17 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-21.747

Deuxième chambre civile - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C200419

Titres et sommaires

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Mutualité sociale agricole - Caisse - Contrainte - Exécution

L'exécution d'une contrainte émise en application de l'article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime, qui ne constitue pas l'un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution dont l'exécution ne peut en principe être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long en application de l'article L. 111-4 du même code, est soumise depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 725-7, I, du code rural et de la pêche maritime

AGRICULTURE - Mutualité agricole - Assurances sociales - Cotisations - Recouvrement - Contrainte - Exécution - Prescription - Délai - Détermination

Texte de la décision

CIV. 2

LI

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2016


Cassation


Mme FLISE, président


Arrêt n° 419 FP-P+B

Pourvoi n° C 14-21.747




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [H] [K], domicilié [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 10 avril 2014 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) du Berry Touraine, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 février 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Brouard-Gallet, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, MM. Laurans, Cadiot, Savatier, Liénard, Mme Olivier, MM. Poirotte, Pimoulle, Mmes Vannier, Kermina, Burkel, Maunand, Martinel, conseillers, Mme Lazerges, MM. Adida-Canac, Hénon, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, Mme Parchemal, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Brouard-Gallet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [K], de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la caisse de mutualité sociale agricole du Berry Touraine, l'avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les moyens réunis :

Vu les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, les articles L. 725-3 et L. 725-7, I, du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse de mutualité sociale agricole du Berry Touraine (la caisse) a, le 27 juin 2002, fait signifier une contrainte à M. [K] pour le paiement de cotisations dues au titre des années 2000 et 2001 ; que le 17 juillet 2002, un commandement aux fins de saisie-vente a été délivré à M. [K] ; que le 18 juin 2013, la caisse a fait signifier un second commandement aux fins de saisie-vente ; que M. [K] a saisi un juge de l'exécution afin de voir constater la prescription de la contrainte et prononcer la nullité de ce commandement ;

Attendu que pour débouter M. [K] de ses demandes, l'arrêt, après avoir rappelé que selon l'article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime la contrainte emportait à défaut d'opposition du débiteur tous les effets d'un jugement, relève que M. [K] n'avait pas formé opposition à la contrainte litigieuse, émise et notifiée avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et à laquelle était donc applicable la prescription trentenaire prévue par l'article 2262 du code civil dans sa version alors en vigueur ; qu'il indique que, depuis le 17 juin 2008, l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'exécution des titres exécutoires peut être poursuivie pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ; qu'il en déduit qu'il devait être fait application de l'article 2222 du code civil qui prévoit qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription et lorsque le premier délai n'est pas expiré, le nouveau délai prévu par la loi nouvelle court à compter du jour d'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, et que la prescription trentenaire, qui avait commencé à courir le 27 juin 2002, n'étant pas acquise le 17 juin 2008, un nouveau délai de dix ans avait commencé à courir à cette date, le commandement ayant dès lors été valablement signifié le 18 juin 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution de la contrainte qui ne constitue pas l'un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 susvisé, est soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 725-7, I, susvisé, de sorte que la contrainte était soumise à cette dernière prescription applicable à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la caisse de mutualité sociale agricole du Berry Touraine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [K].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement constatant la prescription de la contrainte en date du 14/06/2002 et prononçant la nullité du commandement aux fins de saisie-vente en date du 18 juin 2013 et d'avoir débouté M. [K] de ses prétentions.

AUX MOTIFS QUE : la MSA, ayant développé son argumentation sur la prescription dans des conclusions signifiées le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture, ne s'est pas opposée à ce qu'il soit fait droit à la requête de l'intimée tendant à être autorisée à déposer une note en délibéré sur l'application des dispositions de l'article 2262 du code civil, et qu'il sera dès lors tenu compte des observations développées dans cette note contradictoirement signifiée à l'appelante ; que Monsieur [K] fait valoir que, dans sa version résultant du décret du 22 juin 2000 qui s'applique au litige, l'article L 725-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les actions résultant de l'application de l'article L 725-3 se prescrivent par 5 ans à compter de la mise en demeure ; Mais que le premier alinéa de l'article L 725-3 est ainsi rédigé : « Les caisses de mutualité sociale agricole peuvent, après avoir mis en demeure les redevables de régulariser leur situation, recouvrer les cotisations, et éventuellement les pénalités dues, en utilisant l'une ou plusieurs des procédures suivantes : 1° la contrainte, qui comporte à défaut d'opposition du débiteur (¿) tous les effets d'un jugement (...) 2° l'état exécutoire signé par le préfet (...) » ; Qu'il résulte de ces dispositions que le code rural et de la pêche maritime impose sous peine de prescription à la MSA de délivrer une contrainte ou un état exécutoire dans un délai de cinq ans suivant la mise en demeure délivrée au débiteur, mais ne prévoit pas qu'une contrainte se prescrit par cinq ans après sa délivrance ou sa signification ; Que l'article L 725-3 indique au contraire, en son alinéa 2, que la contrainte emporte, à défaut d'opposition du débiteur, tous les effets d'un jugement ; Qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur [K] n'a pas formé opposition à la contrainte litigieuse, qui a été émise et notifiée avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et à laquelle était donc applicable la prescription trentenaire prévue par l'article 2262 du code civil dans sa version en vigueur le 14 juin 2003 ; Que, depuis le 17 juin 2008, l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'exécution des titres exécutoires peut être poursuivie pendant 10 ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ; Qu'il doit donc être fait application de l'article 2222 du code civil qui prévoit qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription et lorsque le premier délai n'est pas expiré, le nouveau délai prévu par la loi nouvelle court à compter du jour d'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; Que la prescription trentenaire, qui avait commencé à courir le 27 juin 2002, n'était pas acquise le 17 juin 2008 et qu'un nouveau délai de 10 ans a commencé à courir à cette date ; Que le commandement a donc été valablement signifié le 18 juin, ce qui conduit à infirmer la décision déférée, à débouter Monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes, et à le condamner à verser à l'appelante l'indemnité de procédure sollicitée ; »

1°/ ALORS QUE si, aux termes de l'article L725-3 du code rural et de la pêche maritime, la contrainte comporte, à défaut d'opposition du débiteur, tous les effets d'un jugement, l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit une prescription de 10 ans pour l'exécution de titres exécutoires n'applique cette prescription qu'aux titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 du même code ; que la contrainte délivrée par une MSA ne relève d'aucune de ces catégories mais de l'article L113 6° qui vise « les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement » ; qu'en appliquant ce texte à la contrainte en cause, la cour d'appel l'a violé par fausse application ;

2°/ ALORS QUE le délai de prescription des contraintes devenues définitives sauf contestation devant le tribunal est, depuis le 17 juin 2008, celui de la créance qu'elles constatent ; qu'en application de l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime, les cotisations dues au titre des régimes de protection agricole se prescrivent par trois ans à compter de l'expiration de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que la contrainte n'a pas fait l'objet d'une contestation devant le tribunal ; qu'en décidant d'appliquer le délai de prescription de 10 ans de l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi nouvelle quand seul le délai de prescription triennale de la créance constatée était applicable à la contrainte, la Cour d'appel a violé les articles L725-3 et L725-7 du code rural et de la pêche maritime et l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN SUBSIDIAIRE DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement constatant la prescription de la contrainte en date du 14/06/2002 et prononçant la nullité du commandement aux fins de saisie-vente en date du 18 juin 2013 et d'avoir débouté M. [K] de ses prétentions.



AUX MOTIFS déjà cités au premier moyen

ALORS QUE la contrainte délivrée par une caisse de mutualité sociale agricole se prescrit par 5 ans à compter de la mise en demeure du débiteur ; qu'en relevant que les dispositions du code rural et de la pêche maritime ne prévoyaient pas qu'une contrainte se prescrivait par cinq ans après sa délivrance ou sa signification mais imposaient seulement à la caisse de mutualité agricole de délivrer une contrainte dans un délai de cinq ans suivant la mise en demeure, la Cour d'appel a violé l'article L.725-7 du code rural et de la pêche maritime.

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