21 avril 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 19/03937

1re chambre 1re section

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE





DU 21 AVRIL 2020





N° RG 19/03937

N° Portalis DBV3-V-B7D-THNR





AFFAIRE :



SCI STRASBOURG SOIXANTE

C/

[X] [B] veuve [I]

Association ARIANE FALRET Maître [L] [C]





Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 11 Janvier 2018 par le Cour d'Appel de PARIS

N° Chambre : 8

N° Section : Pôle 4

N° RG : 16/25969



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Claire RICARD,



-Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre) du 15 mai 2019 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 11 janvier 2018



SCI STRASBOURG SOIXANTE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]



représentée par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2190602

Me Badr MAHBOULI substituant Me Raphaël MREJEN de la SELASU Cabinet Raphael MREJEN, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : D1260



****************



DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI



Madame [X] [B] veuve [I]

née le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 10] (SEINE MARITIME)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]



Défaillante

****************



Association ARIANE FALRET ès qualités de mandataire spécial

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Défaillante



Maître [L] [C] ès qualités de mandataire successoral de M. [U] [I]

[Adresse 7]

[Localité 8]



représenté par Me Nathalie PRUNET LE BELLEGO, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 272

Me Aurélie BLONDE, avocat plaidant - barreau de l'EURE





PARTIES INTERVENANTES



Composition de la cour :





En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport et Madame Anne LELIEVRE, Conseiller.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,







Vu le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 15 novembre 2016 qui a statué ainsi :



Déclare irrecevables la note et la pièce versées en cours de délibéré par la SCI Strasbourg Soixante,

Déboute Madame [X] [B], veuve [I], de sa demande de nullité de l'acte de dénonciation du 28 juin 2016 ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains de l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris à l'encontre de Madame [X] [B], veuve [I], par la Selarl [R] [H] et [V] [Y], Huissiers de justice associés à Paris, à la requête de la SCI Strasbourg Soixante pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros,

Déboute la SCI Strasbourg Soixante de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SCI Strasbourg Soixante aux dépens ;

Condamne la SCI Strasbourg Soixante à payer à Madame [X] [B], veuve [I], une somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit.





Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 11 janvier 2018 qui a statué ainsi :



Déclare recevables les écritures de Mme [B] et les pièces jointes ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société civile immobilière Strasbourg Soixante à payer à Mme [B] une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée,

Condamne la société civile immobilière Strasbourg Soixante à payer à Mme [B] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Y ajoutant,

Condamne la société civile immobilière Strasbourg Soixante à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Rejette toute autre demande.





Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 15 mai 2019 qui a statué ainsi :



Casse et annule, mais seulement en ce qu'il ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, en sa qualité de séquestre du prix d'adjudication et rejette sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme [B] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.



La Cour de cassation a relevé que, pour ordonner la mainlevée de la saisie attribution, la cour d'appel a, après avoir énoncé que, selon l'article 815-17 du code civil, les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles, retenu que Mme [B], ayant droit dans la succession de son conjoint d'un quart en pleine propriété et de la totalité en usufruit, est en indivision avec M. [I], nu-propriétaire des trois quarts de la succession, de sorte que la société, créancière personnelle de celle-ci et non de la succession, ne pouvait saisir les fonds dépendant de l'indivision et devait attendre le partage.

Elle a jugé qu'en statuant ainsi, alors que, par suite de la vente de l'immeuble, Mme [B] avait, sur le prix total, un droit propre à la portion correspondant à la valeur de son usufruit, sur laquelle la saisie pouvait être valablement pratiquée, la cour d'appel a violé les articles 578, 621, alinéa 1er et 815-17 du code civil.





Vu la déclaration de saisine par la SCI Strasbourg Soixante en date du 28 mai 2019.



Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 28 juin 2019 par la SCI Strasbourg Soixante à Maître [C] en qualité de mandataire successorale chargée d'administrer la succession d'[U] [I] décédé le [Date décès 3] 1989.



Vu les dernières conclusions en date du 25 novembre 2019 de la société Strasbourg Soixante qui demande à la cour de :



Déclarer l'intervention forcée de Maître [L] [C], administrateur judiciaire, prise uniquement en sa qualité de mandataire successoral chargée d'administrer la succession de Monsieur [U] [I], décédé le [Date naissance 4] 1989 à [Localité 11] domiciliée [Adresse 7], recevable et bien fondée, la SCI ayant intérêt à obtenir une décision opposable au tiers détenteur actuel des fonds obérés par les saisies attributions en discussion ;

Déclarer irrecevable «le mal fondé» des demandes formées par Maître [C] dans les écritures signifiées le 30 juillet 2019 et ce notamment par application de la règle de l'estoppel et faute d'intérêt pour agir, nul ne plaidant par procureur ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie attribution du 24 juin 2016 et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Eu égard à l'évolution du litige,

Déclarer définitives les saisies attributions pratiquées les 24 juin 2016 et 5 mai 2017, à sa requête, sur la valeur de l'usufruit de Madame [I] évaluée à 125 243 euros au vu du projet d'acte de partage qualifié de non critiquable par Maître [C] ;

Déclarer les saisies attributions en cause avec toutes leurs conséquences de droit, notamment quant à leur effet attributif, opposables à Maître [L] [C], Administrateur judiciaire, prise uniquement en sa qualité de mandataire successoral chargée d'administrer la succession de Monsieur [U] [I], décédé le [Date naissance 4] 1989 à [Localité 11] domicilié [Adresse 7], laquelle a reçu les fonds qu'elle détient obéré des saisies attributions pratiquées et régulièrement à elle dénoncées

Fixer, sauf à parfaire, sa créance qui devra lui être réglée par Maître [L] [C] à réception de l'arrêt à intervenir à 88.083,14 euros, créance arrêtée au 28 octobre 2019 sauf mémoire ;

Débouter Maître [L] [C], Administrateur judiciaire, prise uniquement en sa qualité de mandataire successoral chargée d'administrer la succession de Monsieur [U] [I], décédé le [Date naissance 4] 1989 à [Localité 11] domicilié [Adresse 7] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';

Décharger la SCI Strasbourg Soixante des sommes mises à sa charge sur le fondement de l'article 700, que ce soit par le jugement du 15 novembre 2016 ou par l'arrêt de la Cour d'Appel du 11 janvier 2018 ;

Condamner Madame [I] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 et celle de 1000 euros pour résistance abusive ;

Plus subsidiairement, si la cour estime que sa saisine se limite à la saisie-attribution du 24 juin 2016,

Réserver expressément ses droits du chef des saisies attributions définitives postérieures pratiquées le 5 mai 2017 dénoncées et réitérées à Maître [C]';

Condamner toute partie contestante aux entiers dépens et en toute hypothèse, Madame [I] à ceux de première instance, d'appel, de cassation et de l'arrêt à intervenir avec distraction pour ceux le concernant au profit de l'avocat postulant qui pourra en poursuivre le recouvrement dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.





Vu les dernières conclusions en date du 30 juillet 2019 de Maître [C] en qualité de mandataire successoral de la succession de [U] [I] qui demande à la cour de :



Dire et juger la SCI Strasbourg Soixante irrecevable en sa demande d'intervention forcée à l'encontre de Maître [C] ès-qualités.



En tout état de cause,

Dire et juger la SCI Strasbourg Soixante irrecevable en ses demandes formées au titre de la saisie du 5 mai 2017 et de la détermination de valeur de l'usufruit de Madame [B],

Dire et juger que la saisie-attribution du 24 juin 2016 a perdu son effet attributif.

Condamner la SCI Strasbourg Soixante à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SCI Strasbourg Soixante aux dépens de l'instance.





Vu l'assignation et la signification de la déclaration de saisine et de l'avis de fixation délivrés par huissier le 14 juin 2019 à Mme [B] veuve [I], l'acte ayant été remis à personne.



Vu l'assignation en intervention forcée de l'association Ariane Falret prise en sa qualité de mandataire spécial de Mme [B] désignée par ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris en date du 10 juillet 2019, acte remis à personne.





Vu l'ordonnance de clôture du 28 novembre 2019.




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FAITS ET PROCÉDURE



[U] [I] est décédé le [Date décès 3] 1989 laissant pour lui succéder un fils issu de sa première union et Mme [B], sa seconde épouse, donatrice de la plus forte quotité disponible et titulaire à ce titre du ¿ en pleine propriété et des ¿ en usufruit.



La succession n'a pas été liquidée.



Elle est constituée d'actifs immobiliers mais aucune attestation immobilière après décès n'a été publiée.

Mme [B] occupait les lots dépendant de la succession situés [Adresse 6].



À la requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 6], Maître [C] a été désignée mandataire successorale par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 21 janvier 2010, mandat renouvelé.



Par jugement du 2 mai 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné Maître [C] ès qualités à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la somme principale de 91.888,40 euros au titre des charges impayées.



Sur poursuite du syndicat des copropriétaires de l'immeuble, la société civile immobilière Strasbourg Soixante, après surenchère, a été déclarée adjudicataire de biens immobiliers sis [Adresse 6] pour le prix de 897.000 euros.



Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 mai 2016, signifiée le 7 juin 2016, Mme [B] a été condamnée, à titre provisionnel, à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 3. 300 euros.



Par arrêt du 7 février 2017, la cour d'appel a confirmé cette ordonnance en précisant que l'indemnité était fixée hors charges locatives récupérables sur le locataire et en condamnant Mme [B] au paiement de cette indemnité d'occupation hors charges à compter du 4 février 2016.

Poursuivant l'exécution de l'ordonnance du 4 mai 2016, la société civile immobilière a fait procéder, le 24 juin 2016, à une saisie-attribution entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, en sa qualité de séquestre du prix d'adjudication pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros



Par acte du 28 juillet 2016, Mme [B] a fait assigner la société Strasbourg Soixante devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui a prononcé le jugement dont appel.



Par jugement du 23 janvier 2017, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande de la société Strasbourg Soixante tendant notamment à juger que le séquestre du prix d'adjudication, le bâtonnier de l'ordre du barreau de Paris, ne pourra se libérer des fonds revenant à Mme [B] à concurrence de 350.000 euros.



Par ordonnance du 18 mai 2017, le juge de référés a ordonné au séquestre de remettre le solde du prix à Maître [C] ès qualités.

Les fonds lui ont été transmis.



Aux termes de ses conclusions précitées, la SCI Strasbourg Soixante précise que Maître [C] est, en qualité de mandataire successorale, le tiers détenteur des fonds transmis par le bâtonnier le 13 juin 2017.

Elle indique que le bâtonnier, en transmettant les fonds à Maître [C] ès qualités lui a également transmis les avis à tiers détenteurs reçus du trésor public et les saisies attributions pratiquées.

Elle rappelle que, par application de l'article R 334-2 du code des procédures civiles d'exécution- CPCE, le créancier du débiteur peut pratiquer une saisie attribution sur le reliquat dégagé après les opérations de distribution au profit des créanciers hypothécaires dont le bien adjugé est le gage.

Elle déclare que tel est le cas et indique que l'ordonnance de distribution a été celée au juge de l'exécution lorsqu'il a prononcé le jugement dont appel.

Elle estime que cette décision doit être infirmée compte tenu de la cassation prononcée.

Elle expose qu'elle a également pratiqué entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats le 5 mai 2017, une saisie-attribution, pour une créance de 66.096,16 euros, visant spécifiquement l'usufruit de Mme [B] qui n'a pas été contestée après dénonciation du 11 mai 2017.

Elle indique qu'après la transmission des fonds à Maître [C], le certificat de non-contestation lui a été notifié le 30 juin 2017.

Elle lui fait grief d'avoir tergiversé après lui avoir demandé d'actualiser au fur et à mesure sa créance.

Elle indique que «'tout le monde'» convient désormais que l'usufruit peut être valorisé sur la base de l'article 669 du code général des impôts.

Elle relate la procédure.

En réponse à Maître [C], elle rappelle que les mesures d'exécution pratiquées par elle lui ont été dénoncées et qu'elle lui a demandé, «'pour faciliter le traitement de la créance'» d'actualiser celle-ci.

Elle en infère qu'elle ne peut désormais soutenir que sa mise en cause en tant que détenteur de fonds ayant fait l'objet de la saisie attribution serait irrecevable et invoque «'la règle de l'Estoppel, le simple bon sens et la bonne foi'».

Elle ajoute que Maître [C] détient la totalité des fonds et invoque son droit de suite sur ces fonds tant que l'obligation de délivrance n'a pas été respectée à son égard.

Elle souligne que c'est sur le fondement de l'obligation de délivrance que la créance revendiquée est née.

Elle fait valoir que la Cour de cassation a tranché la question de savoir si l'usufruit est saisissable ou est absorbé par les règles qui régissent l'indivision et qui obligent le créancier à attendre le partage et conteste que la cour n'ait à statuer que sur la validité formelle de la saisie pratiquée.

Elle affirme qu'elle doit s'intéresser à son efficience et que Maître [C] ne peut se substituer au débiteur alors qu'elle a été appelée à la cause pour lui rendre opposable la décision à intervenir dans la mesure puisqu'elle détient les fonds.

Elle estime donc irrecevables ses conclusions en application de la règle «'pas d'intérêt pas d'action'».

Elle affirme que, compte tenu de l'évolution de la créance-à exécution successive- de la détention des fonds par Maître [C], de la transmission de ces fonds obérés de mesures d'exécution et de ses propres écrits, elle devait être assignée en intervention forcée pour que la décision à intervenir lui soit opposable.

Elle fait valoir que «'les mesures d'exécution ont été transmises'» par le bâtonnier à Maître [C] à laquelle elles ont été dénoncées à titre surabondant par elle-même.

Elle ajoute qu'existe le droit réel et objectif de l'adjudicataire né de l'obligation de délivrance légal qui pèse sur la succession à laquelle appartient Mme [B], titulaire de l'usufruit.

Elle déclare qu'il incombait au représentant de la succession de procéder à la publication de l'attestation immobilière après décès

Elle infère de l'arrêt de la Cour de cassation que l'usufruit a une valeur, que c'est un droit réel et qu'il est saisissable.

Elle fait grief à Maître [C] « qui a changé d'avis tardivement'» - et à Mme [B] d'invoquer à tort les dispositions de l'article 815-17 du code civil.

Elle se prévaut des saisies-attributions pratiquées le 24 juin 2016 et le 5 mai 2017, cette dernière n'ayant pas été contestée.

Elle estime contradictoire, si la mise en cause est irrecevable, de la part de celui qui soulève l'irrecevabilité de vouloir faire juger une quelconque demande touchant au fond du droit.

Elle soutient que, s'agissant d'une créance à exécution successive dont il a été demandé l'actualisation, il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de limiter le débat à la saisie-attribution du 24 juin 2016.

Elle ajoute que les saisies -attributions postérieures, notamment celle du 5 mai 2017, ont été pratiquées dans le prolongement de la saisie-attribution du 24 juin 2016 et comme valant actualisation provisoire de la créance de l'adjudicataire jusqu'à la date de libération des lieux comme demandé par Maître [C] dans son courrier du 13 juin 2017.

Elle affirme qu'il n'est nullement démontré que les fonds disponibles ont été distribués.

Elle précise que la décision du juge des référés allouant, «'en fraude de ses droits'», une provision à Mme [B] a été frappée de tierce opposition et est pendante devant la cour d'appel de Paris.

Elle reproche à Maitre [C] d'avoir maintenu le flou sur les quantums des sommes qu'elle détient et ce contrairement aux obligations qui pèsent sur le tiers saisi.

Elle affirme qu'elle a la qualité de tiers saisi eu égard aux courriers du bâtonnier des 17 juin 2016 et 9 mai 2017 et surtout à son propre courrier du 13 juin 2016 et à ceux lui demandant d'actualiser sa créance.

Elle souligne que le certificat de non-contestation de la saisie attribution pratiquée a été dénoncé au bâtonnier de l'ordre des avocats parallèlement à la transmission des fonds mais également à Maître [C] le 30 juin 2017.

Elle ajoute qu'en présence des tergiversations de celle-ci, les saisies attributions pratiquées ont été réitérées par acte de Maître [H], huissier, le 10 septembre 2018 et que sa créance a été actualisée à hauteur de 108 528,01 euros.

Elle rappelle que cette dénonciation n'a pas été contestée.

La société admet que reste la question de la valeur de l'usufruit.

Elle observe que, dans une autre procédure, Maître [C] a conclu que le calcul de l'usufruit en application de l'article 669 du Code général des impôts n'était pas critiquable.

Elle invoque donc la règle de l'estoppel.

Elle précise que sa créance s'élève, à la date de ses conclusions, à la somme de 88.083,14 euros. Elle indique que Mme [B] a été expulsée le 23 septembre 2019 avec le concours de la force publique, mais que les lieux sont encombrés et donc que l'indemnité d'occupation continue à courir.

La SCI invoque l'effet attributif des saisies.

Elle rappelle que la Cour de cassation a jugé, le 15 mai 2019, que l'usufruit est un droit autonome et réel et donc saisissable et que les dispositions de l'article 815-17 qui imposent au créancier d'attendre le partage ne peuvent recevoir application pour ce qui concerne la valeur de l'usufruit.

Elle rappelle également que l'usufruit est un droit distinct de la nue-propriété et qu'il n'y a pas d'indivision entre nu-propriétaire et usufruitier.

Elle rappelle enfin que la répartition du prix de vente d'un bien entre usufruitier et nu-propriétaire doit être proportionnelle à la valeur comparative de l'usufruit et de la nue-propriété.

Elle indique que la succession a été dévolue pour 1/4 en pleine propriété et pour l'usufruit du surplus à Mme [B] qui était donc seule usufruitière de l'immeuble vendu.

Elle cite l'article 621 du code civil sur la répartition du prix de vente entre l'usufruit et la nue-propriété.

Elle rappelle la cassation intervenue et déclare que la distribution du prix était intervenue avant même le jugement de sorte que les créanciers privilégiés ont été entièrement désintéressés et, donc, que le surplus du prix d'adjudication peut être partagé entre l'usufruitier et le nu-propriétaire et saisi par elle en qualité de créancier chirographaire de Mme [B].

Elle invoque une résistance abusive de Mme [B].

Elle lui reproche d'avoir bloqué la succession pendant 29 ans, d'être à l'origine de la vente par adjudication pour des charges de copropriété qu'elle aurait dû régler, d'avoir refusé de vendre le bien à l'amiable, de ne pas avoir quitté les lieux et d'avoir laissé courir les indemnités d'occupation pour un montant avoisinant 150.000 euros.

Elle indique que la responsabilité de l'Etat a été mise en cause et que le trésor public est partiellement subrogé dans ses droits.

Elle fait grief à Maître [C] de ne pas avoir respecté son obligation de renseignement et de loyauté alors qu'elle est détentrice des fonds et indique qu'elle va saisir le juge de l'exécution pour obtenir un titre à son encontre.





Aux termes de ses écritures précitées, Maître [C] ès qualités précise que la procédure de saisie est achevée, le juge de l'exécution ayant, par ordonnance du 28 septembre 2016, homologué le projet de distribution du prix d'adjudication, une somme de 684.751,45 euros devant revenir à la succession.

Elle précise également que le juge des référés, dans son ordonnance du 4 mai 2016, et la cour d'appel, dans son arrêt du 7 février 2017, ont rejeté la demande d'indemnité d'occupation formée à son encontre par la SCI.

Elle précise enfin que par jugement du 23 janvier 2017, le juge de l'exécution a déclaré irrecevables les demandes de la SCI Strasbourg Soixante tendant, notamment, à juger que le bâtonnier séquestre ne pourra se libérer des fonds revenant à Mme [B] à concurrence de 350.000 euros qu'à charge pour elle de justifier de la libération des lieux adjugés et du paiement des sommes dues à la SCI.

Elle déclare que, par ordonnance du 18 mai 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de la SCI et ordonné au bâtonnier de débloquer le solde du prix d'adjudication en sa faveur ce qu'il a fait.

Elle indique qu'elle a réglé au moyen des fonds disponibles l'ensemble du passif connu et non contesté.

Elle relate la présente procédure et souligne qu'elle n'est pas intervenue dans la mesure où elle n'a ni la qualité de tiers-saisi, ni la qualité de débiteur.

Elle soutient que les demandes nouvelles de la SCI sont irrecevables.

Elle expose que la société formule des demandes nouvelles portant tant sur la fixation de la valeur de l'usufruit de Mme [B] que sur la fixation de sa créance en exécution des saisies-attribution des 24 juin 2016 et 5 mai 2017.

Elle estime ces demandes irrecevables.

Elle rappelle que le premier juge n'était saisi que de la question de la validité de la saisie-attribution du 24 juin 2016 et de demandes indemnitaires en relation directe avec la demande principale.

Elle relève que le juge de l'exécution n'a jamais été saisi d'une demande formulée au titre de la saisie du 5 mai 2017.

Elle souligne qu'il n'a jamais été saisi d'une demande de fixation de la valeur de l'usufruit de Mme [B].

Elle en conclut que toutes les demandes formées au titre de la saisie du 5 mai 2017 et de la détermination de valeur de l'usufruit de Mme [B] sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.



S'agissant de la saisie du 24 juin 2016, elle rappelle que le juge de l'exécution en a ordonné la mainlevée.

Elle invoque l'article R 121-18 du CPCE aux termes duquel le jugement était exécutoire et a emporté « dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification ».

Elle indique que la société n'a pas sollicité de sursis à exécution dans le cadre de son appel, de sorte que, en l'absence de tout effet attributif, le tiers-saisi s'est dessaisi des fonds.

Elle soutient qu'à partir du moment où la saisie du 24 juin 2016 a définitivement perdu son effet attributif, la SCI peut demander à la cour de se prononcer sur sa validité formelle mais ne peut former aucune demande au titre de l'attribution des fonds.

Elle ajoute, en tout état de cause, qu'elle n'a vis-à-vis de la SCI ni la qualité de débiteur, ni celle de tiers-saisi puisque les saisies dont s'agit ont été pratiquées entre les mains du bâtonnier.

Elle en conclut que son intervention forcée en cause d'appel est irrecevable.

Elle estime qu'elle est d'autant plus irrecevable qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de fixer la valeur de l'usufruit de Mme [B], étant rappelé que le barème fiscal en vigueur n'est pas opposable puisqu'il n'est valable que pour le calcul des droits d'enregistrement.



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En cours de délibéré, la SCI a adressé la copie des écritures signifiées en première instance devant le juge de l'exécution et la justification de la mise en cause dans la présente procédure de l'association Ariane Falret.

Elle a précisé que la remise de la copie de ces écritures avait été sollicitée à l'audience et qu'il avait été relevé l'absence de justification de la mise en cause de l'association.

Maître [C] a demandé le rejet de cette note, non sollicitée.

La question des conclusions signifiées par la SCI en première instance a été évoquée à l'audience mais n'a pas fait l'objet d'une demande spécifique de production en cours de délibéré.

Leur communication est donc irrecevable.

La question de la mise en cause de l'association en qualité de mandataire spécial a été abordée et la pièce, faisant partie de la procédure, effectivement sollicitée, celle-ci étant destinée à justifier que, conformément à l'acte remis à la cour, l'assignation délivrée à l'association comportait effectivement la copie des pièces mentionnées.





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Considérant que Maître [C] ès qualités de mandataire de la succession de [U] [I] est détentrice des fonds appartenant à celle-ci ;



Considérant que la saisie attribution litigieuse n'a pas été pratiquée entre ses mains ; qu'elle n'est pas débitrice de la somme due par Mme [B] à la société ;



Considérant, toutefois, qu'elle détient le reliquat du produit de la vente en sa qualité de mandataire successorale ;



Considérant que son assignation en intervention forcée par la société Strasbourg Soixante est recevable, quels que soient les mérites de celle-ci, afin de lui rendre opposable la décision à intervenir ;



Considérant que, mandataire de la succession, elle a intérêt et qualité à critiquer, le cas échéant, la valeur de l'usufruit de Mme [B] qui, seul, peut faire l'objet de la saisie attribution ;



Considérant que, dans la présente procédure, elle ne se contredit pas au détriment de la société ;



Considérant que ses moyens sont recevables ;



Considérant que la cour est saisie, compte tenu de la cassation intervenue, de l'appel du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 15 novembre 2016';



Considérant que ce jugement s'est prononcé sur la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains de l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris à l'encontre de Madame [X] [B], veuve [I], par la Selarl [R] [H] et [V] [Y], Huissiers de justice associés à Paris, à la requête de la SCI Strasbourg Soixante pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros ;



Considérant que la saisine de la cour est donc limitée à cette seule saisie attribution';



Considérant que l'évolution invoquée du litige est étrangère à la question de la recevabilité de demandes nouvelles formées contre les mêmes parties ; que l'intervention forcée de Maître [C] ès qualités n'a pas pour conséquence de permettre à la société de former des demandes au titre de nouvelles saisie attributions étrangères au jugement du 15 novembre 2016';

Considérant que les demandes de la société Strasbourg Soixante relatives à ces saisies attributions sont irrecevables ;



Considérant que, par suite de la vente de l'immeuble, Mme [B] a, sur le prix total, un droit propre à la portion correspondant à la valeur de son usufruit ;



Considérant qu'une saisie peut donc, conformément aux articles 578, 621, alinéa 1er et 815-17 du code civil, être valablement pratiquée sur cette portion';



Considérant que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de cette saisie attribution';



Mais considérant que l'article R 121-18 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la décision de mainlevée des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification ;



Considérant que le jugement a été notifié ;



Considérant qu'en l'absence de décision de sursis à exécution, l'effet d'indisponibilité et d'attribution de la saisie attribution pratiquée- et contestée- a donc disparu ;



Considérant que le tiers saisi s'est, en conséquence, dessaisi des fonds ;



Considérant que la société Strasbourg Soixante ne peut donc demander utilement qu'il soit jugé que la saisie pratiquée a conservé son effet attributif';



Considérant qu'elle ne peut pas davantage demander, au regard de l'objet de la procédure, que soit fixée, dans la présente procédure, une créance devant lui être payée par Maître [C] ès qualités';



Considérant que sa demande de ce chef sera donc rejetée';



Considérant que la demande tendant à ce que ses droits soient expressément réservés du chef de saisies attributions postérieures ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile';



Considérant que, compte tenu de l'infirmation du jugement en son principe, il sera également infirmé en ses dispositions condamnant la SCI au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens'; que compte tenu de la cassation intervenue, il n'y a pas lieu de décharger expressément la société des condamnations du même chef prononcées par la cour d'appel';



Considérant que la SCI ne justifie pas d'une résistance abusive ;



Considérant qu'en équité, les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées ; que Mme [B] supportera les dépens de première instance et d'appel ;



PAR CES MOTIFS



La Cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition,



DÉCLARE irrecevable la production en cours de délibéré des conclusions prises devant le juge de l'exécution





DÉCLARE recevable l'assignation en intervention forcée délivrée contre Maître [C] ès qualités et ses demandes,



DÉCLARE irrecevables les demandes portant sur la saisie attribution du 5 mai 2017,



INFIRME le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains de l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris à l'encontre de Madame [X] [B], veuve [I], par la Selarl [R] [H] et [V] [Y], Huissiers de justice associés à Paris, à la requête de la SCI Strasbourg Soixante pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros et condamné la SCI Strasbourg Soixante aux dépens et à payer à Madame [X] [B], veuve [I], une somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant de nouveau de ces chefs :



REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2016 entre les mains de l'Ordre des Avocats du Barreau de Paris à l'encontre de Madame [X] [B], veuve [I], par la Selarl [R] [H] et [V] [Y], Huissiers de justice associés à Paris, à la requête de la SCI Strasbourg Soixante pour recouvrement de la somme de 16 340,01 euros,



REJETTE la demande de condamnation de la SCI Strasbourg Soixante à payer à Madame [X] [B], veuve [I], une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile,



Y ajoutant':



DIT que la saisie attribution pratiquée le 24 juin 2016 est privée de son effet attributif,



REJETTE les demandes plus amples ou contraires,



CONDAMNE Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Ricard ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier, Le Président,

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