24 mai 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-17.533

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00472

Texte de la décision

COMM.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2016




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 472 F-D

Pourvoi n° X 14-17.533







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Parabole Réunion, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Apple INC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis),

défenderesse à la cassation ;

La société Apple INC, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 avril 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Mollard, avocat général référendaire, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de la société Parabole Réunion, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Apple INC, l'avis de M. Mollard, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2014), que la société Parabole Réunion, qui commercialise des bouquets de chaînes de télévision en réception directe par satellite sur les territoires de l'Ile de La Réunion, de l'Ile Maurice, de [Localité 2] et de Madagascar, est titulaire de la marque verbale française « I-Message » n° 3 209 724, déposée le 14 février 2003 pour désigner des produits et services en classes 9, 38 et 41 ; qu'elle a assigné en contrefaçon de marque la société Apple qui avait, le 14 septembre 2011, procédé au dépôt d'une demande d'enregistrement de la marque verbale communautaire « iMessage » n° 10264026 pour désigner des produits et services en classes 9, 38 et 42 et qui faisait usage de ce signe depuis le 6 juin 2011 pour une nouvelle fonctionnalité du système d'exploitation iOS 5 installé sur ses iPod, iPhone et iPad permettant à l'utilisateur de recevoir et d'adresser des messages sans coût supplémentaire de l'opérateur téléphonique ; que la société Apple a formé, à titre reconventionnel, une demande en déchéance des droits de la société Parabole Réunion sur la marque « I-Message » n° 3 209 724 pour l'ensemble de ses produits et services ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la société Apple fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en déchéance des droits de la société Parabole Réunion sur la marque verbale française « I-Message » n° 3 209 724 pour les services de transfert de données et de communication audiovisuelle en classe 38 alors, selon le moyen, que l'usage d'une marque française ne peut être qualifié de sérieux qu'à la condition de constituer un usage quantitativement suffisant, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché, en France, pour les produits ou services protégé par la marque ; que le caractère sérieux de l'usage de la marque doit être apprécié en tenant compte de l'ensemble des faits et circonstances pertinents, en particulier des usages considérés comme justifiés, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, de l'étendue territoriale et quantitative de l'usage et de la fréquence de ce dernier ; qu'en se bornant à affirmer, après avoir relevé que la société Parabole Réunion, exerçant ses activités dans diverses îles de l'Océan indien, dont La Réunion et [Localité 2], revendiquait « 250 000 téléspectateurs au quotidien pour 90 000 foyers abonnés », et s'être contentée de décrire le mode de fonctionnement du service « I-Message » de cette société, qu'« en regard des éléments pertinents ci-avant rappelés, les données factuelles de l'espèce permettent à la marque « I-Message » d'échapper à la déchéance», sans justifier concrètement en quoi un tel usage de cette marque sur le territoire français, limité à La Réunion et [Localité 2], pourrait être considéré comme suffisant, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché, en France, pour les services litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Mais attendu, d'abord, que l'usage, même minime, d'une marque peut être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu'il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque, et, ensuite, que l'importance territoriale de l'usage n'est qu'un des facteurs, parmi d'autres, devant être pris en compte ; qu'après avoir relevé que la société Parabole Réunion avait pour activité la commercialisation d'un bouquet de chaînes, en ce qui concerne le territoire français, à l'île de [Localité 1] et [Localité 2], et qu'elle revendiquait 250 000 téléspectateurs au quotidien pour 90 000 foyers abonnés, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient qu'il est justifié, par les publicités accompagnées d'attestations, les dépliants publicitaires, les brochures de présentation et d'utilisation du service IMédia 4.0, de l'usage, par cette société, de la marque « I-Message » depuis la fin de l'année 2004, pour désigner un service permettant à l'utilisateur de recevoir, consulter et effacer, sur son écran de télévision, des messages personnalisés tels que des programmes exceptionnels à ne pas manquer, des événements à [Localité 1] en partenariat avec la société, des avantages exclusifs et offres spéciales réservés à ses abonnés, des jeux concours ou jeux SMS ; que par ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir le caractère sérieux, eu égard aux spécificités du marché considéré, de l'usage, par la société Parabole Réunion, de la marque en ce qui concerne les services de transfert de données et de communication audiovisuelle, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Parabole Réunion fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en contrefaçon de sa marque française « I-Message » n° 3 209 724 résultant, d'une part, de l'utilisation par la société Apple du signe « iMessage » pour désigner un service de messagerie et, d'autre part, du dépôt par cette même société de la demande d'enregistrement de la marque communautaire « iMessage » n° 10264026 et tendant à l'indemnisation du préjudice en résultant, à la nullité de la marque communautaire n° 10264026, à ce qu'il soit fait interdiction à la société Apple d'utiliser le signe « iMessage » pour désigner les classes de produits et services protégées par la marque « I-Message » et à ce qu'elle procède à différentes publications judiciaires alors, selon le moyen :

1°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Parabole Réunion soutenait, d'une part, que le service iMessage proposé par la société Apple permet de transférer des données, que celle-ci soient graphiques, alphanumériques ou vidéos, d'un appareil X doté d'un espace de mémorisation vers un appareil Y également doté d'un espace de mémorisation, cet appareil pouvant être un téléphone -iPhone-, une tablette -iPad-, un lecteur mp3 -iPod-, un ordinateur -iMac- et que le service iMessage répond donc parfaitement à la qualification de transfert de données telle qu'elle est communément donnée et, d'autre part, que, les services iMessage, proposés par la société Apple peuvent apparaître sur un écran de télévision tout comme les services I-Message proposés par la société Parabole Réunion peuvent apparaître sur l'écran d'un ordinateur créant un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne quant à l'origine des services ; qu'en se bornant à affirmer que les services enregistrés par la société Parabole Réunion et celui fourni par la société Apple ne répondent pas aux mêmes besoins, n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre, pour conclure à l'absence de toute similarité entre eux, sans préciser concrètement en quoi ces usages et finalités divergeraient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la comparaison des produits doit porter sur ceux visés par l'enregistrement des marques en question et non sur ceux pour lesquels la marque a effectivement été utilisée ; qu'en affirmant, par motif adopté, que les services comparés ne seraient pas similaires car ceux de la société Parabole Réunion n'ont pas pour objet d'envoyer à l'utilisateur sur son écran de télévision ou de téléphone des informations déterminées par l'exploitant ou un de ses prestataires mais de permettre à un utilisateur de communiquer avec un autre utilisateur de ce service, la cour d'appel, qui s'est référé à l'usage de la marque plutôt qu'aux services désignés par l'enregistrement, a violé les articles L. 711-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que dans l'appréciation de la similitude entre des produits ou services, il y a lieu de tenir compte de la politique de diversification des entreprises du secteur concerné et du risque induit que les consommateurs puissent attribuer une origine commune à des produits ou services en provenance d'entreprises différentes ; que la société Parabole Réunion soutenait qu'il existait un double mouvement de diversification susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de ses services par rapport à ceux commercialisés par la société Apple, la société Parabole Réunion ayant d'un côté entrepris, pour suivre le mouvement technologique et économique impulsé par les opérateurs de télécommunications, de développer des services de messagerie interactif par le biais de décodeurs connectés à l'Internet, et la société Apple ayant, de son côté, multiplié les développements de ses terminaux vers la télévision avec la Apple TV capable de faire fonctionner la messagerie iMessage ; qu'en se bornant à affirmer que les services de transfert de données et de télécommunication audiovisuelle enregistrés par la société Parabole Réunion et celui fourni par la société Apple ne répondent pas aux mêmes besoins, n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre, pour conclure à l'absence de toute similarité entre eux, sans analyser s'il ne pouvaient être regardés comme similaires dans l'esprit du public compte tenu de la diversification croisée des activités des parties en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que pour examiner le risque de confusion dans l'esprit du public, il y a lieu de procéder à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en présence ; que ne constitue pas un facteur pertinent dans l'appréciation du risque de confusion la notoriété de l'exploitant du signe argué de contrefaçon ; qu'en considérant que la confusion entre la marque I-Message et le signe iMessage, malgré leur importante similitude, devait être écartée compte tenu de la notoriété de la société Apple auprès des consommateurs, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

5°/ que dans l'appréciation du risque de confusion, il y a lieu de tenir compte de la politique de diversification des entreprises du secteur concerné et du risque induit que les consommateurs puissent attribuer une origine commune à des produits ou services en provenance d'entreprises différentes ; que la société Parabole Réunion soutenait qu'il existait un double mouvement de diversification susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de ses services par rapport à ceux commercialisés par la société Apple, la société Parabole Réunion ayant d'un côté entrepris, pour suivre le mouvement technologique et économique impulsé par les opérateurs de télécommunications, de développer des services de messagerie interactif par le biais de décodeurs connectés à l'Internet, et la société Apple ayant, de son côté, multiplié les développements de ses terminaux vers la télévision avec la Apple TV capable de faire fonctionner la messagerie iMessage ; qu'en se bornant à affirmer que rien ne permet de considérer que le consommateur moyen confondra les signes en conflit compte tenu de la notoriété de la société Apple, sans analyser si le risque de confusion ne pouvait pas procéder de la diversification croisée des activités des parties en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

6°/ que constitue un acte de contrefaçon par usage non autorisé le fait de déposer à l'enregistrement la marque d'autrui ; qu'en considérant que la contrefaçon par usage de la marque française « I-Message », appartenant à la société Parabole Réunion, devait s'accompagner, outre le dépôt du signe « iMessage » par la société Apple, d'actes d'exploitation de la marque seconde pour qu'un usage contrefaisant soit caractérisé, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que le risque de confusion entre les signes doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l'espèce, ce qui implique une certaine interdépendance entre ceux-ci, et qu'un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, l'arrêt retient, d'abord, qu'en dépit de l'importante similitude visuelle et phonétique entre les signes en présence, rien ne permet de considérer que le consommateur moyen, nécessairement familiarisé, en raison de l'importante dimension économique de la société Apple dans son secteur d'activité, avec la gamme des produits de cette société désignés sous des appellations composées de la voyelle i en minuscule accolée à un terme dont l'initiale est en majuscule, se méprendra sur l'origine des services proposés en pensant qu'ils sont offerts par la même entreprise ou par des entreprises liées économiquement ; qu'il retient, ensuite, que les services de transfert de données et de communication audiovisuelle, visés à l'enregistrement de la marque invoquée, et l'activité portant sur les services de messagerie instantanée exploitée par la société Apple, qui ne répondent pas aux mêmes besoins, n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre, ne peuvent être considérés comme similaires ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines, dont elle a déduit qu'il n'existait pas de risque de confusion dans l'esprit du public entre les signes en présence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a pu prendre en considération, notamment, la connaissance par le public de la gamme de produits dans laquelle s'inscrivait le nouveau service offert par la société Apple, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé qu'en toute hypothèse, la similitude entre les services en présence n'était pas démontrée, c'est par un motif erroné mais surabondant que la cour d'appel a retenu que le dépôt de la demande d'enregistrement de la marque « iMessage » par la société Apple ne pouvait pas à lui seul constituer un acte de contrefaçon de la marque « I-Message » ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour la société Parabole Réunion.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué de rejeter les demandes de la société Parabole Réunion en contrefaçon de sa marque française «I-MESSAGE » n° 320924 résultant, d'une part, de l'utilisation par la société Apple du signe « iMessage » pour désigner un service de messagerie et, d'autre part, du dépôt par cette même société de la demande d'enregistrement de la marque communautaire « iMessage » n° 10264026 et tendant à l'indemnisation du préjudice en résultant, à la nullité de la marque communautaire n° 10264026, à ce qu'il soit fait interdiction à la société Apple d'utiliser le signe « IMESSAGE » pour désigner les classes de produits et services protégées par la marque « I-MESSAGE » et à ce qu'elle procède à différentes publications judiciaires ;

AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE l'appelante se prévaut d'abord d'un risque de confusion entre la marque verbale enregistrée « I-MESSAGE »
(calligraphiée en lettres majuscules noires et dotée d'un trait d'union) qui désigne, compte tenu de ce qui précède, les « transferts de données » et les « communications audiovisuelles », tandis que le signe distinctif « iMessage » (calligraphié avec un « i » minuscule suivi d'un « M » majuscule, sans trait d'union, puis de minuscules) est utilisé par la société Apple Inc. dans le cadre de la commercialisation de services de messagerie instantanée, « iMessage » étant présenté comme une fonctionnalité du logiciel IOS 5 permettant à deux personnes qui possèdent un appareil iPhone, iPad ou iPod de communiquer entre elles ; qu'en dépit de l'importante similitude visuelle et phonétique entre les signes opposés, rien ne permet de considérer que le consommateur moyen, nécessairement familiarisé avec les produits provenant d'une société ayant une importante dimension économique dans son secteur d'activité, comme l'est la société Apple, et qui désigne sa gamme de produits ainsi que précisé, se méprendra sur l'origine des services proposés en pensant qu'ils sont offerts par la même entreprise ou par des entreprises liées économiquement ; que surtout, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les services désignés et tel n'est pas le cas en l'espèce entre les services opposés, les services de transfert de données et de communication audiovisuelle, d'une part, et l'activité portant sur les services de messagerie instantanée, d'autre part, qui ne répondent pas aux mêmes besoins, qui n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre ne peuvent être considérés comme similaires (arrêt, p. 11) ; qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 15 décembre 2011 sur le site internet www.apple.com que la société Apple utilise la dénomination « iMessage » pour désigner un service de messagerie permettant aux utilisateurs d'iPad, iPhone ou iPod de communiquer entre eux en envoyant des textes, photos, lieux et contacts. Il ne s'agit pas d'un service identique ni même similaire aux services de transfert de données et de communication audiovisuelle car il n'a pas pour objet d'envoyer à l'utilisateur sur son écran de télévision ou de téléphone des informations déterminées par l'exploitant ou un de ses prestataires mais de permettre à un utilisateur de communiquer avec un autre utilisateur de ce service. Le service proposé par la société Apple sous la dénomination « iMessage » et les services de transferts de données et de communication audiovisuelle n'ont dès lors pas la même fonction de sorte qu'ils ne sont pas susceptibles d'être rattachés par la clientèle à la même origine (jugement, p. 10, § 5) ;

1°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, la société Parabole Réunion soutenait, d'une part, que le service iMessage proposé par la société Apple permet de transférer des données (que celle-ci soient graphiques, alphanumériques ou vidéos) d'un appareil X doté d'un espace de mémorisation vers un appareil Y également doté d'un espace de mémorisation, cet appareil pouvant être un téléphone (iPhone), une tablette (iPad), un lecteur mp3 (iPod), un ordinateur (iMac) et que le service iMessage répond donc parfaitement à la qualification de transfert de données telle qu'elle est communément donnée et, d'autre part, que, les services iMessage, proposés par la société Apple peuvent apparaître sur un écran de télévision tout comme les services I-MESSAGE proposés par la société Parabole Réunion peuvent apparaître sur l'écran d'un ordinateur créant un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne quant à l'origine des services ; qu'en se bornant à affirmer que les services enregistrés par la société Parabole Réunion et celui fourni par la société Apple ne répondent pas aux mêmes besoins, n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre, pour conclure à l'absence de toute similarité entre eux, sans préciser concrètement en quoi ces usages et finalités divergeraient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) ALORS QUE la comparaison des produits doit porter sur ceux visés par l'enregistrement des marques en question et non sur ceux pour lesquels la marque a effectivement été utilisée ; qu'en affirmant, par motif adopté, que les services comparés ne seraient pas similaires car ceux de la société Parabole Réunion n'ont pas pour objet d'envoyer à l'utilisateur sur son écran de télévision ou de téléphone des informations déterminées par l'exploitant ou un de ses prestataires mais de permettre à un utilisateur de communiquer avec un autre utilisateur de ce service, la cour d'appel, qui s'est référé à l'usage de la marque plutôt qu'aux services désignés par l'enregistrement, a violé les articles L. 711-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) ALORS QUE dans l'appréciation de la similitude entre des produits ou services, il y a lieu de tenir compte de la politique de diversification des entreprises du secteur concerné et du risque induit que les consommateurs puissent attribuer une origine commune à des produits ou services en provenance d'entreprises différentes ; que la société Parabole Réunion soutenait qu'il existait un double mouvement de diversification susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de ses services par rapport à ceux commercialisés par la société Apple, la société Parabole Réunion ayant d'un côté entrepris, pour suivre le mouvement technologique et économique impulsé par les opérateurs de télécommunications, de développer des services de messagerie interactif par le biais de décodeurs connectés à l'Internet, et la société Apple ayant, de son côté, multiplié les développements de ses terminaux vers la télévision avec la Apple TV capable de faire fonctionner la messagerie iMessage ; qu'en se bornant à affirmer que les services de transfert de données et de télécommunication audiovisuelle enregistrés par la société Parabole Réunion et celui fourni par la société Apple ne répondent pas aux mêmes besoins, n'ont pas la même finalité et ne sont pas utilisés en complément l'un de l'autre, pour conclure à l'absence de toute similarité entre eux, sans analyser s'il ne pouvaient être regardés comme similaires dans l'esprit du public compte tenu de la diversification croisée des activités des parties en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) ALORS QUE pour examiner le risque de confusion dans l'esprit du public, il y a lieu de procéder à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en présence ; que ne constitue pas un facteur pertinent dans l'appréciation du risque de confusion la notoriété de l'exploitant du signe argué de contrefaçon ; qu'en considérant que la confusion entre la marque I-MESSAGE et le signe iMessage, malgré leur importante similitude, devait être écartée compte tenu de la notoriété de la société Apple auprès des consommateurs, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) ALORS QUE dans l'appréciation du risque de confusion, il y a lieu de tenir compte de la politique de diversification des entreprises du secteur concerné et du risque induit que les consommateurs puissent attribuer une origine commune à des produits ou services en provenance d'entreprises différentes ; que la société Parabole Réunion soutenait qu'il existait un double mouvement de diversification susceptible d'entraîner une confusion dans l'esprit du public quant à l'origine de ses services par rapport à ceux commercialisés par la société Apple, la société Parabole Réunion ayant d'un côté entrepris, pour suivre le mouvement technologique et économique impulsé par les opérateurs de télécommunications, de développer des services de messagerie interactif par le biais de décodeurs connectés à l'Internet, et la société Apple ayant, de son côté, multiplié les développements de ses terminaux vers la télévision avec la Apple TV capable de faire fonctionner la messagerie iMessage ; qu'en se bornant à affirmer que rien ne permet de considérer que le consommateur moyen confondra les signes en conflit compte tenu de la notoriété de la société Apple, sans analyser si le risque de confusion ne pouvait pas procéder de la diversification croisée des activités des parties en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE par delà le fait qu'il n'est fait état que d'une demande d'enregistrement et qu'un tel dépôt, produisant, certes, des effets juridiques, ne serait toutefois susceptible de fonder une action en contrefaçon que pour des faits d'exploitation postérieurs à la date à laquelle elle a été rendue opposable aux tiers par voie de publication ou de notification au tiers présumé contrefacteur dès avant cette publication, et observation étant faite que la société Parabole Réunion ne fournit aucune explication sur ce point ni ne sollicite de sursis à statuer, il convient de considérer, en toute hypothèse, que l'absence de démonstration de la similitude entre les services opposés, comme retenu ci-avant, ne permet pas davantage de faire droit à l' action en contrefaçon (arrêt, p. 11) ; que le simple dépôt d'une demande d'enregistrement de marque, en ce qu'il ne constitue pas une utilisation dans la vie des affaires d'une dénomination à titre de marque, c'est à dire pour distinguer à l'égard du public un produit ou service de la société Apple, n'est pas un acte de contrefaçon au sens des articles L ;713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle (jugement, p. 10) ;

6°) ALORS QUE constitue un acte de contrefaçon par usage non autorisé le fait de déposer à l'enregistrement la marque d'autrui ; qu'en considérant que la contrefaçon par usage de la marque française « I-MESSAGE », appartenant à la société Parabole Réunion, devait s'accompagner, outre le dépôt du signe « iMessage » par la société Apple, d'actes d'exploitation de la marque seconde pour qu'un usage contrefaisant soit caractérisé, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Apple INC.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société APPLE Inc. de sa demande en déchéance des droits de la société PARABOLE REUNION sur la marque verbale française « I-MESSAGE » n° 3209724 pour les services suivants : « transfert de données, services de communication audiovisuelle » (classe 38) ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « si la loi ne pose aucune exigence quant à l'étendue du territoire concerné, il n'en demeure pas moins qu'il s'évince du principe de territorialité que l'exploitation doit avoir lieu en France et que ne peut être prise en compte une exploitation à l'étranger ; que, par ailleurs, l'exploitation doit être appréciée qualitativement et non quantitativement, la juridiction communautaire précisant « qu'il n'est pas possible de déterminer a priori de façon abstraite quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l'usage a, ou non, un caractère sérieux » (CJCE, 27 janvier 2004, La Mer Technology - point 25) ; qu'il résulte, de plus, de ses enseignements que doit être pris en considération l'ensemble des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de la marque en tenant compte des usages considérés comme suffisants dans le secteur économique concerné pour créer ou maintenir des parts de marché au profit des produits couverts par la marque, un usage même minime pouvant être considéré comme suffisant pour établir l'existence du caractère sérieux requis (même décision, point 27) ; qu'en l'espèce, il convient de considérer que la société Parabole Réunion a pour activité de commercialiser un bouquet de chaînes dans diverses îles de l'Océan Indien, comprenant, certes, des îles qui ne font pas partie du territoire français mais aussi l'île de [Localité 1] et [Localité 2] qui en font partie et qu'elle revendique 250.000 téléspectateurs au quotidien pour 90.000 foyers abonnés ; qu'indépendamment de cette activité mais en lien avec celle-ci, elle exploite un service couvert par la marque 'I-Message' revendiquée qui consiste en la diffusion de messages électroniques reçus par les abonnés au travers d'un terminal de réception branché à la télévision et lus sur cet appareil qui permet aux abonnés d'accéder à ces messages (concernant des informations sur les nouveautés, promotions, la disponibilité de chaînes supplémentaires, la notification de retard dans le paiement de l'abonnement)
en actionnant une touche spéciale de leur télécommande et de les garder éventuellement en mémoire dans une boîte de réception ; qu'en regard des éléments pertinents d'appréciation ci-avant rappelés, les données factuelles de l'espèce permettent à la marque 'I-Message' d'échapper à la déchéance en raison d'une insuffisance d'usage sur une partie substantielle du territoire sur lequel la marque est protégée invoquée à tort par la société Apple Inc ;
(…) qu'il appartient, par conséquent, à la société Parabole Réunion de justifier d'un usage sérieux de la marque « I-Message », ce qui suppose qu'il le soit à titre de marque, dans la vie des affaires afin d'identifier ou de promouvoir les produits ou services concernés et qu'il ne le soit pas à titre sporadique ou fictif, ceci pour chacun des produits et services visés à l'enregistrement ; que cette preuve peut être rapportée par tous moyens et, notamment, comme en l'espèce, par des catalogues, des articles de presse ou des attestations ou qu'elle soit utilisée dans la relation avec la clientèle à des fins publicitaires pour accompagner l'offre de service (pièces 7-1 à 7-5, 59, 121), de sorte que les critiques de l'intimée sur certaines des preuves produites en raison de leur nature même, tel le magazine diffusé de décembre 2008 à février 2009 (pièce 125) ne peuvent être accueillies ; (…)
sur le transfert de données : que permettant, en revanche, l'envoi sur l'écran de l'abonné de données relatives au bouquet de chaînes auquel il a souscrit, il convient de considérer, à l'instar du tribunal, que la marque sert à désigner un service de transfert de données dont l'usage réel et sérieux est attesté par les pièces versées aux débats sus-évoquées ; sur le service de communication audiovisuelle : que communiquant uniquement des données au contenu et selon les modalités évoquées précédemment, la société Parabole Réunion peut être considérée comme justifiant de l'usage réel et sérieux de la marque revendiquée en ce qu'elle désigne ce service précis, ainsi qu'en a décidé le tribunal » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « « la notion de « partie substantielle du territoire sur lequel la marque est protégée » est applicable à l'examen d'une demande de déchéance de droits sur une marque communautaire et non d'une marque française car la propriété d'une marque régulièrement déposée en France est absolue sur l'ensemble du territoire et la loi ne pose aucune exigence quant à l'étendue du territoire sur lequel s'effectue l'exploitation du moment que cette exploitation a lieu en France ; (…) qu'il appartient à la société Parabole Réunion de justifier d'une exploitation sérieuse et continue de la dénomination « I-MESSAGE » à titre de marque pour les produits et services susvisés en classes 9 et 38 sur le territoire français à compter du 21 mars 2003, date de la publication de l'enregistrement au BOPI ; que la société Parabole Réunion produit au débat les publicités accompagnées d'attestations (pièces n° 7-1 et 7-2), des dépliants publicitaires (pièce n° 7-3), les brochures de présentation et d'utilisation du service IMEDIA 4.0 (pièces n° 7-4 et 7-5) qui sont datés et établissent qu'elle exploite de façon sérieuse sur le territoire français, depuis la fin de l'année 2004, la dénomination I-MESSAGE pour désigner un service permettant à l'utilisateur de recevoir, de consulter et d'effacer, sur son écran de télévision, des messages personnalisés tels que des programmes exceptionnels à ne pas manquer, événements à [Localité 1] en partenariat avec Parabole Réunion, avantages exclusifs et offres spéciales réservés aux abonnés Parabole Réunion, jeux concours ou jeux sms ; qu'il ne s'agit pas d'un service de messagerie permettant aux utilisateurs de communiquer entre eux, mais d'un service permettant l'envoi sur l'écran de télévision, par la société Parabole Réunion, d'informations ou de données à l'utilisateur ayant souscrit un abonnement à un bouquet de chaînes de télévision et de radio diffusées par l'intermédiaire d'un satellite ; que la société Parabole Réunion justifie ainsi utiliser la dénomination « I-MESSAGE » pour désigner des services de « transfert de données » et de « communication audiovisuelle » (classe 38) » ;

ALORS QUE l'usage d'une marque française ne peut être qualifié de sérieux qu'à la condition de constituer un usage quantitativement suffisant, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché, en France, pour les produits ou services protégé par la marque ;
que le caractère sérieux de l'usage de la marque doit être apprécié en tenant compte de l'ensemble des faits et circonstances pertinents, en particulier des usages considérés comme justifiés, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, de l'étendue territoriale et quantitative de l'usage et de la fréquence de ce dernier ; qu'en se bornant à affirmer, après avoir relevé que la société PARABOLE REUNION, exerçant ses activités dans diverses îles de l'Océan indien, dont La Réunion et [Localité 2], revendiquait « 250.000 téléspectateurs au quotidien pour 90.000 foyers abonnés », et s'être contentée de décrire le mode de fonctionnement du service « I-MESSAGE » de cette société, qu'« en regard des éléments pertinents ci-avant rappelés, les données factuelles de l'espèce permettent à la marque « I-Message » d'échapper à la déchéance », sans justifier concrètement en quoi un tel usage de cette marque sur le territoire français, limité à La Réunion et [Localité 2], pourrait être considéré comme suffisant, dans le secteur économique considéré, pour maintenir ou créer des parts de marché, en France, pour les services litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de la directive (CE) n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

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