11 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-23.244

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C200203

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Indemnité journalière - Infraction au règlement des malades - Sanction prononcée par la caisse - Contrôle - Etendue - Détermination - Portée

Selon l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières, les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlent l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré. Viole ce texte, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de l'assuré de voir réduire la somme qui lui est réclamée, retient qu'aucune sanction financière n'a été prononcée par la caisse et que l'action de celle-ci est limitée à la répétition des indemnités journalières

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Sécurité sociale - Assurances sociales - Maladie - Indemnité journalière - Sanction - Montant - Adéquation - Appréciation

Texte de la décision

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 février 2016

Cassation

Mme FLISE, président


Arrêt n° 203 FS-P+B

Pourvoi n° E 14-23.244





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [X] [P], domicilié [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 18 juin 2014 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 janvier 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Laurans, Cadiot, Mme Olivier, M. Poirotte, Mmes Depommier, Belfort, Burkel, conseillers, M. Hénon, Mmes Moreau, Le Fischer, conseillers référendaires, Mme Lapasset, avocat général référendaire, Mme Parchemal, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [P], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée (la caisse) lui ayant réclamé, le 26 juin 2012, la restitution des indemnités journalières versées pendant son arrêt de travail, du 21 décembre 2008 au 30 septembre 2010, au motif qu'il avait exercé pendant la même période une activité non autorisée, M. [P] a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale contrôlent, en cas de recours contre les décisions relatives à la restitution des indemnités journalières qu'il prévoit, l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré ;

Attendu que pour rejeter le recours, l'arrêt retient que la demande de voir réduire le montant d'indu n'est pas fondée dès lors qu'aucune sanction financière n'a été prononcée et que l'action de la caisse est limitée à la répétition des indemnités journalières ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. [P].

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté le recours de M. [P] contre la décision de la Commission de recours amiable du 31 janvier 2013 maintenant la sanction de 59.339, 44 euros prononcée à l'encontre de M. [P] le 26 juin 2012 par la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée ;

AUX MOTIFS QUE : « M. [P], cavalier au GIE du Puy du Fou, a été victime d'un accident du travail le 1er juin 2006 pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée. L'intéressé a été en arrêt de travail du 2 juin 2006 au 30 septembre 2010 date de la consolidation de son état de santé fixée par le médecin conseil de la Caisse. Il lui a été reconnu un taux d'IPP de 23%. Il a perçu pendant ces arrêts l'intégralité de sa rémunération versée par l'employeur lequel en vertu de la subrogation, a reçu les indemnités journalières. Le 9 avril 2010, le GIE du Puy du Fou a informé la Caisse du fait que M. [P] pratiquait des activités équestres pendant son arrêt de travail. La Caisse a diligenté une enquête à l'issue de laquelle elle a conclu que la qualité de gérant majoritaire non salarié de la SARL La Tournerie exercée par M. [P] depuis le 1er avril 2009 était incompatible avec des arrêts de travail à temps plein. Cette société a pour objet toute activité de chambre d'hôtes, pension de chevaux et enseignement de l'équitation. Les dispositions légales et règlementaires applicables au litige sont les suivantes : Selon l'article 433-1 du code de la sécurité sociale, la journée de travail au cours de laquelle l'accident s'est produit, quel que soit le mode de paiement du salaire, est intégralement à la charge de l'employeur. Une indemnité journalière est payée à la victime par la Caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt de travail consécutif à l'accident sans distinction entre les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés, pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation prévu à l'article L.443-2. L'indemnité journalière peut être maintenue en tout ou en partie en cas de reprise d'un travail léger autorisé par le médecin traitant, si cette reprise est reconnue par le médecin-conseil de la Caisse primaire comme de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure. L'indemnité journalière peut être rétablie pendant le délai mentionné à l'article L.1226-11 du code du travail lorsque la victime ne peut percevoir aucune rémunération liée à son activité salariée. Le droit à l'indemnité journalière est ouvert dans les conditions définies à l'article L.323-6 qui dispose que le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire : 1° d'observer les prescriptions du praticien, 2° de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L.315-2, 3° de respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par le décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé, 4° de s'abstenir de toute activité non autorisée. En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la Caisse les indemnités versées correspondantes. En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L.162-1-14. En cas de recours formé contre les décisions de la Caisse, les juridictions visées à l'article L.142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la Caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré. En l'espèce, M. [P] soutient qu'il a été nommé gérant de droit de la société La Tournerie, à titre honorifique et que, dans la réalité, c'est sa compagne [T] [W] qui gère la maison d'hôtes et s'occupe des chevaux qui sont en pension chez eux. Il conteste toute activité de coach équestre que la caisse lui impute en invoquant, notamment, son état de santé qui, tant sur le plan mental que physique, ne lui permettait pas de la pratiquer. Toutefois, les premiers juges ont relevé, à juste titre, que l'activité de gérant d'une SARL qui ne comptait aucun salarié à part Mme [W] impliquait nécessairement des tâches régulières de gestion administrative et financière. Par ailleurs, un travail quotidien important était nécessaire pour s'occuper de la maison d'hôtes, des soins des chevaux en pension et de la participation de ces chevaux à des concours hippiques. L'enquête de la Caisse a mis en évidence plusieurs éléments tendant à démontrer la nécessaire participation de M. [P] à l'activité de la société. Ainsi : le site internet de la maison d'hôtes (pièce n°12 de la Caisse) indique « [T] [W] et [X] [P], vos hôtes, sont tous deux moniteurs diplômés. Ils peuvent vous transmettre leur savoir faire, tout particulièrement pour le dressage discipline olympique », une annonce publiée le 2 mars 2009 sur le site Horsemeeting.com (pièce n°12 de la Caisse) intitulée pension et perfectionnement dressage (France) avec la photographie de la maison d'hôtes donne comme contact [X] [P], le blog de la maison d'hôte daté du 23 septembre 2009 (pièce n°13 de la Caisse) comporte de nombreuses photographies de séances de dressage montrant M. [P] en action de coach comme le soulignent les mentions commentant les photographies (« sous l'oeil du coach, sortie de piste avec [X] [P], la team Tournerie dressage woodstock et [Y] [D], [X] [P]¿ ») les comptes de la société pour 2010 enregistrent des paiements de cours d'équitation rémunérés pour un montant de 3644 euros alors que Mme [W] était en arrêt maladie puis en congé maternité du 25 mars 2010 au 1er août 2010. Les attestations produites par M. [P] ne sont pas de nature à démentir ces éléments objectifs. En effet, si Mme [O] certifie avoir aidé [T] [W] après l'accident de [X] [P] à s'occuper des chevaux et de la maison d'hôtes en 2009 et 2010, elle ne précise pas la fréquence et l'ampleur de cette aide qui a été nécessairement limitée compte tenu de son domicile situé à [Localité 1] et de sa profession de kinésithérapeute. De même, le témoignage de M. [C] attestant qu'il est allé à maintes reprises aider [T] en 2009 et 2010 dans le cadre de son activité équestre et qu'il n'a jamais vu [X] [P] est contredit par les photographies du blog précité où celui-ci entraine, à la même période, des cavaliers en vue de compétitions de dressage. Quant au témoignage de Mme [I] qui se souvient qu'elle a participé avec des amis du couple à la rénovation de la maison d'hôtes, il ne concerne pas la période intéressant le présent litige. Enfin, s'il n'est pas contesté que M. [P] a conservé des séquelles importantes de son accident, justifiant ses arrêts de travail et rendant impossible la reprise de son métier de cavalier professionnel, rien n'indique que celui-ci ne pouvait pas poursuivre une activité d'entraîneur ou de gestionnaire d'une maison d'hôtes. Les premiers juges ont donc, au vu de ces éléments, fait une exacte appréciation de la situation de M. [P] qui a mené une activité non autorisée source de revenus alors qu'il percevait des indemnités journalières. Le jugement sera donc confirmé de ce chef. La demande subsidiaire de M. [P] de voir réduire le montant de l'indu n'est pas fondée dès lors qu'aucune sanction financière n'a été prononcée et que l'action de la Caisse est limitée à la répétition des indemnités journalières indûment versées. Le jugement sera aussi confirmé sur ce point » ;

ALORS 1°) QUE la restitution d'indemnités journalières par leur bénéficiaire est subordonnée à la caractérisation de l'intention de ce dernier de méconnaître ses obligations ; qu'ainsi en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de la nécessité d'établir chez le bénéficiaire d'indemnités journalières l'intention de méconnaître ses obligations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS 2°) QUE (subsidiairement) aux termes clairs et précis de la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée le 26 juin 2012, celle-ci a prononcé à l'encontre de M. [P] une sanction d'un montant de 59.339, 44 euros, prétendument proportionné à l'importance de l'infraction alléguée; qu'ainsi en considérant que la demande de M. [P] de voir réduire le montant de l'indu n'aurait pas été fondée dès lors qu'aucune sanction financière n'aurait été prononcée et que l'action de la caisse serait limitée à la répétition des indemnités journalières indûment versées, la cour d'appel a dénaturé la décision du 26 juin 2012, en méconnaissance de l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS 3°) QUE (subsidiairement), la sanction prononcée pour méconnaissance de ses obligations par le bénéficiaire d'indemnités journalières, qu'il s'agisse de la restitution d'indemnités ou d'une sanction financière, doit être proportionnée à l'importance de l'infraction alléguée ; qu'ainsi en considérant que la demande de M. [P] de voir réduire le montant de l'indu n'aurait pas été fondée dès lors qu'aucune sanction financière n'aurait été prononcée et que l'action de la caisse serait limitée à la répétition des indemnités journalières indûment versées, la cour d'appel a violé l'article L.323-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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