12 mai 2020
Cour d'appel de Lyon
RG n° 18/03496

8ème chambre

Texte de la décision

N° RG 18/03496 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LWJ6









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 26 avril 2018



RG : 15/01847





[O]

[F]



C/



SARL JTM PARQUET

SAS DESIGN PARQUET

Société [B] [T] ET FILS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRET DU 12 Mai 2020







APPELANTS :



M. [D] [O] Artisan,

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 10] (Ain)

[Adresse 6]

[Localité 2]



Mme [U] [F] épouse [O] Gérante de Parapharmacie,

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 11] (Haute Savoie)

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentés par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour plaidant la SELARL L ROBERT et Associés, avocat au barreau de l'AIN





INTIMEES :



Société [B] [T] ET FILS

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Laure FANTINO, avocat au barreau de l'AIN





SARL JTM PARQUET

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 8]

[Localité 9]



SAS DESIGN PARQUET

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 12]

[Localité 7]



défaillantes













******



Date de clôture de l'instruction : 09 Septembre 2019



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Février 2020



Date de mise à disposition : 24 Mars 2020, prorogée sans date

Vu l'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue ce jour







Audience tenue par Agnès CHAUVE, président, et Catherine ZAGALA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,



assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier



A l'audience, Agnès CHAUVE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Agnès CHAUVE, président

- Catherine ZAGALA, conseiller

- Catherine CLERC, conseiller





Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Agnès CHAUVE, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC.





****



Les époux [O] ont fait poser en 2013 un Parquet à la société [B] [T] & Fils dans leur maison d'habitation selon devis de travaux en date du 10 juillet 2012 s'élevant à 19 882,74 euros TTC, comprenant la fourniture et la pose du Parquet.

Le parquet, de couleur « gris de Guérande » a été acheté auprès de la société JTM Parquet, lui-même fourni par le fabriquant, la société Design Parquet, et le fabriquant et distributeur du réacteur de tanin de l'huile appliquée et du fixateur de couleur, la société Rubio Monocoat France.

Les travaux ont été effectués et achevés dans le courant des mois d'avril et mai 2013 et facturés pour une somme de 22 716,53 euros TTC le 24 juin 2013.

Dès la fin des travaux, les époux [O] ont constaté que les lames changeaient de couleurs à divers endroits et ont limité leur paiement à un acompte de 4 200 euros.

Une expertise amiable a eu lieu en septembre 2013 mais n'a donné lieu à aucune proposition amiable de résolution du litige.

Par ordonnance de référé en date du 11 février 2014 et du 8 juillet 2014, une expertise a été confiée à M. [G] au contradictoire des époux [O], de la société [B] [T] & Fils, de la société JTM Parquet, de la société Design Parquet et de la société Rubio Monocoat.





Par arrêt en date du 27 janvier 2015, la cour d'appel de Lyon a confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a instauré une mesure d'expertise judiciaire et a ordonné la consignation du solde de la facture due par les époux [O] à la société [B] [T] & Fils, à savoir la somme de 18 516,33 euros TTC à la caisse des dépôts et consignations.

Le rapport a été déposé par l'expert le 10 février 2015.

Le 19 mai 2015, les époux [O] ont assigné l'entreprise [B] [T] & Fils devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de la voir condamner, notamment, à leur payer la somme de 23 871,23 euros correspondant au coût de l'ensemble des prestations liées ou générées par les travaux de réfection de leur parquet, ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Les sociétés JTM Parquet et Design Parquet ont été assignées en intervention forcée par la société [B] [T] & Fils aux fins de la relever et garantir de toute condamnation et la société Rubio Monocoat France a été assignée en intervention par la société Design Parquet pour les mêmes raisons.

Par ordonnance du 24 mars 2016, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures.

Par jugement en date du 26 avril 2018, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

-déclaré irrecevable car mal fondée en droit la demande des époux [O] dirigée contre la société [B] [T]. & Fils et les en débouter.

-déclaré en conséquence n'y avoir lieu à examiner les demandes en relevé et garantie des condamnations prononcées contre elle, de la société [B] [T]. & Fils à l'encontre des entreprises JTM Parquet et Design Parquet, d'une part et de la société Design Parquet à l'encontre de la société Rubio Monocoat France d'autre part.

-condamné solidairement M. [O] et Mme [F] épouse [O] à payer à la société [B] [T] & Fils la somme de 18 516,33 euros au titre du solde de sa facture de travaux.

-dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015, date de la demande.

-condamné in solidum M. [O] et Mme [F] épouse [O] à payer à la société [B] [T] & Fils la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais non compris dans les dépens au profit des sociétés JTM Parquet, Design Parquet ni Rubio Monocoat France.

-condamné in solidum M. [O] et Mme [F] épouse [O] aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel en date du 9 mai 2018, les époux [O] ont interjeté appel de cette décision.



Aux termes de leurs dernières conclusions, ils demandent à la cour de :

-réformer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables car mal fondées en droit leurs demandes dirigées contre la société [B] [T] & Fils,

-homologuer les conclusions techniques, en ce qui concerne l'origine, l'existence, l'étendue et la cause des défauts évoqués par eux, quant au parquet livré par les soins de l'EURL [B],

-dire et juger que le contrat les liant à la société [B] [T] & Fils est un contrat de vente et non un contrat d'entreprise,

-dire et juger que la société [B] [T] & Fils n'a réalisé aucun ouvrage au sens des dispositions des articles 1792 et suivant du code civil.

A titre principal :

-déclarer la société [B] [T] & Fils, intégralement responsable des désordres affectant le parquet vendu, livré et installé par ses soins au titre de la garantie des vices cachés,

A titre subsidiaire :

-déclarer la société [B] [T] & Fils, intégralement responsable des désordres affectant le parquet vendu, livré et installé par ses soins au titre de la garantie légale de conformité prescrite par les dispositions des articles L 211-4 anciens et suivants du code de la consommation,

En tout état de cause,

-réduire le solde de la facture dû à la société [B] [T] & Fils du montant des travaux de réfection retenu par l'expert judiciaire sur la base du devis de remise en état fourni par l'entreprise Carro, soit la somme de 7 852,80 euros TTC montant à parfaire, au moment de l'arrêt à intervenir, compte tenu de l'éventuelle augmentation du coût de ce type de prestation,

-condamner la société [B] [T] & Fils à leur payer la somme de 18 352,72 euros correspondant au coût de l'ensemble des prestations liées ou générées par les travaux de réfection de leur parquet, ainsi qu'au coût du constat d'huissier originel de Me [R] à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel subi,  

-condamner la société [B] [T] & Fils à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice moral, outre celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens d'instance de référé ordonnant l'expertise et ses ordonnances d'extension, de première instance et d'appel, y compris les honoraires d'expert taxés à la somme de 5 293,89 euros.

Ils font valoir que :

-le contrat passé n'est pas d'un contrat d'entreprise mais un contrat de vente dans la mesure où aucun ouvrage spécifique n'a été effectué sur mesure et que les travaux de pose ne sont que l'accessoire de la vente,

-le parquet a été fourni par la société JTM Parquet, et n'a donc pas été fabriqué pour leurs besoins spécifiques par la société [B] [T] & Fils,

-la qualification d'ouvrage ne peut être retenue dans la mesure où il ne s'agit ni d'un ouvrage immobilier puisqu'il est tout à fait possible d'ôter le plancher sans détériorer le carrelage et sans compromettre la solidité de l'ouvrage global, ni d'un ouvrage de construction puisqu'il n'existe aucune modification de la surface existante dans la mesure où le plancher est uniquement collé,





-le parquet présente des décolorations à certains endroit, intervenues postérieurement à la vente et rendant celui-ci impropre à sa destination dans la mesure où ils ont choisi ce parquet coûteux en raison de son esthétisme et de sa qualité promise, de sorte qu'il s'agit d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil,

-le bien ne correspond pas aux stipulations contractuelles dans la mesure où le parquet présente des phénomènes d'éclaircissement et de taches blanches alors que le produit était présenté comme ayant une tenue garantie dans le temps, à l'épreuve du soleil et de l'eau, de sorte qu'il s'agit d'un défaut de conformité que la société [B] [T] & Fils doit garantir,

-le solde de la facture doit être diminué du montant du coût de la remise en état du Parquet, puisqu'elle résulte d'un vice que le professionnel n'était pas censé ignorer,

-l'évaluation chiffrée par l'expert concernant leur préjudice matériel lié aux travaux de remise en état doit être retenue,

-ils ont subi un préjudice moral en raison de la dissimulation dont ils ont été victimes de la nécessité d'appliquer l'huile DPO sur leur parquet, nécessité parfaitement connue des sociétés Design Parquet et Rubio Monocoat France,

En réponse, la société [B] [T]. & Fils conclut à la confirmation du jugement notamment en ce qu'il a retenu la qualification de louage d'ouvrage au contrat litigieux, a écarté l'application de la garantie des vices cachés et des articles de la consommation.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une réformation dudit jugement, elle demande à la cour de :

-dire et juger que les époux [O] ne sont pas fondés à rechercher sa responsabilité contractuelle faute d'établir une faute à son encontre étant en outre présence d'un cas fortuit exonératoire de toute responsabilité,

-débouter les époux [O] de leur demande de réduction des travaux réalisés,

-condamner les mêmes au paiement de la somme de 18 516,33 euros outre intérêts de retard au taux légal à compter de la demande,

-débouter les époux [O] de leur demande indemnitaire au titre des préjudices induits par la réalisation des travaux, demande injustifiée dans son quantum,

-débouter les époux [O] de leur demande indemnitaire en réparation d'un préjudice moral,

A titre infiniment subsidiaire, elle conclut à la réduction à de plus justes proportions des demandes indemnitaires des époux [O].

En tout état de cause, elle sollicite de :

-la dire recevable et bien fondée en ses appels en cause et appels provoqués à l'égard des sociétés JTM Parquet et Design Parquet,

-condamner la société JTM Parquet solidairement avec la société Design Parquet à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

-débouter la société JTM Parquet de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamner les époux [O], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens de première instance et d'appel.







Elle fait valoir au soutien de ses demandes que :

-le contrat conclu est un contrat d'entreprise dans la mesure où elle a fourni des biens spécifiques, destinés à un chantier déterminé et comportant une mise en 'uvre particulière avec prise des mesures de la pièce, découpe particulière pour chaque latte afin de l'adapter aux dimensions et à la configuration de la pièce,

-la pose du parquet constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 dans la mesure où comme le précise l'expert, dès lors que le parquet est collé avec polyuréthanne sur un carrelage posé sur sol chauffant, il serait impossible de l'enlever sans détériorer la surface ancienne, de sorte qu'il s'agit d'un ouvrage de nature immobilière,

-sa responsabilité ne peut être invoquée sur le fondement de l'article 1792 et suivants dans la mesure où les désordres constatés ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ni à le rendre impropre à sa destination.

-elle est fondée à invoquer un cas fortuit exonératoire de responsabilité dès lors qu'elle n'avait pas connaissance de la nécessité d'un traitement particulier de la surface de ce plancher,

-la demande indemnitaire en réparation d'un préjudice moral est injustifiée tant dans son principe que dans son quantum.

-elle a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles et devra être relevée et garantie par la société JTM Parquet et Design Parquet de toutes condamnations à son égard, d'autant que l'expertise a considéré que la société Design Parquet était responsable totalement.

Les sociétés JTM Parquet et Design Parquet n'ont pas constitué.




MOTIFS DE LA DECISION

Monsieur [D] [O] et Madame [U] [F] épouse [O] persistent en cause d'appel à fonder leurs demandes à l'encontre de l'entreprise [B] [T]. & Fils exclusivement sur les dispositions relatives au contrat de vente en invoquant la garantie des vices cachés et sur les dispositions du code de la consommation, dispositions qui ont été écartées par les premiers juges qui ont retenu l'existence d'un contrat d'entreprise relevant des garanties légales des articles 1792 et suivants du Code Civil et contractuelle de droit commun prévue à l'article 1147 ancien du même code.

Ils soutiennent que le contrat litigieux serait un contrat de vente et non un contrat d'entreprise, ce que conteste l'entreprise [B] [T] & Fils.

Le devis émis le 10 juillet 2012 par la société [B] [T] & fils porte sur la fourniture et pose d'un parquet chêne gris de Guérande avec plus value pour collage en plein sur carrelage, fourniture et pose de seuil bois, pour une surface de 100 mètres carré, avec également habillage d'escalier marches et contre-marches.

La facture émise à la suite de ces travaux d'un montant de 22 716,53 euros mentionne les mêmes travaux.

Même si ces deux pièces ne ventilent pas les prix entre la fourniture du parquet et sa pose, les travaux commandés comportent la pose, laquelle constitue une part importante du travail commandé avec nécessairement des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences des époux [O].

Les photographies figurant au constat dressé le 12 novembre 2013 par Maître [R] à la demande des appelants, font d'ailleurs apparaître certaines de ces découpes et adaptations.

L'expert judiciaire qui est intervenu explique que ce parquet a été collé à la colle polyuréthanne sur un carrelage existant posé lui-même sur un sol chauffant et que la dépose du parquet ne peut se faire sans l'enlèvement de l'ensemble.

Du fait du travail de pose important, de la nature des travaux effectués, du procédé de colle sur carrelage et de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant, les premiers juges ont à bon droit retenu l'existence d'un ouvrage et d'un contrat d'entreprise liant les parties.

Dès lors, la responsabilité de la société [B] ne peut être recherchée que sur le fondement des garanties légales prévues aux articles précités ou de la responsabilité contractuelle, lesquelles ne sont toujours pas invoquées en cause d'appel.

Les premiers juges ont dès lors justement rejeté l'application des dispositions relatives à la vente comme celles du code de la consommation qui sont inapplicables entre maître d'ouvrage et entreprise.

Le jugement sera confirmé sur ce point et sur la condamnation des époux [O] à payer à l'intimée le solde de la facture de travaux d'un montant de 18 516,33 euros, outre intérêts tels qu'ils ont été fixés dans le jugement, comme sur le rejet des appels en garantie qui sont sans objet.

Les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur [D] [O] et Madame [U] [F] épouse [O] à la somme de 1 500euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [D] [O] et Madame [U] [F] épouse [O] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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