28 mai 2020
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 19/03885

3ème chambre

Texte de la décision

28/05/2020



ARRÊT N°151/2020



N° RG 19/03885 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NE3F

VBJ/MB



Décision déférée du 17 Novembre 2014 - Tribunal de Commerce de BAYONNE - 14/1050



















SARL ETABLISSEMENTS HARISTOY





C/



SASU EUROVIA GRANDS TRAVAUX IA GRANDS PROJETS ET INDUSTRIE

SA GAN ASSURANCES



Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD



























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT-HUIT MAI DEUX MILLE VINGT

***

SUR RENVOI APRES CASSATION



APPELANT



SARL ETABLISSEMENTS HARISTOY prise en la personne de son représentant légal es qualité domicilié audit siège RCS N° 322 970 302

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat postulant au barreau de TOULOUSE assisté de Me Dominique DE GINESTET DE PUIVERT de la SCP DE GINESTET MOUTET-FORTIS, avocat plaidant au barreau de DAX







INTIMES



SASU EUROVIA GRANDS TRAVAUX VENANT AUX DROITS ET OBLIGATIONS DE LA SOCIETE ANCIENNEMENT ENROVIA GRANDS PROJETS ET INDUSTRIE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social.

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Jean-Jacques BERTIN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX



SA GAN ASSURANCES

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Marc JUSTICE-ESPENAN de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE



INTERVENANT FORCÉ

Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Georges DAUMAS de la SCP DAUMAS GEORGES, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Représentée par Me Maïtena HUERTA de la SCP CABINET PERSONNAZ, avocat plaidant au barreau de BAYONNE







COMPOSITION DE LA COUR



Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 26 Février 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :



C. BENEIX-BACHER, président

A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller

V. BLANQUE-JEAN, conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : I. ANGER



ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.






FAITS



Chargée de travaux d'élargissement d'une autoroute, la société Eurovia Grands Projets et Industrie (GPI) a fait appel en 2012 à la société TBM Hendaye pour lui livrer des enrobés.



Celle-ci, depuis mise en liquidation judiciaire, a, pour réaliser ce travail, pris à bail le 5 juin 2012 une semi-remorque avec benne auprès de la SARL "les Établissements Haristoy" (la société Haristoy) assurée en tant que bailleur auprès de la société Allianz IARD. Ce véhicule de marque Fruehauf, immatriculé 8616 RA 40, avait été mis en circulation le 25 janvier 1979.



Le 28 juin 2012, la benne sur la semi-remorque, assurée par la locataire TBM Hendaye auprès de la société Gan Assurances, a chuté à la suite de la rupture de son axe de rotation arrière gauche, endommageant le véhicule d'un autre intervenant sur le chantier, la société Libaros.



Cet accident a également causé un retard dans la réalisation du chantier générateur de dommages évalués par la société Eurovia GPI à la somme de 124588,18 €.



Deux expertises amiables ont été réalisées à la demande des assureurs des sociétés TBM Hendaye et Haristoy : un premier rapport du 28 décembre 2012 établi par le cabinet [V], mandaté par la société Gan et un second rapport du 13 mars 2013 du cabinet Polyexpert, mandaté par la société Allianz.



A l'issue, la SA Gan Assurances a considéré que la responsabilité de son assurée n'était pas engagée et s'est opposée à toute prise en charge du sinistre. Elle a toutefois remboursé à la société Aviva, assureur de la société Libaros, la somme de 15 000 € au titre des dégâts subis par le véhicule de cette dernière en application de la convention d'indemnisation directe de l'assuré et de recours entre sociétés d'assurance automobile.













PROCÉDURE



Par actes d'huissier en date du 11 février 2014, la SAS Eurovia GPI a assigné la société Haristoy, les SA Allianz IARD et Gan Assurances devant le tribunal de commerce de Bayonne afin de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 124588,28 € en réparation de son préjudice.



Par jugement contradictoire en date du 17 novembre 2014, le tribunal, au visa des articles 1315, 1134, 1147, 1382 et 1721 du code civil, L 124-3 du code des assurances, et L 112-6 du code des assurances, a :

- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,

- dit que la société TBM Hendaye ne supporte aucune responsabilité dans la survenance de l'accident,

- débouté la SAS Eurovia de sa demande de condamnation in solidum de la société Gan Assurances, assureur de la société TBM Hendaye,

- dit que la responsabilité de la société Haristoy est établie,

- dit que le montant des préjudices subis par la société Eurovia GPI s'élève à la somme de 112129,45 €,

- condamné la société Haristoy à régler à la société Eurovia GPI la somme de 112129,45 €,

- condamné la SA Allianz IARD à relever indemne la société Haristoy de ses diverses condamnations, sous déduction d'une franchise de 10% du montant de l'indemnité avec un minimum de 230 € et un maximum de 2300 € en ce qui concerne la garantie de responsabilité civile des dommages immatériels non consécutifs,

- condamné la société Haristoy à payer à la SA Allianz IARD la somme de 15000 € en remboursement du montant de l'indemnité servie à l'assureur des Établissements Libaros,

- condamné la société Haristoy à régler la somme de 3000 € à la société Eurovia GPI au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné 1a Société Haristoy à régler à la SA Allianz IARD la somme de 2000 € sur 1e fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- rejeté comme inutiles et non fondées toutes autres demandes contraires des parties,

- condamné la société Haristoy aux entiers dépens, dont les frais de greffe.



Sur appel total de la société Haristoy, par arrêt contradictoire en date du 23 janvier 2017, la cour d'appel de Pau a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la responsabilité de la société Haristoy est établie,

- infirmé pour le surplus,

- dit que la responsabilité de la société TBM est également établie,

- condamné in solidum la société Haristoy et la SA Gan Assurances, dans la limite de la franchise contractuelle de 450 € pour ce qui concerne cette dernière à payer à la SAS Eurovia la somme de 124588,18 € en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2014,

- débouté la SAS Eurovia et la société Haristoy de leurs demandes à l'égard de la SA Allianz,

- condamné la société Haristoy à payer à la SA Gan Assurances la somme de 7500 € au titre de l'indemnité versée à l'assureur des Établissements Libaros,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Haristoy et la SA Gan Assurances à payer à la SAS Eurovia la somme de 4000 €,

- débouté la SA Allianz de sa demande à l'égard de la société TBM,

- condamné in solidum la société Haristoy la SA Gan Assurances aux dépens.



La société Haristoy a formé un pourvoi devant la Cour de Cassation laquelle, par arrêt en date du 13 septembre 2018 a':

- cassé et annulé l'arrêt rendu le 23 janvier 2017, entre les parties par la cour d'appel de Pau, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement déféré disant que la responsabilité de la société Haristoy était établie et l'a condamnée à payer à la société Gan Assurances la somme de 7500 € au titre de l'indemnité versée à l'assureur des Établissements Libaros,

- remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civil, rejeté les demandes,



Pour se déterminer ainsi la Cour a indiqué :

- au visa de l'article 16 du code de procédure civile :

" attendu que pour dire que la responsabilité de la société Haristoy est établie dans l'accident du 28 juin 2012, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la qualité de l'expertise de M. [V], réalisée lors d'opérations menées contradictoirement, confère à ses conclusions une force qui ne peut être ignorée d'autant qu'aucun autre élément, ni pièces ni expertise complémentaire, n'est produit, en particulier par la société Haristoy, de nature à les contrecarrer ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé ;



- et sur le second moyen du pourvoi incident de la société GAN, pris en sa seconde branche, au visa des articles 1382, devenu 1240, et 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

"Attendu que, pour limiter à la somme de 7500 € la condamnation de la société Haristoy envers la société GAN au titre de l'action récursoire exercée par celle-ci, l'arrêt énonce que si cette dernière sollicite la condamnation de la société Haristoy à lui payer la somme de 15000 € en remboursement de l'indemnité qu'elle a payée à l'assureur de la société Libaros, il convient, dès lors que la responsabilité des sociétés TBM et Haristoy est partagée dans l'accident, la première au titre de l'article 1384, alinéa 1, du code civil et la seconde au titre de l'article 1382 de ce code, de ne pas faire droit pour le tout au recours contributif;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un coauteur, responsable d'un accident sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, peut recourir pour le tout contre un coauteur fautif, la cour d'appel a violé les textes susvisés".



Cet arrêt a été signifié à la société Haristoy le 18 juin 2019 (article 1034 du code de procédure civile) et celle-ci a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration en date du 14 août 2019.



Le dossier (R.G 19-3885) a fait l'objet d'un avis de fixation à bref délai du 20 septembre 2019 en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile.



Par assignation en date du 2 décembre 2019, la SA Allianz IARD a été appelée en la cause à titre d'intervenant forcé.



PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



La société Haristoy dans ses dernières conclusions en date du 17 décembre 2019 demande à la cour, au visa des articles 638 du code de procédure civile, 1355, 1382 devenu 1240 du code civil, 1721, 1315 devenu 1353 du code civil, 9, 12, 16 et 238 du code de procédure civile, L. 327-1 à L. 327-3 du code de la route, de :

- déclarer la société Gan irrecevable en toutes demandes tendant à ce que la société Haristoy soit condamnée, seule, à supporter les conséquences dommageables de l'accident,

- dire que la société Haristoy n'a pas à supporter les conséquences de l'accident, ni au titre de sa garantie, ni au titre de sa responsabilité,



Par conséquent, de :

- infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 novembre 2014, par le tribunal de commerce de Bayonne,

- débouter la société Eurovia de toutes demandes en ce qu'elles seraient dirigées à l'encontre de la société Haristoy,

- débouter la société Gan de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles seraient dirigées à l'encontre de la société Haristoy,

- condamner la société Eurovia et la société Gan à payer, chacune, à la société Haristoy une indemnité de 5 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Eurovia et la société Gan aux entiers dépens.



Elle soutient que :

1. sur la saisine

- la cour d'appel de Pau a validé le refus de garantie de son assureur la société Allianz,

- la présente Cour n'est saisie que de la demande de la société Gan tendant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Haristoy « au titre de la garantie de la chose louée qu'elle (devrait) à son locataire » et de sa demande, subsidiaire, tendant à ce que la société Haristoy soit « condamnée à relever et garantir le Gan de (la) condamnation (d'ores et déjà) prononcée à son encontre » et à lui payer la somme de 15 000 € correspondant à celle versée à l'assureur de la société Libaros,

2. sur les demandes

- les demandes d'Eurovia reposent sur le postulat que l'accident litigieux est imputable à une fragilité structurelle de l'axe de rotation qui s'est rompu le 28 juin 2012,

- le respect du principe du contradictoire dans une expertise amiable ne suffit pas à garantir l'impartialité de l'expert, et au cas d'espèce, la partialité de M. [V] est évidente et assumée,

- celui-ci s'est en outre arrogé la mission de déterminer les responsabilités en présence, empiétant sur l'office du juge, et s'est fondé sur des constatations unilatérales non suffisamment étayées, comme le fait que l'axe de pivotement qui s'est rompu était massivement fissuré antérieurement au sinistre,

- un premier accident antérieur de trois ans au présent sinistre ne peut constituer un élément de preuve établissant l'état de l'axe avant sa rupture au jour du second accident,

- en toute hypothèse, la société Eurovia GT ne prouve pas une faute délictuelle dès lors que la concluante a remis le véhicule en circulation après certification conforme le 24 mars 2011 par un expert, délégataire de la puissance publique, dans le cadre de la procédure VEI,

- enfin, en droit, la garantie des vices cachés due par le bailleur en vertu de l'article 1721 du code civil ne peut fonder la condamnation au profit d'un tiers au contrat (Civ. 3ème, 18 mai 2017, n° 16-11.203),

- l'existence d'un vice affectant la chose louée est écartée lorsqu'il est constaté que le bien a fait l'objet de contrôles réglementaires et qu'il a fonctionné normalement pendant un certain temps et le preneur pour invoquer l'article 1721 du code civil doit, en outre, établir que le préjudice dont il demande réparation a été causé par le vice qui, selon lui, affectait la chose louée, et la rendait impropre à un usage normal,

- et cette preuve ne peut être trouvée dans le rapport d'expertise amiable.



La SAS Eurovia Grands Travaux, venant aux droits de la SAS Eurovia GPI, dans ses dernières conclusions en date du 16 décembre 2019, demande à la cour, au visa des articles 623 et 638 du code de procédure civile, 1147 et 1382 du code civil et L. 124-3 du code des assurances, de :

- constater que la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pau, mais seulement en ce qu'il avait retenu la responsabilité de la société Haristoy,

- dire et juger en conséquence n'y avoir lieu à statuer à nouveau sur la responsabilité de la société TBM Hendaye, la garantie de la société Gan Assurances, et le quantum des demandes, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pau étant irrévocable sur ces questions,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Haristoy,



Si par extraordinaire, la cour estimait devoir statuer à nouveau sur la totalité du litige, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation directe de la société Allianz IARD au profit de la société Eurovia GPI,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société TBM Hendaye,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation à l'encontre du Gan Assurances,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité le préjudice de la société Eurovia GPI à la somme de 112129,45 €,

- dire et juger que l'action de la société Eurovia GPI est recevable et bien fondée,

- condamner in solidum les sociétés Établissements Haristoy, Allianz IARD et Gan Assurances à payer à la société Eurovia GPI la somme de 124588,28 € au titre de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2012 date de la première mise en demeure,

- condamner in solidum les sociétés Établissements Haristoy, Allianz IARD et Gan Assurances à payer à la société Eurovia GPI la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés Établissements Haristoy, Allianz IARD et Gan Assurances aux entiers dépens.



Elle fait valoir que :

- la Cour de cassation a expressément limité la cassation à la question de la responsabilité de la société Haristoy, les autres chefs sont désormais irrévocables, et il n'y a pas lieu à statuer à nouveau sur la responsabilité de la société TBM Hendaye, la garantie de son assureur, le GAN, ainsi que sur le quantum des demandes,

- c'est à tort que le GAN entend, dans ses conclusions signifiées le 27 mars 2019, voir dire et juger que la responsabilité de la société Haristoy doit être seule retenue,

- subsidiairement, il sera jugé que la société Haristoy ne justifie pas avoir remis en circulation un véhicule techniquement fiable, et, il ne s'agit pas de la seule faute qui peut lui être reprochée, de sorte que sa responsabilité serait malgré tout engagée,

- l'expert amiable a pu constater que l'axe de rotation présentait des traces de fissurations antérieures au jour du sinistre, massives et ayant fortement fragilisé l'axe de pivotement et il a également relevé des traces de corrosion,

- depuis l'accident de 2009, le carnet produit ne fait apparaître que deux mentions d'entretien,

- la société Haristoy, professionnel automobile, a délibérément laissé en circulation et loué à la société TBM Hendaye un véhicule dont elle n'ignorait pas qu'il avait été gravement endommagé,

- le jugement sera infirmé en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation directe de l'assureur de la société Haristoy au profit de la concluante,

- la société TBM Hendaye était contractuellement liée à la société Eurovia GP, l'accident est survenu alors qu'elle avait sous sa responsabilité le matériel à l'origine du sinistre, elle est de ce seul fait responsable du sinistre à l'égard de la société Eurovia GPI,

- la société TBM devait en outre contractuellement l'entretien et les vérifications d'usage du véhicule,

- le cabinet Polyexpert a souligné que le grippage de l'axe de la benne avait certainement provoqué un bruit anormal qui aurait dû alerter le conducteur, et la société TBM Hendaye n'en a pas prévenu la société Haristoy,

- son préjudice est entièrement justifié par les pièces produites et le tribunal l'a arbitrairement minoré de 10%.



La SA Gan Assurances dans ses dernières conclusions en date du 18 décembre 2019 au visa de l'article 1721 du code civil, demande à la cour de :

- confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce en ce qu'il dit que la responsabilité de la société Haristoy est établie dans l'accident survenu le 28 juin 2012, au titre de la garantie de la chose louée qu'elle doit à son locataire,



En conséquence, de :

- condamner la société Haristoy seule à supporter les conséquences dommageables de l'accident,

- rejeter toute demande formée contre la société Gan Assurances,



A titre subsidiaire, de :

- condamner la société Établissements Haristoy à relever et garantir la société Gan Assurances de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,



En toute hypothèse, de :

- dire que la société Gan est en droit d'opposer sa franchise contractuelle de 450 €,

- condamner la société Haristoy à payer à la société Gan Assurances la somme de 15000 € correspondant à la somme qu'elle a versé à l'assureur de la société Libaros,

- condamner toute partie succombante à payer à la société Gan Assurances la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.



Elle soutient en substance que :

- la cour d'appel de Pau a estimé que la responsabilité de la société Haristoy était établie en se fondant de manière exclusive sur le rapport d'expertise amiable du Cabinet [V], ce que la Cour de Cassation a sanctionné,

- le tribunal avait pour sa part retenu ce rapport mais également le fait que la société Haristoy avait effectué elle-même, en sa qualité de garagiste, des réparations sur la semi-remorque à la suite d'un précédent accident survenu le 17 décembre 2009,

- la garantie du bailleur est ainsi due en application de l'article 1721 du code civil et sa responsabilité est seule engagée,

- à titre subsidiaire, la société Haristoy devra relever et garantir la société GAN de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,

- elle devra également lui rembourser la somme de 15000 € versée à la société Libaros, la Cour de Cassation ayant cassé et annulé la limitation de ce recours opérée par la cour d'appel de Pau.



La SA Allianz IARD, intervenant forcé, dans ses dernières conclusions en date 31 janvier 2020, demande à la cour, de :

- constater que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Pau excluent la condamnation d'Allianz,

- en conséquence, débouter la société Gan Assurances et toute autre partie de leurs demandes dirigées contre Allianz,

- condamner la société Gan Assurances au paiement de la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle expose que la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pau seulement en ce qu'il a confirmé le jugement sur la question de la responsabilité de la société Haristoy et l'a condamnée à payer à GAN la somme de 7500 € et que, dès lors, les dispositions par lesquelles les sociétés Eurovia et Haristoy ont été déboutées de leurs demandes à l'égard d'Allianz sont désormais irrévocables.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2020.




MOTIFS



Sur la saisine de la cour de renvoi



Selon l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.



La cassation d'un arrêt remet la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée. Ainsi, doit être considérée comme annulé tout ce qui a été la suite ou l'exécution des dispositions censurées.





La Cour de Cassation a, par arrêt en date du 13 septembre 2018, cassé et annulé l'arrêt rendu entre les parties le 23 janvier 2017 par la cour d'appel de Pau, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement déféré disant que la responsabilité de la société Haristoy était établie et l'a condamnée à payer à la société Gan Assurances la somme de 7500 € au titre de l'indemnité versée à l'assureur des Établissements Libaros.



En conséquence, ne sont pas atteints par la cassation et sont assortis de l'autorité de la chose jugée, les chefs de dispositif par lesquels la cour d'appel a retenu la responsabilité de la société TBM et condamné la SA Gan Assurances, dans la limite de sa franchise contractuelle de 450 € (') à payer à la société Eurovia la somme de 124588,18 € en réparation de son préjudice, avec intérêt au taux légal à compter du 11 février 2014, ainsi qu'aux dépens, ni enfin le rejet des demandes des sociétés Eurovia et de leurs demandes à l'encontre de la SA Allianz et des demandes de la SA Allianz envers la société TBM (qui n'était pas dans la cause).



Il en résulte que la présente cour ne doit statuer que sur la responsabilité de la société Haristoy à l'égard d'Eurovia et sur l'action récursoire du Gan contre cette dernière.





Sur la responsabilité de la société Haristoy à l'égard de la société Eurovia



Le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (cf. Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963).



Le constat amiable et la description de l'accident (pièce 8 d'Eurovia) établissent le mécanisme de l'accident du 5 juin 2012.



Il en résulte que la rupture de l'axe de fixation arrière gauche a déséquilibré vers la gauche la caisse à moitié levée et que celle-ci a chuté sur le véhicule de l'entreprise Libaros stationné en léger retrait. Les travaux d'évacuation rendus nécessaires ont entraîné un retard du chantier de travaux d'enrobés confié à la société Eurovia GPI, ce que la société Haristoy ne conteste pas. N'est ainsi pas remise en cause l'imputabilité à l'accident du préjudice financier d'un montant de 124588,18 € supporté par la société Eurovia, tiers au contrat de location.



L'appelante soutient que l'axe rompu ne souffrait d'aucune fragilité structurelle, contestant la conclusion de l'expert [V] selon laquelle cet axe était massivement fissuré antérieurement au sinistre.



Pour examiner la cause de cette rupture ainsi que l'existence d'un manquement contractuel de la société Haristoy, la Cour ne peut se fonder exclusivement sur cette expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties.



La Cour ne peut pas plus se fonder sur le rapport de M. [N] du cabinet Polyexpert, établi à la seule demande de la société Allianz, lequel confirme seulement la rupture de l'axe de fixation arrière gauche de la benne. Au demeurant, le tribunal avait retenu à juste titre que cet expert n'avait pas examiné personnellement la benne et se limitait à des considérations sur l'absence de responsabilité de la société TBM Hendaye.







L'expert [V] étaye sa conclusion sur l'antériorité de la fissuration en relevant que l'analyse du faciès de rupture et la présence de corrosion montrent que l'axe de pivotement était déjà fortement fissuré lorsque la société TBM a pris possession de la benne. Il observe que :

- la périodicité de graissage est supérieure aux 23 jours d'utilisation de l'engin par la locataire, qui n'avait de raison de graisser à nouveau l'axe,

- la chape droite est correctement graissée et l'axe de cette chape est fortement tordu,

- en revanche, le morceau de l'axe de pivotement rompu côté gauche et sans signe de torsion préalable est coincé dans la chape gauche,

- le profil de cassure de l'axe de pivotement laisse apparaître la présence d'une zone de rupture bien antérieure au sinistre et de nombreuses lignes de crête sur toute la périphérie, chaque ligne correspondant à deux amorces de fissures en périphérie de l'axe,

- la corrosion a empêché la graisse posée par la société Haristoy de se propager dans la chape et elle s'est trouvée confinée dans la cavité entre le chapeau et l'axe, alors que sur le côté droit la chape de benne est correctement graissée.



Rappelant que la benne a été violemment accidentée le 7 décembre 2009 en étant couchée sur le côté gauche, M. [V] en déduit que la corrosion, phénomène progressif, qui occupe à gauche l'espace dédié à la graisse, est très antérieure à la date de location et que le grippage de cet axe est dû à la carence de la société Haristoy, l'axe n'ayant fait l'objet d'aucun contrôle ni d'aucune action après le premier accident.



Ce rapport peut être complété par d'autres éléments comme les fiches d'entretien, les contrôles techniques et les pièces relatives à la procédure RSV.



Le premier rapport de M. [T] du cabinet Adour Expertise en date du 8 janvier 2010, postérieur à l'accident de décembre 2009, établit que celui-ci a consisté en un choc d'intensité forte, avec un point de choc initial indéterminé et une atteinte de 6 des 9 zones figurant sur le schéma, soit : l'avant (une zone) et tout le côté gauche (trois zones), le milieu (une zone) et l'arrière droit (une zone). Ce document énumère de manière générale les réparations nécessaires (tôlerie, mécanique etc...) mais la facture subséquente du 27 août 2010 émanant de la société Haristoy mentionne le remplacement de la traverse 1.2.3, d'une roue et des freins, la réparation de la benne, des arceaux, de la bâche, une rectification 'tambour essieu 1.2", un passage aux mines et une contre-visite Dekra, qui est un centre contrôle technique. Le premier rapport [T] détaille diverses réparations concernant l'attelage (plaque, assiette d'axe, pivot d'attelage) et le vérin.



Quant à l'attestation de conformité du même M. [T], après mise en oeuvre de la procédure RSV de l'article R 327-2 du code de la route, elle est libellée en termes très généraux et l'on peut seulement en déduire que les vérifications ont porté sur : l'assemblage, les qualités de finition et l'alignement des trains, la vérification de l'état de la suspension et du freinage.



Il en résulte qu'aucune vérification ou réparation n'a été effectuée sur l'axe de rotation de la benne à l'issue de l'accident de 2009. S'il est constant qu'un véhicule "économiquement irréparable" n'est pas nécessairement 'techniquement irréparable', la société Haristoy ne peut se retrancher derrière la régularité de la procédure RSV pour en déduire que l'axe de rotation était en état au jour de l'accident alors que celui-ci n'a fait l'objet d'aucun examen lors de cette procédure.



L'appelante ne produit pas le rapport d'analyse de l'axe dont elle avait sollicité le démontage au cours des opérations d'expertise de M. [V] et ne prouve donc pas une origine de la rupture autre que celle évoquée par cet expert.



La conclusion de celui-ci sur une fissuration de l'axe antérieure à l'accident n'est donc pas contredite par les pièces de la procédure RSV.



Les fiches d'entretien établies par la société Haristoy de 1992 au 5 novembre 2011, la plupart corrélées aux anomalies mentionnées sur les contrôles techniques des années 2001 à 2010 également produits, font apparaître qu'eu égard à la date de mise en circulation (janvier 1979), ces contrôles et entretiens étaient généralement effectués en fin d'année. Or, le contrôle de 2011 n'est pas versé aux débats alors que l'accident est survenu le 5 juin 2012. Et la copie de la carte grise du véhicule, sur laquelle sont apposés les timbres de contrôle technique attestant de la réalisation des réparations préconisées, ne comporte pas le timbre du contrôle 2011, non réalisé, le dernier datant du 3 décembre 2010. A la date de la location, l'engin n'avait donc pas subi de contrôle technique depuis 18 mois.



Et la société Haristoy n'invoque pas utilement un manquement de TBM Hendaye à son obligation d'entretien dès lors que le contrat, qui ne comporte aucune clause dérogatoire aux articles 1720 et 1721 du code civil, n'imposait au locataire que des vérifications d'usage (niveaux d'huile, serrage des roues, fuite d'huile, d'eau, température...), ce qui exclut les grosses réparations, et que les fiches d'entretien démontrent que le bailleur a toujours pris en charge les contrôles techniques, obligation lui incombant par principe en sa qualité de propriétaire. Enfin, la négligence du conducteur de la benne ayant pu être alerté par un 'bruit anormal' durant le bref délai de location ne relève que d'une pétition de principe de la société Haristoy, nullement étayée en fait.



La société Haristoy a donc loué à la société TBM Hendaye un véhicule qui n'était pas en bon état de réparations. Le manquement contractuel est ainsi établi.



Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la cause de l'accident est due à une fissuration de l'axe antérieure à l'accident dont la preuve est rapportée par le rapport de l'expert [V] corroboré par les fiches d'entretien sans qu'il ne soit rapporté aucun élément probant contraire.



Dès lors, la responsabilité du bailleur dans la réalisation de l'accident est établie et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Haristoy et la SA Gan Assurances, dans la limite de la franchise contractuelle de 450 € pour ce qui concerne cette dernière, à payer à la SAS Eurovia la somme de 124588,18 € en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2014.









Sur l'action récursoire du Gan contre la société Haristoy



La SA Gan Assurances, condamnée à paiement en sa qualité d'assureur de TBM Hendaye tenue au titre de sa responsabilité de gardien, exerce un recours contributif contre la société Haristoy tenue au titre de la responsabilité pour faute.



Elle est fondée à recourir pour le tout contre la société Haristoy, coauteur fautif.



Il résulte des circonstances de l'espèce ci-dessus détaillées que la rupture de l'axe procède d'une cause préexistant à l'utilisation du véhicule par le locataire gardien, et que cette cause est imputable à la seule société Haristoy de sorte qu'en l'absence de faute du locataire, celle-ci devra seule supporter les conséquences dommageables de l'accident.



En conséquence, la SA Gan Assurances devra être relevée et garantie par la société Haristoy de l'intégralité de la condamnation in solidum ci-dessus confirmée et celle-ci sera, en outre, condamnée à lui rembourser la somme de 15000 € réglée à la société Aviva, assureur de la société Libaros au titre des dégâts subis par le véhicule de cette dernière et en application de la convention d'indemnisation directe de l'assuré et de recours entre sociétés d'assurance automobile.



Sur les autres demandes



La société Haristoy qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,



Vu l'arrêt en date du 13 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.099,



Constate que la société Eurovia Grands Travaux vient aux droits de la SAS Eurovia GPI,



Confirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Haristoy et la SA Gan Assurances, dans la limite de la franchise contractuelle de 450 € pour ce qui concerne cette dernière, à payer à la SAS Eurovia (Grands Travaux) la somme de 124588,18 € en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2014,



L'infirme pour le surplus,



Statuant sur les chefs infirmés,



Dit que la SARL Les Établissements Haristoy devra seule supporter les conséquences dommageables de l'accident survenu le 28 juin 2012,



Condamne la SARL Les Établissements Haristoy à relever et garantir la SA Gan Assurances de l'intégralité de la condamnation in solidum ci-dessus confirmée,



Condamne la SARL Les Établissements Haristoy à rembourser à la SA Gan Assurances la somme de 15000 € (quinze mille euros) réglée à la société Aviva, assureur de la société Libaros,



Y ajoutant



Vu l'article 700 1° du code de procédure civile,



Condamne la SARL Les Établissements Haristoy à verser à la SA Gan Assurances, à la SAS Eurovia Grands Travaux et à la société Allianz IARD, chacune, la somme de 2000 € en application de l'article 700 1° du code de procédure civile.







LE GREFFIERLE PRESIDENT









M. BUTELC. BENEIX-BACHER

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