11 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-12.598

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C200197

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Régularité du séjour en France - Appréciation - Modalités - Détermination

Le jugement du tribunal administratif, même assorti d'une injonction, annulant les décisions du préfet et du directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui avaient refusé de faire procéder au contrôle médical des membres de la famille, ne conférait aucun titre à l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse demandant le bénéfice des prestations familiales pour ses enfants nés à l'étranger, de sorte que celui-ci ne justifiait pas de la situation des enfants au regard des articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Conditions - Contrôle médical effectué par l'Office français de l'immigration et de l'intégration - Décision de refus de l'administration - Recours - Annulation de la décision - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

JL

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 février 2016


Cassation


Mme FLISE, président


Arrêt n° 197 F-P+B

Pourvoi n° D 15-12.598

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 31 mars 2015.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse d'allocations familiales (CAF) de la Drôme, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2014 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [V] [F], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 janvier 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Olivier, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Olivier, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la CAF de la Drôme, de Me Le Prado, avocat de M. [F], l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que le premier de ces textes subordonne à la production d'un titre ou d'un document attestant de la régularité de leur séjour comme de celui des enfants qui sont à leur charge, le versement des prestations familiales aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; que selon le deuxième, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée, notamment, par la production d'un certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (l'OFII) à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [F], de nationalité nigériane, résidant régulièrement en France depuis 2005, a sollicité de la caisse d'allocations familiales de Valence (la caisse), le 30 mars 2011, le bénéfice des prestations familiales pour ses trois enfants, nés respectivement en 1994, 1996 et 1999 et entrés en France le 27 février 2011, sous couvert d'un visa D, délivré par l'ambassade de France au Nigéria, portant la mention "regroupement familial OFII" ; que la caisse lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt retient que selon jugement du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Grenoble, devant lequel M. et Mme [F] avaient contesté les décisions du préfet de la Drôme des 19 et 21 avril et du directeur territorial de Lyon de l'OFII du 29 avril 2011 par lesquelles ces autorités avaient refusé de faire procéder au contrôle médical des membres de la famille, a annulé ces décisions et enjoint au préfet de la Drôme, sous réserve d'une modification dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à M. [F] une décision d'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses enfants dans les deux mois suivant la notification du jugement ; que le tribunal administratif a constaté la régularité de l'entrée et du séjour des enfants de l'intimé, qui auraient dû être autorisés à séjourner au titre du regroupement familial et bénéficier d'un contrôle médical ; que l'incapacité dans laquelle M. [F] se trouve de présenter le certificat de contrôle médical délivré par l'Office national français de l'immigration et de l'intégration ne lui étant pas imputable, il convient de considérer que le père est fondé à bénéficier des prestations familiales au titre de ses trois enfants ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal administratif, même assorti d'une injonction à l'autorité préfectorale et à l'OFII, ne conférait aucun titre à M. [F], de sorte que celui-ci ne justifiait pas de la situation de ses enfants au regard des textes susvisés, la cour d'appel a violé ceux-ci ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la CAF de la Drôme

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR "Dit que Monsieur [V] [F] doit bénéficier des prestations familiales pour les enfants [G] [B], [R] [I] et [Q] [A] à compter du 1er mars 2011 (¿) ; condamné la C.A.F de la Drôme à payer à Maître Borges de Deus Correia, conseil de Monsieur [F], [les] sommes de 600 ¿ et 800 ¿ au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique (¿)" ;

AUX MOTIFS QU' "il résulte de l'article L.512-2 alinéa 3 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, et séjournant régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées, de l'une des situations suivantes : leur naissance en France, leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur qualité de membre de famille de réfugié, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-13 du même code, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code, leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée ;

QUE l'article D.512-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande les prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents personnels à l'enfant qu'il énumère ;

QUE sans doute, Monsieur [F] ne justifie pas détenir l'un des documents énumérés par cet article, attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants, dont la production conditionne le versement des prestations familiales ;

QUE [cependant] selon jugement du 16 octobre 2012, le Tribunal administratif de Grenoble, devant lequel Monsieur et Madame [F] avaient contesté les décisions du Préfet de la Drôme des 19 et 21 avril et du directeur territorial de Lyon de l'OFII du 29 avril 2011 par lesquelles ces autorités avaient refusé de faire procéder au contrôle médical des membres de la famille, a annulé ces décisions et enjoint au Préfet de la Drôme, sous réserve d'une modification dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Monsieur [F] une décision d'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses enfants dans les deux mois suivant la notification du jugement ;

QUE le Tribunal administratif a constaté la régularité de l'entrée et du séjour des enfants de l'intimé, qui auraient dû être autorisés à séjourner au titre du regroupement familial et bénéficier d'un contrôle médical ; que l'incapacité dans laquelle Monsieur [F] se trouve de présenter le certificat de contrôle médical délivré par l'Office National Français de l'immigration et de l'intégration ne lui étant pas imputable, il convient de considérer que le père est fondé à bénéficier des prestations familiales au titre de ses trois enfants" ;

ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE "la privation du droit aux prestations familiales au seul motif de la non détention d'un titre déterminé porte atteinte au principe de non discrimination énoncé par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'intérêt supérieur de l'enfant caractérisé par le droit, protégé par l'article 8 de ladite convention, à une vie familiale normale ; que l'application de l'article D.512-2 du Code de la sécurité sociale doit en l'espèce être écartée et que Monsieur [V] [F] doit bénéficier des prestations familiales pour les enfants [G] [B], [R] [I] et [Q] [A] à compter du 1er mars 2011 (¿)" ;

1°) ALORS QUE les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale subordonnent le versement des prestations familiales à la production d'un document attestant d'une entrée régulière des enfants étrangers en France qui doit être justifiée, notamment, par la production d'un certificat de contrôle médical délivré dans le cadre de la procédure de regroupement familial ; que ces dispositions revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et que la situation d'un enfant entré sur le territoire français en dehors de la procédure de regroupement familial peut être régularisée après son entrée en France à la demande de l'un de ses parents, permettant d'ouvrir droit aux prestations familiales, de sorte que ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "¿ Monsieur [F] ne justifie pas détenir l'un des documents énumérés par cet article, attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants, dont la production conditionne le versement des prestations familiales" ; qu'en condamnant cependant la Caisse d'allocations familiales de la Drôme au service des prestations familiales réclamées la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, subordonnent le versement des prestations familiales à la production d'un document attestant d'une entrée régulière des enfants étrangers en France qui doit être justifiée, notamment, par la production d'un certificat de contrôle médical délivré dans le cadre de la procédure de regroupement familial ; qu'il importe peu, pour la mise en oeuvre de ce droit, que le défaut de détention des documents visés soit ou non imputable au demandeur ou à une décision, même illégale, de l'autorité administrative, laquelle ouvre seulement droit, le cas échéant, à l'indemnisation du préjudice en résultant par le service public responsable de la faute commise ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "¿ Monsieur [F] ne justifie pas détenir l'un des documents énumérés par cet article, attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants, dont la production conditionne le versement des prestations familiales" ; qu'en condamnant cependant la Caisse d'allocations familiales de la Drôme au paiement des prestations familiales réclamées au motif inopérant que "¿l'incapacité dans laquelle Monsieur [F] se trouve de présenter le certificat de contrôle médical délivré par l'Office National Français de l'immigration et de l'Intégration ne lui [est] pas imputable", la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble la loi des 16/24 août 1790 ;

3°) ALORS QUE l'annulation par le juge administratif du refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ne vaut pas délivrance de l'autorisation primitivement refusée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "¿ selon jugement du 16 octobre 2012, le Tribunal administratif de Grenoble, devant lequel Monsieur et Madame [F] avaient contesté les décisions du Préfet de la Drôme des 19 et 21 avril et du directeur territorial de Lyon de l'OFII du 29 avril 2011 par lesquelles ces autorités avaient refusé de faire procéder au contrôle médical des membres de la famille, a annulé ces décisions et enjoint au Préfet de la Drôme, sous réserve d'une modification dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Monsieur [F] une décision d'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de ses enfants dans les deux mois suivant la notification du jugement" ; qu'en condamnant la Caisse d'allocations familiales de la Drôme à faire bénéficier Monsieur [F] du service des prestations familiales à compter du 1er mars 2011 aux termes de motifs dont il ne ressort, ni que le jugement du 16 octobre 2012 serait devenu définitif, ni que l'autorisation litigieuse aurait été délivrée la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes susvisés, ensemble les articles L.911-1 et L.911-2 du Code de justice administrative ;

4°) ALORS enfin et très subsidiairement QUE les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat ne revêtent pas un caractère recognitif ; qu'en condamnant la Caisse d'allocations familiales de la Drôme à faire bénéficier Monsieur [F] du paiement des prestations familiales à compter du 1er mars 2011, motif pris que le Tribunal administratif, par jugement du 16 octobre 2012, avait enjoint à l'administration de délivrer le titre nécessaire "dans les deux mois suivant sa notification", de sorte que les conditions du bénéfice de ces allocations n'étaient en toute hypothèse pas réunies pour la période antérieure à cette décision, la Cour d'appel a violé derechef les articles L.512-2 et D.512-2 du Code de la sécurité sociale.

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