1 juin 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-22.265

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01076

Texte de la décision

SOC.

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2016




Cassation


M. FROUIN, président



Arrêt n° 1076 FS-D

Pourvoi n° R 14-22.265







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Domaines de Champagne, société civile d'exploitation viticole SCEV, dont le siège est [...] ,

2°/ M. R... P..., domicilié [...] , agissant en qualité d'administrateur de la société SCEV Domaines de Champagne,

contre l'arrêt rendu le 4 juin 2014 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant à Mme V... L..., épouse U..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 mai 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Chauvet, Maron, Déglise, Mmes Reygner, Farthouat-Danon, M. Betoulle, Mmes Slove, Basset, conseillers, Mmes Mariette, Sabotier, Salomon, Depelley, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Domaines de Champagne et de M. P..., de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme U..., l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme U... a été engagée le 31 août 1987 par la société Domaines de Champagne en qualité de secrétaire de direction pour occuper en dernier lieu les fonctions d'assistante de direction chargée des relations publiques et de la communication ; que le 23 mars 2011, la société a adressé à sa filiale une liste de postes dont elle envisageait la suppression dont des postes de secrétariat ; que la filiale a répondu qu'elle disposait d'un poste de secrétaire commercial export chargé de la régie et des douanes et qu'elle se proposait de reprendre le contrat de travail d'une autre salariée concernée par le projet de licenciement et qui occupait ces mêmes fonctions ; que Mme U... a été licenciée pour motif économique par lettre du 5 mai 2011 et a demandé à bénéficier de la priorité de réembauche ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre d'un manquement à l'obligation de reclassement et de la violation de la priorité de réembauche ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le poste de secrétaire commercial export chargé de la régie et des douanes disponible au sein d'une filiale étant compatible avec les compétences professionnelles de la salariée, l'employeur se devait de lui proposer ce poste à charge pour elle de se porter candidate et à la filiale de procéder au recrutement final ;


Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur qui a transmis aux autres sociétés composant le groupe auquel il appartient la liste des postes dont la suppression est envisagée, ne peut être tenu pour responsable du choix opéré par une filiale de recruter directement un autre salarié également concerné par le projet de licenciement économique collectif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 1233-45 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société Domaines de Champagne à payer une somme au titre du non respect de la priorité de réembauche, l'arrêt retient qu'il est établi que la société Champagne Leclerc Briant a procédé postérieurement au licenciement de la salariée par la société Domaines de Champagne au recrutement de l'une de ses collègues dont le poste similaire au sien avait également été supprimé et que c'est à tort que l'employeur se prévaut du fait de ne pas en avoir été informé en raison du rachat de cette société et de son changement de gérance et d'actionnariat dès lors que la priorité de réembauche s'exerçant à l'égard de l'entreprise, subsiste après le licenciement même en cas de modification de la situation juridique de l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à la priorité de réembauche ne peut s'exercer qu'à l'égard de l'entreprise qui a licencié le salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;




Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Domaines de Champagne et M. P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Domaines de Champagne à verser à Mme U... diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, outre les frais irrépétibles, et d'AVOIR condamné la société Domaines de Champagne en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement à celui de la décision dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE l'appelante fait pertinemment grief aux premiers juges de ne pas avoir recherché si l'employeur avait satisfait à l'obligation de recherche de reclassement lui incombant ; qu'il ressort des débats et des pièces du dossier qu'au moment du licenciement de Mme U..., la société Domaines de Champagne et la société Champagne Leclerc Briant formaient un groupe ; que la salariée justifie – sans être contredite – qu'elle travaillait pour les deux sociétés ; qu'il s'ensuit qu'il incombait à l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement de sa salariée dont il envisageait le licenciement au sein du groupe ainsi constitué ; qu'à la suite de la procédure de licenciement économique et du plan social concernant une partie du personnel, la SCEAV Domaines de Champagne a adressé à la société Champagne Leclerc Briant une lettre en date du 23 mars 2011 pour l'informer du projet de suppression de plusieurs postes de travail en son sein, dont celui occupé par Mme U..., alors secrétaire de direction chargée des relations publiques et de la communication ; qu'en réponse la société Champagne Leclerc Briant se proposait de reprendre le contrat de travail de la secrétaire commerciale export chargée de la régie et des douanes, occupé par Mme D... qui bénéficiait à ce titre d'un transfert de contrat avec reprise d'ancienneté ; que l'employeur indique que compte tenu de la formation de Mme U..., de son expérience et de ses compétences exclusivement orientées vers les relations publiques et la communication sans lien hiérarchique avec la gestion de la régie des douanes ou des services commerciaux France et export, elle n'était pas tenue de la reclasser dans cet emploi ; qu'elle ajoute que l'appelante n'avait pas le même coefficient que celui de Mme D..., dès lors qu'elle s'était vu reconnaître une classification 200 à la différence de sa collègue qui avait un coefficient 400, omettant toutefois de retenir que l'appelante était cadre ; que toutefois


la catégorie professionnelle concerne l'ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que Mme U... était classée comme ses collègues Mme D... et Mme M... dans la catégorie professionnelle «bureaux» ; que le poste proposé par la société Champagne Leclerc Briant relevait dès lors de la même catégorie professionnelle en qualité de responsable de bureau et de ses compétences qui pouvaient lui permettre de remplir les fonctions, la société Domaines de Champagne était tenue de proposer tant à Mme U... qu'à ses deux autres collègues ce poste à charge pour elles de se porter candidate et à la filiale de procéder au recrutement final ; qu'en ne procédant pas à la diffusion de ce poste à l'ensemble des salariés classés dans la catégorie bureaux dont le poste était supprimé, l'employeur ne justifie pas de l'exécution loyale de son obligation de reclassement envers l'appelante, ce dont il s'évince que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse ; que le constat qui précède rend inutile l'examen de moyens tirés de la violation de l'ordre des licenciements ; que l'ensemble de cette analyse commande d'infirmer le jugement ;

1°) ALORS QUE l'employeur qui, dans le cadre de sa recherche de reclassement, a informé les autres sociétés du groupe des postes dont elle envisageait la suppression, ne peut être tenue responsable de la sélection opérée par une autre société du groupe entre les salariés dont le poste est supprimé pour pourvoir un poste disponible en son sein ; que dès lors que l'entité du groupe dûment informée par l'employeur des postes supprimés et des profils des salariés concernés, décide de recruter l'un d'entre eux, le poste ainsi pourvu en son sein n'est plus disponible et ne peut donc plus être proposé aux autres salariés à reclasser, sans que cela n'induise une méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant que la société Domaines de Champagne avait manqué à son obligation de rechercher loyalement le reclassement pour ne pas avoir proposé à Mme U..., qui était assistante de direction chargée des relations publiques et de la communication, le poste de secrétaire commerciale export chargée de la régie et des douanes au sein de la société Champagne Leclerc Briant, quand elle avait pourtant constaté que la société Domaines de Champagne avait adressé à sa filiale la liste des postes de travail supprimés en son sein dont celui de Mme U..., mais que la société Champagne Leclerc Briant avait décidé de reprendre pour occuper un poste disponible en son sein de secrétaire export chargée de la régie et des douanes une autre salariée dont le poste était aussi supprimé et qui occupait exactement cette fonction au sein de la société Domaines de Champagne, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;



2°) ALORS QU'appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l'entreprise des activités de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'en affirmant péremptoirement que Mme U... qui occupait les fonctions de secrétaire de direction chargée des relations publiques et de la communication appartenait à la même catégorie professionnelle « bureaux » que Mme D..., qui était secrétaire commerciale export chargée de la régie et des douanes, ou que Mme M... qui était secrétaire commerciale, quand le fait que les trois salariées travaillent dans des bureaux ne permettait pas d'en conclure que leurs emplois étaient de même nature, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et insuffisants, et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Domaines de Champagne à verser à Mme U... une somme à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage

AUX MOTIFS QU'il est établi que la société Champagne Leclerc Briant a procédé postérieurement au licenciement de Mme U..., qui avait toutefois formulé le souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage, au recrutement d'une de ses collègues dont le poste similaire au sien avait été également supprimé ; que c'est à tort que l'employeur indique ne pas avoir été au courant de ce recrutement réalisé par la société dès lors qu'elle avait été rachetée et comptait un nouveau gérant et des nouveaux actionnaires alors que la priorité de réembauchage, s'exerçant à l'égard de l'entreprise, subsiste après le licenciement même en cas de modification dans la situation juridique de l'entreprise et aurait dû conduire celle-là à proposer également à l'appelante le poste, en tout état de cause compatible avec sa qualification ; que le préjudice de Mme U... sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 6700 euros ;

1°) ALORS QUE le droit à la priorité de réembauche ne s'exerce qu'à l'égard de l'entreprise qui a licencié le salarié et ne s'étend pas aux autres sociétés du même groupe ; qu'en relevant, pour condamner la société Domaines de Champagne à verser à la salariée une indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche, que l'employeur n'avait pas proposé à la salariée postérieurement à son licenciement un poste qui s'était libéré au sein de la société Champagne Leclerc Briant, quand le périmètre de la priorité de réembauche ne s'étendait pas au groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail ;



2°) ALORS en tout état de cause QUE pour condamner la société Domaines de Champagne à verser à la salariée une indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche, la cour d'appel a relevé que l'employeur n'avait pas proposé à la salariée le poste qui s'était libéré en avril 2012 dans la société Champagne Leclerc Briant, peu important que cette dernière ait été rachetée et ait eu un nouveau gérant et de nouveaux actionnaires ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le faisait valoir l'employeur, en ayant ainsi été rachetée, la société Champagne Leclerc Briant n'était pas en même temps sortie du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-45 du code du travail.

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