13 avril 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-29.897

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00810

Texte de la décision

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2016




Cassation partielle


M. MALLARD, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président



Arrêt n° 810 F-D

Pourvoi n° M 14-29.897







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société d'[Adresse 5], société anonyme, ayant pour nom commercial Canal +,

2°/ la société [Adresse 6], société anonyme, venant aux droits de la société [Adresse 4],

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2014 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant à Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 mars 2016, où étaient présents : M. Mallard, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Schamber, conseiller rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, Mme Robert, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Schamber, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société d'[Adresse 5] et de la société [Adresse 6], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [Z], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 23 mai 2013, pourvoi n° 12-17.616), que Mme [Z] a été en relation de travail avec la société d'Edition de Canal plus et avec la société [Adresse 4], devenue la société [Adresse 6], en qualité de rédactrice, en vertu de lettres d'engagements à compter du 19 décembre 2000 jusqu'au 19 décembre 2008 ; qu'elle saisi la juridiction prud'homale, à l'encontre des deux sociétés, de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ;

Sur le second moyen :

Attendu que les employeurs font grief à l'arrêt de les condamner au paiement de dommages-intérêts pour privation des avantages accordés aux salariés permanents, alors, selon le moyen, que « les juges sont tenus de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce, Mme [Z] avait réclamé, au titre des primes de naissance et de garde d'enfant, des rappels de salaire ; que les employeurs avaient fait valoir que ces demandes de rappels de salaire étaient partiellement prescrites ce dont elles déduisaient que les créances, à les supposer existantes, devaient être fixées aux sommes de 762,24 euros au titre de prime de naissance, et de 486,85 euros au titre de la prime de garde d'enfant ; qu'ainsi, en condamnant les employeurs au paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice consécutif à la perte de ces primes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile » ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief infondé de méconnaissance des limites du litige, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'étendue du préjudice subi par la salariée du fait du manquement des employeurs à leurs obligations ;

Mais sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu que pour condamner solidairement les sociétés à verser à la salariée certaines sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la période non couverte par la prescription, l'arrêt retient que l'absence d'écrit préalable à l'exécution du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet ; que les sociétés Canal plus et Canal plus distribution peuvent renverser cette présomption en faisant la preuve de la durée exacte du travail et que les sociétés ne produisant aucun élément de preuve contraire, il convient de constater que la salariée était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler dans le cadre de son engagement à l'égard des sociétés, ce qui implique que le contrat doit être requalifié en un contrat à temps complet ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail, la cour d'appel qui n'a pas vérifié, comme elle y était invitée, si la salariée établissait s'être tenue à la disposition de l'employeur durant ces périodes non travaillées, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fait droit à la demande de rappel de salaire, en ce qu'il alloue à la salariée une indemnité de requalification, un complément d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 4 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel Paris ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société d'[Adresse 5] et la société [Adresse 6].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la relation contractuelle à durée indéterminée ayant existé entre Madame [Z] et les Société [Adresse 3] et [Adresse 4] devait être requalifiée en contrat de travail à temps complet, d'AVOIR constaté que le salaire brut mensuel pour un temps complet s'établir à la somme de 3.420,93 € et d'AVOIR condamné solidairement lesdites sociétés à payer à Madame [Z] les sommes de 86.116,92 euros au titre des rappels de salaire sur la base d'un temps plein, 8.611,69 euros au titre des congés payés afférents, 3.420,93 euros au titre de l'indemnité de requalification, 27.367,44 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 10.262,79 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1.026,27 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des avantages accordés aux salariés permanents ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein. En application de l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois. L'absence d'écrit comportant de telles précisions fait présumer que l'emploi est à temps complet. Il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. En l'espèce, Madame [Z] fait valoir que les lettres d'engagement étaient systématiquement portées à sa connaissance à la fin de la période travaillée voire même après celle-ci, de sorte que, s'agissant d'une simple validation après-coup, elle était dans l'impossibilité de savoir à l'avance à quel rythme elle allait devoir travailler, alors que pour leur part, les sociétés [Adresse 3] et [Adresse 4] soutiennent que la salariée reconnaît qu'elle travaillait à temps partiel, que les contrats portent mention du nombre de jours convenus, de leur répartition dans le temps et de leur rémunération, que les bulletins de paie établissent le volume d'heures de travail et que Madame [Z] ne démontre pas qu'elle était dans l'impossibilité de vaquer à des occupations personnelles en dehors de son temps de travail. Or, il ressort de l'examen des lettres d'engagement versées aux débats, que ces documents ne prévoient aucune mention sur la durée du travail ni sur la répartition entre les jours de la semaine et les semaines du mois, ces lettres se présentant en réalité comme le résumé du nombre de jours travaillés le mois précédent, présenté par la salariée et validé par la société. Les bulletins de paie ont été établis sur la base de ces déclarations mensuelles, sans apporter d'autres précisions, ces bulletins portant en outre la mention du paiement d'un forfait de jours de travail. L'absence d'écrit préalable à l'exécution du travail, fait présumer que l'emploi est à temps complet. La jurisprudence invoquée par le conseil des sociétés appelantes concerne la question de la requalification du contrat à durée déterminée, sans objet en l'espèce, et ne peut remettre en cause la présomption simple de travail à temps complet, présomption que les sociétés [Adresse 3] et [Adresse 4] peuvent renverser en faisant la preuve de la durée exacte du travail. Les sociétés ne produisant aucun élément de preuve contraire, il convient de constater que Madame [Z] était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler dans le cadre de son engagement à l'égard des sociétés. Il s'ensuit que le contrat doit être requalifié en un contrat de travail à temps complet. Le jugement du 9 septembre 2010 qui a rejeté la demande présentée à ce titre, sera donc infirmé. Sur les conséquences financières. Au vu des bulletins de paie, le salaire était payé sur la base d'un forfait journalier de 158 euros, ce qui correspond à un salaire mensuel brut de 3.420,93 euros pour un travail à temps complet. Le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 21 avril 2009, les demandes sont recevables dans les limites de la prescription à compter de fin avril 2004, de sorte que les rappels de salaires dûs en décembre 2008 s'établissent à 86.116,92 euros auxquels s'ajoutent les congés payés afférents, avec cette précision que Madame [Z] a déduit les sommes perçues au titre de ses indemnités journalières sur la période de son congé maternité de juillet à octobre 2008. Compte tenu de la fixation du salaire mensuel en rapport avec la réalisation d'un travail à temps complet, l'indemnité de requalification est égale à 3.420,93 euros. Par ailleurs, les indemnités de rupture doivent être fixées au regard de ce salaire, à 27.367,44 euros pour l'indemnité de licenciement, sur la base d'une relation de travail terminée en décembre 2008, et 10.262,79 € pour l'indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, la cour constatant que la salariée ne présente plus, aux termes de ses dernières conclusions, de demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui est donc fixée par le dispositif du jugement du 9 septembre 2010 confirmé par l'arrêt du 15 février 2012. S'agissant des rappels de prime d'ancienneté et de 13ème mois, elles sont prévues par l'article 5 de l'accord d'entreprise. Toutefois, la cour constate que le salaire consenti à Madame [Z] par les sociétés sur la base d'un forfait mensuel de 3.420,93 euros, intègre les primes prévues par l'article 5 dès lors que le salaire conventionnel minimum garanti pour un rédacteur s'établit à 1.301 euros. Les demandes présentées à ce titre seront donc rejetées. S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour privation des avantages accordés aux salariés permanents, la cour évalue l'indemnisation à la somme de 3.000 euros fondée en particulier sur la perte des primes familiales consenties aux salariés permanents (prime de naissance et de garde d'enfant) et la disposition d'un décodeur gratuit sur toute la période de la relation contractuelle, la cour rejetant les autres demandes afin de ne pas aboutir à une double condamnation sur le même fondement » ;

1. ALORS QUE le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il établit qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail ; que pour dire que Madame [Z] devait bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et à temps plein, condamner les sociétés [Adresse 3] et [Adresse 4] à lui verser des rappels de salaire pour des périodes séparant des contrats à durée déterminée requalifiés, et pour recalculer le salaire mensuel de Madame [Z] et en conséquence le montant des indemnités de rupture liées à la requalification, la cour d'appel s'est fondée sur une présomption d'emploi à temps plein résultant de ce que les différents contrats à durée déterminée conclus entre les parties n'auraient pas respecté les dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail et, retenant que les sociétés ne produisant aucun élément de preuve contraire, dit qu'il convenait de constater que Madame [Z] était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler dans le cadre de son engagement à l'égard des sociétés exposantes ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que Madame [Z] prouvait s'être effectivement tenue à la disposition des sociétés [Adresse 3] et [Adresse 4] durant les périodes non travaillées pour effectuer un travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, ensemble des articles 1134 et 1315 du code civil ;

2. ET ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que, pour conclure au rejet des demandes de Madame [Z] tendant à l'obtention d'un temps plein sur l'ensemble de la relation de travail requalifiée à durée indéterminée, les exposantes auraient soutenu que Madame [Z] ne niait pas avoir effectivement travaillé à temps partiel et se seraient prévalues de jurisprudences sans rapport avec l'objet du litige, puisque relatives la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; que, toutefois, les exposantes avaient soutenu que, sur les périodes travaillées, Madame [Z] était à temps plein et qu'il n'y avait pas lieu de prendre en considération les périodes interstitielles pour la détermination de la durée du travail ; qu'elles invoquaient, au soutien de cette analyse, de nombreux arrêts de la Cour de cassation énonçant que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ne portait que sur le terme du contrat en laissant inchangées les stipulations relatives à la durée du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposantes en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement les sociétés [Adresse 3] et [Adresse 4] à payer à Madame [Z] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des avantages accordés aux salariés permanents ;

AUX MOTIFS QUE « s'agissant des rappels de prime d'ancienneté et de 13ème mois, elles sont prévues par l'article 5 de l'accord d'entreprise. Toutefois, la cour constate que le salaire consenti à Madame [Z] par les sociétés sur la base d'un forfait mensuel de 3.420,93 euros, intègre les primes prévues par l'article 5 dès lors que le salaire conventionnel minimum garanti pour un rédacteur s'établit à 1.301 euros. Les demandes présentées à ce titre seront donc rejetées. S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour privation des avantages accordés aux salariés permanents, la cour évalue l'indemnisation à la somme de 3.000 euros fondée en particulier sur la perte des primes familiales consenties aux salariés permanents (prime de naissance et de garde d'enfant) et la disposition d'un décodeur gratuit sur toute la période de la relation contractuelle, la cour rejetant les autres demandes afin de ne pas aboutir à une double condamnation sur le même fondement » ;

ALORS QUE les juges sont tenus de respecter les termes du litige ; qu'en l'espèce, Madame [Z] avait réclamé, au titre des primes de naissance et de garde d'enfant, des rappels de salaire ; que les exposantes avaient fait valoir que ces demandes de rappels de salaire étaient partiellement prescrites ce dont elles déduisaient que les créances, à les supposées existantes, devaient être fixées aux sommes de 762,24 euros au titre de prime de naissance, et de 486,85 euros au titre de la prime de garde d'enfant ; qu'ainsi, en condamnant les exposantes au paiement de dommages et intérêts réparant le préjudice consécutif à la perte de ces primes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

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