9 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-23.219

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00138

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Réalisation - Cession du contrat - Contrat en cours - Contrat de prêt consenti avant l'ouverture du redressement judiciaire (non)

Le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés à l'article L. 642-7 dudit code. L'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Effets à l'égard des créanciers - Bien grevé d'une sûreté spéciale - Sûreté d'un crédit - Transmission au cessionnaire - Caution de l'emprunteur - Obligation - Etendue

Texte de la décision

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2016


Cassation


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 138 F-P+B

Pourvoi n° C 14-23.219




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la Banque populaire occitane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 13 mai 2014 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à M. [L] [F], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Schmidt, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de la Banque populaire occitane, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [F], l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 622-13, L. 631-14, L. 631-22 et L. 642-7 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ensemble l'article 1273 du code civil ;

Attendu que le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours au sens du premier de ces textes et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés au quatrième ; que l'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Balneum ayant été mise en redressement judiciaire le 4 février 2008, la société Banque populaire occitane (la banque) a déclaré une créance correspondant aux échéances à échoir d'un prêt garanti par le cautionnement solidaire de M. [F] (la caution) ; qu'elle a, le 24 avril 2008, assigné la caution en exécution de son engagement ; que le 14 octobre 2008, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Balneum au profit de la société Districhauff (le cessionnaire) avec reprise par cette dernière de l'encours du prêt ; que le cessionnaire a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet 2009 et 18 janvier 2010 ;

Attendu que pour limiter l'obligation à paiement de la caution aux échéances échues antérieurement au plan de cession, l'arrêt retient que ce plan homologué par le tribunal a opéré le transfert du contrat de prêt au profit du cessionnaire, celui-ci s'étant engagé à poursuivre le paiement des échéances, et qu'il y a eu un changement de débiteur ayant eu pour effet d'éteindre le cautionnement pour les échéances échues postérieurement au plan ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le créancier avait consenti à décharger le débiteur du paiement des échéances du prêt à compter du plan de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la Banque populaire occitane.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité l'obligation des cautions du prêt accordé par la BPO à la Sarl Balneum, placé en redressement judiciaire, aux échéances échues avant le prononcé du plan de cession et d'avoir débouté la BPO de ces demandes,

aux motifs que la BPO justifie de sa déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Districhauff, en date du 29 septembre 2009 ; que le moyen tiré par M. [F] de ce défaut de déclaration ne peut qu'être rejeté ; qu'il convient de constater que le plan de cession homologué par le tribunal a opéré le transfert du contrat de prêt consenti par la BPO au profit de la société Districhauff, cessionnaire celle-ci s'étant engagée à poursuivre le paiement des échéances du prêt ; qu'il ya eu ainsi changement de débiteur ; que dès lors, le cautionnement de M. [F] qui ne s'était engagé à garantir que les sommes dues par la SARL Balnéum à la BPO, a été éteint par le changement de débiteur, au surplus accepté par la banque : celle-ci était présente à l'audience à laquelle le tribunal a examiné l'offre de cession présentée par la société Districhauff, et a ensuite dirigé ses demandes à ['encontre de cette dernière, dont la défaillance a plus tard entraîné la déchéance du terme que la a BPO n'est pas fondée à soutenir que le cautionnement de M. [F] aurait été maintenu au profit du cessionnaire, en application de l'article L 642-12 du code de commerce, l'alinéa relatif à la transmission de la charge des sûretés ne concernant pas les sûretés personnelles dont relève le cautionnement ; que toutefois ce changement de débiteur ne concerne que la période postérieure au 14 octobre 2008, date d'entrée en jouissance du cessionnaire et d'engagement de celui-ci à poursuivre le paiement des échéances du prêt, ainsi que cela résulte tant de l'offre de reprise que des clauses de cession du fonds de commerce ; que la mention contenue dans l'offre selon laquelle la société Districhauff s'engage à poursuivre le paiement des échéances du prêt en précisant le capital restant dû au 26 février 2008 ne peut s'analyser, en l'absence de clause expresse, en l'engagement de reprendre le paiement des échéances antérieures à l'entrée en jouissance ; que M. [F] n'est donc déchargé de son obligation qu'à compter du changement de débiteur, n'ayant pas donné sa caution au profit du repreneur, de sorte qu'il est tenu au paiement des échéances échues et impayées antérieures au 14 octobre 2008, restées à la charge de la SARL Balnéum ; que la clause de déchéance du terme contenue dans l'engagement de caution de M. [F] est en l'espèce inopérante dans la mesure où d'une part, lors de la délivrance de la mise en demeure de février 2008, M. [F] bénéficiait de la suspension des poursuites, la SARL Balnéum étant en période d'observation, où d'autre part, la BPO n'a provoqué la déchéance du terme qu'en raison de la défaillance de la société Districhauff, ainsi que cela résulte de sa déclaration de créance au passif de cette société ; que la société Districhauff n'étant pas tenue au paiement des sommes dues antérieurement à octobre 2008, aucun reproche pour manque de diligence ne peut être fait à la banque qu'en application de l'article L 341-6 du code de la consommation, en cas de manquement de l'organisme de crédit à son obligation annuelle d'information de la caution, cette dernière est déchargée du paiement des intérêts échus depuis la dernière information jusqu'à la nouvelle information ; qu'on constate que la banque justifie de l'envoi de ces lettres en mars 2006, 2007 ainsi que le 18 mars 2008, et ne prétend pas en avoir envoyé ensuite, de sorte qu'elle ne saurait tirer de l'absence de protestation de M. [F] la preuve de l'accomplissement de son obligation pour les années suivantes ; que dès lors, au titre des échéances échues du 26 février au 14 octobre 2008, il doit l'échéance en capital et intérêts pour celle de février, et les autres échéances en capital uniquement, soit un total de 1.443,70 ¿ + 8.043,47 ¿ + (8x35) = 9767,17 ¿ ; que seuls les intérêts au taux légal courent à compter de la mise en demeure, dont les effets, suspendus pendant la période d'observation en application de l'article L 622-28 du code de commerce, reprennent à compter de la liquidation judiciaire soit le 14 octobre 2008 ; qu'au regard des revenus perçus par l'intimé, et en l'absence d'informations propres à établir qu'un report de la dette lui permettrait de s'en acquitter en une fois en totalité, il y a lieu de lui accorder un délai de paiement sur 24 mois (arrêt p 3, 4 et 5) ;

1°) alors que, d'une part, le contrat de prêt de fonds intégralement remis à l'emprunteur avant l'ouverture de sa procédure collective n'est pas un contrat en cours et la caution des engagements de l'emprunteur demeure tenue après un plan de cession des engagements de rembourser l'intégralité de l'emprunt dont les échéance constituent des créances nées avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'ainsi la cour d'appel en limitant l'obligation des cautions, Mr [F] et Mme [B] [F], au seul règlement des échéances payées antérieurement à la cession motif pris d'une novation par substitution de débiteur et de ce que le paiement par le cessionnaire des échéances postérieures à la cession déchargerait les cautions de la garantie des échéances postérieures, a violé l'article L 642-12 du code de commerce ensemble l'article 2288 du code civil ;

2°) alors que, d'autre part, selon l'article L 643-1 du code de commerce le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. Toutefois, lorsque le tribunal autorise la poursuite de l'activité au motif que la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable, les créances non échues sont exigibles à la date du jugement statuant sur la cession ou, à défaut, à la date à laquelle le maintien de l'activité prend fin ; qu'au cas présent, les échéances du prêt de la société BPO repris par le cessionnaire non échues lors de la cession de la Sarl Balneum étaient exigibles dès le jour du jugement prononçant le plan de cession ; qu'ainsi à partir de cette date, les cautions étaient tenues des créances non échues ; qu'en déchargeant cependant les cautions de leur engagement après la cession de la société cautionnée motif pris de ce que la BPO n'aurait provoqué la défaillance du terme qu'en raison de la défaillance de la société cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

3°) alors qu'en outre, il résulte de l'article L. 622-18, alinéa 2, du code de commerce que le créancier est recevable à agir contre la caution personne physique d'un débiteur en redressement judiciaire dès le prononcé du jugement arrêtant le redressement ou prononçant la liquidation judiciaire de ce débiteur et si lors de l'assignation des cautions le débiteur était en redressement judiciaire, la banque est recevable à poursuivre les cautions après le plan de redressement ou la liquidation judiciaire sans nouvelle assignation ; qu'au cas présent, la Sarl Balneum dont Mr et Mme [F] étaient cautions pour un prêt de 100 000 ¿ accordé par la BPO, redressement judiciaire par jugement du 4 février 2008, a fait l'objet d'un plan de cession le 14 octobre 2008; que la BPO, après avoir déclaré sa créance , les a assigné en paiement le 24 avril 2008 et qu'ainsi son action se poursuivait après le jugement homologuant le plan de cession sans nouvelle assignation; qu'en refusant cependant de faire droit à la demande de la banque motif pris de la suspension des poursuites pour la caution, la cour d'appel a violé l'article L 622-18, alinéa 2 du code de commerce ;

4°) alors que, d'autre part, les actes de cautionnement du 12 juillet 2005 des consorts [F] (actes produits) garantissant le prêt de la BPO à la Sarl Balneum prévoyaient en leurs articles 2 que nonobstant l'impossibilité pour la banque de se prévaloir à l'encontre du débiteur principal de la déchéance du terme d'une obligation concernée (prêt), en cas d'échéance impayée, le défaut de paiement de ladite échéance par la caution après mise en jeu de son engagement par la banque, entrainerait de plein droit à son égard l'exigibilité de l'intégralité des sommes dues au titre du prêt; qu'au cas présent, il est acquis que par lettre du 27 février 2008 la BPO a réclamé aux cautions le paiement de l'échéance du 26/02/2008 restée impayée sous huit jours faute de quoi les sommes restant dues deviendraient exigibles de plein droit par application de la clause résolutoire et que les cautions ne se sont pas acquittés de cette échéance ; qu'il en résultait que ces derniers étaient tenus de la totalité de la dette passé le délai de 8 jours après le 27 février 2008 et à tout le moins à la reprise des poursuites après le jugement arrêtant le plan de cession ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait considérer que la caution n'était tenue que jusqu'au changement de débiteur sans violer l'article 2 du contrat de cautionnement ensemble l'article 2288 du code civil.

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