25 mai 2020
Cour d'appel de Pau
RG n° 18/01026

Chambre sociale

Texte de la décision

MHD/KMP



Numéro 20/1328





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/05/2020









Dossier : N° RG 18/01026 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G3SF





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Société VENTANA NARCASTET



C/



[O] [E]















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 12 Février 2020, devant :







Madame DEL ARCO SALCEDO, Président



Madame DIXIMIER, Conseiller



Monsieur LAJOURNADE, Conseiller



assistés de Madame LAUBIE, Greffière.



Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

























dans l'affaire opposant :









APPELANTE :



Société VENTANA NARCASTET SAS Représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Représentée par Maître BOURDEAU de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PAU, et de Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU









INTIMÉ :



Monsieur [O] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU, et par Maître LIGNEY de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

















sur appel de la décision

en date du 20 FEVRIER 2018

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F17/00100














































EXPOSÉ DU LITIGE



Par contrat de travail en date du 4 mars 2003, soumis à la convention collective de la Métallurgie des Pyrénées Atlantiques et du Seignanx, modifiée, Monsieur [E] a été embauché par la SAS Ventana Narcastet, en qualité de contrôleur métrologiste, niveau 3, échelon 3, coefficient 215.



Le 04 janvier 2017, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 16 janvier 2017 en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire.



Le 01 février 2017, il a été de nouveau convoqué à un entretien préalable fixé le 14 février 2017 en vue d'un éventuel licenciement.



Le 24 février 2017, il a été licencié pour faute grave caractérisée par le fait de n'avoir réalisé ni des analyses approfondies ni'des contre mesures destinées à valider ses résultats et d'avoir intentionnellement modifié le programme de contrôle utilisé sur la machine à mesure tridimensionnelle pour que les 18 pièces d'un ordre de fabrication puissent être déclarées conformes lors du contrôle du 31 octobre 2016 alors qu'elles ne l'étaient pas.



Par requête du 12 avril 2017, Monsieur [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau d'une action dirigée à l'encontre de son employeur aux fins de contester son licenciement, d'obtenir des indemnités subséquentes, des dommages et intérêts pour non respect par l'employeur de son obligation de formation, le prononcé des intérêts légaux, outre une indemnité de procédure.



Par jugement du 20 février 2018, le conseil des prud'hommes a:



- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA Ventana Narcastet à verser à Monsieur [E] les sommes de:

- 15 000€ à titre de dommages intérêts pour préjudice subi,

- 1 829, 01€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3 658, 02€ à titre d'indemnités de congés payés,

- 36 508€ au titre des congés payés sur préavis,

- 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [E] de sa demande de 8000€ au titre de la violation de l'obligation de formation,

- condamné la SAVentana Narcastet au remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite d'un mois,

- condamné la SAVentana Narcastet aux dépens.





Par déclaration au greffe le 29 mars 2018, le conseil de l'employeur a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées par les parties.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 décembre 2019.



***



Par dernières conclusions du 11 septembre 2018 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la SAS Ventana Narcastet demande à la cour de:



-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

- débouté Monsieur [E] de ses demandes formées sur le fondement de l'article L.1332-2 alinéa 4 du Code du Travail;

- débouté Monsieur [E] de ses demandes formées au titre de son manquement prétendu à son obligation de formation;

-l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau:

-juger que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

-débouter par voie de conséquence Monsieur [E] de ses demandes formées sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du Travail;

-juger que le licenciement de Monsieur [E] est fondé sur une faute grave

-débouter par voie de conséquence Monsieur [E] de ses demandes formées à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

-juger n'y avoir lieu à application de l'article L 1235-4 du code du travail;

-condamner Monsieur [E] à lui verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamner Monsieur [E] aux entiers dépens;

-autoriser Maître François Piault, Avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens de première instance et d'appel conformément aux dispositions de l'Article 699 du code de procédure civile.



Par dernières conclusions du 20 décembre 2019 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Monsieur [E] demande à la cour de:



-confirmer le jugement:

- en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en ce qu'il lui a alloué:

- 1829.01 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 35 de l'avenant du 18 juillet 2011 à la convention collective;

- 3658.02 € à titre de d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L.3141-22 du Code du travail;

- 365.8 € au titre des congés payés sur préavis;

- 1 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

-l'infirmer pour le surplus;

- statuant à nouveau;

- condamner l'appelante à payer:

- 35 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige;

- 8 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation professionnelle continue tout au long de la vie professionnelle sur le fondement de l'article L.6321-1 du Code du travail

- 2 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

-dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal depuis la date de saisine du Conseil de prud'hommes, outre la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil;

-condamner l'appelante aux entiers dépens.




SUR QUOI



I - SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT:



En application de l'article L1332-2 alinéas 1 et 4 du code du travail:



" Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

....

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. "



Le non respect du délai d'un mois rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Il en résulte:



1 - d'une part que le délai d'un mois prévu à l'article L 1332-2 du code du travail est une règle de fond,

- que son expiration interdit à l'employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si dans l'intervalle une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre,



2 - d'autre part, que si, lorsque l'employeur abandonne une première procédure disciplinaire pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l'entretien préalable:

- la convocation au nouvel entretien préalable n'a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée,

- le licenciement ne peut sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés,

- les manquements fautifs initialement envisagés dans la première procédure qui n'avait pas donné lieu à sanction dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable ne peuvent pas être repris pour justifier la sanction finalement proposée même en présence de faits nouveaux.



En l'espèce, Monsieur [E] soutient:



- qu'il a été convoqué à un premier entretien préalable à sanction disciplinaire qui s'est déroulé le 16 janvier 2017 concernant les faits des mardi 20 décembre et mercredi 21 décembre 2016,

- qu'aucune sanction n'a été prononcée à son encontre,

- qu'il a été ensuite convoqué à un second entretien préalable qui s'est déroulé le 14 février 2017 reprenant les faits des mardi 20 décembre et mercredi 21 décembre 2016 auxquels ont joint des faits qualifiés de nouveaux par son employeur,

- que le 24 février 2017, il a été licencié pour faute grave.



Il en conclut:



- qu'il était impossible pour l'employeur de le convoquer à un premier entretien préalable qui s'est déroulé le 16 janvier 2017 et de lui notifier son licenciement le 24 février 2017, soit au-delà du délai légal d'un mois; le licenciement devant intervenir avant le 17 février 2017,

- qu'à la date du licenciement, l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et le licenciement ne pouvait plus être prononcé.



En réponse, la société Ventana Narcastet prétend:



- que les deux procédures qu'elle a menées avaient des objets différents - l'une visait une sanction disciplinaire et l'autre visait un licenciement - et des causes différentes - l'une portait sur les faits des 20 et 21 décembre 2016 et l'autre portait sur les anomalies constatées s'agissant des OF n°20469 et OF n° 20434,

- que de ce fait le moyen soulevé n'est pas fondé,

- qu'en tout état de cause, même si les deux procédures portaient sur 2 procédures à objet et causes déterminantes identiques, le moyen ne serait pas davantage fondé.



Elle verse pour étayer ses propos deux arrêts prononcés par la Cour de Cassation les 20 octobre 2009 et 12 mars 2014.



Cela étant, il convient de rappeler:



- que par courrier du 4 janvier 2017, énonçant notamment:

" compte tenu des faits qui se sont produits le mardi 20 décembre 2016 et le mercredi 21 décembre 2016, nous vous informons que nous envisageons de prendre une sanction à votre égard... "

Monsieur [E] a été convoqué à un premier entretien préalable à une sanction devant se dérouler le 16 janvier 2017,

- que par courrier du 1 er février 2017, énonçant notamment:

" nous venons de parachever nos investigations s'agissant de faits nouveaux et graves dans la réalisation desquels vous êtes directement impliqué, ceux - ci n'ayant consécutivement pas pu être évoqués dans le cadre de l'entretien préalable auquel vous vous êtes présenté le 16 janvier 2017 sur convocation en date du 4 janvier précédent.

Ces faits, associés à ceux sur lesquels nous avons déjà échangé lors de notre entretien du 16 janvier précité, nous conduisent à envisager à votre égard une mesure de licenciement.."

Monsieur [E] a été convoqué à un second entretien préalable à une sanction devant se dérouler le 14 février 2017 auquel il s'est présenté,

- qu' il a été licencié pour faute grave par lettre ainsi rédigée du 24 février 2017:

" 1 - Le mardi 20 décembre 2016 vous avez déclaré non-conformes 6 carters de la commande numéro 5001570140......

.....

Le mercredi 21 décembre 2016, lors du point hebdomadaire avec le client sur ces pièces, ....

...Votre abstention fautive (s'inscrivant en manquement flagrant d'obligations pourtant élémentaires) à réaliser en temps et heures toutes analyses plus approfondies ou contre- mesures afin de valider (ou invalider) vos résultats a notamment eu pour conséquence, au-delà du risque de pénalités potentielles.....



2 - Le 31 octobre 2016, vous avez, notamment, travaillé sur l'ordre de fabrication (OF) n° 20469, de la référence 0292377890. Cet OF concerne la fabrication des pièces 3143 PR et suivantes.......



Début janvier cependant, lors du contrôle d'un nouveau lot de pièces de la même série, M. [F] [K], Tourneur/Rectifieur, découvrait un certain nombre d'incohérences lors du réglage de la première pièce sur la machine à mesure tridimensionnelle de l'OF: 20434. ....



D'autres investigations plus ultérieurement menées devaient en définitive permettre d'établir que c'est intentionnellement que vous aviez modifié le programme de contrôle utilisé sur la machine à mesure tridimensionnelle pour que les 18 pièces de l'OF n° 20469 puissent être déclarées conformes par vous lors du contrôle du 31 octobre 2016 alors qu'elles n'auraient pas dû l'être compte tenu d'un décalage de 5° sur 2 des 3 encoches ce qui rendait les mesures du diamètre 98,75 incohérentes car le palpeur venait à côté de l'encoche. ..."



Il en résulte donc contrairement à ce que soutient l'employeur que la lettre de licenciement du 24 février 2017 vise tout à la fois les faits des 20 et 21 décembre 2017 et des faits qu'il aurait découverts postérieurement au 16 janvier 2017, date du premier entretien préalable.



De même, contrairement à ce que soutient l'employeur, il importe peu que la sanction envisagée initialement n'ait été qu'une simple sanction disciplinaire exclusive de tout licenciement, dès lors que les faits visés dans le second entretien sont partiellement identiques à ceux visés dans le premier entretien.



Enfin, contrairement à ce que prétend l'employeur, les deux arrêts de cour de cassation qu'il vise dans ses écritures au soutien de ses moyens - à savoir:



- Cass. soc. 20-10-2009 n° 08-42.499 (n° 2021 F-D), SAS [S] c/ [C] : RJS 1/10 n° 38 qui indique : " lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c'est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction,'

- Cass. soc. 12-3-2014 n° 12-28.610 (n° 543 F-D), L. c/ Sté AMS Fiduciaire : RJS 5/14 n° 401 qui précise " que lorsque l'employeur abandonne une première procédure de licenciement pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l'entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n'a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée. Est régulière la procédure de licenciement disciplinaire engagée pour des faits distincts de celle initialement entreprise dès lors que le licenciement a été notifié dans le délai d'un mois à compter du dernier entretien préalable se rapportant aux faits sanctionnés '



sont inopérants en l'espèce dans la mesure:



- où au cas particulier les faits visés dans la lettre de licenciement ne sont pas tous distincts de ceux visés initialement dans le premier entretien, contrairement aux cas d'espèce dont a eu à connaître la Cour de Cassation,

- où au cas particulier aucun élément ne vient étayer les affirmations de l'employeur qui affirme que la première procédure a été abandonnée dès lors que le 1 er février 2017, jour de l'envoi du courrier de convocation pour le second entretien, il était dans le délai d'un mois pour signifier une sanction.



En conséquence, en application des principes sus rappelés établis par la Cour de Cassation en 2017 postérieurement aux arrêts cités par la société Ventana Narcastet, il convient de constater que cette dernière a méconnu les dispositions de l'article L 1332-2 du code du travail et que le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.



II - SUR LES CONSÉQUENCES DU LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SERIEUSE:



A - Sur les indemnités à caractère salarial:



Le montant des sommes allouées à Monsieur [E] par le premier juge au titre de:



- l'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 35 de l'avenant du 18 juillet 2011 à la convention collective à concurrence de 1829.01 €

- l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L.3141-22 du Code du travail à concurrence de 3658.02 €,

- des congés payés sur préavis à concurrence de 365.8 €,



n'est pas discuté par les parties.



Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.



B - Sur les autres indemnités:



1 - Sur les dommages intérêts pour licenciement abusif:



Monsieur [E] sollicite une somme de 35 000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Cela étant, au jour de son licenciement, soit le 24 février 2017, âgé de 35 ans, il:



- comptait 4 ans et 3 mois d'ancienneté,

- percevait un salaire brut mensuel d'environ 1 829 €,

- avait deux enfants à charge, assurait outre les charges de la vie courante le remboursement de deux prêts immobiliers.



Il ne fournit aucun élément sur sa situation financière et professionnelle actuelle.



Compte tenu de l'ensemble de ces paramètres, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué qui lui a alloué une somme de 15 000€ à titre de dommages intérêts.



2 - Sur la violation de l'obligation de formation professionnelle continue:



En application de l'article L6321-1 du code du travail:



" L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences."



Il en résulte que l'employeur doit non seulement veiller au maintien des capacités du salarié à occuper un emploi mais également doit le former afin qu'il soit en mesure de trouver un nouvel emploi à l'issue de son contrat de travail.



Il pèse de ce fait sur lui une obligation de formation de résultat dont il ne peut s'exonérer au motif que les formations participant au développement des compétences et à la lutte contre l'illettrisme ne sont pas obligatoires ou que le salarié n'a effectué aucune demande de formation.



Il incombe donc à l'employeur, en cas de litige:



- d' apporter la preuve qu'il a effectivement mis à disposition de ses salariés des actions de formation dans le but d'atteindre les objectifs d'adaptation au poste et de maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi,

- de réparer le préjudice subi par le salarié qui est distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail.



En l'espèce, Monsieur [E] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de formation:



- en l'écartant d'une formation intitulée " formation de base et de niveau 2 sur les machines à mesure tridimensionnelle " alors qu'il a été dans l'obligation de programmer et reprogrammer des pièces sur des machines à mesure tridimensionnelle,

- en lui refusant une formation sur son poste de contrôleur qu'il avait sollicitée lors du seul entretien annuel dont il a pu bénéficier



et que la seule formation dont il a bénéficié est une formation - concernant un nouveau logiciel informatique installé dans l'entreprise afin de permettre aux contrôleurs de répertorier les pièces contrôlées - qui n'était pas en lien direct avec les fonctions de contrôle qui lui étaient attribuées.



Il sollicite en conséquence la somme de 8 000€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi.



En réponse, l'employeur s'en défend en prétendant:



- qu'en raison de son cursus, le salarié n'avait besoin d'aucune formation particulière,

- qu'aucune évolution des emplois, des technologies et des organisations n'est intervenue durant la période de sa présence dans l'entreprise,

- que le salarié ne lui a jamais fait état d'un besoin de formation,

- que de surcroît, le salarié ne démontre pas le préjudice que l'absence de toute formation lui aurait causé.



Cela étant, même si Monsieur [J] n'établit à aucun moment que non seulement il a été privé d'une formation dont ses collègues ont bénéficié et qui correspondait exactement au coeur de ses attributions mais également qu'il en a réclamé vainement une autre, il n'en demeure pas moins qu'en 4 ans et 3 mois de présence dans l'entreprise, son employeur ne lui a proposé aucune formation permettant de maintenir, de confirmer et d'actualiser ses acquis dans un domaine qui évolue, contrairement à ce que prétend son employeur, rapidement.



L'employeur a donc manqué à son obligation de formation de résultat.



Le préjudice en résultant pour le salarié est établi par les difficultés qu'il peut rencontrer pour trouver un autre emploi dans un secteur d'activité qui est très particulier et requiert des connaissances très précises.



En conséquence, il convient de condamner l'employeur à lui verser une somme de 1000€ en réparation du préjudice subi.



Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.



III - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES:



En application de l'ancien article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du même code, les intérêts légaux:



- sur les créances ayant un caractère de salaire, - c'est-à-dire l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle - sont dus à compter à compter de la date de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation qui comportait la demande du salarié.

- sur les dommages et intérêts sont calculés à compter de la décision qui les fixe.

***

Les seules conditions apportées par l'ancien article 1154 du Code civil devenu l'article 1342-2 du code civil pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.



En l'espèce, le salarié a régulièrement demandé la capitalisation des intérêts.



Au vu des dispositions légales sus rappelées, il y a donc lieu de faire droit à sa demande et de dire que ladite capitalisation est de droit.



***

S'agissant du licenciement d'un salarié comptant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, il y a lieu, par application de l'article L 1235-4 du code du travail, d'ordonner le remboursement par la SAS Ventana Narcastet à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage.



Il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué de ce chef.



***



Les dépens sont supportés par l'employeur.



***



Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société une somme de 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS



La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,




Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de sa demande de dommages intérêts au titre de la violation de l'obligation de formation,





Infirmant de ce dernier chef,




Statuant à nouveau,




Condamne la SAS Ventana Narcastet à verser à Monsieur [E] une somme de 1000€ à titre de dommages intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation,




Y ajoutant,




Rappelle que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, et que les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe,





Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil devenu l'article 1342-2 du même code,





Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe, à Pôle Emploi, dans les conditions de l'article R 1235-2 du code du travail,





Condamne la SAS Ventana Narcastet à verser à Monsieur [E] une somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,





Condamne la SAS Ventana Narcastet aux dépens.




Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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