11 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-28.383

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:C100193

Titres et sommaires

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Détermination

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédits immobiliers, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité (arrêt n° 1, pourvoi n° 14-22.938 ; arrêt n° 2, pourvoi n° 14-28.383 ; arrêt n° 3, pourvoi n° 14-27.143 ; arrêt n° 4, pourvoi n° 14-29.539)

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Domaine d'application - Crédit immobilier consenti par un organisme de crédit au consommateur - Défaillance de l'emprunteur - Action des professionnels - Délai - Point de départ - Détermination

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement des mensualités impayées - Dates d'échéance successives

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Défaillance de l'emprunteur - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ - Cas - Dette payable par termes successifs - Action en paiement du capital restant dû - Date de la déchéance du terme

Texte de la décision

CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 février 2016




Cassation


Mme BATUT, président



Arrêt n° 193 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° R 14-28.383







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2014 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [T],

2°/ à Mme [Y] [N], épouse [T],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 février 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Barel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Delmas-Goyon, Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Cailliau, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Barel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. et Mme [T], l'avis de M. Cailliau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ;

Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte authentique du 7 octobre 2008, la Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie (la banque) a consenti à M. et Mme [T] (les emprunteurs) un prêt immobilier dont certaines échéances sont restées impayées ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme le 14 novembre 2011, puis délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 21 mai 2013, la banque a, le 2 septembre 2013, assigné les emprunteurs devant le juge de l'exécution ;

Attendu que, pour annuler le commandement de payer, l'arrêt énonce que le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'il retient que ce dernier se situant le 1er mars 2011, la prescription était acquise avant la délivrance du commandement de payer du 21 mai 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé l'annulation du commandement valant saisie immobilière délivré le 21 mai 2013 par la Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie aux époux [T], publié au 1er bureau du service de la publicité foncière de [Localité 1] le 15 juillet 2013, volume 2013 S, numéro 89, ainsi que de toutes mesures subséquentes ;

Aux motifs que « la banque ne conteste pas l'applicabilité, au contrat de crédit immobilier de l'espèce, des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, qui édicte que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que sur le point de départ de la prescription, il résulte de la combinaison des dispositions de l'article 2224 du code civil et de l'article L. 137-2 du code de la consommation précité que le point de départ du délai de prescription biennale prévue par ce dernier se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer, soit dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident non régularisé, ainsi qu'il a été jugé par la Cour de cassation (1er Chambre civile) le 10 juillet 2014 ; qu'il résulte du décompte de la banque mentionné au commandement valant saisie immobilière que la première échéance impayée et non régularisée du prêt est celle du 1er mars 2011 ; que c'est donc à compter de celle-ci que la prescription de deux ans a commencé à courir ; qu'il n'est fait état d'aucun acte interruptif de la prescription avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière ; qu'il s'ensuit que lorsque le commandement valant saisie immobilière a été délivré le 21 mai 2013, la prescription s'était accomplie » (arrêt, p. 4) ;

Alors que le point de départ du délai de prescription d'une action en remboursement d'un prêt doit être fixé à la date à laquelle la créance de remboursement est devenue intégralement exigible, correspondant à la date de déchéance du terme ; qu'en fixant ce point de départ à la date du premier incident non régularisé, quand, à cette date, le prêt n'était pas exigible en son entier, ce qui excluait de faire courir la prescription de l'action en paiement de la créance de remboursement de l'entier prêt à partir de cet instant, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de commerce, ensemble les articles 2219 et 2224 du code civil ;

Alors, subsidiairement, qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 6), si, à tout le moins, le délai de prescription n'était pas distinct pour chaque terme successif, de sorte que seules pouvaient être prescrites les échéances de mars, avril et mai 2011, dont l'exigibilité était antérieure de plus de deux ans par rapport au commandement valant saisie immobilière délivré le 21 mai 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 137-2 du code de commerce et 2224 et 2233 du code civil.

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