19 mai 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/02157

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 19 MAI 2020



(n° / 2020 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02157 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B45BC



Décision déférée à la cour : Jugement du 22 Décembre 2017 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2017032218





APPELANTS



Madame [E] [M]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]





Monsieur [B] [M]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentés par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assistés de Me Alexandre MERVEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454





INTIMÉE



SAS PRINTEMPS HOLDINGS FRANCE, agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 491 379 699

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Michel AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0334





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, la cour, composée de :



Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,



qui en ont délibéré.



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [Y] [R] dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.






***





FAITS ET PROCÉDURE:





La SAS Place des tendances, fondée par M. et Mme [M], a pour activité la vente en ligne de prêt à porter et d'accessoires de mode.



Suivant « protocole d'accord concernant la cession des actions de Place des tendances SAS » conclu le 5 novembre 2013, la SAS Printemps Holdings France (la société Printemps) a acquis la totalité des actions de la société Place des tendances, dont 80 % étaient détenues par la société Télé Shopping et 20 % par M. et Mme [M].



Le prix de cession stipulé au profit de la société Téléshopping, estimé à 11 603 893,14 euros, s'élevait à 80 % d'une somme de 20 millions d'euros à ajuster en fonction de la dette nette définitive et du différentiel de fonds de roulement.



Celui revenant à M. et Mme [M], évalué à 900 973,28 euros, correspondait à 20 % d'une somme de 10 millions d'euros, sous réserve des mêmes ajustements, et comprenait en outre deux compléments de prix :



- le « complément de prix marge brute », plafonné à 8 millions d'euros, dû en cas d'atteinte, par la société Place des tendances, d'un certain niveau de marge brute au titre de l'exercice 2016 (clos le 31 mars 2017) et représentant un pourcentage de cette marge,



- le « complément de prix additionnel », annuel, fixé à un montant minimum de 85 000 euros au titre des exercices 2013 et 2014, exigible pour les exercices 2015 à 2017 en cas d'atteinte, par la société Place des tendances, d'un certain niveau d'Ebitda et correspondant à une fraction de celui-ci.



Soutenant que la société Printemps avait fait obstacle à la perception des compléments de prix auxquels ils avaient droit en s'abstenant de mettre en oeuvre les synergies prévues par un plan d'affaires (le Business plan synergies), M. et Mme [M] ont assigné cette dernière, le 31 mai 2017, pour la voir condamner à payer, à chacun, outre le complément de prix marge brute (1 027 074,38 euros), la somme de 3 652 500 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la minoration des compléments de prix (2 714 500 euros au titre du complément de prix marge brute et 938 000 euros au titre du complément de prix additionnel), ainsi que celle de 3 074 147 euros représentant la perte fiscale subie.



A titre reconventionnel, la société Printemps a sollicité l'allocation de dommages et intérêts (1 million d'euros) pour violation par les défendeurs de leur obligation de confidentialité et atteinte à son image et à sa réputation.



Par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :



- dit l'assignation à bref délai régulière,

- écarté la demande de rejet des débats des conclusions de M. et Mme [M] du 3 octobre 2017 et des pièces jointes,

- déclaré les demandes recevables, à l'exception de celle relative au complément de prix additionnel au titre de l'exercice 2017/2018,

- condamné la société Printemps à payer à M. et Mme [M] la somme de 1 027 074,38 euros chacun majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Printemps à payer à M. et Mme [M] la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société Printemps aux dépens.



Pour rejeter les demandes d'indemnisation au titre des compléments de prix, le tribunal a retenu que les clauses stipulant ces compléments ne constituaient pas des engagements sous condition suspensive, que le Business plan synergies n'avait pas valeur contractuelle et que les demandeurs n'établissaient pas une exécution contractuelle de mauvaise foi, ni aucun manquement de la part de la société Printemps. Il a par ailleurs retenu que la société Printemps ne rapportait pas la preuve des accusations qu'elle portait à l'encontre de M. et Mme [M].



Selon déclaration du 22 janvier 2018, M. et Mme [M] ont relevé appel du jugement en ce qu'il les avait déboutés de leurs demandes indemnitaires au titre des compléments de prix.



Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er juillet 2019, M. et Mme [M] demandent à la cour :



- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Printemps à leur payer à chacun la somme de 1 027 074,38 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 juillet 2017 ainsi que 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes indemnitaires et, statuant à nouveau ;

- à titre principal, de réputer réalisée la condition suspensive d'atteinte des résultats mentionnés dans le Business plan synergies et, en conséquence, de condamner la société Printemps à leur payer, à chacun, la somme de 2 803 000 euros en compensation des préjudices subis au titre des compléments de prix marge brute et additionnels et celle de 1 841 000 euros au titre de la perte fiscale résultant du versement de la somme précédente en dehors de leur PEA ;

- à titre subsidiaire, de condamner la société Printemps à leur payer à chacun les mêmes sommes à raison des manquements de cette dernière aux devoirs de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du protocole de cession ;

- en tout état de cause, de condamner la société Printemps à leur payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.



Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 26 août 2019, la société Printemps demande à la cour :



- de déclarer l'appel irrecevable ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande principale de M. et Mme [M] ;

- de l'infirmer en ce qu'il a déclaré l'action de M. et Mme [M] recevable, rejeté sa demande reconventionnelle et l'a condamnée à payer 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [M] et, subsidiairement, de les rejeter ;

- à titre reconventionnel, de condamner solidairement M. et Mme [M] à lui payer la somme d'1 million de dommages et intérêts pour violation de leur obligation de confidentialité ainsi que pour atteinte à son image et à sa réputation et celle de 40 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.




SUR CE,



- Sur la recevabilité de l'appel



Cette fin de non-recevoir, qui n'est soutenue par aucun moyen, sera rejetée.



- Sur la portée de l'appel



La déclaration d'appel de M. et Mme [M] ne critique pas expressément les dispositions du jugement ayant dit l'assignation à bref délai régulière, écarté la demande de rejet des débats des conclusions de M. et Mme [M] datées du 3 octobre 2017, déclaré irrecevable la demande relative au complément de prix additionnel au titre de l'exercice 2017/2018 (clos le 17 mars 2018), ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Printemps à payer à chacun des consorts [M] la somme de 1 027 074,38 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017.



La société Printemps n'ayant pas, de son côté, relevé appel incident de ces chefs de dispositif, la cour n'en est pas saisie.



Il s'ensuit, notamment, que la cour n'a pas à se prononcer sur la condamnation de la société Printemps à payer à chacun des consorts [M] la somme de 1 027 074,38 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017 et ce, nonobstant la demande de confirmation formulée dans les conclusions de M. et Mme [M], et pas davantage sur l'irrecevabilité de la demande de ces derniers relative au complément de prix additionnel au titre de l'exercice 2017/2018 (clos le 17 mars 2018).



- Sur la recevabilité des demandes d'indemnisation de M. et Mme [M]



Au soutien de la fin de non-recevoir qu'elle soulève, la société Printemps argue que M. et Mme [M] ne se sont pas conformés au processus prévu par le protocole, qui imposait une notification du désaccord suivie d'une discussion amiable et, enfin, en cas de divergence persistante, le recours à un tiers expert.



M. et Mme [M] répliquent que leur contestation, non liée au calcul arithmétique des compléments de prix, n'était pas soumise à ce processus.



Le protocole prévoit que le complément de prix marge brute s'élève à un pourcentage de la marge brute réalisée au titre de l'exercice 2016 variant en fonction du degré d'atteinte de l'objectif de marge brute (article 3.2 et annexe 3.2.2), dont le montant devait être arrêté conformément au processus suivant (articles 3.2.1 et 3.2.2, annexe 3.2.1) :



- notification par l'acquéreur, au plus tard le 31 juillet 2017, de l'attestation du commissaire aux comptes relative à la marge brute 2016 accompagnée du détail des calculs ayant permis la détermination du montant de cette marge,

- fixation de la marge brute à ce montant sauf notification, par le cédant, de son éventuel désaccord dans les 60 jours de la réception de la notification de l'acquéreur,

- en cas de notification de désaccord, recherche d'un accord entre les parties sur les éléments contestés dans le délai 30 jours à compter de la réception de la notification de désaccord ;

- en cas de persistance de points de désaccord, soumission de ceux-ci à un tiers expert ayant la qualité d'expert-comptable agissant comme arbitre conformément à l'article 1592 du code civil et qui déterminera le montant de la marge brute 2016 et celui du complément de prix en résultant.



Le complément de prix additionnel était quant à lui déterminé en fonction de l'Ebitda réalisé par la société au titre de chacun des exercices 2013 à 2017, selon un barème progressif et arrêté à l'issue de chacun des exercices concernés selon un processus similaire au précédent (notification du montant par l'acquéreur, éventuelle notification de son désaccord par le cédant, recherche d'un accord et, en cas de persistance de points de désaccord, recours à un tiers expert) (article 3.3 et annexe 3.3.2).



Les mécanismes qui viennent d'être décrits servent uniquement à arrêter les éléments de calcul des compléments de prix.



Or, la contestation de M. et Mme [M] ne porte pas sur le calcul des compléments de prix marge brute et additionnel mais sur l'imputabilité, à la société Printemps, des résultats décevants de la société Place des tendances en termes de d'Ebitda, pour les exercices 2013 à 2016, et de marge brute, pour l'exercice 2016.



Il en résulte que les stipulations invoquées par la société Printemps ne sont pas applicables en l'espèce.



Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes d'indemnisation de M. et Mme [M] relatives au complément de prix marge brute et au complément de prix additionnel afférent aux exercices 2013 à 2016.



- Sur le bien fondé des demandes d'indemnisation de M. et Mme [M]



M. et Mme [M] soutiennent que le Business plan synergies (BPS) avait une valeur contractuelle et arguent qu'en ne mettant pas en oeuvre les synergies prévues par ce plan, la société Printemps a empêché l'accomplissement de la condition suspensive qui assortissait son obligation de versement des compléments de prix. Ils en déduisent que cette condition doit être réputée réalisée en application de l'article 1178 ancien du code civil. A titre subsidiaire, ils considèrent que cette abstention de mise en oeuvre du BPS caractérise une inexécution, par la société Printemps, de ses « obligations implicites » de garantir les chances des cédants de percevoir les compléments de prix méritant réparation sur le fondement de l'article 1147 ancien du même code.



La société Printemps réplique que le BPS, qu'elle qualifie d'hypothèse de travail provisoire ensuite abandonnée, n'est pas entré dans le champ contractuel, que l'obligation de versement des compléments de prix n'était pas conditionnelle, et ne pouvait l'être, le prix étant un élément essentiel du contrat, et qu'en tout état de cause, elle a consacré les moyens nécessaires au développement de la société Place des tendances.



- Sur la valeur contractuelle du BPS



Il est certes exact, ainsi que le soulignent M. et Mme [M], que les offres successives de la société Printemps font référence, pour le calcul des compléments de prix, aux objectifs définis par le BPS. Ainsi, la dernière, datée du 6 septembre 2013, qui a été acceptée et à laquelle le BPS était annexé, prévoit des compléments de prix « sous réserve d'atteinte de la Marge Brute et de l'Ebitda (à comparer avec la Marge Brute et l'Ebitda prévus dans le Business Plan Synergies joint en Annexe B) ».



Toutefois, le protocole du 5 novembre 2013 indique, en son article 18.3, que « [celui-ci] et les actes qui y sont visés constituent l'intégralité des engagements conclus entre les parties [...] et remplacent toutes les négociations, discussions, correspondances, accords et engagements antérieurs entre les parties relatifs à l'objet dudit protocole », stipulations précises dont M. et Mme [M] sont mal fondés à prétendre qu'elles s'analysent en une clause de style dépourvue de portée.



Or, le protocole ne fait pas référence au BPS et le fait qu'il mentionne un objectif de marge brute identique à celui de l'offre du 6 septembre 2013 (5 912 750 euros) et précise, en son article 3.2.4, que ce chiffre a été « déterminé d'un commun accord » ne suffit pas à retenir, contrairement aux allégations de M. et Mme [M], que le BPS s'y trouve « visé ».



C'est par ailleurs vainement, en présence d'une clause claire et précise qui circonscrit les documents ayant force obligatoire entre les parties sans y intégrer le BPS, que M. et Mme [M] invoquent l'économie générale « des accords » entre les parties résultant de la coïncidence entre les objectifs retenus dans le protocole et ceux, déterminés par référence au BPS, mentionnés dans l'offre du 6 septembre 2013.



Enfin, il n'est pas établi que l'exclusion du BPS du champ contractuel soit contraire à la commune intention des parties.



Il en résulte que le BPS est dépourvu de valeur contractuelle.



- Sur l'acquisition de la condition suspensive assortissant l'obligation de paiement des compléments de prix



Le complément de prix marge brute est prévu à l'article 3.2 du protocole. Il y est stipulé que M. et Mme [M] auront droit, le cas échéant, au paiement d'une somme à titre de complément de prix qui, dans la limite d'un plafond de 8 millions d'euros, sera égale à un pourcentage de la marge brute réalisée par la société Place des tendances au titre de l'exercice 2016 (clos le 31 mars 2017) dont le taux est précisé à l'annexe 3.2.2. Les taux prévus par cette annexe se situent dans une fourchette allant de 0 % (marge brute inférieure à 5 912 000 euros) à 29,936 % (marge brute supérieure à 24 833 000 euros).



L'article 3.3 du protocole stipule que M. et Mme [M] auront droit, le cas échéant, à un complément de prix additionnel payé chaque année, de 2014 à 2018, égal à un pourcentage de l'Ebitda réalisé par la société Place des tendances au titre de chacun des exercices correspondants (2013 à 2017), d'un montant minimum de 85 000 euros au titre des exercices 2013 et 2014, et dont le taux est précisé à l'annexe 3.3.3. Cette annexe mentionne les taux progressifs applicables par tranche d'Ebitda, allant de 0 % pour la tranche inférieure à 1 000 000 euros à 10 % pour les cinq tranches les plus élevées.



Ainsi, tant l'exigibilité des compléments de prix (sous réserve du complément de prix additionnel des exercices 2013 et 2014) que leur montant sont subordonnés à un événement futur et incertain tenant à la réalisation d'un certain niveau de performance par la société Place des tendances en termes, selon le cas, de marge brute (au titre de l'exercice 2016) ou d'Ebitda (au titre des exercices 2013 à 2017).



L'obligation de paiement des compléments de prix a donc bien, comme le soutiennent M. et Mme [M], été contractée sous une condition suspensive d'atteinte d'un certain niveau de marge brute et/ou d'Ebitda.



La circonstance que l'obligation en cause porte sur le prix aurait pu conduire à s'interroger sur le caractère déterminé ou déterminable de ce prix (point non discuté par les parties) mais ne retire pas à celle-ci son caractère conditionnel.



L'article 1178 ancien du code civil, aux termes duquel « la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement » doit donc recevoir application.



Il convient de relever que, selon les paragraphes de leurs conclusions, M. et Mme [M] définissent la condition suspensive en cause comme « la réalisation [...] d'un objectif minimal de marge brute et/ou d'Ebitda par la société Place des tendances » (p. 28, p. 41), « l'atteinte des objectifs du BPS » (p. 41) ou encore « l'atteinte des résultats visés au BPS » (p. 42 et dispositif).



En tout état de cause, ils invoquent exclusivement, pour soutenir que la société Printemps a empêché l'accomplissement de cette condition, des défaillances dans la mise en oeuvre des actions prévues par le BPS, document qui, à défaut d'avoir été inclus dans le champ contractuel, constitue un référentiel inopérant.



Ils échouent donc à démontrer que la société Printemps a empêché la réalisation de la condition laquelle, dès lors, ne peut être réputée accomplie.



- Sur le manquement de la société Printemps à son obligation de garantir les chances des cédants de percevoir les compléments de prix



La société Printemps n'a souscrit aucune obligation, expresse ou implicite, de garantir les chances des cédants de percevoir les compléments de prix mais serait tenue à réparation si elle avait, par sa faute, fait perdre une chance à M. et Mme [M] de percevoir les compléments de prix.



Pour caractériser la faute de la société Printemps, M. et Mme [M] invoquent uniquement, cette fois encore, l'absence de mise en oeuvre des synergies prévues par le BPS (V. par ex., conclusions des appelants p. 29, « la responsabilité du Printemps [...] sera appréciée au regard de la mise en oeuvre ou non des synergies prévues par le BPS [...]. Or cette mise en oeuvre n'a pas eu lieu. »).



Le BPS n'ayant, comme il a été dit, aucune force obligatoire à l'égard de la société Printemps, son inexécution éventuelle ne peut constituer une faute contractuelle.



Dès lors, aucun manquement de la société Printemps à ses obligations contractuelles n'est établi.



Il résulte des éléments qui précèdent qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de M. et Mme [M].



- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Printemps



Pour demander à se voir allouer 40 000 euros de dommages et intérêts, la société Printemps soutient que M. et Mme [M] ont violé la clause de confidentialité du protocole en communiquant des informations au Canard enchaîné et au Nouvel observateur durant l'été 2017, puis au site Fashionnetwork en juin 2018, avec l'intention de porter atteinte à son image et à sa réputation.



M. et Mme [M] contestent être les auteurs de cette communication et relèvent, à cet égard, que les « procédures judiciaires » sont publiques, que les articles litigieux comportent des erreurs sur le prix de cession et que celui paru sur le site Fashionnetwork est postérieur de trois mois à la cessation de leurs fonctions au sein de la société Place des tendances.



L'article 14 du protocole stipule que « Les parties s'engagent à conserver au présent contrat et aux opérations qui y sont prévues un caractère confidentiel et à n'en faire état que dans la mesure nécessaire pour en assurer la bonne exécution ».



Sont versés aux débats :



- un article du Canard enchaîné, non daté, dont la société Printemps prétend qu'il serait paru « durant l'été 2017 », intitulé « Printemps pourri pour le Qatar », qui mentionne que M. et Mme [M] réclament 11,9 millions d'euros à Printemps Holdings France, que quatre ans après l'entrée de Téléshopping au capital de la société Place des tendances, le Printemps a racheté cette société pour un prix de 30 millions d'euros dont les deux tiers ont été versés à TF1, détentrice de 80 % du capital, et le surplus à M. et Mme [M] avec la promesse d'un bonus proportionnel à la marge réalisée mais que, comme l'affirme l'assignation consultée par le journal, cette promesse a été rapidement oubliée ;



- un article paru sur le site du Nouvel observateur, mis en ligne le 31 juillet 2017, intitulé « Les créateurs d'un site marchand réclament 11,9 millions au Printemps » et sous-titré « Les deux fondateurs de Place des Tendances estiment que le grand magasin n'a pas respecté ses engagements contractuels pris lors du rachat de leur site marchand » qui est ainsi rédigé :



« Le Printemps va-t-il devoir faire un petit détour par le rayon justice ' Les deux fondateurs du site marchand Place des Tendances viennent d'assigner devant le tribunal de commerce de Paris le Printemps Holdings France, la structure chapeautant les célèbres magasins.



Révélée par le "Canard enchaîné", l'information nous a été confirmée par des sources proches du dossier. Les deux fondateurs réclament la coquette somme de 11,9 millions à la holding en réparation du non-respect des engagements contractuels pris lors de la cession de leur site au grand magasin survenue en 2013.



[...] Au terme du processus de cession, Place des Tendances, un des leaders dans la vente en ligne de vêtements en France, avait été revendu au groupe Printemps pour 30 millions d'euros. Actionnaire à 80 % du site marchand, Téléshopping, une filiale de TF1, avait alors empoché 20 millions d'euros pour le rachat de ses parts.



De leurs côtés, les deux fondateurs, amenés à rester aux commandes du site, devaient, en plus d'un premier chèque de 10 millions d'euros, toucher un complément de prix quatre ans plus tard. Plafonné à 8 millions d'euros, ce dernier était conditionné à la réalisation d'objectifs de marge brute au terme de l'exercice clos en mars 2017.



Un plan en trois étapes baptisé "Business Synergies Plan" avait été planifié. Il visait notamment à fusionner Place des tendances et printemps.com, à distribuer sur la nouvelle entité créée les marques disponibles dans le grand magasin et à exploiter la base de données clients du Printemps, riche de près de 1,2 million de noms. A l'époque, le grand magasin ne disposait pas encore de site marchand.



En mars 2017, les objectifs de marge n'ont pas été atteints. De la seule faute du Printemps, selon les deux créateurs de Place des tendances. Aucun des engagements pris par la holding n'aurait été tenu. Celle-ci n'a jamais mis son fichier client à disposition ni même transformer son site internet en site marchand.



Les deux plaignants soupçonnent la holding d'avoir sciemment empêcher la croissance du site afin de ne pas avoir à payer le complément de prix. Dans leur assignation, ces derniers affirment qu'une fois la date de complément de prix passée, les dirigeants du Printemps auraient annoncé lors de réunions internes leur intention de mettre brusquement en 'uvre les moyens de développement de leur site internet avec l'objectif de faire passer le chiffre d'affaires de 40 à 200 millions d'ici dix ans. "Nous avons totalement respecté les engagements pris au moment de l'acquisition", assure-t-on du côté de la direction du Printemps. » ;



- un article paru sur le site fashionnetwork le 15 juin 2018, intitulé « Place des tendances : les fondateurs quittent le navire », qui indique que, selon une information confirmée par le portail, M. et Mme [M] quittent leurs fonctions au sein de Place des tendances et précise que ce départ intervient dans le contexte d'un contentieux judiciaire entre les parties révélé par le Canard Enchaîné à l'été 2017. L'article décrit ensuite la genèse et les grandes lignes de ce litige en faisant mention du rachat par Printemps de Place des tendances en 2013 pour 30 millions d'euros puis d'une détérioration des relations ayant conduit M. et Mme [M] à réclamer une somme de 11,9 millions d'euros au Printemps, auquel il est reproché d'avoir sciemment freiné la convergence des activités afin de ne pas avoir à verser le complément de prix, plafonné à 8 millions d'euros, qui devait être payé au bout de quatre ans et était conditionné à la réalisation du « Business Synergies Plan ».



Les deux premiers articles divulguent des informations couvertes par la clause de confidentialité de l'accord (notamment le prix de cession, sa répartition entre les cédants, l'existence et les modalités d'attribution du complément de prix) sans toutefois préciser l'identité de leur source, sous réserve de l'indication, particulièrement vague, donnée par le second article selon laquelle l'information révélée par le Canard enchaîné a été confirmée par des « sources proches du dossier ».



Par ailleurs, s'il ressort de ces articles que leur auteur a eu accès à l'assignation introductive d'instance, il n'est pas démontré que celle-ci ait été communiquée avant sa délivrance, ce qui élargit le cercle des sources de transmission possibles.



Le troisième article annonce le départ de M. et Mme [M] et précise que cette information a été confirmée par la société Place des tendances, dont ces derniers ne faisaient plus partie à l'époque. Les autres informations dont il fait état figuraient déjà dans les articles du Canard enchaîné et/ou du Nouvel observateur, étant relevé, à cet égard, que le terme « Business Synergies Plan » qu'il emploie ne correspond ni à l'intitulé réel de ce document (« Joint Development Plan »), ni à l'appellation retenue dans l'assignation (« Business Plan Synergies ») mais est identique à celui utilisé dans l'article du Nouvel observateur. Il est donc loin d'être exclu que les informations données sur le contenu du protocole par ce troisième article aient été puisées dans les articles du Canard enchaîné et du Nouvel observateur.



Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que la divulgation d'informations dénoncée par la société Printemps soit imputable à M. et Mme [M].



Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Printemps.



- Sur les dépens et frais irrépétibles



C'est sans encourir la critique que le tribunal, après avoir condamné la société Printemps à payer le complément de prix marge brute 2016, a décidé que cette dernière serait tenue aux dépens et l'a condamnée à payer à M. et Mme [M] la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.



En revanche, M. et Mme [M] succombant en leur appel, ils seront condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Printemps la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière dans le cadre de la présente instance.





PAR CES MOTIFS,



Déclare l'appel recevable,



Constate que l'appel ne porte pas sur les chefs de dispositif ayant dit l'assignation à bref délai régulière, écarté la demande de rejet des débats des conclusions de M. et Mme [M] du 3 octobre 2017, déclaré irrecevable la demande relative au complément de prix additionnel au titre de l'exercice 2017/2018, ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Printemps à payer à chacun des consorts [M] la somme de 1 027 074,38 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2017,



Statuant dans les limites de l'appel,



Confirme le jugement,



Condamne M. et Mme [M] à payer à la société Printemps Holdings France

la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. et Mme [M] aux dépens d'appel.











La greffière,





Liselotte FENOUIL



la Présidente,





Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.