17 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-80.653

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CR01230

Titres et sommaires

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Chambre de l'instruction - Comparution de la personne recherchée - Consentement à la remise - Majeur en tutelle - Capacité (non) - Effet

Un majeur protégé placé sous le régime de la tutelle ne peut donner son consentement à sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen. En conséquence, sa situation doit être examinée par la chambre de l'instruction selon les dispositions de l'article 695-31, alinéa 4, du code de procédure pénale

Texte de la décision

N° X 16-80.653 F-P+B

N° 1230

SC2
17 FÉVRIER 2016


CASSATION


M. GUÉRIN président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept février deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SADOT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur la recevabilité du pourvoi formé par M. [B] agissant seul :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. [B] a été placé sous tutelle par jugement du 16 octobre 2011, et que l'association Eva tutelles a été désignée comme tuteur ;

Qu'ainsi, le demandeur n'ayant pas la capacité d'agir en justice, ce pourvoi, formé en son seul nom, ne peut qu'être déclaré irrecevable ;

II - Sur le pourvoi formé par l'association Eva tutelles, agissant en sa qualité de tutrice de M. [B] :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 440 et 414-1 du code civil, préliminaire et 695-31 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :

"en ce que l'arrêt attaqué a donné acte à M. [B], majeur placé sous tutelle pour déficience mentale, de son consentement à la remise ;

"aux motifs que M. [B] a déclaré que le mandat d'arrêt européen s'appliquait bien à sa personne, qu'il a accepté sa remise aux autorités judiciaires et n'a pas accepté de renoncer au principe de spécialité ; qu'il convient, en conséquence, d'ordonner la remise de M. [B] aux autorités judiciaires du Royaume des Pays Bas en exécution du mandat d'arrêt européen susvisé ;

"1°) alors que les dispositions de l'article 695-31, alinéas 1 et 3, du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent la remise d'un majeur protégé, après avoir pris acte de son consentement à la remise, lequel est irrévocable, ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité, sans prévoir de garanties spéciales de procédure ou, à défaut, imposer d'office la procédure la plus protectrice des droits de la personne incapable, portent atteinte à la liberté individuelle, au droit à un procès équitable garantis par les articles 66 de la Constitution, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des textes précités qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

"2°) alors que les dispositions de l'article 695-31, alinéas 1 et 3, du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent la remise d'un majeur protégé, après avoir pris acte de son consentement à la remise, lequel est irrévocable, ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité, sans prévoir de garanties spéciales de procédure ou, à défaut, imposer d'office la procédure la plus protectrice des droits de la personne incapable, portent atteinte au droit à un procès équitable ; qu'en l'espèce, ni le tuteur de M. [B] ni le juge des tutelles n'ont été avisés ; qu'il a été donné acte à M. [B] de son consentement à la remise sans même avoir vérifié ni constaté sa capacité de discernement ; que la cour a méconnu les articles 440 et 414-1 du code civil, préliminaire et 695-31 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Vu l'article 695-31 du code de procédure pénale, ensemble l'article 440 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'un majeur protégé placé sous le régime de la tutelle ne peut donner son consentement à sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que M. [B] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, délivré le 20 février 2015 par le parquet national de l'Est des Pays-Bas pour l'exécution de deux peines d'emprisonnement ; qu'il a déclaré consentir à sa remise aux autorités judiciaires requérantes lors de l'audience de la chambre de l'instruction, en application de l'article 695-31, alinéa 3, du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction lui en a donné acte ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle devait examiner la situation de la personne recherchée selon les dispositions de l'article 695-31, alinéa 4, du code précité, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu"il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :

I - Sur le premier pourvoi :

Le DECLARE irrecevable ;

II - Sur le second pourvoi :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 15 janvier 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Sadot, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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