14 avril 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-16.592

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C100427

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Transfusion sanguine - Virus de l'hépatite C - Contamination - Indemnisation - Modalités - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang - Effets - Mise à la charge de l'ONIAM des créances des tiers payeurs - Conditions - Définition

Il résulte de l'article 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, complété par l'article 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que, si les victimes de contamination, dont l'origine transfusionnelle est considérée comme établie, sont indemnisées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, peu important la provenance des produits sanguins contaminés, les créances des tiers payeurs ne peuvent être mises à la charge de l'ONIAM que si l'établissement de transfusion sanguine ayant fourni ces produits est identifié et si les dommages subis peuvent être couverts par une assurance souscrite par celui-ci

SANTE PUBLIQUE - Transfusion sanguine - Virus de l'hépatite C - Contamination - Indemnisation - Modalités - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang - Effets - Absence de condamnation prononcée contre l'Etablissement français du sang - Absence d'ouverture de garantie de l'assureur de l'Etablissement français du sang - Absence de mise à la charge de l'ONIAM des créances des tiers payeurs

ASSURANCE (RèGLES GéNéRALES) - Garantie - Exclusion - Cas - Etablissement français du sang - Contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C - Indemnisation - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang - Portée

LOIS ET REGLEMENTS - Application immédiate - Application aux instances en cours - Cas - Article 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 avril 2016




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 427 FS-P+B

Pourvoi n° V 15-16.592







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la CPAM de [Localité 1],

contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2014 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à M. [I] [N],

3°/ à Mme [H] [S],

domiciliés tous deux [Adresse 6],

4°/ à l'Etablissement français du sang (EFS), dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 mars 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, MM. Delmas-Goyon, Girardet, Mmes Wallon, Verdun, Ladant, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'avis de M. Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de ce qu'elle se désiste de son pourvoi formé contre la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale ;

Sur les premier et second moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 septembre 2014), qu'ayant appris qu'il était contaminé par le virus de l'hépatite C, après avoir reçu, entre 1983 et 1986, de nombreuses transfusions sanguines lors d'hospitalisations à [Localité 2], M. [N] a, en 2001, assigné en responsabilité et indemnisation l'Etablissement français du sang (l'EFS) qui a appelé en garantie la société Axa France IARD (la société Axa), assureur du centre de transfusion sanguine de [Localité 2] (le CTS) ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) est intervenue volontairement à l'instance pour solliciter le remboursement de ses débours ; que l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), intervenu volontairement en cours d'instance, s'est substitué à l'EFS ; que les juges du fond ont retenu l'origine transfusionnelle de la contamination de M. [N] et mis l'indemnisation de ses préjudices à la charge de l'ONIAM ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au remboursement de ses débours, alors, selon le moyen :

1°/ que l'organisme tiers payeur dispose par principe d'un recours ; que ce recours n'est exclu que dans trois hypothèses : tout d'abord si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, ensuite si ses droits à l'égard de l'assureur sont épuisés, enfin si le délai de validité de la couverture est venu à expiration ; qu'en faisant abstraction de ces trois hypothèses pour considérer que le recours devait être exclu, en outre dans le cas où la preuve n'était pas rapportée que les conditions concrètes de mise en oeuvre de la garantie étaient remplies, les juges du fond, qui ont ajouté au texte, ont violé l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble le principe suivant lequel les exceptions sont d'interprétation stricte ;

2°/ que la partie qui entend bénéficier d'une exception a la qualité de demandeur quant à cette exception ; qu'elle a dès lors la charge de la preuve ; que l'ONIAM se prévalait à l'égard de la caisse de l'exception prévue à l'article 67 ; que par suite elle avait à tout le moins la charge de prouver, pour pouvoir bénéficier de l'exception, qu'il était exclu que les conditions de garantie de l'assureur puissent être regardées comme remplies ; que par suite en présence d'une incertitude quant à l'origine des lots et quant à la possibilité d'une mise en oeuvre de la garantie de l'assureur, les juges du fond devaient considérer que l'ONIAM ne rapportait pas à l'égard de la caisse, la preuve qui lui incombait, pour pouvoir invoquer l'exception, qu'en décidant le contraire, les juges ont violé les règles de la charge de la preuve de l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'article 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 qui confie à l'ONIAM l'indemnisation des préjudices résultant des contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang, a prévu, dans les actions juridictionnelles en cours au titre de ces préjudices n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable au 1er juin 2010, sa substitution à l'EFS, venant aux droits et obligations des centres de transfusion sanguine privés et publics ; que l'article 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a complété l'article 67, IV, en précisant que, dans ces instances, les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou si le délai de validité de sa couverture est expiré ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les victimes de contamination, dont l'origine transfusionnelle est considérée comme établie, sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, peu important la provenance des produits sanguins contaminés, les créances des tiers payeurs ne peuvent être mises à la charge de l'ONIAM que si l'établissement de transfusion sanguine ayant fourni ces produits est identifié et si les dommages subis peuvent être couverts par une assurance souscrite par celui-ci ;

Qu'il s'ensuit qu'après avoir constaté qu'il n'était pas établi que les produits sanguins contaminés provenaient du CTS et que, dès lors, l'ONIAM n'était pas lui-même garanti par une assurance couvrant les dommages subis par M. [N], la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a rejeté, à bon droit, la demande de la caisse à l'égard de l'ONIAM ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a rejeté la demande de la CPAM du BAS RHIN à l'encontre de l'ONIAM ;

AUX MOTIFS QUE : « Attendu que si le C.R.T.S., respectivement l'E.T.S.
de [Localité 2], aux droits desquels vient l'E.F.S., étaient sans doute le fournisseur habituel des hôpitaux de [Localité 2] où était soigné Monsieur [N], ce fournisseur ne bénéficiait d'aucun monopole ou exclusivité, certains produits pouvant avoir été acquis auprès d'autres centres, voire même dans les pays voisins ; Attendu que l'ONIAM, qui ne peut pas se prévaloir d'une présomption légale quant à l'identité du fournisseur des produits sanguins en cause, est donc mal fondé en son recours contre la société AXA dont la garantie n'est mobilisable que sous réserve de la responsabilité de son assuré qui en l'espèce n'est pas démontrée ; Attendu que de même, nonobstant 1' évolution législative résultant de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, le recours formé par C.P.A.M. DU BAS-RHIN doit également être rejeté, tant à l'égard de la société AXA qu'à l'égard de l'ONIAM qui n'est pas tenu de prendre en charge les débours des tiers payeurs lorsqu'il n'est pas lui-même garanti par une assurance effective » (arrêt, p. 6, § 9-11) ;

ALORS QUE l'organisme tiers payeur dispose par principe d'un recours ; que ce recours n'est exclu que dans trois hypothèses : tout d'abord si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, ensuite si ses droits à l'égard de l'assureur sont épuisés, enfin si le délai de validité de la couverture est venu à expiration ; qu'en faisant abstraction de ces trois hypothèses pour considérer que le recours devait être exclu, en outre dans le cas où la preuve n'était pas rapportée que les conditions concrètes de mise en oeuvre de la garantie étaient remplies, les juges du fond, qui ont ajouté au texte, ont violé l'article 67 de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble le principe suivant lequel les exceptions sont d'interprétation stricte.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a rejeté la demande de la CPAM du BAS RHIN à l'encontre de l'ONIAM

AUX MOTIFS QUE : « Attendu que si le C.R.T.S., respectivement l'E.T.S. de [Localité 2], aux droits desquels vient l'E.F.S., étaient sans doute le fournisseur habituel des hôpitaux de [Localité 2] où était soigné Monsieur [N], ce fournisseur ne bénéficiait d'aucun monopole ou exclusivité, certains produits pouvant avoir été acquis auprès d'autres centres, voire même dans les pays voisins ; Attendu que l'ONIAM, qui ne peut pas se prévaloir d'une présomption légale quant à l'identité du fournisseur des produits sanguins en cause, est donc mal fondé en son recours contre la société AXA dont la garantie n'est mobilisable que sous réserve de la responsabilité de son assuré qui en l'espèce n'est pas démontrée ; Attendu que de même, nonobstant 1' évolution législative résultant de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012, le recours formé par C.P.A.M. DU BAS-RHIN doit également être rejeté, tant à l'égard de la société AXA qu'à l'égard de l'ONIAM qui n'est pas tenu de prendre en charge les débours des tiers payeurs lorsqu'il n'est pas lui-même garanti par une assurance effective » (arrêt, p. 6, § 9-11) ;

ALORS QUE la partie qui entend bénéficier d'une exception a la qualité de demandeur quant à cette exception ; qu'elle a dès lors la charge de la preuve ; que l'ONIAM se prévalait à l'égard de la CPAM du BAS RHIN de l'exception prévue à l'article 67 ; que par suite elle avait à tout le moins la charge de prouver, pour pouvoir bénéficier de l'exception, qu'il était exclu que les conditions de garantie de l'assureur puissent être regardées comme remplies ; que par suite en présence d'une incertitude quant à l'origine des lots et quant à la possibilité d'une mise en oeuvre de la garantie de l'assureur, les juges du fond devaient considérer que l'ONIAM ne rapportait pas à l'égard de la CPAM du Bas-Rhin, la preuve qui lui incombait, pour pouvoir invoquer l'exception, qu'en décidant le contraire, les juges ont violé les règles de la charge de la preuve de l'article 1315 du code civil.

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