11 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-29.539

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:C100195

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Détermination

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédits immobiliers, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (arrêt n° 1, pourvoi n° 14-22.938 ; arrêt n° 2, pourvoi n° 14-28.383 ; arrêt n° 3, pourvoi n° 14-27.143 ; arrêt n° 4, pourvoi n° 14-29.539)

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Domaine d'application - Crédit immobilier consenti par un organisme de crédit au consommateur - Défaillance de l'emprunteur - Action des professionnels - Délai - Point de départ - Détermination

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement des mensualités impayées - Dates d'échéance successives

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement du capital restant dû - Date de la déchéance du terme

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 février 2016




Cassation


Mme BATUT, président



Arrêt n° 195 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° X 14-29.539

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [T] [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 février 2015.







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Comptoir financier de garantie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (11e chambre B), dans le litige l'opposant à M. [T] [M], domicilié [Adresse 2],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 février 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Delmas-Goyon, Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Kloda, conseillers référendaires, M. Cailliau, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Comptoir financier de garantie, de la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de M. [M], l'avis de M. Cailliau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 12 mars 2008, M. [M] a souscrit auprès du Crédit foncier de France (le prêteur), un crédit immobilier garanti par le cautionnement de la société Comptoir financier de garantie (la société CFG), dont certaines échéances sont demeurées impayées ; que, le 16 novembre 2009, le prêteur s'est prévalu de la déchéance du terme, puis a obtenu de la société CFG le paiement de sa créance ; que, le 24 mai 2011, la société CFG, subrogée dans les droits du prêteur, a assigné M. [M] en paiement ;

Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de la société CFG, l'arrêt énonce que la défaillance de l'emprunteur, s'agissant d'une inexécution contractuelle, est l'événement qui constitue le point de départ nécessaire mais suffisant du délai d'action sans que celle-ci soit subordonnée au prononcé de l'exigibilité anticipée du terme, sous peine d'ajouter au texte une disposition qu'il ne comporte pas, et que la prescription biennale qui a commencé à courir à compter du premier incident de paiement non régularisé atteint l'intégralité de l'action née du contrat ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Comptoir financier de garantie.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite et donc irrecevable l'action du COMPTOIR FINANCIER DE GARANTIE ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la qualification du contrat. Il résulte des mentions du contrat que celui-ci est soumis aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, et qu'il est destiné à financer des travaux sur les parties communes de la copropriété. Il s'en suit que le contrat litigieux est bien un crédit immobilier par application de l'article L 311-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce et que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il s'agissait d'un crédit régi par les dispositions des articles L 311-10 et suivants qui ne concernent que les crédits à la consommation. Sa décision sera en conséquence infirmée. Sur les principes applicables. Le crédit immobilier étant un service financier fourni par un professionnel à un consommateur, l'article L 137-2 du code de la consommation qui prévoit une prescription de deux ans pour l'action du professionnel est applicable. S'agissant d'une prescription et non d'une forclusion ce délai biennal est susceptible d'interruption. Sur les actes interruptifs. La première défaillance de M. [T] [M] concerne les échéances des 15 juillet 2008 et 15 janvier 2009, visées dans une mise en demeure du 28 janvier 2009. A titre d'acte interruptif, le Comptoir Financier de Garantie se prévaut d'un paiement effectué le 14 février 2011 constituant la régularisation des échéances des 15 octobre 2008 au 15 octobre 2010. Or outre que ce paiement ne concerne pas l'échéance du 15 juillet 2008 qui était réclamée comme impayée, il est constant qu'à la date où est intervenu le paiement, le délai de prescription biennale né de la défaillance de l'emprunteur décompté à partir de l'échéance du 15 octobre 2008 était déjà écoulé, de sorte que ce paiement ne peut avoir à cet égard aucun effet interruptif, et ne saurait faire revivre un droit d'action éteint par la prescription. Sur les effets de la prescription. Le non paiement de l'échéance parvenue à son terme caractérise une inexécution contractuelle. Le délai de prescription édicté par l'article L 137-2 du code de la consommation concerne l'action des professionnels pour les biens et services qu'il fournissent ce qui désigne nécessairement et sans exclusion toute action découlant du contrat, de sorte que la défaillance de l'emprunteur, s'agissant d'une inexécution contractuelle, est l'événement qui constitue le point de départ nécessaire mais suffisant du délai d'action sans que celle-ci soit subordonnée au prononcé de l'exigibilité anticipée du terme, sous peine de rajouter au texte une disposition qu'il ne comporte pas. En conséquence l'action visée à l'article L 137-2 du code de la consommation s'entend de toute action engendrée par l'inexécution du contrat et non de la seule action en paiement des échéances échues et impayées. Pour écarter le jeu de la prescription de l'action ayant comme point de départ le constat de la défaillance de l'emprunteur, le Comptoir Financier de Garantie ne peut pas davantage invoquer le principe de la liberté contractuelle. En effet ce principe cède devant le caractère d'ordre public des dispositions régissant la matière, qui prohibent d'ailleurs toute convention ayant pour effet de modifier la durée de la prescription ou d'ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de celle-ci. (Article L 137-1 du code de la consommation). Dès lors la prescription biennale qui a commencé à courir à compter du premier incident non régularisé soit le 15 octobre 2008 atteint l'intégralité de l'action née du contrat dont était titulaire le professionnel, et cette prescription était acquise au 24 mai 2011 date de l'introduction de l'action. En conséquence l'action du Comptoir Financier de Garantie sera déclarée irrecevable ce qui rend sans objet l'examen des demandes subsidiaires » ;

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QU' « il résulte du décompte fourni et de la « mise en exigibilité » du 16/11/09 que les trimestrialités des 15/07/08, 15/01/09, 15/07/09 et 15/10/09 sont restées impayées ; même si le créancier subrogé ne réclame que le capital restant dû, la forclusion peut lui être opposée, l'action en paiement n'étant intervenue que le 24/05/11 » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le point de départ de la prescription applicable à l'action tendant au remboursement d'un crédit immobilier se situe au jour où les obligations issues de ce crédit deviennent exigibles ; que l'obligation de payer les mensualités est exigible à la date des échéances convenues selon le tableau d'amortissement tandis que l'obligation de rembourser le capital restant dû ne devient exigible qu'à compter du jour où l'établissement prêteur prononce la déchéance du terme ; qu'en conséquence, en posant en termes généraux que l'action du prêteur ayant consenti un crédit immobilier, qu'elle tende au paiement d'échéances impayées ou au remboursement du capital restant dû, se prescrit indifféremment à compter du premier incident de paiement non régularisé, et en jugeant en conséquence que la date de l'échéance impayée du 15 octobre 2008 constituait le point de départ de la prescription non seulement pour cette échéance impayée mais également pour la totalité du capital restant dû, dont le Crédit Foncier de France soutenait qu'il n'était devenu exigible, à hauteur de 12.810,70 ¿ qu'à compter du 16 novembre 2009, date de la déchéance du terme résultant de la mise en demeure adressée au débiteur, la cour a violé, outre l'article L.137-2 du Code de la consommation, les articles 2224 et 2233 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge qui entend sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle ne peut porter atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; qu'en conséquence, si, comme en l'espèce, les juges d'appel estiment qu'en l'état d'une inexécution contractuelle, il revient à l'établissement prêteur d'agir en paiement sans subordonner son action au prononcé de « l'exigibilité anticipée du terme », ils ne sauraient pour autant priver l'établissement prêteur de sa créance en capital, prétexte pris d'une fixation du point de départ de la prescription au jour du premier incident de paiement non régularisé ; qu'en effet, le prononcé de l'exigibilité anticipée du prêt constitue une prérogative contractuelle du prêteur confronté à la défaillance de l'emprunteur et que le prêteur qui tarderait à exercer cette prérogative à la suite du premier incident de paiement ne peut être privé de sa créance en capital, sauf à violer, ensemble, les articles 1134 du Code civil, les articles 4 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la CESDH ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'est valable le paiement d'une créance atteinte par la prescription de telle sorte qu'emporte régularisation d'un incident le paiement intervenu plus de deux ans après la date de la première échéance impayée non régularisée ; qu'en conséquence, en considérant que le paiement effectué le 14 février 2011 n'avait pu régulariser les échéances impayées des 15 octobre 2008 au 15 octobre 2010 et reporter le point de départ de la prescription biennale opposable à l'action du prêteur, la Cour a violé les articles 123 et 2249 du code civil, outre L. 137-2 du code de la consommation ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la prescription de l'action fondée sur la subrogation ne peut commencer à courir avant le paiement subrogatoire ; qu'en l'espèce la Cour a constaté que la délivrance de la quittance subrogative datait du 31 août 2010 et 21 janvier 2011 de sorte qu'en déclarant prescrite l'action engagée le 14 mai 2011 par le COMPTOIR FINANCIER DE GARANTIE, subrogé dans les droits du CREDIT FONCIER DE FRANCE, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1252 et 2224 du code civil, outre l'article L. 137-2 du code de la consommation.

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