8 juin 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-17.555

Chambre sociale - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01042

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Rupture conventionnelle - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Existence d'une convention tripartite organisant la poursuite du contrat de travail

Les dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture du contrat, mais sa poursuite

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juin 2016




Cassation partielle


M. FROUIN, président



Arrêt n° 1042 FP-P+B+R+I

Pourvoi n° S 15-17.555







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société SGI ingenierie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

contre l'arrêt rendu le 5 mars 2015 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [S] [M], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 avril 2016, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Ducloz, conseiller référendaire rapporteur, M. Chollet, conseiller doyen, MM. Huglo, Ludet, Mallard, Mmes Goasguen, Vallée, M. Chauvet, conseillers, M. Flores, Mmes Wurtz, Sabotier, conseillers référendaires, M. Richard de la Tour, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société SGI ingenierie, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [M], l'avis de M. Richard de la Tour, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [M] a été engagée en qualité de responsable administratif selon contrat à durée indéterminée du 24 novembre 2008 par la société SGI ingénierie, filiale de la société SGI Consulting SA ; que, par une convention signée le 16 mai 2012 par la salariée, la société SGI ingénierie et la société SGI Consulting International, également filiale de la société SGI Consulting SA, il a été, d'une part, mis fin au contrat de travail liant l'intéressée à la société SGI Ingénierie, d'autre part conclu un contrat de travail avec la société SGI Consulting International stipulant notamment une reprise d'ancienneté de la salariée, l'absence de période d'essai et une classification supérieure ; que Mme [M], licenciée par cette dernière société le 30 juillet 2012, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail conclu entre la salariée et la société SGI Ingénierie s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté qu'une convention avait été signée entre l'intéressée et les sociétés SGI Ingénierie et SGI Consulting International, filiales de la société SGI Consulting SA, aux termes de laquelle il était stipulé d'une part la résiliation amiable du contrat de travail la liant à la société SGI Ingénierie, d'autre part la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec la société SGI Consulting International, retient que sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par celles régissant la rupture conventionnelle, que l'article 1134 du code civil ne peut trouver application, les règles spéciales édictées par le code du travail dérogeant à celles générales du code civil, et qu'en l'espèce, ces modalités de rupture n'ont pas été respectées, l'avis de l'administration n'ayant pas été sollicité et aucun délai de rétractation n'ayant été stipulé en faveur de la salariée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail liant Mme [M] à la société SGI Ingénierie s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 5 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société SGI ingenierie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes formées par Madame [M] à l'encontre de la société SGI INGENIERIE soulevée par la société SGI INGENIERIE

AUX MOTIFS QUE la société SGI INTERNATIONAL soulève une exception s'analysant en une fin de non recevoir, relative à l'irrecevabilité de la demande formée par Mme [M]. Elle peut ainsi être soulevée à tout moment de l'instance. La société SGI INTERNATIONAL expose qu'une de parties signataires, la société SGI INTERNATIONAL n'a pas été attraite à la présente procédure. Il convient de noter toutefois que l'acte litigieux comporte deux volets : la résiliation amiable du contrat de travail liant Mme [M] à la société SGI INGENIERIE et la conclusion d'un nouveau contrat de travail entre celle-là et la société SGI INTERNATIONAL ; Mme [M] ne conclut pas à l'irrégularité du nouveau contrat de travail, mais seulement à celle de la rupture du contrat passé avec la société SGI INGENIERIE. Il en résulte que la société SGI INTERNATIONAL n'est pas concernée par ce litige, n'étant pas partie à ce contrat. ? En conséquence, elle n'avait pas à être partie à l'instance. La demande formée par la salariée est donc ainsi recevable ;

ALORS QUE peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité et que ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que la mise en cause de la SGI INTERNATIONAL s'imposait en cause d'appel en raison de l'évolution du litige consécutif à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014, qu'ainsi elle a violé les articles 331, 554 et 555 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail liant Mme [M] à la société SGI INGENIERIE s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et D AVOIR condamné ladite société à payer à Mme [M] les sommes de 472,37 euros à titre de rappel de salaire outre 47,23 euros de congés payés afférents, 13.597,98 euros outre 1 359,79 euros de congés afférents (ces sommes étant brutes), au titre de l'indemnité de préavis, 5 392,35 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 31 980,35 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile exposés par Madame [M] en première instance et en cause d'appel ;dit que les sommes versées par la société SGI INGENIERIE viendront en déduction des sommes allouées à la salariée et ordonne la délivrance des bulletins de paie, attestation pôle emploi et certificat de travail rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et D'AVOIR ordonné à la société exposante de rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage versées à Madame [M] à la suite de son licenciement dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE concernant la rupture du contrat de travail, l'article L 1231-1 du code du travail stipule que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, mais dans les conditions prévues par la loi. Or, selon les dispositions de l'article L 1237-11 du même code, la rupture d'un commun accord qualifiée de « rupture conventionnelle » résulte d'une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture, destinées à garantie la liberté de consentement des parties. En conséquence, hors dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par celles régissant la rupture conventionnelle. L'article 1134 du code civil ne peut recevoir application, les règles spéciales édictées par le code du travail dérogeant à celles générales du code civil. En l'espèce, ces modalités de rupture n'ont pas été respectées, l'avis de l'administration n'ayant notamment pas été sollicité, et aucun délai de rétractation n'ayant été stipulé en faveur de la salariée. La rupture intervenue doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?. En effet, la rupture est consommée, elle s'analyse en un licenciement parce qu'elle est pour partie à l'initiative de l'employeur et qu'elle ne peut être qualifiée de démission. Le licenciement n'ayant été ni formalisé ni motivé, est quant à lui, sans cause réelle et sérieuse. La décision entreprise sera réformée sur ce point ;

ALORS QUE la convention de transfert de salarié d'une entreprise à l'autre au sein d'un même groupe échappe aux dispositions légales régissant la rupture conventionnelle homologuée ; qu'en jugeant que le transfert de Madame [M] de la SGI INGENIERIE à la SGI INTERNATIONAL s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse faute d'avoir respecté le formalisme de l'article L 1237-1 du code du travail, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L 1231-1 et L 1237-1 du code du travail.

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