2 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-23.602

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00455

Texte de la décision

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mars 2016




Cassation partielle partiellement sans renvoi


Mme VALLÉE, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président



Arrêt n° 455 F-D

Pourvoi n° U 14-23.602







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ l'AGS, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 3], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au [Adresse 4],

contre l'arrêt rendu le 18 juin 2014 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :

1°/ à la société EMJ, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [Z] [N], mandataire liquidateur de la société [U] [J],

2°/ à Mme [P] [U], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation ;

La société EMJ a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 janvier 2016, où étaient présents : Mme Vallée, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Guyot, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Guyot, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société EMJ, ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [U] a été engagée le 25 mai 2005 en qualité de secrétaire à temps partiel par son époux, artisan exploitant une entreprise de menuiserie ; que le 1er septembre 2008, M. [U] a donné son fonds artisanal en location-gérance à la société [U] [J] ( la société [U]) qu'il avait créée et dont il était le gérant, le capital social de 750 parts étant détenu par lui pour trois cent quatre vingt deux parts et par son épouse pour trois cent soixante huit parts ; que la société [U] a été placée en redressement judiciaire le 9 juin 2009, puis en liquidation judiciaire le 12 janvier 2010 ; que le contrat de location-gérance a été résilié et le fonds restitué à M. [U] ; que le mandataire-liquidateur a refusé de procéder au licenciement des salariés et les a informés, ainsi que le gérant, du nouveau transfert des contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail ; que Mme [U] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société EMJ, ès qualités de mandataire judiciaire de la société [U] et de fixation de sa créance au passif de cette société ;

Sur les premiers moyens du pourvoi principal de l'AGS et du pourvoi incident de la société EMJ, réunis :

Attendu que l'AGS et la société EMJ font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire d'un contrat de travail entre Mme [U] et la société [U] , alors, selon le moyen :

1°/ que le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle est tenu d'opter pour l'un des trois statuts proposés : conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé ; que le choix de l'un de ces trois statuts est exclusif de chacun des deux autres ; qu'en considérant que, contrairement à ce qui était soutenu par le CGEA de [Localité 1] et l'AGS, la propriété commune du fonds n'exclurait pas la qualité de salariée et en retenant que Mme [U] avait signé un contrat de travail avant la création de la SARL, sans rechercher si, lors de la création de la SARL, les conjoints en faisant le choix de s'associer n'avaient pas nécessairement écarté toute possibilité d'un maintien du statut de salariée de Mme [U], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-4 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer qu'un conjoint associé puisse cumuler cette qualité avec celle de salarié, un tel cumul supposerait que soit établi un lien de subordination juridique, celui-ci ne pouvant en pareil cas être présumé ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Mme [U] détenait trois cent soixante huit parts sociales sur les sept cent cinquante qui composaient le capital social ; qu'en considérant que l'existence d'un contrat de travail de Mme [U] était établie, sans rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société EMJ ainsi que celles du CGEA de [Localité 1] et de l'AGS, si un lien de subordination juridique existait bien entre la SARL [U] [J] et son associée quasi-égalitaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que lorsque le prestataire qui a conclu un contrat de travail écrit avec l'exploitant d'un fonds artisanal, devient ultérieurement co-associé de l'apporteur du fonds avec lequel il créée une société visant à en reprendre l'exploitation, son contrat de travail ne se poursuit que s'il est justifié du maintien d'un lien de subordination juridique avec la société nouvellement créée ; qu'en jugeant que Mme [U] bénéficiait d'une présomption de salariat du fait de la conclusion d'un contrat de travail écrit, quand elle avait constaté que postérieurement à la conclusion de ce contrat, elle avait créé avec son époux une Sarl dont elle était co-associée quasi-égalitaire et dont l'objet était de reprendre l'exploitation du fonds artisanal auquel son contrat de travail était attaché, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune présomption de salariat, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 du code civil ;

4°/ que les co-associés, à parts égales, d'une société à responsabilité limitée, ne peuvent se prévaloir de l'existence d'un travail salarié sauf à justifier de l'existence d'un lien de subordination juridique, lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en jugeant que Mme [U] était liée à la société [U] [J] par un contrat de travail salarié sans avoir recherché si postérieurement à la création de ladite société dont elle était co-associée quasi-égalitaire, elle avait poursuivi son activité sous un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que le lien de subordination juridique, critère déterminant du contrat de travail salarié, n'est établi que par la preuve d'un exercice, par le donneur d'ordres, d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction sur son prestataire ; qu'en jugeant que Mme [U] était salariée de la société [U] [J], au motif qu'il n'était pas démontré qu'elle avait co-géré la société avec son mari, quand un tel constat n'était de nature ni à établir, ni à exclure l'existence d'un lien de subordination juridique qui seul permet de caractériser le travail salarié, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste la réalité de rapporter la preuve de son caractère fictif ;

Attendu, ensuite, que la qualité d'associé égalitaire d'une société à responsabilité limitée n'est pas exclusive de celle de salarié ;

Attendu, enfin, que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel, qui a relevé que la salariée exerçait des fonctions de secrétariat et n'intervenait pas dans la gestion de la société [U], a fait ressortir que l'absence de lien de subordination n'était pas établie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal de l'AGS :

Vu l'article L. 3253-8, 2° du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire ;

Attendu que pour décider que l'AGS devait garantir les créances résultant de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que ce contrat était toujours en cours au moment du jugement de liquidation le 12 janvier 2010, et que la situation économique et la valeur du fonds ont été analysées, comme le rappellent les parties, dans les arrêts rendus par la cour de céans les 5 avril 2011 et 8 février 2012, lesquels ont fixé la date de résiliation des contrats de travail au 13 janvier 2010 en raison de la ruine du fonds et de la cessation de toute activité avant la saisine du conseil ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail n'avait pas été rompu par le liquidateur judiciaire dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société EMJ :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts de la société EMJ, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société [U], l'arrêt retient que ce contrat était toujours en cours au moment du jugement de liquidation le 12 janvier 2010, que la situation économique et la valeur du fonds ont été analysées, comme le rappellent les parties, dans les arrêts rendus par la cour de céans les 5 avril 2011 et 8 février 2012, lesquels ont fixé la date de résiliation des contrats de travail au 13 janvier 2010 en raison de la ruine du fonds et de la cessation de toute activité avant la saisine du conseil ;

Qu'en statuant ainsi par voie de référence à des causes déjà jugées, la cour d'appel, qui devait se déterminer au vu des circonstances particulières de l'espèce au jour où elle statuait, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il retient l'existence d'un contrat de travail entre Mme [U] et la société [U] [J], l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'arrêt disant que l'AGS doit garantir la créance résultant de la rupture du contrat de travail de Mme [U] ;

Dit n'y avoir lieu à garantie de l'AGS au titre de la créance résultant de la rupture du contrat de travail ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers sur les points restant en litige ;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC - CGEA [Localité 1].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [U] aux torts de la société EMJ, d'avoir fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire aux sommes de 1 594, 72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 159, 47 euros à titre de congés payés sur préavis, 1000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'avoir déclaré sa décision opposable au CGEA de [Localité 1] en sa qualité de gestionnaire de l'AGS et d'avoir dit que l'AGS devra procéder à l'avance des sommes visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail dans les conditions résultant des articles L3253-17 et D3253-17 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE Madame [U] avait signé un contrat de travail plusieurs années avant la création de la SARL et la procédure de liquidation et qu'il appartient donc au liquidateur de démontrer que ce contrat était fictif ; que la seule abrogation de la présomption irréfragable de salariat en faveur du conjoint d'un commerçant ou d'un artisan travaillant dans l'entreprise familiale étant insuffisante ; qu'il n'est pas contesté que pour faire face à ses problèmes de santé et tenter de sauvegarder l'entreprise, monsieur [U] a continué à prévoir des devis et des commandes de matériels ; que le liquidateur ne démontre pas que madame [U] disposait des compétences nécessaires pour établir des devis et pour co-gérer ou pour gérer seule pendant l'hospitalisation de son mari une entreprise de menuiserie et de travaux du bâtiment alors que le 30 mars 2009, monsieur [I] a été recruté en qualité de métreur coordinateur pour pallier l'absence de monsieur [U] ; qu'outre les attestations de salariés qui décrivent ses fonctions de secrétariat, l'expert-comptable déclare qu'elle n'intervenait pas dans la gestion et n'était même pas présente lors des réunions importantes pour la société ; que la propriété commune du fond et de la SCI ou le cautionnement de prêts n'exclut pas la qualité de salarié, ni même une gérance de fait si elle était établie, qui n'aurait que suspendu le contrat de travail ;

1) ALORS QUE le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle est tenu d'opter pour l'un des trois statuts proposés : conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé ; que le choix de l'un de ces trois statuts est exclusif de chacun des deux autres ; qu'en considérant que, contrairement à ce qui était soutenu par le CGEA de [Localité 1] et l'AGS, la propriété commune du fonds n'exclurait pas la qualité de salariée et en retenant que Mme [U] avait signé un contrat de travail avant la création de la SARL, sans rechercher si, lors de la création de la SARL, les conjoints en faisant le choix de s'associer n'avaient pas nécessairement écarté toute possibilité d'un maintien du statut de salariée de madame [U], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L121-4 du code de commerce.

2) ALORS QU'à supposer qu'un conjoint associé puisse cumuler cette qualité avec celle de salarié, un tel cumul supposerait que soit établi un lien de subordination juridique, celui-ci ne pouvant en pareil cas être présumé ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que madame [U] détenait 368 parts sociales sur les 750 qui composaient le capital social; qu'en considérant que l'existence d'un contrat de travail de madame [U] était établie, sans rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société EMJ ainsi que celles du CGEA de [Localité 1] et de l'AGS, si un lien de subordination juridique existait bien entre la SARL [U] [J] et son associée quasi-égalitaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [U] aux torts de la société EMJ et fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire aux sommes de 1 594,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 159,47 euros à titre de congés payés sur préavis, 1000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'avoir déclaré sa décision opposable au CGEA de [Localité 1] en sa qualité de gestionnaire de l'AGS et d'avoir dit que l'AGS devra procéder à l'avance des sommes visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail dans les conditions résultant des articles L3253-17 et D3253-17 du code du travail ;

AUX MOTIFS que le contrat de travail de madame [U] était toujours en cours au moment du jugement de liquidation le 12 janvier 2010 ; que la situation économique et la valeur du fonds ont été analysés comme le rappellent les parties, dans les arrêts rendus par la cour de céans les 5 avril 2011 et 8 février 2012, lesquels ont fixé la date de résiliation des contrats de travail au 13 janvier 2010 en raison de la ruine du fonds et de la cessation de toute activité avant la saisine du conseil ; que c'est donc à bon droit que le conseil a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de madame [U] aux torts exclusifs de la SELARL EMJ, liquidateur de la SARL [U] [J] avec toutes les conséquences de droit qui s'ensuivent à savoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la fixation de l'intégralité des créances accordées à madame [U] à l'encontre de la liquidation judiciaire ;

1) ALORS QUE l'AGS garantit les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenue dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; qu'aucun licenciement n'avait été prononcé dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire et que la rupture du contrat de travail ne pouvait résulter du seul fait qu'aucun travail, ni salaire n'avait été fourni par le mandataire liquidateur ; qu'en déclarant cependant sa décision opposable à l'AGS, la cour d'appel a violé l'article L3253-8 du code du travail ;

2) ALORS QUE la motivation par référence à une cause déjà jugée ne répond pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile et cela, d'autant moins, que les décisions de référence n'ont pas été rendues entre les mêmes parties et que l'un d'elles a été censurée par la Cour de cassation ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à justifier sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences l'article 455 du code de procédure civile.Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société EMJ.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] aux torts de la société EMJ et d'AVOIR fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire aux sommes de 1.594,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 159,47 euros à titre de congés payés sur préavis, 1.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3.900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE Mme [U] avait signé un contrat de travail plusieurs années avant la création de la SARL et la procédure de liquidation et qu'il appartenait donc au liquidateur de démontrer que ce contrat était fictif ; que la seule abrogation de la présomption irréfragable de salariat en faveur du conjoint d'un commerçant ou d'un artisan travaillant dans l'entreprise familiale étant insuffisante ; qu'il n'est pas contesté que pour faire face à des problèmes de santé et tenter de sauvegarder l'entreprise, M. [U] a continué à prévoir des devis et des commandes de matériels ; que le liquidateur judiciaire ne démontre pas que Mme [U] disposait des compétences nécessaires pour établir des devis et pour co-gérer ou pour gérer seule pendant l'hospitalisation de son mari une entreprise de menuiserie et de travaux du bâtiment alors que le 30 mars 2009, M. [I] a été recruté en qualité de métreur coordinateur pour pallier l'absence de M. [U] ; qu'outre les attestations de salariés qui décrivent ses fonctions de secrétariat, l'expert comptable déclare qu'elle n'intervenait pas dans la gestion et n'était pas même présente lors des réunions importantes pour la société ; que la proximité commune du fond et de la SCI ou le cautionnement de prêts n'exclut pas la qualité de salarié, ni même une gérance de fait, si elle était établie, qui n'aurait que suspendu le contrat de travail.

1°) ALORS QUE lorsque le prestataire qui a conclu un contrat de travail écrit avec l'exploitant d'un fonds artisanal, devient ultérieurement coassocié de l'apporteur du fonds avec lequel il créée une société visant à en reprendre l'exploitation, son contrat de travail ne se poursuit que s'il est justifié du maintien d'un lien de subordination juridique avec la société nouvellement créée ; qu'en jugeant que Mme [U] bénéficiait d'une présomption de salariat du fait de la conclusion d'un contrat de travail écrit, quand elle avait constaté que postérieurement à la conclusion de ce contrat, elle avait créé avec son époux une Sarl dont elle était co-associée quasi-égalitaire et dont l'objet était de reprendre l'exploitation du fonds artisanal auquel son contrat de travail était attaché, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune présomption de salariat, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 du code civil ;

2°) ALORS QUE les co-associés, à parts égales, d'une société à responsabilité limitée, ne peuvent se prévaloir de l'existence d'un travail salarié sauf à justifier de l'existence d'un lien de subordination juridique, lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en jugeant que Mme [U] était liée à la société [U] [J] par un contrat de travail salarié sans avoir recherché si postérieurement à la création de ladite société dont elle était co-associée quasi-égalitaire, elle avait poursuivi son activité sous un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le lien de subordination juridique, critère déterminant du contrat de travail salarié, n'est établi que par la preuve d'un exercice, par le donneur d'ordres, d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction sur son prestataire ; qu'en jugeant que Mme [U] était salariée de la société [U] [J], au motif qu'il n'était pas démontré qu'elle avait co-géré la société avec son mari, quand un tel constat n'était de nature ni à établir, ni à exclure l'existence d'un lien de subordination juridique qui seul permet de caractériser le travail salarié, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] aux torts de la société EMJ et d'AVOIR fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire aux sommes de 1.594,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 159 ;47 euros à titre de congés payés sur préavis, 1.000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3.900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Mme [U] était toujours en cours au moment du jugement de liquidation le 12 janvier 2010 ; que la situation économique et la valeur du fonds ont été analysés comme le rappellent les parties, dans les arrêts rendus par la cour de céans les 5 avril 2011 et 8 février 2012, lesquels ont fixé la date de résiliation des contrats de travail au 13 janvier 2010 en raison de la ruine du fonds et de la cessation de toute activité avant la saisine du conseil ; que c'est donc à bon droit que le conseil a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] aux torts exclusifs de la SEARL EMJ, liquidateur de la SARL [U] [J] avec toutes les conséquences de droit qui s'ensuivent à savoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la fixation de l'intégralité des créances accordées à Mme [U] à l'encontre de la liquidation judiciaire ;

1°) ALORS QUE lorsque le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire n'autorise pas le maintien de l'activité de l'entreprise, le liquidateur judiciaire a le pouvoir de mettre fin au contrat de location gérance en cours et de restituer le fonds loué au bailleur ; que les contrats de travail en cours se poursuivent alors avec le propriétaire du fonds, sauf à ce que la clientèle attachée au fonds ait disparu et que ce dernier ne soit plus exploitable ; qu'en jugeant que la résiliation, le 12 janvier 2010, du contrat de location gérance du fonds artisanal par le mandataire liquidateur n'avait pas eu pour effet le transfert des contrats de travail en cours auprès de M. [U], au motif que le fonds était en ruine, sans avoir recherché si la clientèle attachée au fond aurait disparu ou si le fonds n'était plus exploitable à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 144-9 du code de commerce et L. 1224-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité ; qu'en affirmant péremptoirement que le fonds artisanal était en ruine à la date de résiliation, par le mandataire liquidateur, du contrat de location gérance, quand elle n'avait procédé à aucune constatation de fait permettant de conclure en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile

3°) ALORS QU'une motivation par voie de référence à un précédent jugement qui n'a pas autorité de la chose jugée relativement au point contesté équivaut à une absence de motivation ; qu'en jugeant que le fonds était en ruine à la date de la résiliation du contrat de location gérance, au motif que cette ruine aurait été constatée par deux décisions de la même cour d'appel des 5 avril 2011 et 8 février 2012 qui n'avaient pas été rendues entre les mêmes parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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