15 mai 2020
Cour d'appel de Rennes
RG n° 18/00471

8ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°147



N° RG 18/00471 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-ORX2













M. [A] [C]



C/



SARL MECAMAINT

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 MAI 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 14 Février 2020

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mai 2020 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 20 mars précédent







****





APPELANT :



Monsieur [A] [C]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]



Ayant Me Lauric DOUVISI-MORRIS, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE



(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle partielle (25%) numéro 2018/001525 du 10/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)





INTIMÉE :



La SARL MECAMAINT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Séverine DEVOIZE de la SELARL ALTIS AVOCATS, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE





M. [A] [C] a été embauché le 4 septembre 2000 par la société [D] [J] ET FILS dans le cadre d'un contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 3 novembre 2000, en qualité de chaudronnier.



L'activité et la Société [D] [J] ET FILS a été reprise par la SARL MECAMAINT (installation de structure métallique chaudronnées et de tuyauterie) et le contrat de travail de M. [C] lui a été transféré à compter du 1er juillet 2007.



Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collectives nationale de la Métallurgie accord nationaux et par la Convention collective régionale de la Métallurgie des pays de la Loire, M. [A] [C] occupait un poste de Chef d'équipe, ETAM, niveau AM2, échelon 3, coefficient 240 à compter d'octobre 2011 et percevait un salaire moyen de 2.695,34 € brut calculé sur les trois derniers mois.



Le 27 octobre 2016, M. [C] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 novembre 2016 avant d'être licencié pour faute grave par lettre du 14 novembre 2016.



Par lettre du 17 novembre 2016, M. [A] [C] a contesté les motifs de son licenciement et le bien fondé de la rupture de son contrat de travail.



M. [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire le 26 janvier 2017 aux fins de voir juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre la SARL MECAMAINT :

- 5.632,75 € à titre d'indemnité de préavis,

- 563,27 € au titre des congés payés afférents,

- 12.392 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 33.796,44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.632,75 € à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement,

- 1.397,07 € x nombre de mois de chômage entre novembre 2016 et le prononcé du jugement à titre de dommages et intérêts spécifiques en raison de la perte de salaire,

- 1.250 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Remise des documents sociaux sous astreinte,

- Capitalisation des intérêts,

- Exécution provisoire.



La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 17 janvier 2018 par M. [A] [C] contre le jugement de départage du 22 décembre 2017, par lequel le Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire a :

' Dit que le licenciement de M. [C] est intervenu pour faute grave,

' Débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

' Dit n'y avoir lieu de faire applicable de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SARL MECAMAINT,

' Condamné M. [C] aux dépens.





Vu l'avis fixant la clôture de la procédure au 21 janvier 2020 et l'audience de plaidoiries au 14 février 2020



Vu les écritures notifiées le 16 avril 2018 par voie électronique par lesquelles M. [C] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement de départage,

' Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de faute grave,

' Fixer le salaire moyen à 2.816,37 € brut,

' Fixer son ancienneté à 16 ans et 2 mois,

' Condamner la SARL MECAMAINT à lui verser les sommes suivantes :

- 5.632,75 € à titre d'indemnité de préavis,

- 563,27 € au titre des congés payés afférents,

- 12.392 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 33.796,44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.632,75 € à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement,

- des dommages et intérêts spécifiques en raison de la perte de rémunération calculés comme suit : [(1.397,07 euros) X (nombre de mois de chômage entre novembre 2016 et la date du prononcé de la décision de la Cour d'appel)]

- 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' Ordonner la remise par la société des documents sociaux rectifiés conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à dater de la notification à intervenir,

' Dire que les sommes réclamées porteront intérêts au taux légal à dater de l'introduction pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes avec capitalisation en application de l'article 1153, 1153-1 et 1154 du Code civil.



Vu les écritures notifiées le 30 mai 2018 par voie électronique par lesquelles la SARL MECAMAINT demande à la cour de :

' Dire que le licenciement de M. [C] repose bien sur une faute grave,

' Confirmer le jugement de départage,

' Débouter [C] de l'intégralité de ses demandes,

' Condamner M. [C] à lui verser la somme de 3.000 € en application de

l'article 700 du Code de procédure civile,

' Condamner M. [C] aux entiers dépens.





Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.








MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la rupture du contrat de travail :



Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.



L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.



En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.



La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

1. Vous occupez depuis octobre 2011, les fonctions de chef d'équipe. Vous avez demandé à être le référent pour l'ensemble des chantiers [G], notre plus gros client.

A ce titre, il vous appartient d'organiser le bon déroulement des missions et d'organiser le travail des différentes équipes de maintenance, nos jours d'intervention étant clairement définies : lundi sur le site de la Mariais et le vendredi et samedi sur le site de la Clarté.

Le 25 octobre dernier, nous avons été convoqués en urgence chez ce client qui nous a fait part de son mécontentement quant à votre attitude générale et à votre état d'esprit.

Il vous est notamment reproché :

- de ne pas respecter les horaires d'embauche : vos retards sont systématiques ;

- de ne pas respecter les directives données par le client, notamment lorsque vous intervenez en co-activités avec d'autres prestataires, perturbant considérablement le chantier et mettant parfois en danger la sécurité des différents intervenants.

La Société [G] nous a indiqué qu'elle est obligée d'insister auprès de vous pour que les travaux soient réalisés comme elle le souhaite et non, comme vous le souhaitez !

Cette situation génère une perte de temps et d'énergie tout à fait inutile. Vous n'avez pas à discuter les ordres donnés par notre client !

- des propos déplacés et de semer la discorde au sein des équipes,

Il est inadmissible que vous demandiez au responsable [G] de justifier ses horaires ou que vous fassiez la moindre réflexion sur son emploi du temps !

De plus, il a été constaté que lors des changements de responsables (matin/après-midi ou vendredi/samedi), vous prétextiez souvent ne pas connaître les travaux à réaliser en indiquant que les prédécesseurs n'avaient donnés aucune instruction (ce qui était manifestement faux !) ; créant de fait des tensions inutiles au sein des équipes [G]'

Vous créez des rumeurs sur le non-paiement de vos heures supplémentaires entraînant des interrogations de la part de notre client.

- de refuser des missions complémentaires,

Ce fut notamment le cas, le 12 septembre dernier. La Société [G] a dû faire appel à un de nos concurrents pour finaliser les travaux que vous refusiez de faire, cela ne lui a pris que 30 mn.

- la mauvaise gestion des équipes,

Il est inadmissible qu'en qualité de chef d'équipe vous choisissiez en priorité l'équipier avec qui vous avez le plus d'affinité personnelle pour travailler, laissant de côté d'autres collaborateurs, moins expérimentés se débrouiller seuls ! Une telle organisation se fait nécessairement au détriment du client et donc de notre Société.

De même, le 17 septembre, nous étions programmés sur le site de la Clarté, comme tous les week-ends, pour une opération de maintenance. Vous avez indiqué que vous ne pouviez pas vous y rendre et que personne ne pouvait y aller.

Je vous rappelle qu'en tant que chef d'équipe, il vous appartient d'organiser les équipes d'intervention afin de répondre à la demande de notre Client. Nous faisons ainsi depuis des années.

Nous avons été mis devant le fait accompli et face à cette situation, nous avons été contraints d'indiquer qu'il n'y aurait pas de technicien MECAMAINT pour assurer la maintenance'.

Furieux le client a confié le chantier week-end de la Clarté à un autre prestataire et nous avons été clairement mis en garde concernant notre intervention du lundi sur le site de la MARIAIS'.

Compte tenu de ces différents éléments, qui vous sont tous imputables personnellement, la Société [G] nous a indiqué ne plus souhaiter nous confier de chantier en votre présence. Nous avons depuis le 17 septembre 2016 perdu 60% du chiffre d'affaires chez ce client de par votre comportement et votre absence de remise en cause.

Votre comportement a été fortement préjudiciable à l'image et au sérieux de notre Société.

Cela n'est pas tolérable !

2. Ce comportement est également constaté au sein de la société MECAMAINT par vos collègues lorsque vous êtes amené à travailler au sein de l'atelier ou sur d'autres chantiers.

Votre désinvolture et votre manque d'implication est flagrante lorsque nous constatons que vous passez plus de 4h30 au téléphone au mois de septembre alors que vous n'êtes plus sur les chantiers [G] depuis au moins 15 jours et que cet appareil, à usage exclusivement professionnel, doit vous servir à communiquer avec notre client !

Vos collègues constatent que beaucoup d'appels ont lieu pendant le temps de travail nuisant nécessairement à votre travail et à votre concentration.

Vous dénigrez régulièrement votre chef d'atelier et prétendez être le meilleur de l'atelier.

Pourtant, le 21 octobre, vous n'avez percé que 13 cornières alors qu'un autre collaborateur en a percé 38 en 4 heures !

Vous vous octroyez des privilèges en emportant du matériel à votre domicile sans en informer votre supérieur hiérarchique et sans vous préoccupez de savoir si la Société en a besoin. Recherchant un poste à souder TIG pour une soudure spécifique, un collaborateur nous a indiqué vous avoir vu le mettre dans votre véhicule ! Votre comportement très personnel a, une fois de plus, nui à la Société car nous avons été contraints de faire une soudure bien plus grossière faute d'avoir le matériel adéquat à notre disposition '.

Dernièrement encore, vous êtes intervenu pour la Société SNM.

Le travail à réaliser nécessitait que vous fassiez une demi-heure supplémentaire.

Quel n'a pas été notre surprise d'apprendre que vous aviez indiqué au responsable d'intervention de la société SNM, que vous ne pouviez pas rester car votre employeur interdisait de faire des heures supplémentaires qui ne seraient en tout état de cause pas payées !

Ces propos qui m'ont été rapportés par le Responsable m'ont particulièrement choqué.

Je lui ai alors précisé qu'à aucun moment la Société n'a donné ce type d'instruction et vous ai demandé des explications.

Vous avez dans un premier temps contesté vos dires avant d'indiquer que l'interdiction émanait de M. [N], chargé d'affaires de la Société.

En entendant vos propos mensongers, ce dernier s'est manifesté et à indiquer (sic) que vous mentiez et qu'il y avait des témoins.

Pris en porte à faux, vous êtes alors rentré dans une fureur noire en tenant les propos suivants :

« Espèce de menteur, c'est toi qui ment, t'es qu'un bouffon, sale menteur, continue à parler et je te dérouille». Vous avez joint le geste à la parole en montrant le poing.

Les salariés présents ont été choqués par votre agressivité qui, même si elle est récurrente et crée nécessairement un climat de défiance à votre égard ; chacun restant sur sa réserve de peur de vous contredire !

Nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions ! Les équipes sont à bout ! Votre attitude hautaine qui consiste à dénigrer en permanence vos collègues et votre direction est inadmissible et en opposition complète avec les valeurs que nous souhaitons développer au sein de l'entreprise.

Vous savez pertinemment que la Société est dans une situation critique et que nous avons une trésorerie exsangue. Néanmoins, nous faisons toujours le maximum pour que nos collaborateurs aient des conditions salariales acceptables et gratifiantes. Cette année, nous n'avons pas été en mesure de verser les primes d'été comme nous le faisons habituellement. Nous avons été contraints d'en diminuer le montant et d'en décaler le versement. L'effort a néanmoins été fait !

Je vous ai donc remis, à tous, une enveloppe avec un chèque correspondant au montant de la prime accompagné d'une note interne. Vous avez refusé avec dédain de prendre l'enveloppe lorsque vous avez pris connaissance du montant de la prime qui s'élevait à 90€ nets en indiquant : « Je ne fais pas l'aumône ! ».

Votre attitude est tout simplement insupportable ! Cette enveloppe est toujours à votre disposition.

A plusieurs reprises, nous vous avons mis en garde contre votre comportement et vos emportements réguliers. Vous n'avez manifestement pas jugé utile d'en prendre compte.

Votre maintien dans l'entreprise est désormais impossible.

L'accumulation de fautes d'une telle gravité et notre obligation de préserver la santé et la sécurité de nos collaborateurs nous conduit à vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave (...) ».



Au terme de cette lettre de licenciement, l'employeur impute à faute à M. [A] [C] d'une part son comportement chez le client [G] et d'autre part son comportement au sein de l'entreprise MECAMAINT.



S'agissant du détail de la première série de griefs, la SARL MECAMAINT reproche à M. [A] [C] de nombreux retards, une mauvaise gestion de ses équipes et des plannings chez ce client, le non-respect de ses directives entraînant une mise en danger des co-intervenants sur le site, des propos déplacés envers ses salariés et le refus de missions complémentaires et produit pour chacun de ses griefs, les attestations de salariés de son employeur ainsi que des attestations de salariés de la société [G], un de ses clients les plus importants dont elle a perdu le marché de maintenance sur lequel intervenait M. [A] [C] .



Au nombre des attestations produites figure notamment l'attestation de M. [V] [X], chef d'équipe maintenance au sein de la société [G] (pièce 8 employeur) indiquant que M. [A] [C] n'hésitait pas à lui faire des remarques et réflexions très déplacées sur son emploi du temps et sur ses horaires de travail, en lui demandant de se justifier de ses "retards", oubliant qu'il avait à faire à son client, trouvant des prétextes pour ne pas rester plus tard, notamment le 12 septembre 2016 pour achever un travail n'excédant pas une demi-heure, s'opposant également à ce que l'autre compagnon puisse rester achever ce travail, le contraignant à faire appel à un concurrent.



Il est également produit l'attestation de M. [S], responsable de maintenance au sein de la société [G] (pièce 10 employeur) indiquant qu'il avait constaté des écarts de plus en plus fréquents dans le déroulement des travaux confiés à la société MACAMAINT représentée par son chef d'équipe M. [A] [C], le conduisant à convoquer l'employeur de M. [A] [C] pour lui expliquer les raisons pour lesquelles, il ne serait plus fait appel à son entreprise, au nombre desquelles figurent d'une part le non respect des horaires quand l'équipe était conduite par M. [A] [C] qui néanmoins repartait à l'heure, arguant du fait que les heures supplémentaires n'étaient pas payées par l'employeur et d'autre part la remise en cause fréquente du déroulé des opérations fixé par le client et une difficulté à exécuter les consignes dans des circonstances susceptibles de mettre son personnel en danger.



L'attestation de M. [G], Directeur matériel et achat ( pièce 17 employeur) décrit également des dérives dans l'implication des salariés de la SARL MECAMAINT, en particulier de la part de M. [A] [C] avec lequel le point a été fait à plusieurs reprises en vain, au point de devoir convoquer le gérant de l'entreprise pour lui faire part des dysfonctionnements et l'informer que l'intervention de la SARL MECAMAINT n'était plus souhaitée sur les sites de production de la société, exclusion finalement limitée au site de la Clarté au regard de l'ancienneté des relations entre les deux sociétés.



Il est également produit une attestation de M. [M] (pièce 9 employeur) dont le seul fait qu'il soit salarié de la SARL MECAMAINT n'est pas en soi de nature à en réduire la valeur probante, rapportant les circonstances dans lesquelles le 19 octobre 2016, M. [A] [C] n'avait pas accepté d'achever le travail engagé en présence du client (M. [R]), en dépit du fait que dès 15h30, il avait connaissance de la nécessité de rester au delà de l'heure prévue, en indiquant à ce nouveau client qu'il ne travaillerait pas au delà de 16h30 dans la mesure où les heures supplémentaires n'étaient pas réglées et qu'il reviendrait le lendemain.



De tels comportements de la part d'un salarié, a fortiori de la part d'un chef d'équipe de maintenance à l'égard de clients, suffisent à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu important que l'intéressé soit ou non en charge de la programmation de ces chantiers.



Le comportement véhément, agressif et physiquement menaçant de M. [A] [C] à l'égard de M. [N], chargé d'affaires de la SARL MECAMAINT que M. [R] avait joint au téléphone, tel que décrit par M. [M] précité et par M. [N] (pièces 7 et 7 bis employeur) à son retour à l'entreprise le 19 octobre 2016 et après être ressorti du bureau du directeur, devrait suffire à établir le caractère gravement fautif du comportement de M. [A] [C] tant à l'égard des clients de la société que de ses membres.



Cependant, il ressort des pièces produites aux débats qu'en dépit des travers du comportement de M. [A] [C] dès le 19 octobre 2016 et de la convocation du gérant de la société par les dirigeants de la société [G] le 26 octobre 2016, M. [A] [C] a continué à travailler au sein de la société sans que soit formalisé la moindre mise en garde ou le moindre avertissement, conduisant M. [U] et [N] à saisir leur employeur le 02 novembre 2016, de la moindre implication de l'intéressé dans son travail, de sa moindre productivité, de son comportement désinvolte et dénigrant, source de tensions, évoquant en outre un usage intempestif et répété du téléphone de la société.



Or, s'il est produit des relevés du téléphone professionnel de M. [A] [C] pour les mois antérieurs, montrant un usage qui peut être qualifié de compulsif du téléphone, pour des durées le plus souvent de quelques secondes ou moins d'une minute, rarement de trois minutes et une seule fois de 11 minutes pour des totaux mensuels de plus de 3 heures à plus de 4 heures, il n'est pas produit de relevé pour le moins d'octobre 2016.



Il doit être par ailleurs relevé que nombre de griefs rappelés dans la lettre de licenciement comme les rappels à l'ordre évoqués, ne sont pas précisément situés dans le temps (depuis un certain temps, dernièrement) y compris quand ils concernent un fait précis tel que l'emprunt d'un poste de soudure, mais font référence à une attitude récurrente du salarié, établissant que le comportement fautif de M. [A] [C], connu de son employeur, n'a pas été un obstacle à la poursuite de son contrat de travail, de sorte qu'il ne peut être qualifié de gravement fautif, les éléments rapportés le 02 novembre 2016 par M. [N] et M. [U], entre l'envoi de la convocation et l'entretien préalable n'étant pas suffisamment précis pour retenir une telle qualification.

A l'inverse, les griefs imputés au salarié étant pour l'essentiel retenus, les développements de l'intéressé concernant le motif économique de son licenciement, sont dénués de portée.



Il y a lieu en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave et de requalifier le licenciement de M. [A] [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse



Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur et peut prétendre également à l'indemnité conventionnelle de licenciement et ce, pour les sommes non autrement contestées tel qu'il est dit au dispositif.



En revanche, la réparation d'un préjudice spécifique résultant de la perte de salaire depuis le licenciement ne peut en toute hypothèse, compte tenu des développements qui précèdent, être accueillie, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.





Sur les conditions vexatoires du licenciement :



Pour infirmation et condamnation de son employeur à ce titre, M. [A] [C] soutient que les accusations infondées à son égard et les circonstances de la rupture démontrent le caractère vexatoire de cette dernière, sans pour autant expliciter en quoi ces circonstances revêtiraient un tel caractère, les griefs imputés au salarié, étant au moins en partie établis.



Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise de ce chef et de débouter le salarié de la demande formulée à ce titre.





Sur la remise des documents sociaux :



La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte ;





Sur la capitalisation des intérêts :



En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il doit être fait droit à cette demande';





Sur l'article 700 du Code de procédure civile :



Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; l'appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la société intimée des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.





***





*







PAR CES MOTIFS,



LA COUR,



Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,



INFIRME partiellement le jugement entrepris,



et statuant à nouveau,



REQUALIFIE le licenciement de M. [A] [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,



CONDAMNE la SARL MECAMAINT à payer à M. [A] [C] :

- 5.632,75 € à titre d'indemnité de préavis,

- 563,27 € au titre des congés payés afférents,

- 12.392 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,



RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;



ORDONNE la capitalisation des intérêts,



CONDAMNE la SARL MECAMAINT à remettre à M. [A] [C] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification ;



CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,



CONDAMNE la SARL MECAMAINT à payer à M. [A] [C] 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,



DÉBOUTE la SARL MECAMAINT de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,



CONDAMNE la SARL MECAMAINT aux entiers dépens de première instance et d'appel,





LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

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