, et que cette activité n'étant apparue qu'au cours de l'enquête préliminaire diligentée du 13 décembre 2010 au 4 février 2011, notamment au cours des perquisitions effectuées au sein de la société [1] et au domicile de M. [N], les faits de prise illégale d'intérêts n'étaient pas prescrits le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif ; qu'ils en déduisent que les faits de complicité de ce délit n'étaient pas prescrits lors des mises en examen de M. [K] et de la société [B] [2] les 13 février et 11 décembre 2013 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision dès lors que, si le délit de prise illégale d'intérêts se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux février deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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