25 mai 2020
Cour d'appel de Pau
RG n° 17/01841

Chambre sociale

Texte de la décision

JN/SB



Numéro 20/1362





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU25/05/2020







Dossier : N° RG 17/01841 - N° Portalis DBVV-V-B7B-GR4M





Nature affaire :



Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte









Affaire :



SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION



C/



URSSAF D'AQUITAINE









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.









* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 20 Février 2020, devant :



Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,



assistée de Madame LAUBIE, greffière.





Madame NICOLAS, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame NICOLAS, Présidente

Madame DIXIMIER, Conseiller

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller





qui en ont délibéré conformément à la loi.





























dans l'affaire opposant :









APPELANTE :



SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION représentée par son Président

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Maître DREMAUX de la SCP PRK & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS











INTIMEE :



URSSAF D'AQUITAINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Maître PILLET de la SCP CB2P AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX























sur appel de la décision

en date du 23 FEVRIER 2015

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PAU

RG numéro : 20120404






































FAITS ET PROCÉDURE



La société Elf Exploration Production (la société contrôlée), a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, ayant donné lieu à :



> une lettre d'observations de l'URSSAF, du 6 septembre 2010, aboutissant à un rappel de cotisations, pour la somme de 736'297 €, portant sur 14 postes de redressement,

> une lettre du 8 octobre 2010, par laquelle la société contrôlée a contesté le poste numéro 11 de redressement,

> une lettre de l'URSSAF du 18 octobre 2010, maintenant l'intégralité du redressement,

> deux mises en demeure du 17 décembre 2010, non reçues de la société contrôlée et à nouveau envoyées par courrier de l'URSSAF du 2 février 2011, reçu de la société contrôlée, lui réclamant respectivement les sommes de :

>> 810'424 €, dont 110 963 € de majorations et 699'461 € de cotisations dues, >> 44'533 € , déduction faite d'un versement de 12'040 €, sur la somme réclamée de 56'573 €, dont 48'876 € de cotisations et 7697 € de majorations.



La société contrôlée a contesté le redressement ainsi qu'il suit :



> par courrier du 28 février 2011, reçu le 2 mars 2011, devant la commission de recours amiable de l'URSSAF, laquelle, par décision du 20 septembre 2012, a rejeté la contestation,



> le 30 novembre 2012, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau.



Par jugement du 23 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau a :



> reçu la société Elf Exploration Production en son recours,

> constaté la prescription sur la régularisation au titre de l'année 2007,

> validé la régularisation opérée sur l'année 2008 et 2009 à l'encontre de la société Elf Exploration Production,

> débouté l'URSSAF Aquitaine de sa demande article 700 du code de procédure civile.



Cette décision a fait l'objet d'un appel du 18 mars 2015, formé par l'avocat de la société contrôlée dans des conditions de régularité qui ne font l'objet d'aucune contestation.



L'affaire faute de respect du calendrier de procédure a fait l'objet d'un arrêt de radiation du 5 avril 2017.



Au vu de conclusions de l'appelante du 12 mai 2017, elle a été réinscrite au rôle.



Selon avis contenant calendrier de procédure en date du 11 octobre 2019, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de plaidoiries du 20 février 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES



Selon ses dernières conclusions (récapitulatives numéro 2) visées par le greffe le 18 février 2020, reprises oralement à l'audience de plaidoiries et auxquelles il est expressément renvoyé, l'appelante, la société Elf Exploration Production, société contrôlée, conclut à :



-la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a constaté la prescription de l'année 2007, et annulé les cotisations mises en recouvrement à ce titre pour les sommes de 397'674 € en principal outre 75'557 € à titre de majorations de retard,



-l'infirmation du jugement pour le surplus, et statuant à nouveau, conclut :



1-à titre principal : à la constatation de la nullité de la mise en demeure, de l'irrégularité du redressement, du non respect des dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale, en ce que l'URSSAF ne justifie pas de la notification préalable et régulière d'un avis de contrôle, et en conséquence à l'annulation du redressement,



2-à l'annulation du redressement concernant les points 2 et 11 de la lettre d'observations, portant sur les montants suivants :



> 564'259 € en principal s'agissant du poste 11,

> 131'577 € + 46'470 € s'agissant du poste 2,



3 - à l'annulation de ces chefs de redressement en toute hypothèse à défaut pour l'organisme de justifier de ses calculs, et à tout le moins, enjoindre à l'URSSAF de revoir ses calculs sans déduction des cotisations réglées,



4-à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant du redressement du poste numéro 11 soit ramené à la somme maximale de 118'554 € pour les années 2008 et 2009.



Selon les conclusions (numéro 2) visées par le greffe le 13 février 2020, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'intimée, l'URSSAF d'Aquitaine , conclut à :



-l'irrecevabilité des moyens adverses de nullité de la mise en demeure,



-la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,



-le débouté de l'appelante de toutes ses demandes,



- Y ajoutant, à la condamnation de la société contrôlée, à lui payer :

> 35 406 € au titre du solde de la mise en demeure,

> 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




SUR QUOI LA COUR



I/ Sur la prescription des régularisations réclamées par la lettre d'observations pour l'année 2007



Le premier juge n'est pas contesté en ce qu'il a jugé ces demandes prescrites.



Il sera confirmé, conformément aux demandes concordantes des parties à ce titre.



II/ Sur les contestations de forme



Pour la première fois devant la cour, la société contrôlée, pour conclure à l'annulation du redressement, conteste la régularité du contrôle, qu'il s'agisse de l'absence d'envoi préalable d'un avis de contrôle, ou de la régularité de la mise en demeure.



Les parties sont en désaccord à la fois sur la recevabilité de ces moyens, et sur leur bien fondé.



Sur la recevabilité de la contestation du contrôle en la forme



Au visa des dispositions de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, et de décisions de jurisprudence, l'URSSAF estime la contestation irrecevable, faute d'avoir été soumise à la commission de recours amiable, observant que les seules contestations formées par la société contrôlée devant cette commission, portaient sur :

- la prescription des réclamations pour l'année 2007,

- le chef de redressement numéro 11 dans la lettre d'observations, intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de l'amiante ».



Au contraire, la société contrôlée renvoie à la lecture de la lettre de réclamation portée devant la commission de recours amiable, soutenant que les mentions qu'elle contient, notamment en ce qu'elles visent les mises en demeure, sont de nature à établir que son recours portait réclamation à l'encontre des mises en demeure, sans qu'elle n'ait à développer ses moyens de contestation du redressement.



Par ailleurs, elle invoque la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'admission des moyens développés après la saisine de la commission de recours amiable.



Il convient de statuer.



La commission de recours amiable a été saisie le 2 mars 2011.



Il résulte des dispositions de l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige (en vigueur du 14 décembre 2006 au 10 septembre 2012), que :



« Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme .

(...) ».



Il n'est ni contesté ni contestable, ainsi que s'en prévaut l'appelante, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation, même en l'absence de motivation de la réclamation.



De même, il est admis que les moyens nouveaux qui n'auraient pas été développés devant la commission de recours amiable, mais qui viendraient au soutien de la réclamation, sont recevables.



En revanche, sont irrecevables les contestations qui n'ont pas été soumises à la commission de recours amiable (étant observé que les deux décisions jurisprudentielles contraires, datées de 2006, et produites par l'appelante, ne reflètent pas l'état actuel de la jurisprudence)

Tel est le cas des présentes contestations de forme, portant sur l'envoi préalable d'un avis de contrôle, et la régularité de la mise en demeure.



En effet, la lecture de la lettre de réclamation présentée par la société contrôlée à la commission de recours amiable, permet d'affirmer que :

-si elle fait référence à la mise en demeure qui lui a été adressée, ce n'est pas pour en contester la régularité, mais simplement pour définir le cadre du contrôle,

- la contestation portait exclusivement sur :

>la prescription des réclamations concernant l'année 2007,

> le chef de redressement intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante)... » s'agissant du point numéro 11 de la lettre d'observations, lequel était exclusivement contesté au fond.



Tout autre lecture, et notamment celle qu'en fait l'appelante, reviendrait à dénaturer les termes et le contenu de la lettre de réclamation présentée à la commission de recours amiable.



La demande d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable d'un avis de contrôle par l'URSSAF, et l'irrégularité de la mise en demeure, seront déclarées irrecevables, sans examen au fond.



III/ Sur les contestations au fond



1-S'agissant de la contestation du poste numéro 2 de la lettre de redressement, intitulé « contribution sur les indemnités de mise à la retraite d'office »



L'URSSAF soulève l'irrecevabilité de cette contestation, faute d'avoir été soumise à la commission de recours amiable, et observe en outre à juste titre, qu'une telle contestation est sans objet, dès lors que ce chef de redressement portait seulement sur l'année 2007, les réclamations à ce titre ayant été jugé prescrites.



Il est renvoyé aux développements du paragraphe précédent, pour juger cette demande irrecevable, dès lors que cette contestation n'a pas été soumise à la commission de recours amiable.



2-Sur le poste intitulé « CSG-CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante ) », figurant à la lettre d'observations sous le numéro 11



Il est expressément renvoyé à la lettre d'observations, par laquelle, au visa des textes applicables, l'URSSAF rappelle notamment que les avantages que l'employeur peut être amené à verser ou à maintenir aux salariés en situation de préretraite, avantages pouvant prendre diverses formes (allocation et/ou prise en charge par l'employeur de certaines cotisations dues par le préretraité), présentent la même nature que le revenu principal qu'ils viennent compléter, et sont :



> soumis à ce titre à la CSG et à la CRDS dans les mêmes conditions et au même taux que le revenu principal,



> soumis à une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité, décès à la charge exclusive du bénéficiaire, dont la prise en charge par l'employeur donne lieu à l'application d'un taux de cotisation variable ainsi qu'il suit :

>> avantages servis en application de dispositions conventionnelles : taux de 1,70 %, porté à 4,90 % pour les personnes fiscalement domiciliées hors de France,



>> avantages servis en vertu d'une décision unilatérale : taux de 1 %,

> soumis à une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité, prévue par l'article L 137-10 II modifié à compter du 11 octobre 2007, par l'article 16 de la loi du 19 décembre 2007, et en conséquence applicable aux salariés dont la préretraite ou la cessation anticipée d'activité, est effective à compter du 11 octobre 2007, et dont le taux de contribution à la charge de l'employeur est fixé à 50 %.



Les inspecteurs du recouvrement ont constaté :



' qu'un plan social et un protocole d'accord relatif au dispositif de préretraite choisie, conclus en octobre 2000, permettaient l'adhésion à un dispositif de préretraite :



> des salariés répondant à certaines conditions, en vue d'un départ au plus tard le 30 juin 2003,



> d'autres salariés, volontaires âgés de 52 ans révolus au 30 juin 2003, justifiant d'au moins 10 années d'ancienneté dans le groupe Total Fina Elf, sous réserve de certaines conditions,



'que le protocole d'accord relatif au dispositif de préretraite choisie prévoyait expressément la prise en charge par l'employeur de la totalité des cotisations (parts ouvrières et parts patronales) à :



-l'assurance volontaire, invalidité vieillesse, veuvage,

-au régime de retraite Arrco et Agirc,

-au régime de prévoyance.



Or, ils ont constaté que ces prises en charge par l'employeur n'avaient pas été soumises aux contributions CSG/CRDS, cotisations maladie et contributions patronales sur les allocations de préretraite.



C'est au cas par cas, selon la date de départ des salariés concernés, de l'assiette de la contribution et du taux applicable, qu'ils déclarent avoir procédé au redressement réclamé pour les sommes suivantes :



-186'621 € pour l'année 2008,

-152'101 € pour l'année 2009.



La société contrôlée, appelante, ne conteste pas que la part salariale de 0 à 65 % (correspondant au pourcentage du salaire reçu par le salarié pendant sa préretraite), prise en charge par l'employeur, constitue un avantage de préretraite soumis à cotisations, et soutient qu'elle s'en est acquittée.



En revanche, elle estime que la portion de 65 à 100 % de la part salariale prise en charge par l'employeur, est une mesure à caractère indemnitaire prise dans le cadre d'un plan social, afin de compenser la perte de droits à la retraite complémentaire pour le salarié, et à ce titre, ne doit pas entrer dans l'assiette des cotisations.



Ainsi, pour contester le redressement litigieux, elle soutient que :



a-les inspecteurs du recouvrement ont à tort intégré dans l'assiette des cotisations, la part supplémentaire des cotisations prises en charge par l'employeur de 65 à 100 %,



b-ils n'ont pas tenu compte des cotisations spontanément acquittées par l'employeur, sur la part de 0 à 65 % des cotisations prises en charge,



c-ils n'ont en tout état de cause, pas donné à l'employeur, les éléments nécessaires et suffisants à lui permettre d'opérer les vérifications qui s'imposaient sur le redressement lequel comportait en toute hypothèse des taux inappropriés,



d- le dispositif critiqué par application des dispositions de l'article L 137-10 du code de la sécurité sociale, créerait en outre une atteinte au principe de sécurité juridique, devant être censuré, conformément à la décision du conseil constitutionnel, numéro 2015-498 du 20 novembre 2015, ayant pour partie censuré les dispositions de l'article L 137-11 du code de la sécurité sociale telles qu'issues de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014.



L'URSSAF s'y oppose par des conclusions au détail desquelles il est renvoyé.



a- sur l'assiette des cotisations



Le redressement est opéré, tout particulièrement en application des dispositions de l'article L 132-10 du code de la sécurité sociale, dont la rédaction a évolué dans le temps ainsi qu'il suit :



> la version originelle créée par la loi numéro 2003-775 du 21 août 2003, article 17, prévoit notamment que :



« I. - Il est institué, à la charge des employeurs et au profit du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1, une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur, ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.



II. - Le taux de cette contribution est égal à la somme des taux des cotisations, à la charge de l'employeur et du salarié, prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 241-3 du présent code ou au II de l'article L. 741-9 du code rural pour les employeurs relevant du régime agricole et du taux de cotisation, à la charge de l'employeur et du salarié, sous plafond du régime complémentaire conventionnel légalement obligatoire régi par le livre IX.



III...

IV.... »,



et que les dispositions du I du présent article étaient applicables aux avantages versés en vertu soit d'une convention, d'un accord collectif ou de toute autre stipulation contractuelle conclu après le 27 mai 2003, soit d'une décision unilatérale de l'employeur postérieure à cette même date.



> La version issue de la loi numéro 2007-1786 du 19 décembre 2007, article 16, prévoit que :



«I.-Il est institué, à la charge des employeurs et au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur, ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.



II.-Le taux de cette contribution est fixé à 50 %.



III...

IV.... ».



La société contrôlée ne conteste pas que la contribution qu'elle verse sur les avantages de préretraite pour la part de 0 à 65 %, doit être comprise dans l'assiette de calcul des cotisations réclamées par l'URSSAF.



Pour le surplus, elle estime que sa contribution ne doit pas être comprise dans l'assiette de calcul des cotisations réclamées par l'URSSAF, au motif que les sommes ainsi versées auraient une nature indemnitaire.



Cette analyse n'est pas conforme aux éléments du dossier.



En effet, une indemnité, consiste à réparer purement et simplement un préjudice.



Il n'est ni contesté ni contestable, que dès lors que le salarié préretraité ne perçoit plus que 65 % de son salaire, il ne cotise que sur cette fraction de salaire, ce qui minore d'autant ses droits à retraite.



Cependant, la prise en charge par l'employeur, des cotisations salariales et patronales, sur la part de salaire qui n'est plus versée au salarié préretraité (35 %), ne vient nullement réparer la perte de ses droits à la retraite.



Il n'est pas davantage soutenu ou démontré, qu'elle viendrait réparer la cessation d'activité, la baisse de rémunération, ou un quelconque autre préjudice.



Il s'agit en réalité d'un mécanisme non indemnitaire, pris en charge par l'employeur, destiné à permettre au salarié préretraité, nonobstant sa cessation d'activité, et sa baisse de rémunération, de financer les cotisations qu'il aurait dû verser s'il avait poursuivi son activité, pour le financement de ses droits à retraite, alors même que ces droits à retraite « différentielle », dont il n'est ni soutenu ni démontré qu'ils se confondraient avec les cotisations prises en charge par l'employeur, ne seront liquidés qu'ultérieurement et par un tiers.



Il s'agit donc bien d'une forme d'avantages de préretraite versés à d'anciens salariés par l'employeur, et soumise en tant que telle à la contribution prévue par l'article L 137-10 du code de la sécurité sociale.



Il s'en déduit que la prise en charge par l'employeur des cotisations litigieuses, n'a pas une nature indemnitaire, et qu'en conséquence, la contestation de la société contrôlée n'est pas fondée, étant en outre observé que les décisions jurisprudentielles produites par la société contrôlée, et prétendument destinées à asseoir sa position, sont totalement indifférentes à la solution du présent litige, et ne viennent aucunement contredire la présente analyse.







b- Sur le montant des sommes réclamées



L'employeur soutient que le redressement opéré, porte sur la totalité de sa contribution, alors qu'il s'est déjà acquitté de ses cotisations pour la part de sa contribution de 0 à 65 %.



L'URSSAF, par ses dernières conclusions (page 16), ne le conteste pas, puisqu'elle fait valoir que l'inspecteur de l'URSSAF aurait bien pris en considération le fait que« l'employeur avait déjà pris en charge les cotisations qui lui revenaient, sur la part patronale comprise entre 0 et 65 % de l'allocation », soutenant que les régularisations opérées ne reprennent pas ces rubriques.



Cette explication de l'URSSAF ne coïncide pas avec les éléments du dossier, puisqu'en effet, la lettre d'observations relève que l'employeur a pris à sa charge la totalité des cotisations, qu'il s'agisse de la part salariale de la part de l'employeur, si bien que le redressement doit porter sur la totalité, et non seulement sur la « part patronale », contrairement à ce qu'expose URSSAF dans ses conclusions.



Par ailleurs, force est de constater, que ni la lettre d'observations, ni la réponse apportée par l'URSSAF à la société contrôlée le 18 octobre 2010, ni les décomptes produits sous sa pièce numéro 10, prétendument destinés à éclairer ce point de contestation, ne permettent de déterminer quelles sont les « cotisations déclarées par l'employeur », sur la base desquelles le redressement a été opéré par l'URSSAF.



Il s'en déduit, que le redressement, ne sera jugé justifié, qu' à concurrence des sommes chiffrées par l'employeur, de façon détaillée aux pièces de son dossier, et ce sans observation de la part de l'URSSAF, soit la somme de 118'554 €, décomposée ainsi :

-année 2008 : 65'318 €(22'240 €(part salariale) plus 43'078 €(part patronale)),

-année 2009 : 53'236 €(17'316 € (part salariale) + 35'920 € (part patronale)).



3-Sur la rupture d'égalité dans les charges publiques



L'appelante se prévaut d'une décision numéro 2015-498 du 20 novembre 2015 du conseil constitutionnel relative à l'article L 137-11 du code de la sécurité sociale , pour soutenir que le chef de redressement devrait être annulé, en ce que ses dispositions créeraient « une rupture caractérisée de l'égalité dans les charges publiques ».



L'article L 137 -11 du code de la sécurité sociale, n'a pas été appliqué à la cause.



Il n'est pas davantage explicité en quoi les dispositions de l'article L 137-10 du code de la sécurité sociale appliqué à la cause, créeraient une rupture caractérisée de l'égalité dans les charges publiques, ni à quel titre la présente juridiction, en l'absence de saisine d'une question prioritaire de constitutionnalité, pourrait statuer à cet égard.



Il s'en déduit que ce moyen est inopérant.



IV/ Sur la demande de condamnation formée par l'URSSAF



L'URSSAF réclame condamnation de l'appelante au titre d'un « solde », qu'aucun élément du dossier, en l'absence de décompte détaillé à ce titre, ne vient expliciter, si bien que faute pour la demande d'être à suffisance justifiée, il n'y sera pas fait droit.



V/ Sur le surplus des demandes



Au vu de la succombance respective des parties, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'URSSAF, seul demandeur à ce titre.



La succombance respective des parties justifie que chacune supporte les dépens par elle exposés.







PAR CES MOTIFS :



La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,




Déclare irrecevable la demande de la société Elf Exploration Production, d'annulation du redressement, fondée sur l'absence d'envoi préalable par l'URSSAF d'un avis de contrôle, et l'irrégularité de la mise en demeure,





Déclare irrecevable la contestation formée par la société Elf Exploration Production portant sur le poste numéro 2 de la lettre de redressement, intitulé « contribution sur les indemnités de mise à la retraite d'office »,





Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau en date du 23 février 2015, mais seulement en ce qu'il a validé intégralement la régularisation opérée sur l'année 2008 et 2009 à l'encontre de la société Elf Exploration Production,





Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,





Juge justifié et valide pour les années 2008 et 2009, le redressement opéré par l'URSSAF dans la lettre d'observations du 6 septembre 2010, sous le numéro 11, intitulé « CSG et CRDS sur les revenus de remplacement (hors victimes de l'amiante), mais seulement à concurrence de la somme totale 118'554 €,





Confirme le jugement déféré pour le surplus,





Y ajoutant,





Déboute l'URSSAF de sa demande de condamnation,





Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,





Condamne chacune des parties à supporter les dépens par elle exposés.








Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

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