13 avril 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-17.647

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C100420

Titres et sommaires

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Appel - Déclaration motivée - Mémoire complémentaire - Recevabilité - Conditions - Détermination

Une déclaration d'appel formée sur le fondement de l'article R. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est susceptible d'être régularisée avant l'expiration du délai d'appel

Texte de la décision

CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2016




Cassation sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 420 F-P+B

Pourvoi n° S 15-17.647


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [L] [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 février 2015.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [L] [R], domicilié chez Me [Y], société d'avocats, [Adresse 2],

contre l'ordonnance rendue le 4 novembre 2014 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant au préfet du Rhône, domicilié préfecture de la région Rhône-Alpes, [Adresse 1],

défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 mars 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de M. [R], l'avis de M. Sassoust, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles R. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 126 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée et, du second, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation est susceptible d'être régularisée avant l'expiration du délai d'appel ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. [R], de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a été placé en rétention administrative ; qu'il a interjeté un appel non motivé de la décision du juge des libertés et de la détention ayant prolongé cette mesure ; que, dans le délai du recours, il a, par l'intermédiaire de son avocat, fait parvenir au greffe une nouvelle déclaration d'appel ;

Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'ordonnance énonce que la déclaration d'appel, adressée par M. [R], ne contient pas de véritable motivation, et que les écritures, transmises postérieurement par l'avocat de celui-ci, ne peuvent suppléer cette lacune, dès lors que l'appelant a épuisé l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte et que la motivation ne peut figurer dans un écrit indépendant ou postérieur ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 novembre 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. [R].

M. [R] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré irrecevable l'appel qu'il a interjeté à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon en date du 1er novembre 2014 ;

AUX MOTIFS QUE par M. [L] [R] qui a fait l'objet d'une ordonnance de prolongation de rétention administrative pour un délai maximum de 20 jours du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon le 1er novembre 2014 à 16h22 a formé appel contre cette décision ; qu'en effet, l'article L. 552-9 du CESEDA dispose que « l'appel peut être formé par l'intéressé, le ministère public et l'autorité administrative » ; que l'article R. 552-13 du même code prévoit que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel » ; qu'en l'espèce, l'intéressé, Monsieur [L] [R] a transmis par télécopie du 3 novembre 2014 à 11 heures 34 au greffe de la cour d'appel une « déclaration d'appel » de l'ordonnance susvisée rédigée à la première personne du singulier : « j'ai l'honneur de faire appel », « je vous demande d'infirmer l'ordonnance visée et d'ordonner ma libération » qu'il a signée personnellement, déclaration d'appel qui se limite sur le plan de la motivation à l'indication suivante : « j'estime que la procédure est irrégulière et qu'elle devra, par conséquence être annulée » ; que le simple fait d'indiquer, de manière générale, que « la procédure est irrégulière » sans préciser en quoi la procédure serait, en l'occurrence, irrégulière et sans articuler cette assertion avec la procédure du dossier concerné ne saurait être assimilé à une véritable motivation de la déclaration d'appel ; que la télécopie transmise postérieurement par le conseil de l'intéressé le 3 novembre 2014 à 14h37 au greffe de la cour d'appel ne saurait suppléer cette lacune ; qu'en effet, d'une part, par sa déclaration d'appel du 3 novembre 2014 à 11 heures 34 l'intéressé a exercé son droit d'appel, épuisant par-là l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte contre la décision lui faisant grief et, d'autre part, l'article R. 552-13 du même code prévoit que, « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée », qu'ainsi la motivation de l'appel doit figurer dans l'acte même d'appel et non dans un écrit indépendant ou postérieur ; qu'en conséquence l'appel est irrecevable faute de motivation ;

ALORS QUE si l'appel d'une décision de prolongation du maintien en rétention du juge des libertés et de la détention doit être formé dans un délai de vingt-quatre heures à compter du prononcé de l'ordonnance par une déclaration d'appel motivée, les motifs de l'appel peuvent figurer dans un mémoire complémentaire dès lors que celui-ci est déposé au greffe dans ce même délai ; qu'en jugeant toutefois, pour déclarer irrecevable l'appel de M [R] à l'encontre de l'ordonnance de prolongation de sa rétention administrative, que ce dernier avait épuisé l'exercice de sa voie de recours en déposant sa déclaration et que la motivation de l'appel devait figurer dans l'acte même de l'appel et non dans un écrit indépendant ou postérieur, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, R. 552-12, R. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 126 du code de procédure civile.

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