17 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-22.575

Deuxième chambre civile - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C200420

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Sécurité sociale - Cotisations - Recouvrement - Contrainte - Exécution

L'exécution d'une contrainte qui ne constitue pas l'un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et qui relevait avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, de la prescription trentenaire, est soumise, depuis le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de ladite loi, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - Contrainte - Exécution - Prescription de l'action en exécution - Délai - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Sécurité sociale - Cotisations - Article L. 244-3 du code de la sécurité sociale - Domaine d'application

Texte de la décision

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2016


Rejet


Mme FLISE, président


Arrêt n° 420 FP-P+B

Pourvoi n° C 14-22.575




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [Adresse 2],

contre le jugement rendu le 12 mars 2014 par le tribunal d'instance de Colmar (saisie des rémunérations), dans le litige l'opposant à M. [C] [G], domicilié [Adresse 1],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 février 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Brouard-Gallet, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Laurans, Cadiot, Savatier, Liénard, Mme Olivier, MM. Poirotte, Pimoulle, Mmes Vannier, Kermina, Burkel, Maunand, Martinel, conseillers, Mme Lazerges, MM. Adida-Canac, Hénon, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, Mme Parchemal, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Brouard-Gallet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace, l'avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Colmar, 12 mars 2014), rendu en dernier ressort, que l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a fait délivrer à M. [G] trois contraintes signifiées respectivement les 21 juin 2000, 26 mai 2000 et 30 mars 2001 ; qu'à défaut de paiement, elle a signifié à l'intéressé un commandement à fin de saisie-vente le 24 mai 2013 puis présenté, le 15 octobre 2013, à un tribunal d'instance une requête en saisie des rémunérations de M. [G] ;

Attendu que l'URSSAF fait grief au jugement de déclarer irrecevable, comme prescrite, la requête en saisie des rémunérations alors, selon le moyen, que les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, qui a réduit la durée de la prescription de droit commun de trente à cinq ans, prévoient qu'elle s'applique aux délais de prescription qui ont commencé à courir à compter du jour de son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que le nouveau délai de prescription quinquennale de droit commun prévu par la loi du 17 juin 2008 n'a commencé à courir qu'à compter du 19 juin 2008, sans pouvoir être appliqué de manière rétroactive ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que les trois contraintes avaient été signifiées au cotisant respectivement les 21 juin 2000, 26 mai 2000 et 30 mars 2001 ; qu'en jugeant qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la prescription quinquennale de l'action en recouvrement était acquise pour ces trois contraintes, quand la prescription trentenaire de droit commun antérieurement applicable n'était pas acquise au 19 juin 2008, le tribunal a violé les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et des articles 2222 et 2224 du code civil ;

Mais attendu que l'exécution d'une contrainte qui ne constitue pas l'un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution est soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, de sorte que, relevant initialement de la prescription trentenaire, les contraintes litigieuses étaient soumises, à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription triennale susmentionnée ; qu'il en résulte que la prescription étant acquise antérieurement à la signification du commandement aux fins de saisie-vente du 24 mai 2013, la requête en saisie des rémunérations était irrecevable ;

D'où il suit que par ce motif de pur droit, substitué d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace.

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, comme prescrite, la requête en saisie des rémunérations formée par l'URSSAF d'Alsace et d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Alsace à payer à monsieur [G] la somme de 300 ¿ en application de l¿article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE depuis la loi du 17 juin 2008, l'article 2224 du code civil dispose que les actions civiles personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, au lieu de 30 ans auparavant, sauf dispositions particulières ; que la prescription peut être interrompue par un acte du créancier, auquel cas l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien, aux termes de l'article 2231 du code civil ; que pour le recouvrement des cotisations, l'Urssaf adresse une mise en demeure préalable, suivie d'une contrainte qui précise la nature et le montant des cotisations dues, ainsi que la période à laquelle elle se rapporte ; qu'il convient de distinguer la prescription de l'action en recouvrement, c'est-à-dire le délai pendant lequel l'Urssaf doit engager sa procédure, de la prescription extinctive de la dette, c'est-à-dire le délai au terme duquel la créance de l'Urssaf ne peut plus être réclamée ; qu'il résulte des articles L 242-2, L 244-3 et L 244-11 du code de la sécurité sociale que l'action civile en recouvrement des cotisations de majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter du délai d'un mois fixé par la mise en demeure et qu'elle ne peut concerner que les cotisations exigibles dans les trois ans qui précèdent son envoi ; que la mise en demeure envoyée par l'Urssaf d'avoir à régler les cotisations et majorations de retard constitue une décision de redressement qui fixe le point de départ de l'action en recouvrement des cotisations ; que par conséquent, l'Urssaf dispose de cinq ans, à compter du délai d'un mois qui suit la mise en demeure, pour procéder au recouvrement forcé de sa créance mais pour des dettes qui ne peuvent être anciennes de plus de trois ans; qu'en l'espèce, les trois contraintes produites aux débats indiquent des mises en demeure respectives du 1er décembre 1999, du 28 février 2000 et du 1er décembre 2000, qui parce qu'elles sont restées sans effet, ont justifié ces contraintes ; que pour la première contrainte, la prescription quinquennale court donc à compter du 1er janvier 2000, que pour la deuxième contrainte, elle court à compter du 28 mars 2000, et que pour la troisième contrainte, elle court à compter du 1er janvier 2001 ; que les contraintes ont été signifiées, la première le 21 juin 2000, la seconde le 26 mai 2000 et la troisième le 30 mars 2001, soit dans les délais, pour des dettes dont l'ancienneté ne remontaient pas alors à plus de trois ans ; qu'à défaut pour M. [C] [G] d'avoir contesté ces contraintes dans les 15 jours de leur signification (article L.244-9 du code de la sécurité sociale), ces contraintes peuvent faire l'objet d'une exécution forcée, dont le délai trentenaire a été ramené à cinq ans, par la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ; qu'il résulte de l'article 26 de cette loi, que ses dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi étant le 19 juin 2008, il importe de savoir si l'action en recouvrement, et non pas la créance, n'était pas prescrite ; au vu de ce qui précède, que la prescription quinquennale de l'action en recouvrement, a été acquise pour les trois contraintes, avant le 19 juin 2008 ; que l'article 2231 du code civil, déjà cité, dispose que l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ; que l'article 2244 du même code, prévoit que le délai de prescription peut être interrompu par un acte d'exécution forcée ; que l'Urssaf se prévaut d'un commandement de payer aux fins de saisie vente délivrée le 24 mai 2013, pour les trois contraintes dont il s'agit ; qu'à l'évidence cet acte n'a pas pu interrompre une prescription déjà acquise avant le 19 juin 2008 ; que la requête en saisie des rémunérations au titre de ces contraintes n'est donc pas recevable ;

ALORS QUE les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, qui a réduit la durée de la prescription de droit commun de 30 à 5 ans, prévoient qu'elle s'applique aux délais de prescription qui ont commencé à courir à compter du jour de son entrée en vigueur, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'il en résulte que le nouveau délai de prescription quinquennale de droit commun prévu par la loi du 17 juin 2008 n'a commencé à courir qu'à compter du 19 juin 2008, sans pouvoir être appliquée de manière rétroactive ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que les trois contraintes avaient été signifiées au cotisant respectivement les 21 juin 2000, 26 mai 2000 et 30 mars 2001 ; qu'en jugeant qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la prescription quinquennale de l'action en recouvrement était acquise pour ces trois contraintes, quand la prescription trentenaire de droit commun antérieurement applicable n'était pas acquise au 19 juin 2008, le tribunal a violé les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et des articles 2222 et 2224 du code civil ;

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