1 septembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-23.326

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:C201223

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Ordonnance faisant droit à la requête - Copie - Délivrance à la personne à laquelle est opposée l'ordonnance - Nécessité - Portée

Viole les articles 16 et 495, alinéa 3, du code de procédure civile la cour d'appel qui, pour rejeter une demande de nullité d'un constat d'huissier de justice effectué en exécution d'une ordonnance rendue sur requête, se détermine au regard de l'absence de grief alors que les exigences de l'article 495 du code de procédure civile, destinées à faire respecter de principe de la contradiction, n'avaient pas été satisfaites

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Cas - Procédure sur requête - Défaut de délivrance de la copie de la requête à la personne à laquelle elle est opposée - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er septembre 2016


Cassation


Mme FLISE, président



Arrêt n° 1223 F-P+B

Pourvoi n° Q 15-23.326





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société A & P textile management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ M. [G] [Z], domicilié [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 11 juin 2015 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Servi-Tex industries, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [Q] [P], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [S] Vlaemynck tisseur,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 juin 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, M. Liénard, conseiller doyen, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de la société A & P textile management et de M. [Z], de Me Le Prado, avocat de la société Servi-Tex industries, l'avis de M. Mucchielli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 16 et 495, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suspectant des actes de concurrence déloyale de la part de M. [Z], ancien salarié de la société [S] [D] [I] placée en liquidation judiciaire, la société Servi-Tex Industries, repreneur de son activité tissage, et M. [P], agissant en qualité de liquidateur de ladite société, ont sollicité par requête la désignation d'un huissier de justice à fin de se faire remettre divers documents et exploiter le contenu de l'ordinateur de M. [Z] ; que préalablement à ses opérations, l'huissier de justice commis a signifié à M. [Z] copie de la seule ordonnance autorisant la mesure ; que M. [Z] et la société A & P Textile Management qu'il a constituée ont saisi un juge d'une demande d'annulation du constat effectué par l'huissier de justice ;

Attendu que, pour débouter M. [Z] et la société A & P Textile Management de leur demande de nullité du constat, l'arrêt retient que, sauf le manquement au principe de la contradiction qu'il déduit de l'inobservation formelle de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, M. [Z] n'allègue aucun dommage spécifique qui serait résulté pour lui de l'absence de présentation par l'huissier d'une copie de la requête et que l'irrégularité de procédure qu'il critique n'a donc pas affecté la régularité du procès-verbal de constat ni porté une atteinte illicite au respect de sa vie privée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les exigences de l'article 495 du code de procédure civile, destinées à faire respecter le principe de la contradiction, n'avaient pas été satisfaites, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Servi-Tex Industries et M. [P] en qualité de liquidateur de la société [S] [D] [I] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Servi-Tex Industries et M. [P], ès qualités, à payer à M. [Z] et à la société A & P Textile Management la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Servi-Tex Industries ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société A&P textile management et M. [Z].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la société A &
P Textile Management et M. [G] [Z] non fondés en leur demande de nullité du procès-verbal de constat du ministère de Me [B], huissier de justice, à Montreuil-sur-Mer du 22 avril 2014 et de les en avoir déboutés et de les avoir déboutés de leurs autres demandes ;

AUX MOTIFS QU'en premier lieu, qu'il s'évince des explications et pièces produites par [G] [Z] que celui-ci avait initialement acquis l'ordinateur de marque Hewlett Packard référence 23-B215 EF sur lequel les investigations de Me [B] et de l'expert [H] pour l'essentiel ont porté, avant d'en faire l'apport en nature à la société A & P Textile Management lors de la constitution de celle-ci le 17 février 2014 ; qu'il n'est pas discuté que l'immatriculation de la personne morale au registre du commerce et des sociétés n'est intervenue que le 17 mars 2014, à une date par conséquent postérieure à l'ordonnance en vertu de laquelle les opérations de constat ont été réalisées ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être reproché à l'huissier de justice de n'avoir pas signifié l'ordonnance du 21 février 2014 et la requête à la société A & P Textile Management prise comme propriétaire du matériel à examiner ; qu'il n'est au surplus pas établi ni même allégué qu'[G] [Z] ait fait sur ce point, comme il en avait la possibilité, une quelconque déclaration à l'huissier pendant le déroulement de la mesure ; que pour le reste, l'ordonnance du 21 février 2014 donnait mission à Me [B] de se faire remettre au domicile de l'intéressé « le ou les codes d'accès aux postes informatiques utilisés par M. [G] [Z] pour accéder à ces postes (disque dur, boîte de messagerie, clef USB ou tout autre support de stockage) [et de] procéder à la recherche sur ces matériels de fichiers (y compris courriers électroniques), de dossiers et de documents faisant référence à [G] [Z], la société Weissengruber Textile, M. [R], la Société [S] [D] [...] » ; qu'[G] [Z] ne nie pas avoir été effectivement l'utilisateur du poste informatique dont il s'agit, installé à son domicile personnel [Adresse 2], où se trouve fixé le siège de la société A & P Management Textile dont il est le président aux termes de ses statuts ; qu'en second lieu, selon l'article 495 du code de procédure civile l'ordonnance sur requête est motivée ; qu'elle est exécutoire au seul vu de la minute ; que « copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ; que les articles 649 et 694 du code de procédure civile énoncent que la nullité des actes d'huissier de justice et, spécialement, des notifications, est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ; que l'article 175 soumet à ce même régime la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction ; que l'article 114 précise, quant à lui, que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 21 février 2014 qui a commis Me [B] aux fins d'investigations et constatations, rappelle en préambule l'objet détaillé de la demande contenue dans la requête et les circonstances de fait constitutives d'actes de concurrence déloyale dont les requérants se prévalent à son appui ; qu'il y est ainsi rapporté qu'au vu des éléments fournis par la Société Servi-Tex Industrie et Me [P] es qualités « M. [Z] a pris attache depuis sa boîte professionnelle avec des clients afin de leur faire part de la liquidation prochaine de la Société [S] [D] et les inviter à poursuivre leurs relations commerciales avec lui et la nouvelle société avec laquelle il allait travailler, la Société Weissengruber Textile » ; que le dispositif de l'ordonnance énonce avec clarté, en adoptant les termes de la requête, les différents chefs de la mission donnée à l'huissier de justice ; que la décision précise encore les conditions de rémunération de l'expert [H] et de Me [B] ainsi que les modalités de confection et de remise du rapport de l'expert et les formalités relatives à la signification de l'ordonnance ; qu'[G] [Z], lorsqu'il a avec la société A & P Textile Management, dans les quinze jours suivant les opérations de constat du 22 avril 2014, fait assigner en référé, par actes des 5 et 7 mai 2014, les sociétés servi-Tex et [S] [D] [I] devant le président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer afin de le voir rétracter l'ordonnance sur requête du 21 février précédent, a été en mesure d'argumenter, non seulement sur l'irrégularité prétendue des opérations de l'huissier de justice et de l'expert, mais encore sur l'absence de motif légitime des mesures d'instructions ordonnées, en développant, à partir de la situation de fait, le moyen selon lequel il est loisible à un salarié d'exercer une activité concurrente de celle de son employeur dès lors que le contrat de travail qui les liait a été rompu et que le démarchage par le premier de la clientèle du second n'est pas accompagné de procédés déloyaux ; qu'il résulte de ce qui précède que les termes de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 21 février 2014, remise en copie à [G] [Z] permettaient à celui-ci de connaître le sens de la requête de la société Servi-Tex Industries et de Me [P] ès qualités tendant à la désignation de Me [B] et d'un homme de l'art compétent pour l'assister dans ses investigations et constatations, ainsi que les modalités essentielles de la mission dévolue à l'huissier de justice ; qu'[G] [Z] a été en mesure, à la lecture de cette ordonnance, d'apprécier l'opportunité de la frapper d'un recours, et ensuite de motiver l'assignation aux fins de rétractation dont il a saisi le président du tribunal de grande instance ; que, sauf le manquement au principe de la contradiction qu'il déduit de l'inobservation formelle de l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, [G] [Z] n'allègue aucun dommage spécifique qui serait résulté pour lui de l'absence de présentation par l'huissier d'une copie de la requête ; que l'irrégularité de procédure qu'il critique n'a donc pas affecté la régularité du procès-verbal de constat ni porté une atteinte illicite au respect de sa vie privée ; que la demande en nullité formée par [G] [Z] et la société A & P Textile Management doit être en conséquence rejetée ; que par une ordonnance sur requête du 15 mai 2014 le président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a, à la demande d'[G] [Z] et de la société Textile Management, prorogé le délai à l'issue duquel Me [B] et l'expert [H] devaient communiquer leur constat aux parties, en décidant que l'huissier de justice et le technicien ne pourraient « délivrer leur rapport » avant l'expiration du délai d'appel de l'ordonnance à intervenir sur l'instance en rétractation alors pendante devant sa juridiction ou, en cas d'appel, avant que la cour ait statué ; que la cour de céans ayant tranché la contestation dans son arrêt du 29 octobre 2014, il y a lieu, non pas d'ordonner la communication du procès-verbal de constat ainsi que le réclament la Société Servi-Tex Industries et Me [P] es qualités, mais seulement de renvoyer les parties à mettre en oeuvre les dispositions prises par l'ordonnance du 15 mai 2014 ;

1°/ ALORS QU'il résulte des articles 16 et 495 du code de procédure civile qu'une copie de la requête comportant l'indication précise des pièces invoquées et de l'ordonnance sur requête doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; qu'en l'espèce, M. [Z] ne s'est pas vu remettre par l'huissier qui a procédé aux opérations prescrites par l'ordonnance du 21 février 2014, la requête et les pièces qui y étaient jointes avec l'ordonnance ; qu'en rejetant la demande de nullité des opérations accomplies en exécution de ladite ordonnance sur requête, aux motifs inopérants que compte tenu de la rédaction de l'ordonnance, M. [Z] avait été en mesure d'argumenter aux fins d'en demander la rétractation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ ALORS, en tout état de cause, QU'en affirmant que M. [Z] disposait de suffisamment d'éléments pour solliciter la rétractation de l'ordonnance, sans rechercher si l'absence de communication de la liste des pièces produites à l'appui de la requête n'avait pas altéré la capacité de M. [Z] à se défendre et notamment à contester l'ordonnance sur requête et les opérations de constat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 495 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QU'en se fondant, pour rejeter la demande de nullité des opérations accomplies en exécution de l'ordonnance sur requête du 21 février 2014, sur le fait que cette ordonnance reprenait l'objet détaillé des demandes ainsi que les faits rappelés dans la requête, cependant qu'il ne résultait ni des énonciations de l'arrêt attaqué, ni des conclusions de la société Servi-Tex Industries, ni de son bordereau de communication de pièces, que ladite requête ait été versée aux débats, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS, subsidiairement, QU'une ordonnance sur requête n'est exécutoire que sur minute, si celle-ci n'est pas portée à la personne à laquelle on veut l'opposer ; qu'en cas de pluralité de personnes à laquelle l'ordonnance doit être opposée, l'ordonnance doit être présentée à chacune d'entre elles et une copie doit être laissée à chacune ; que dans leurs conclusions d'appel, M. [Z] et la société A & P Textile Management soutenaient que les opérations effectuées par l'huissier instrumentaire et l'expert sur le poste informatique utilisé par M. [Z] en exécution de l'ordonnance étaient nulles ou, en tout état de cause, inopposables à la société A & P Textile Management, dès lors que ni l'ordonnance ni la requête n'avaient été signifiées à cette dernière qui était devenue propriétaire du poste informatique par voie d'apport en société de M. [Z] le 17 février 2014 (pp.11 et 12) ; que la cour d'appel a constaté que la société A & P Textile Management avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 17 mars 2004, c'est-à-dire avant que n'aient lieu les opérations de constat ; qu'en déboutant M. [Z] et la société A & P Textile Management de leurs demandes pour défaut de signification de l'ordonnance et de la requête à la société A & P Textile Management, aux motifs inopérants que l'ordonnance avait été rendue le 21 février 2014, soit avant l'immatriculation de la société A & P Textile Management au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé les articles 16 et 493 du code de procédure civile.

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