16 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-11.396

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00552

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Qualification donnée au contrat - Demande de requalification - Requalification par le juge - Effets - Salaire - Rappel de salaire - Périodes intercalées entre deux contrats - Indemnisation au titre du chômage - Portée

Le calcul des rappels de salaire consécutifs à la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, qui s'effectue selon les conditions contractuelles fixant les obligations de l'employeur telles qu'elles résultent de cette requalification, n'est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l'organisme compétent au titre de l'assurance chômage

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2016




Rejet


M. FROUIN, président



Arrêt n° 552 FS-P+B 2e moyen

Pourvoi n° X 15-11.396







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la SNT France 3,

contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [U], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 février 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, M. Ludet, conseiller rapporteur, M. Chollet, conseiller doyen, M. Mallard, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Aubert-Monpeyssen, Schmeitzky-Lhuillery, MM. Rinuy, Schamber, Ricour, conseillers, MM. Alt, Flores, Mmes Wurtz, Ducloz, Brinet, MM. David, Silhol, Belfanti, Mme Ala, conseillers référendaires, Mme Robert, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ludet, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. [U], l'avis de Mme Robert, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2014), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 9 janvier 2013, n° 11-16.433), que M. [U] a travaillé pour la société France Télévisions France 3, aux droits de laquelle vient la société France Télévisions, à compter du 1er juin 1983, en qualité de chef opérateur son-vidéo, dans le cadre de 769 contrats à durée déterminée successifs; que la société France Télévisions a cessé de faire appel à M. [U] à l'issue d'un contrat à durée déterminée expirant le 5 avril 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et au paiement de sommes liées à cette requalification ainsi qu'à la rupture ;

Sur le premier moyen ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que le salarié se tenait effectivement et constamment à disposition de l'employeur, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les sommes perçues par le salarié au titre des Assédic, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire et renvoyer les parties à établir leurs comptes sur cette base alors, selon le moyen :

1°/ que la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, le salarié ne peut prétendre à des rappels de salaires couvrant les périodes non travaillées pour son employeur, que déduction faite des indemnités chômage perçues au titre du régime des intermittents ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office que M. [U] avait consommé ses droits à allocation chômage au fil des années du fait de son engagement sous contrat à durée déterminée et ainsi perdu le bénéfice de ces droits qu'il aurait pu faire valoir dans leur intégralité lors de la rupture de son contrat de travail s'il avait été engagé en contrat à durée indéterminée, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en statuant par voie d'affirmation péremptoire, sans indiquer l'origine d'un tel constat, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le calcul des rappels de salaire consécutifs à la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, qui s'effectue selon les conditions contractuelles fixant les obligations de l'employeur telles qu'elles résultent de cette requalification, n'est pas affecté par les sommes qui ont pu être versées au salarié par l'organisme compétent au titre de l'assurance chômage ;

D'où il suit que le moyen, sans portée en ses deuxième et troisième branches critiquant des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France télévisions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. [U] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [U] en un contrat à durée indéterminée à temps plein et d'AVOIR en conséquence condamné la Société France Télévisions à payer à M. [U] les sommes de 5000 euros à titre d'indemnité de requalification et 95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et jugé le salarié bien fondé en sa demande de rappel de salaires au titre des périodes interstitielles du 1er janvier 2004 au 5 avril 2009 sur laquelle elle a sursis à statuer en renvoyant les parties à faire leurs comptes sur la base des principes arrêtés dans sa décision

AUX MOTIFS QUE « M. [Z] [U] a travaillé pour la Société France Télévisions France 3, aux droits de laquelle vient la Société France Télévisions, à compter du 1er juin 1983, en qualité de chef opérateur son-vidéo, dans le cadre de 769 contrats à durée déterminée successifs, d'une durée comprise entre un jour et plus d'un mois, occupant selon ses dires une activité continue depuis 26 ans pour la Société France Télévisions avec une rémunération en dernier lieu de 154,6 euros par jour.

Le 17 décembre 2008, M. [Z] [U] a sollicité la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée devant le conseil de prud'hommes de Paris.

La Société France Télévisions refusant de reconnaître sa qualité de salarié titulaire d'un CDI, M. [Z] [U] a postulé le 30 janvier 2009 à un poste de technicien supérieur en électronique.

Il a toutefois vu sa candidature refusée sans explication et plaide que la Société France Télévisions organise une politique de précarité qui touche des centaines de collaborateurs.

La Société France Télévisions a cessé de faire appel à M. [Z] [U] à l'issue d'un contrat à durée déterminée expirant le 5 avril 2009, dans des circonstances que le salarié analyse comme une mesure de rétorsion. M. [Z] [U] a alors élargi sa demande devant le CPH précédemment saisi, en y ajoutant diverses demandes consécutives à cette rupture de la relation de travail.

Sur la requalification des contrats de travail en contrats à temps complet


La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée tout comme la prescription des sommes sollicitées pour la période antérieure au 17 décembre 2003 étant définitivement acquise, de même que le remboursement par la Société France Télévisions aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] [U] depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois, le salarié soutient un contrat à durée indéterminée à temps plein avec les conséquences financières en résultant indiquées dans ses conclusions.

Par application des dispositions de l'article L3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié.

A défaut, l'emploi est présumé à temps complet et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et de sa répartition sur la semaine le mois, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

M. [Z] [U] soutient donc une requalification en contrat de travail à temps complet sur l'ensemble des périodes travaillées.

La Société France Télévisions plaide que M. [Z] [U] n'a jamais été recruté par des contrats de travail à durée déterminée à temps partiel mais par une série de contrats à durée déterminée journaliers, chacun d'eux se succédant après une période d'inactivité. Elle soutient en conséquence qu'en poursuivant une demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet, M. [Z] [U] sollicite en réalité un rappel de salaire pour les périodes non travaillées entre chaque contrat à durée déterminée.

Elle en conclut, à juste titre, que la question posée à la cour concernant la demande de rappel de salaire est de déterminer si le salarié a droit ou non à une rémunération complémentaire pour périodes interstitielles pendant lesquelles il n'a pas fourni de prestations ou ne s'est pas tenu prêt à en fournir, fait qu'il n'était d'ailleurs pas tenu de faire. Or pour l'employeur le salarié ne justifie pas s'être constamment tenu à disposition, pendant ces périodes interstitielles et ne peut donc en réclamer le paiement. Il conclut donc, comme l'a fait précédemment la cour d'appel à un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

La Cour de Cassation a toutefois jugé que la cour d'appel « qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet ... sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée du travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire convenue, a violé le texte de l'article L3123-14 du code du travail ».

La cour considère que les 769 contrats à durée déterminée signés avec le salarié étant en effet des contrats journaliers, plusieurs contrats en général journaliers pouvant s'enchaîner sans interruption, ce système aboutissait à contourner l'obligation de l'employeur de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part, de sa répartition sur la semaine ou le mois.

Il en résulte aux yeux de la cour que l'employeur qui, en ce qui le concerne, avait nécessairement une bonne visibilité quant aux prestations qu'il souhaitait faire accomplir par M. [Z] [U] ne rapporte pas en revanche, du fait du découpage systématique de ces prestations en contrats journaliers dont l'enchaînement pouvait en réalité durer jusqu'à un mois, la preuve de la durée du travail exacte en réalité convenue entre les parties.

Au-delà, ce système présentait un inconvénient grave pour le salarié dans la mesure où celui-ci, même quand il était affecté à une mission sur plusieurs jours, ne voyait celle-ci confirmée qu'au jour le jour, avec la signature d'un nouveau contrat journalier et n'avait aucune visibilité ni certitude quant à la durée de sa mission ni quant à la durée de la période ultérieure pendant laquelle il resterait son contrat. Le salarié soutient, sans que cela soit sérieusement contredit, que le plus souvent ses collègues et lui-même n'étaient appelés que le matin pour le jour même, les dates de début et de fin de mission, quand elles étaient transmises au salarié, ne l'étant qu'à titre indicatif et faisant fréquemment l'objet de modifications, un certain nombre de contrats journaliers n'étant d'ailleurs transmis que plusieurs jours après celui auquel ils s'appliquaient.

Il devait en conséquence se tenir en permanence à disposition de son employeur, le système choisi par l'employeur de contrats journaliers renforçant encore l'incertitude du salarié même s'il était affecté en réalité à une mission pouvant porter sur une période de plusieurs jours, voire semaines.

En conséquence, l'employeur ne rapporte pas la preuve, avec le système qu'il a choisi de mettre en oeuvre de contrats journaliers, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle en réalité convenue pour chaque mission avec le salarié.

En outre, du fait de ce système de contrats journaliers, il est encore moins établi que lorsque sont signés des contrats à durée déterminée correspondant à la durée d'une mission, que le salarié avait la possibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La cour considère qu'exiger de M. [Z] [U], comme tente de faire le Société France Télévisions, qu'il rapporte la preuve de s'être tenu à sa disposition permanente, équivaut en réalité à lui demander de rapporter une preuve négative, alors qu'en l'espèce, l'absence non utilement contredite par la Société France Télévisions de tout autre employeur, la multiplicité des contrats à durée déterminée, mais aussi le fait que l'employeur n'invoque ni n'établit aucune impossibilité, ni aucun refus de M. [Z] [U] de répondre positivement à une proposition de contrat à durée déterminée, confirment que celui-ci se tenait effectivement et constamment à disposition de l'employeur.

En conséquence, la cour retiendra un contrat à durée indéterminée à temps complet, c'est-à-dire couvrant également les périodes interstitielles.

Elle octroiera en conséquence au salarié, par application de l'article L1245-2 du code du travail une indemnité de requalification qui sera fixée à 5000 ¿.

Sur le rappel de salaire dû à M. [Z] [U]

M. [Z] [U], tout en sollicitant un contrat à durée indéterminée à temps plein soutient qu'il peut prétendre à un salaire calculé sur la base du tarif journalier applicable aux intermittents, en tout cas pour les périodes pendant lesquelles il a bénéficié de CDD, les modalités contractuelles, fixées par chacun des CDD prévalant et les règles réservées au CDI n'étant selon lui applicables que pour les périodes interstitielles. Son tableau produit en pièce 53, sur lequel il se fonde pour solliciter un rappel de salaire du 1er janvier 2004 jusqu'au 5 avril 2009 de 106 851 ¿, congés payés en sus, est élaboré sur cette base.

Il sollicite la reconnaissance d'un salaire contractuel brut de 3960,26 euros au moment de la rupture.

L'employeur soutient au contraire que la base de salaire applicable après requalification en CDI à M. [Z] [U] doit être établie en référence aux droits des salariés placés sous contrat à durée indéterminée.

Sur cette base, ce salaire brut de référence devrait être fixé selon l'employeur à la somme de 3030 ¿ par mois, et le rappel de salaire dû pour l'ensemble de la même période à M. [Z] [U] serait limité à 5710,60 euros, congés payés en sus.

Ce rappel de salaire soutenu par l'employeur, par référence au salaire d'un contrat à durée indéterminée, intègre le fait que le salarié, qui justifiait d'une ancienneté supérieure à 10 ans, aurait bénéficié d'un passage automatique en B21-1 en application de l'accord collectif d'entreprise du 8 février 2001.

Cependant pour le calcul de ce rappel l'employeur procède à la déduction des autres salaires perçus, des indemnités de chômage au titre du régime des intermittents et des congés spectacles.

En ce qui concerne les sommes retenues par l'employeur, M. [Z] [U] rappelle à juste titre qu'en tout état de cause, si le salaire pris pour référence est celui payé aux salariés sous contrat à durée indéterminée, il convient d'y ajouter les primes d'ancienneté conventionnelle qu'il n'a jamais perçues.

En effet, la cour considère que, la relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminé à temps complet, il convient d'appliquer à cette relation requalifiée, et pour la totalité de la période considérée, l'ensemble des règles applicables au contrat à durée indéterminée.

Le salaire brut de référence de M. [Z] [U] doit donc être fixé sur la base qui aurait été la sienne s'il avait été engagé en vertu d'un contrat à durée indéterminée, en y incluant, compte tenu de sa grande ancienneté, la prime d'ancienneté et les autres primes annuelles statutaires qu'il n'a jamais perçues.

Au vu des éléments produits par les parties, et à la suite des débats, la cour, après avoir requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, arrêtera plusieurs principes:

- le contrat requalifié en contrat à durée indéterminée doit dès lors se voir appliquer pour le rappel des sommes dues, et pour toute sa durée, l'ensemble des règles relatives à la rémunération applicable aux salariés relevant d'un contrat à durée indéterminée ;

- les rappels de salaires dus à M. [Z] [U] doivent intégrer non seulement le salaire de base, ce salaire de base progressant comme pour les autres salariés, mais être complété par les primes d'ancienneté et les autres primes annuelles statutairement prévues.

- les sommes versées à titre de congés spectacles, dans le cadre des contrats à durée déterminée, doivent effectivement être déduites, tout comme les sommes versées en rémunération des CDD, lors du calcul des sommes restant dues après application des modalités de rémunération des CDI,

- en revanche, les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire. En effet, par le système de contrats à durée déterminée qui lui était appliqué, le salarié a consommé ses droits à allocation chômage au fil des années, perdant ainsi le bénéfice de ces droits alors que, s'il avait bénéficié ab initio d'un contrat à durée indéterminée, il aurait accumulé au fil des années des droits à allocations chômage qu'il aurait pu faire valoir dans leur intégralité, lors de la rupture de son contrat de travail.

La cour ne disposant pas dans le cadre de la présente procédure de l'ensemble des moyens permettant de fixer sur la base de ces principes le rappel des salaires dus, elle surseoira à statuer et renverra le dossier pour réouverture des débats après que les parties aient refait leur calcul sur la base des principes arrêtés ci-dessus.

De même, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement et du préavis, indemnités toutes deux d'ores et déjà acquises au salarié et non discutées dans leur principe, leur calcul devra être opéré après détermination du salaire mensuel brut de référence, en tenant compte, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, de l'ancienneté de 27 ans dont bénéficiait M. [U] au moment de la rupture. L'indemnité de préavis sera complétée de 10 % de congés payés ;

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Le salarié invoque sans en tirer les conséquences, la nullité de son licenciement comme intervenu en réponse à sa saisine du conseil de prud'hommes tendant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, stratégie récurrente de la Société France Télévisions constituant une atteinte au droit fondamental d'ester en justice.

Il rappelle d'ailleurs qu'en dépit de 2 courriers de sa part en date du 30 avril 2009 et du décembre 2009 (P43-1 et 43-2), la Société France Télévisions ne lui a plus fourni de travail, lui répondant le 19 janvier 2010 (P44) qu'elle ne le considérait pas comme son salarié.

Il soutient de manière fondée que le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, sa rupture sans forme, sans procédure et sans motif, produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse, ce qui n'est pas remis en cause par l'arrêt de la Cour de Cassation.

Cette rupture, en l'absence de toute autre justification de l'interruption des relations professionnelles entre les parties si ce n'est, effectivement, la saisine du conseil de prud'hommes le 17 décembre 2008 s'analyse comme un licenciement à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette rupture imputable à l'employeur, est donc intervenue le 5 avril 2009, date de la remise d'un certificat de travail par la Société France Télévisions à M. [Z] [U], date qui n'a jamais été suivie d'autres propositions de contrat par l'employeur, en dépit d'un courrier adressé le 30 avril 2009 par M. [Z] [U] à la Société France Télévisions la mettant en demeure de lui fournir du travail (P43-1).

La cour, disposant d'ores et déjà d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, due à M. [Z] [U], compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de 27 ans du salarié, de son âge lors de la rupture du contrat de travail et de ses possibilités de retrouver un emploi dans des conditions satisfaisantes, fixera à 95 000 ¿ la somme due à celui-ci par la Société France Télévisions en conséquence de cette rupture qui emporte les effets d'une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse »

1/ ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaire pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, sous couvert d'une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la Cour d'appel a jugé M. [U] bien fondé à solliciter des rappels de salaires afférents aux périodes non travaillées; qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la société France Télévisions ne rapportait pas la preuve que celui-ci n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, lorsqu'il appartenait au salarié qui revendiquait le paiement de périodes non travaillées, de rapporter la preuve contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil, ensemble les articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail ;

2/ ALORS QUE le salarié intermittent engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, requalifié en un unique contrat à durée indéterminée à temps complet ne peut prétendre à des rappels de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats que s'il établit s'être tenu à la disposition permanente de l'entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail ; qu'en retenant que M. [U] se tenait à la disposition permanente de son employeur aux motifs inopérants qu'au cours des périodes travaillées les contrats étaient conclus pour la durée d'une journée, que le plus souvent le salarié n'était appelé que le matin pour le jour même, que les dates de début et de fin de mission n'étaient mentionnées qu'à titre indicatif et faisaient fréquemment l'objet de modifications, sans à aucun moment caractériser que le salarié s'était tenu à la disposition de l'employeur durant les périodes non travaillées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

3/ ALORS QUE la seule circonstance que le salarié n'a pas eu d'autre employeur pendant les périodes interstitielles ne suffit pas à caractériser sa disposition permanente à l'égard de l'employeur qui a eu recours à ses services de manière intermittente ; qu'en retenant que l'absence de tout autre employeur n'était pas utilement contredite par la société France Télévisions, la Cour d'appel n'a pas caractérisé que M. [U] était demeuré à la disposition permanente de cette dernière pendant les périodes non travaillées ; qu'en lui accordant néanmoins des rappels de salaires au titre de ces périodes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire et renvoyé les parties à établir leurs comptes sur cette base

AUX MOTIFS QUE « Sur le rappel de salaire dû à M. [Z] [U]

M. [Z] [U], tout en sollicitant un contrat à durée indéterminée à temps plein soutient qu'il peut prétendre à un salaire calculé sur la base du tarif journalier applicable aux intermittents, en tout cas pour les périodes pendant lesquelles il a bénéficié de CDD, les modalités contractuelles, fixées par chacun des CDD prévalant et les règles réservées au CDI n'étant selon lui applicables que pour les périodes interstitielles. Son tableau produit en pièce 53, sur lequel il se fonde pour solliciter un rappel de salaire du 1er janvier 2004 jusqu'au 5 avril 2009 de 106 851 ¿, congés payés en sus, est élaboré sur cette base.

Il sollicite la reconnaissance d'un salaire contractuel brut de 3960,26 euros au moment de la rupture.

L'employeur soutient au contraire que la base de salaire applicable après requalification en CDI à M. [Z] [U] doit être établie en référence aux droits des salariés placés sous contrat à durée indéterminée.

Sur cette base, ce salaire brut de référence devrait être fixé selon l'employeur à la somme de 3030 ¿ par mois, et le rappel de salaire dû pour l'ensemble de la même période à M. [Z] [U] serait limité à 5710,60 euros, congés payés en sus.

Ce rappel de salaire soutenu par l'employeur, par référence au salaire d'un contrat à durée indéterminée, intègre le fait que le salarié, qui justifiait d'une ancienneté supérieure à 10 ans, aurait bénéficié d'un passage automatique en B21-1 en application de l'accord collectif d'entreprise du 8 février 2001.

Cependant pour le calcul de ce rappel l'employeur procède à la déduction des autres salaires perçus, des indemnités de chômage au titre du régime des intermittents et des congés spectacles.

En ce qui concerne les sommes retenues par l'employeur, M. [Z] [U] rappelle à juste titre qu'en tout état de cause, si le salaire pris pour référence est celui payé aux salariés sous contrat à durée indéterminée, il convient d'y ajouter les primes d'ancienneté conventionnelle qu'il n'a jamais perçues.

En effet, la cour considère que, la relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminé à temps complet, il convient d'appliquer à cette relation requalifiée, et pour la totalité de la période considérée, l'ensemble des règles applicables au contrat à durée indéterminée.

Le salaire brut de référence de M. [Z] [U] doit donc être fixé sur la base qui aurait été la sienne s'il avait été engagé en vertu d'un contrat à durée indéterminée, en y incluant, compte tenu de sa grande ancienneté, la prime d'ancienneté et les autres primes annuelles statutaires qu'il n'a jamais perçues.

Au vu des éléments produits par les parties, et à la suite des débats, la cour, après avoir requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, arrêtera plusieurs principes:

- le contrat requalifié en contrat à durée indéterminée doit dès lors se voir appliquer pour le rappel des sommes dues, et pour toute sa durée, l'ensemble des règles relatives à la rémunération applicable aux salariés relevant d'un contrat à durée indéterminée ;

- les rappels de salaires dus à M. [Z] [U] doivent intégrer non seulement le salaire de base, ce salaire de base progressant comme pour les autres salariés, mais être complété par les primes d'ancienneté et les autres primes annuelles statutairement prévues.

- les sommes versées à titre de congés spectacles, dans le cadre des contrats à durée déterminée, doivent effectivement être déduites, tout comme les sommes versées en rémunération des CDD, lors du calcul des sommes restant dues après application des modalités de rémunération des CDI, - en revanche, les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire. En effet, par le système de contrats à durée déterminée qui lui était appliqué, le salarié a consommé ses droits à allocation chômage au fil des années, perdant ainsi le bénéfice de ces droits alors que, s'il avait bénéficié ab initio d'un contrat à durée indéterminée, il aurait accumulé au fil des années des droits à allocations chômage qu'il aurait pu faire valoir dans leur intégralité, lors de la rupture de son contrat de travail.

La cour ne disposant pas dans le cadre de la présente procédure de l'ensemble des moyens permettant de fixer sur la base de ces principes le rappel des salaires dus, elle surseoira à statuer et renverra le dossier pour réouverture des débats après que les parties aient refait leur calcul sur la base des principes arrêtés ci-dessus.

De même, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement et du préavis, indemnités toutes deux d'ores et déjà acquises au salarié et non discutées dans leur principe, leur calcul devra être opéré après détermination du salaire mensuel brut de référence, en tenant compte, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, de l'ancienneté de 27 ans dont bénéficiait M. [U] au moment de la rupture. L'indemnité de préavis sera complétée de 10 % de congés payés »

1/ ALORS QUE la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que dès lors, le salarié ne peut prétendre à des rappels de salaires couvrant les périodes non travaillées pour son employeur, que déduction faite des indemnités chômage perçues au titre du régime des intermittents ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L1245-1, L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

2/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations; qu'en relevant d'office que M. [U] avait consommé ses droits à allocation chômage au fil des années du fait de son engagement sous contrat à durée déterminée et ainsi perdu le bénéfice de ces droits qu'il aurait pu faire valoir dans leur intégralité lors de la rupture de son contrat de travail s'il avait été engagé en contrat à durée indéterminée, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile;

3/ ALORS QU'en statuant par voie d'affirmation péremptoire, sans indiquer l'origine d'un tel constat, la Cour d'appel a encore violé l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société France Télévisions à verser à M. [U] la somme de 95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

AUX MOTIFS QUE « Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Le salarié invoque sans en tirer les conséquences, la nullité de son licenciement comme intervenu en réponse à sa saisine du conseil de prud'hommes tendant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, stratégie récurrente de la Société France Télévisions constituant une atteinte au droit fondamental d'ester en justice.

Il rappelle d'ailleurs qu'en dépit de 2 courriers de sa part en date du 30 avril 2009 et du décembre 2009 (P43-1 et 43-2), la Société France Télévisions ne lui a plus fourni de travail, lui répondant le 19 janvier 2010 (P44) qu'elle ne le considérait pas comme son salarié.

Il soutient de manière fondée que le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, sa rupture sans forme, sans procédure et sans motif, produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse, ce qui n'est pas remis en cause par l'arrêt de la Cour de Cassation.

Cette rupture, en l'absence de toute autre justification de l'interruption des relations professionnelles entre les parties si ce n'est, effectivement, la saisine du conseil de prud'hommes le 17 décembre 2008 s'analyse comme un licenciement à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette rupture imputable à l'employeur, est donc intervenue le 5 avril 2009, date de la remise d'un certificat de travail par la Société France Télévisions à M. [Z] [U], date qui n'a jamais été suivie d'autres propositions de contrat par l'employeur, en dépit d'un courrier adressé le 30 avril 2009 par M. [Z] [U] à la Société France Télévisions la mettant en demeure de lui fournir du travail (P43-1).

La cour, disposant d'ores et déjà d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, due à M. [Z] [U], compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de 27 ans du salarié, de son âge lors de la rupture du contrat de travail et de ses possibilités de retrouver un emploi dans des conditions satisfaisantes, fixera à 95 000 ¿ la somme due à celui-ci par la Société France Télévisions en conséquence de cette rupture qui emporte les effets d'une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse »

ALORS QUE la cassation ne replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée que sur les points qu'elle atteint ; que dans son arrêt du 9 janvier 2013, la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 15 février 2011, « en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et en paiement d'un rappel de salaire consécutif, et limité le montant des indemnités de requalification et de rupture » ; qu'est donc devenu définitif le chef de dispositif de l'arrêt ayant alloué à M. [U] la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que dès lors en condamnant la société France Télévisions à verser à M. [U] la somme de 95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles 625 et 638 du Code de procédure civile.

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