28 mai 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/04054

Pôle 4 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 4 - Chambre 8





ARRÊT DU 28 MAI 2020





(n° pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04054 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7L3L





Décision déférée à la cour : jugement du 06 décembre 2016 -juge de l'exécution d'Evry - RG n° 16/07593








APPELANTS


M. D... C...


né le [...] à Suresne


[...]


[...]





Mme N... C...


née le [...] à Nkawkaw


[...]


[...]





Représentés par Me Caroline Benhaim, avocat au barreau de Paris, toque : C1803








INTIMÉE


Société [...]


siret n° 527 830 608 00024


[...]


[...]





Représentée par Me Bruno Régnier de la SCP Regnier - Bequet - Moisan, avocat au barreau de Paris, toque : L0050











COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 12 mars 2020, en audience publique, devant la cour composée de :


Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre


Gilles Malfre, conseiller


Bertrand Gouarin, conseiller, chargé du rapport


qui en ont délibéré








Greffier, lors des débats : Juliette Jarry




















ARRÊT :





- contradictoire


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le prononcé de l'arrêt, initialement fixé le 02 avril 2020 ayant été renvoyé en raison de l'état d'urgence sanitaire;


- signé par M. Gilles Malfre, conseiller, la présidente empêchée et par Juliette Jarry, greffière, présente lors de la mise à disposition.









M. C... et Mme L... C... (les époux C...) ont acquis auprès de la SCI [...] un appartement en l'état futur d'achèvement par acte authentique du 10 avril 2013.





Le procès-verbal de livraison de l'appartement a été établi le 2 septembre 2014, mentionnant plusieurs réserves.





Par ordonnance du 12 janvier 2016, signifiée le 5 février 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Évry a, notamment, ordonné à la SCI [...] de reprendre les fissures réserve n°7 et la bouche d'évacuation réserve n°10 du procès-verbal de réception et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.





Par jugement du 6 décembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a, notamment, débouté les époux C... de leur demande de liquidation de l'astreinte relative à la réserve n°12 ainsi que de leur demande de fixation d'une astreinte définitive, condamné la SCI [...] à payer aux époux C... la somme de 5 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte concernant la réserve n°7 pour la période du 5 avril au 8 novembre 2016 ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





Le 22 décembre 2016, la SCI [...] a interjeté appel de cette décision, appel enrôlée sous le n°16-26037.





Suivant ordonnance du 31 mars 2017, la présidente de cette chambre a ordonné la radiation de cette affaire en l'absence de conclusions et de communication des pièces réclamées dans les délais impartis par l'appelante.





Par jugement du 4 septembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a débouté les époux C... de leur nouvelle demande de liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2016. Les époux C... ont interjeté appel de cette décision, cet appel étant enrôlé sous le n°18-21714 et l'audience de plaidoirie étant fixée au 6 mai 2020.





Le 13 février 2019, M. C... et Mme L... C... ont sollicité le rétablissement au rôle de l'affaire n°16-26037.





Par dernières conclusions du 27 mars 2019, la SCI [...] demande à la cour, à titre principal, de constater la péremption de l'instance, d'en constater l'extinction et de prononcer le dessaisissement de la cour, subsidiairement, de renvoyer l'affaire à une prochaine audience afin de permettre aux parties de conclure sur le fond, en tout état de cause, de dire que chacune des parties conservera à sa charge ses propres frais et dépens.





Par conclusions du 13 février 2019, les époux C... forment appel incident, demandent à la cour de prononcer la jonction de la présente affaire avec «'l'appel incident réintroduit par (eux) sous le n°18-21714'», de confirmer le jugement du 6 décembre 2016 en ce qu'il a constaté que la réserve n°7 relative aux fissures n'était pas levée et en ce qu'il a dit que l'astreinte concernant cette réserve devait être liquidée provisoirement, d'infirmer le jugement attaqué et celui du 4 septembre 2018 pour le surplus, statuant à nouveau, de condamner la SCI [...] à leur payer la somme de 74 800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte pour la période du 6 avril 2016 au 12 juin 2018 «'à parfaire au jour de la décision à intervenir'», de prononcer le caractère définitif de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2016 jusqu'à la levée des réserves et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.





Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.









SUR CE





Sur la péremption de l'instance





Contrairement à ce que soutient la SCI [...], le point de départ du délai de péremption de deux ans prévu à l'article 386 du code de procédure civile ne saurait être fixé au jour de sa déclaration d'appel.





En effet, il résulte des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile que le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de fixation de l'affaire pour être plaidée et que, lorsque l'affaire fait ultérieurement l'objet d'une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.





En l'espèce, un avis de fixation a été adressé aux parties le 16 janvier 2017 et une ordonnance de radiation de l'affaire a été rendue le 31 mars 2017 par la présidente de cette chambre, faisant courir un nouveau délai de deux ans.





La lettre reçue le 13 février 2019, par laquelle le conseil des époux C... a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle constitue une diligence de nature à faire progresser l'instance suffisant à interrompre le délai de péremption, étant en outre relevé que les époux C... ont déposé le même jour des conclusions au fond.





La demande formée par la SCI [...] tendant à voir constater la péremption de l'instance sera donc rejetée.





Sur la jonction des affaires n°19-04054 et n°18-21714





Il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des affaires n°19-04054 et n°18-21714. La demande formée en ce sens par les époux C... sera donc rejetée.





Sur la liquidation de l'astreinte





L'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout juge peut même d'office ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision, que le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.





Aux termes de l'article L. 131-2 du même code, l'astreinte est provisoire ou définitive et doit être considérée comme provisoire à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.





Selon l'article L. 131-4 du même code, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.





Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge de la liquidation d'interpréter la décision assortie de l'astreinte afin de déterminer les obligations ou les injonctions assorties d'une astreinte et que le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge l'ayant ordonnée.





Lorsque l'astreinte assortit une obligation de faire, il incombe au débiteur de cette obligation de rapporter la preuve de son exécution dans le délai imparti par la décision la prononçant.





Il y a lieu à liquidation de l'astreinte dès lors que l'injonction a été exécutée avec retard ou partiellement, peu important que cette injonction ait été exécutée au moment où le juge de l'exécution statue.





Le premier juge a retenu que les travaux concernant la réserve n°12 avaient été effectués, que, concernant la réserve n°7, si la SCI [...] produisait un devis de travaux établi le 16 mars 2016, elle ne rapportait pas la preuve de la réalisation de ces travaux et que la liquidation de l'astreinte devait tenir compte des diligences effectuées par la SCI dès la signification de l'ordonnance de référé en vue d'obtenir ce devis.





S'agissant de la reprise des fissures (réserve n°7), les époux C... exposent que la SCI [...] a fait intervenir la société DSA les 30 mars, 5 et 21 avril 2016, la période de liquidation de l'astreinte ayant débuté le 5 avril 2016. Ils soutiennent que les fissures sont réapparues, constatées par huissier de justice le 3 novembre 2017, que les travaux de reprise prévus devaient consister en le piochage, le traitement des fissures par entoilage et enduit puis l'application de deux couches de peinture mais que la société DSA s'est contentée d'appliquer un enduit couvrant après piochage.





Les époux C... contestent la conformité aux règles de l'art de ces travaux. Ils font valoir que la reprise judiciairement ordonnée impliquait la correction des fissures et un enduit à l'aspect uniforme, conforme au DTU 26.1. Les intimés affirment que la SCI [...] ne leur a pas fait signer de quitus de levée de réserves.





Il ressort du procès-verbal de constat du 3 novembre 2017 produit par les intimés, non utilement contesté par l'appelant, la présence d'une fissure horizontale sur le ravalement du mur de droite de la loggia de la chambre, la présence d'une bande sur ce même ravalement à l'endroit où le piochage a été réalisé, la présence de deux fissures à l'emplacement d'un point lumineux sur le mur opposé, dans la loggia du salon la présence d'une bande à l'endroit du piochage sur le ravalement du mur où est située une prise électrique, la présence d'une bande à gauche de la baie vitrée, d'une bande horizontale sur un mur borgne de ladite loggia ainsi que la présence de deux fissures sur le ravalement situé derrière le point lumineux, étant rappelé que le procès-verbal de livraison du 2 septembre 2014 mentionnait une réserve n°7 concernant «'diverses fissures'» sur l'enduit de revêtement de la façade au niveau du séjour et de la chambre.





S'agissant des travaux de reprise de la bouche d'évacuation (réserve n°10), les époux C... exposent que la bouche de la VMC a été remplacée le 30 mars 2016 par la société SPC, qu'ils ont ce même jour signé un quitus sous réserve du contrôle du débit de cette bouche d'aération et que la société SPC leur a indiqué que la mesure de ce débit était normal, alors que le procès-verbal de constat d'huissier du 3 novembre 2017 indique que le débit de cette VMC située dans la salle d'eau est de 18,95 m3/h dans une utilisation normale, sans humidité ambiante, et de 28,43 m3/h en pleine humidité après une douche coulée durant 10 minutes, soit inférieure au débit minimum de 30 m3/h requis pour une salle d'eau selon l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 1982 modifié le 28 octobre 1983 relatif à l'aération des logements.





Comme le soutiennent à juste titre les époux C..., l'injonction judiciaire de reprise des fissures comme de la VMC faisant l'objet de réserves à la livraison de l'appartement implique que les travaux de reprise soient effectués dans les règles de l'art dont le procès-verbal de constat du 3 novembre 2017 démontre à suffisance qu'elles n'ont pas été respectées.





Ainsi, la SCI [...] ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'exécution complète de l'obligation de faire mise à sa charge.





La liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2016 doit tenir compte des diligences effectuées par la SCI [...] pour exécuter l'injonction judiciaire, consistant dans la demande du devis établi 16 mars 2016, dans l'exécution de travaux les 30 mars, 5 et 21 avril 2016 concernant les fissures et le 30 mars 2016 s'agissant de la bouche d'évacuation de la VMC, alors que la période de liquidation de l'astreinte avait commencé le 5 avril 2016.





Au regard du comportement de l'appelant, il convient de liquider à la somme de 25 000 euros pour la période du 6 avril 2016 au 12 juin 2018 l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2016.





C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas la fixation d'une astreinte définitive et que la solution du litige conduisait à débouter la SCI [...] de ses demandes de dommages-intérêts.





Le jugement entreprise sera donc confirmé sauf en ce qu'il a débouté les époux C... de leur demande de liquidation de l'astreinte concernant la bouche d'évacuation de la VMC et en ce qu'il a liquidé à la somme de 5 000 euros l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2016 et condamné la SCI [...] au paiement de cette somme.





La cour statuant à nouveau de ces chefs, il convient de liquider à la somme de 25 000 euros pour la période du 6 avril 2016 au 12 juin 2018 l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 12 janvier 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Évry et de condamner la SCI [...] à payer cette somme aux époux C....





Succombant, la SCI [...] sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





Rejette la demande formée par la SCI [...] tendant à voir constater la péremption de l'instance ;





Rejette la demande formée par les époux C... tendant à voir ordonner la jonction des affaires n°19-04054 et n°18-21714 ;





Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les époux C... de leur demande de liquidation de l'astreinte concernant la bouche d'évacuation de la VMC et en ce qu'il a liquidé à la somme de 5 000 euros l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 12 janvier 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Évry et condamné la SCI [...] au paiement de cette somme ;





La cour statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,











Liquide à la somme de 25 000 euros pour la période du 6 avril 2016 au 12 juin 2018 l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 12 janvier 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Évry et condamne la SCI [...] à payer cette somme aux époux C... ;





Rejette toutes autres demandes ;





Condamne la SCI [...] aux dépens d'appel et à payer aux époux [...] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





La greffière Le président

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