4 juin 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/21094

Pôle 5 - Chambre 5

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 04 JUIN 2020



(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21094 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4O7Q



Décision déférée à la cour : jugement du 18 octobre 2017 -tribunal de commerce d'Evry - RG n° 17/00285





APPELANTE



SAS ABVV AUTOMOBILES

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 15]

N° SIRET : 320 496 367

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant Me Bérengère BRISSET, avocat au barreau de PARIS' Toque : C0074 substituée à l'audience par Me Aurore BUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0074



INTIMÉES



SAS TEA [Localité 16] SAS

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 343 752 895

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Maxime CORDIER de la SCP SCHMILL & LOMBREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0078

Ayant pour avocat plaidant Me Christian PRIOU, avocat au barreau de LYON





SAS TEA REGION PARISIENNE

Ayant son siège social [Adresse 17]

[Localité 4]

N° SIRET : 343 267 266

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Maxime CORDIER de la SCP SCHMILL & LOMBREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0078

Ayant pour avocat plaidant Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : W14









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 28 novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :



Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre

Mme Christine SOUDRY, Conseillère, chargée du rapport

Mme Camille LIGNIERES, Conseillère



qui en ont délibéré,



un rapport a été présenté à l'audience par Mme SOUDRY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR



ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n'ont pu être avisées par le greffe qu'à l'issue de la période de confinement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



FAITS ET PROCÉDURE :



La société ABVV Automobiles (ci-après société ABVV) est un concessionnaire automobile de la marque Volvo.



La société Tea Région Parisienne et la société Tea Corbas, aux droits de laquelle vient la société Tea [Localité 16], réalisent pour le compte de la société Volvo Car France (ci-après société Volvo) la réception, le stockage et la gestion de ses véhicules d'occasion, en application d'un contrat conclu le 9 avril 2001.



Le 30 juin 2014, la société ABVV a passé commande à la société Volvo de 19 véhicules d'occasion modèle S60. Ces véhicules étaient entreposés dans les parcs des sociétés Tea [Localité 16] (8 véhicules immatriculés: [Immatriculation 13], [Immatriculation 10], [Immatriculation 6], CS 605 YR, CS 192 YR, CS 325 YS, CT 592 YA, CS 220 YR, [Immatriculation 7]), Tea Région Parisienne (8 véhicules immatriculés: CR 886 LY, [Immatriculation 12], [Immatriculation 5], [Immatriculation 10], [Immatriculation 9], [Immatriculation 11], [Immatriculation 8], CS 525 YR, [Immatriculation 11]) et BTV [Localité 18] (1 véhicule immatriculé CS 626 YR).



Le même jour, la société Volvo a adressé aux sociétés Tea [Localité 16], Tea Région Parisienne et BTV un courriel précisant : « SVP, merci de bien vouloir débloquer les VO (véhicules d'occasion) ci-dessous pour: ABVV Automobile ' [Localité 15] (...) » et énumérant les 19 véhicules modèle S60 faisant l'objet du bon de commande au profit de la société ABVV.



Par courriel du 8 juillet 2014, la société Volvo a indiqué aux sociétés Tea [Localité 16], Tea Région Parisienne et BTV: « Pour tous ces véhicules, merci de les libérer qu'après avoir reçu la confirmation de [D] [I] de la concession d'ABVV. Ces véhicules ne doivent être débloqués en aucun cas à un transporteur sans son accord. »



Au mois de septembre 2014, la société ABVV a émis deux bons de commande auprès de la société FG Négoce portant sur les 19 véhicules modèle S60 pour un montant total de 320.962 euros.



Le 8 octobre 2014, la société Tea Région Parisienne et la société Tea [Localité 16] ont libéré 18 des 19 véhicules modèle S60 au profit de la société FG Négoce.



Par actes d'huissier de justice du 23 février 2015, la société ABVV a fait assigner devant le président du tribunal de commerce d'Evry, statuant en référé, d'une part, la société FG Négoce en paiement du prix des véhicules, et d'autre part, la société Tea holding, la société Tea Région Parisienne et la société Tea [Localité 16] en responsabilité estimant que ces sociétés avaient libéré à tort ces véhicules au profit de la société FG Négoce.



Par ordonnance du 6 mai 2015, le président du tribunal de commerce d'Evry, statuant en référé, a :



- condamné la société FG Négoce à payer à la société ABVV la somme provisionnelle de 320.962 euros TTC ;



- débouté la société ABVV de l'ensemble de ses réclamations à l'encontre de la société Tea Holding ;



- dit qu'il s'agit d'une faute contractuelle et débouté la société ABVV de sa demande de condamnation solidaire au visa de l'article 1382 du code civil ;



- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société FG Négoce relative au préjudice et l'a invitée à mieux se pourvoir sur ces chefs de demandes ;



- condamné la société FG Négoce à payer à la société ABVV la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société FG Négoce de sa demande sur ce même fondement ;



- condamné la société ABVV à payer aux sociétés TEA Holding, TEA [Localité 16] et TEA Région Parisienne la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



- condamné la société FG Négoce aux dépens.



La société ABVV a interjeté appel de cette ordonnance.



Par jugement du 31 mai 2016, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société FG Négoce.



Le 19 juillet 2016, la société ABVV a déclaré une créance à la procédure collective d'un montant de 323.962 euros TTC.



Par jugement du 26 juillet 2016, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé la liquidation judiciaire de la société FG Négoce et a désigné Me [L] [W] en qualité de liquidateur.



Par arrêt du 2 février 2017, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé l'ordonnance rendue le 6 mai 2015 par le tribunal de commerce d'Evry en ce qu'elle a débouté la société ABVV de ses réclamations à l'encontre de la société TEA [Localité 16] et de la société TEA Région Parisienne ;



- infirmé pour le surplus et statuant à nouveau ;



- déclaré irrecevable la demande de la société ABVV en 'xation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société FG Négoce ;



-dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;



-dit que chaque partie garderait la charge de ses dépens en première instance et en appel.



Par exploits des 7 et 11 avril 2017, la société ABVV a fait assigner à bref délai les sociétés Tea Région Parisienne et Tea [Localité 16] devant le tribunal de commerce d'Evry afin de voir engager leur responsabilité et de les voir condamner au paiement de la somme de 320.962 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leurs fautes.



Par jugement du 18 octobre 2017, le tribunal de commerce d'Evry a :



-débouté les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne de leur fin de non-recevoir ;



-condamné la société Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 7.053,75 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;



-condamné la société Tea [Localité 16] à payer à la société ABVV la somme de 8.129,50 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;



-condamné solidairement les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 7.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



-débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;



-condamné solidairement les sociétés SARL Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne aux dépens.



Par déclaration du 17 novembre 2017, la société ABVV a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a :



- déboutée de sa demande de condamnation de la société Tea Region Parisienne à lui payer la somme de 141.075 euros à titre de dommages et intérêts, et limité la condamnation à la somme de 7.035,75 euros,



- déboutée de sa demande de condamnation de la société Tea [Localité 16] à lui payer la somme de 162.590 euros à titre de dommages et intérêts, et limité la condamnation à la somme de 8.129,50 euros,



- déboutée de ses demandes de condamnation solidaire des sociétés Tea [Localité 16] et Tea Region Parisienne à lui payer la somme de 6.789 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de valeur et des frais de remise en état du véhicule CS-626 YR et la somme de 17.357 euros de dommages et intérêts en cas d'absence de restitution dudit véhicule à première demande,

- déboutée de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Tea [Localité 16] et Tea Region Parisienne à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700, et limité cette condamnation à 7.500 euros.



Dans ses dernières conclusions du 4 octobre 2019, la société ABVV Automobile demande à la cour de :



Vu les articles 1240 et 1241 du code civil (issus de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016),



Confirmant le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry le 20 octobre 2017,



- la recevoir en ses demandes ;



-juger que les sociétés Tea ont chacune commis une faute délictuelle à son égard ;



Infirmant le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry le 20 octobre 2017,



-condamner la société Tea Région Parisienne à lui régler la somme de 141.075 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi et résultant de sa faute, avec intérêts de retard à courir à compter du 23 février 2015 ;



-condamner la société Tea [Localité 16] à lui régler la somme de 162.590 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi et résultant de sa faute, avec intérêts de retard à courir à compter du 23 février 2015 ;



En toute hypothèse,



-condamner solidairement les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne à lui régler la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



-condamner solidairement les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne aux entiers dépens.



La société ABVV conclut au rejet de la fin de non-recevoir qui lui est opposée. Elle prétend en effet avoir qualité à agir dans la mesure où elle était propriétaire des véhicules remis par les sociétés intimées à la société FG Négoce. Elle affirme avoir acquis et réglé, à l'aide d'un crédit, lesdits véhicules auprès de la société Volvo selon un bon de commande du 30 juin 2014.



Sur le fond, elle invoque la faute des sociétés intimées qui ont libéré les véhicules lui appartenant et entreposés dans leurs parcs en dépit des termes du contrat de stockage les liant à la société Volvo et des instructions données par cette dernière par courriel du 8 juillet 2014. Selon ce courriel, la société Volvo leur demandait de ne libérer les véhicules qu'après avoir reçu la confirmation du directeur général de la société ABVV, M. [I].



Elle estime que ce non-respect des consignes et la violation des obligations contractuelles à l'égard de la société Volvo lui ont causé un préjudice puisque les véhicules ont disparu sans qu'elle n'ait reçu de prix de vente. Elle évalue son préjudice au prix de vente hors taxe qu'elle devait percevoir de la part de la société FG Négoce ; soit 141.075 euros pour le préjudice résultant de la faute de la société Tea Région Parisienne et 162.590 euros pour le préjudice résultant de la faute de la société Tea [Localité 16]. Elle ajoute que le lien de causalité entre les fautes commises par les sociétés intimées et son préjudice est certain dès lors que si les consignes avaient été respectées, les véhicules n'auraient pas été remis à la société FG Négoce. Elle s'oppose à toute indemnisation partielle de son préjudice ainsi que l'ont retenu les premiers juges et invoque le principe de réparation intégrale.



Elle réfute encore les arguments des sociétés intimées tendant à les exonérer de leur responsabilité notamment concernant une confusion opérée entre les sociétés FG Négoce et FG Courtage, une possibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société FG Négoce ou encore l'existence d'une faute de sa part.



Dans ses dernières conclusions du 30 octobre 2019, la société Tea Région Parisienne demande à la cour de :



Vu les anciens articles 1137 et 1147, 1382 et suivants du code civil,



Vu l'article 1240 du code civil,



Vu les articles 6 et 9, 31 et 32 du code de procédure civile,



Vu l'article 1153 du code civil,



-la recevoir en ses écritures et l'y jugeant bien fondée ;



A titre principal, in limine litis,



-réformer le jugement rendu 18 octobre 2017 par le tribunal de commerce d'Evry ;



-constater que la société ABVV ne démontre pas être propriétaire des dix-neuf véhicules qui ont été cédés à la société FG Négoce ;



-dire et juger que la société ABVV n'a pas qualité pour agir à son encontre ;



-dire et juger en conséquence la société ABVV irrecevable en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter purement et simplement ;



Subsidiairement, au fond,



-réformer le jugement rendu 18 octobre 2017 par le tribunal de commerce d'Evry ;



Et statuant de nouveau,



-dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution du contrat conclu avec la société Volvo Automobiles France ;



-dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute délictuelle vis-à-vis de la société ABVV ;



-dire et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le prétendu préjudice subi par la société ABVV et la prétendue faute délictuelle qui lui est reprochée ;



-dire et juger que les sociétés Volvo Automobiles France et ABVV ont commis des fautes l'exonérant de sa responsabilité ;



-dire et juger que la société ABVV n'apporte pas la preuve de la réalité de son préjudice ;



En conséquence,



-dire et juger la société ABVV mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter purement et simplement ;



Plus subsidiairement,



-dire et juger que le prétendu préjudice de la société ABVV ne pourrait se réparer que sur le fondement d'une perte de chance ;



-dire et juger que l'éventuel préjudice de la société ABVV qui pourra être mis à sa charge ne peut concerner que les neufs véhicules stockés à [Localité 14] ;



-dire et juger que la société ABVV récupérant la TVA, toute éventuelle condamnation ne pourra que porter sur la valeur hors taxe des véhicules ;



En tout état de cause,



-condamner la société ABVV à lui payer la somme de 7.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



-condamner la société ABVV Automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel, que Me Cordier, avocat à la Cour, recouvrera conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La société Tea Région Parisienne invoque le défaut d'intérêt et de qualité à agir de la société ABVV. Elle prétend en effet que la société ABVV n'est pas propriétaire des véhicules et que le véritable propriétaire de ces véhicules est en réalité la société Volvo.



Elle affirme que pour démontrer sa qualité de propriétaire, la société ABVV devrait justifier d'un bon de commande, d'une facture, du paiement du prix et d'un certificat de cession des véhicules, ce qu'elle ne fait pas.



Sur le fond, elle dénie toute faute de sa part. Elle prétend tout d'abord qu'il ne suffit pas à la société ABVV, pour engager sa responsabilité, de mettre en évidence un manquement à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Volvo mais également de démontrer l'existence d'une faute délictuelle à son égard, distincte de ce seul manquement. Or elle affirme qu'une telle faute n'est pas établie. Ensuite elle dénie tout manquement contractuel. Elle précise qu'en application du contrat de stockage, seule la société Volvo était habilitée à lui donner des ordres de déblocage des véhicules stockés.



Elle explique qu'un ordre de déblocage de la société Volvo l'autorisait à remettre les véhicules à tout transporteur qui se présentait avec des documents de transports sur lesquels figuraient les éléments d'identification des véhicules. Or elle affirme que la société Volvo lui a délivré un tel ordre le 30 juin 2014 concernant 9 véhicules et que cet ordre n'était accompagné d'aucune restriction. Elle soutient que le courriel du 8 juillet 2014 de la société Volvo ne pouvait contredire l'ordre écrit du 30 juin 2014 dans la mesure où cette faculté n'était pas prévue au contrat les liant et où ce contrat ne permettait pas à la société Volvo de déléguer à une tierce personne la faculté d'émettre des ordres de déblocage. Elle explique que son parc a une capacité de 10.500 véhicules et qu'elle gère 7.000 mouvements de véhicules par mois de sorte que les procédures de sortie ne peuvent être modifiées unilatéralement par l'un de ses cocontractants. Elle prétend encore que les fautes de la société Volvo, qui a adressé des instructions dérogeant au mode opératoire habituel et à son ordre de déblocage du 30 juin 2014 par simple courriel sans s'assurer de sa bonne réception et sans se préoccuper de sa bonne exécution, l'exonère de toute responsabilité.



Par ailleurs, elle dénie tout lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice allégué. Elle prétend en effet que même si elle n'avait pas remis les véhicules à la société FG Négoce et si elle les avait conservés dans son parc, la société ABVV n'aurait pas pu les reprendre dès lors que ces véhicules avaient déjà été cédés par la société FG Négoce à une société belge, tiers de bonne foi. Elle fait encore valoir que la société ABVV n'a pas exercé l'action en revendication desdits véhicules dans le délai de trois mois de l'ouverture de la procédure collective.



En outre, elle considère que les fautes commises par la société Volvo et par la société ABVV sont à l'origine du préjudice allégué. Elle fait notamment grief à la société ABVV de ne pas l'avoir informée de manière formelle de la nécessité d'obtenir son accord préalablement à la remise des véhicules à la société FG Négoce et d'avoir transmis à cette dernière les informations qui ont permis l'enlèvement des véhicules (lieu de stockage, immatriculation...). Elle lui reproche encore de ne pas avoir tout mis en oeuvre pour recouvrer sa créance ou encore pour récupérer les véhicules (action en revendication, action oblique,...).



Enfin elle conteste l'existence du préjudice allégué par la société ABVV. Elle prétend que la société Volvo était demeurée propriétaire des véhicules de sorte que la société ABVV n'a subi aucun préjudice. Elle ajoute qu'il n'est pas acquis que la société ABVV pouvait réclamer un paiement de la part de la société FG Négoce au moment de la remise des véhicules. Elle observe que le bon de commande des véhicules litigieux prévoyait une clause de réserve de propriété, ce qui signifie qu'il était prévu que les véhicules soient remis à la société FG Négoce sans que le prix en soit intégralement réglé. Ainsi elle estime que le préjudice allégué ne résulte pas de la remise à la société FG Négoce des véhicules. En tout état de cause, elle affirme que la société ABVV ne peut se prévaloir que d'une perte de chance. Elle ajoute que le préjudice ne peut être calculé que sur la valeur hors taxe des neuf véhicules stockés sur son parc.



Dans ses dernières conclusions le 16 octobre 2019, la société Tea [Localité 16] demande à la cour de :



-réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 18 octobre 2017 en ce qu'il l'a déboutée de sa fin de non-recevoir et l'a condamnée au paiement de la somme de 8.129,50 euros à titre de dommages et intérêts outre 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;



Statuant à nouveau,



A titre principal,



-déclarer irrecevable l'action de la société ABVV, celle-ci ne justifiant pas être propriétaire des 19 véhicules litigieux, en s'abstenant de verser au débat les certificats de cession des véhicules entre la société Volvo Car et elle-même et les factures correspondantes ;



A titre subsidiaire,



Vu les arrêts de la Cour de cassation chambre commerciale du 18 janvier 2017 et de la Cour de cassation 3ème Chambre Civile du 18 mai 2017,



-dire et juger que la société ABVV ne rapporte pas la preuve d'une faute à son encontre ;



-dire et juger que la société ABVV ne rapporte pas la preuve de la réalité de son préjudice qui lui serait imputable, la société ABVV ne rapportant non seulement pas la preuve qu'elle est propriétaire des véhicules litigieux mais qu'elle les a réellement revendus à la société FG Négoce ;



-dire et juger qu'il existe une absence de lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice invoqué eu égard à l'existence de ventes successives consommées à la date de l'enlèvement des véhicules ;



-dire et juger qu'en réalité il existe deux bons de commande et qu'aucun terme de paiement ne figure sur la première commande ce qui signifie que la société ABVV en tout état de cause aurait livré les véhicules sans paiement comptant et aurait donc subi le même risque d'insolvabilité si elle n'avait pas commis de prétendue faute ;

-dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les prétendues fautes commises et les dommages allégués par la société ABVV ;



-dire et juger qu'il existe en l'espèce une inaction fautive de la société ABVV qui est la cause impulsive et déterminante de son préjudice ;



Par conséquent,



-débouter la société ABVV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;



A titre infiniment subsidiaire,



-dire et juger que le préjudice de la société ABVV est contestable dans son quantum ;



-dire et juger que par leur inaction fautive, les sociétés Volvo et ABVV sont responsables du préjudice allégué ;



Par conséquent,



-débouter la société ABVV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;



Infiniment subsidiairement, si la cour retenait un préjudice, elle imputerait de la somme de 162 590 euros la TVA puis la somme de 50 000 euros et réduirait notoirement ladite somme eu égard aux fautes commises par la société ABVV ayant un lien de causalité direct avec le préjudice allégué,



-dire et juger que la société ABVV récupérant la TVA, toute éventuelle condamnation ne pourra que porter sur la valeur hors taxes des véhicules,



-condamner la même au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.



La société Tea [Localité 16] invoque également l'irrecevabilité de l'action de la société ABVV dans la mesure où celle-ci ne rapporte pas la preuve de sa qualité de propriétaire des véhicules litigieux.



Sur le fond, la société Tea [Localité 16] reprend pour l'essentiel l'argumentation de la société Tea Région Parisienne. Elle conteste ainsi être à l'origine de toute faute tant contractuelle à l'égard de la société Volvo que délictuelle à l'égard de la société ABVV.



Elle explique que selon l'ordre de déblocage reçu le 30 juin 2014 par la société Volvo, les véhicules ont été enregistrés informatiquement comme « MAD Transport », soit comme étant à mettre à disposition du transporteur munis des documents pour leur transport. Elle affirme que de manière inhabituelle, la société Volvo a, dans un courriel du 8 juillet 2014, émis une réserve au déblocage en subordonnant la remise des véhicules à l'accord préalable de la société ABVV alors qu'elle aurait dû émettre un nouvel ordre de blocage au profit de la société ABVV. Elle reproche par ailleurs à la société ABVV de ne pas s'être préoccupée du sort des véhicules. Elle estime dans ces conditions que ces dernières sont responsables de la disparition des véhicules.



La société Tea [Localité 16] dénie encore le préjudice allégué par la société appelante. Elle considère en effet que la société ABVV ne rapporte pas la preuve qu'elle était propriétaire des véhicules litigieux, ni encore qu'elle les a revendus à la société FG Négoce. Elle observe, sur ce dernier point, que le bon de commande dont se prévaut la société ABVV pour soutenir qu'une vente a eu lieu avec la société FG Négoce n'a pas été signé par cette société. Elle ajoute qu'il existe une confusion sur l'identité du prétendu acquéreur de la société ABVV puisque les échanges de courriels qui ont eu lieu l'ont été avec la société FG Courtage et non avec la société FG Négoce.



La société Tea [Localité 16] considère par ailleurs que la société ABVV ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la faute alléguée et le préjudice invoqué.



Elle affirme à cet égard qu'au moment où le transporteur est venu enlever les véhicules, la société FG les avait déjà revendus à une société belge à laquelle la clause de réserve de propriété édictée par la société ABVV était inopposable s'agissant d'un tiers de bonne foi. Elle ajoute que même si la société belge était considérée de mauvaise foi, la société ABVV était en mesure d'exercer une action en revendication lui permettant de reprendre possession des véhicules. Elle prétend ainsi que le préjudice allégué résulte des carences de la société ABVV. Elle fait encore valoir que seul un bon de commande établi à l'égard de la société FG Négoce mentionne que les véhicules ne pouvaient être enlevés qu'après paiement intégral du prix de sorte que les véhicules figurant sur l'autre bon de commande pouvaient être livrés sans paiement comptant. Elle observe que la mention manuscrite « Enlèvement des véhicules après paiement intégral » a pu être rajoutée par la société ABVV postérieurement à la vente. En tout état de cause, elle considère que le préjudice allégué résulte des négligences de la société ABVV (défaut de suivi des véhicules, transmission à la société FG Négoce des informations nécessaires à l'enlèvement des véhicules, non exercice de l'action en revendication des véhicules à l'encontre du sous-acquéreur de mauvaise foi ou dans le cadre de la procédure collective de la société FG Négoce). Enfin elle argue d'une collusion frauduleuse entre la société Volvo et la société ABVV pour faire supporter aux sociétés intimées les risques inhérents à une opération commerciale douteuse.



La société Tea [Localité 16] conteste encore le quantum du préjudice invoqué. Elle fait ainsi valoir qu'il convient de déduire des sommes réclamées la TVA ainsi qu'une somme de 50.000 euros.



La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 octobre 2019.






***

MOTIFS :



Sur la recevabilité



Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.



L'intérêt à agir doit être personnel et direct.



Toutefois l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.



En l'espèce, dès lors que la société ABVV prétend subir un préjudice du fait de négligences qu'elle impute aux sociétés Tea Région Parisienne et Tea [Localité 16], elle justifie d'un intérêt à agir. La question de la propriété des véhicules relève du fond du droit et notamment de la caractérisation du préjudice allégué.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir.



Sur la responsabilité des sociétés Tea Région Parisienne et Tea [Localité 16]



Sur la faute



Selon l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.



Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.



Ainsi la faute délictuelle est assimilée à la faute contractuelle à condition d'en établir la matérialité et son lien de causalité avec le dommage invoqué.



En l'espèce, le contrat conclu le 9 avril 2001 entre d'une part, la société Volvo, et d'autre part, la société Tea Région Parisienne et la société Tea Corbas, aux droits de laquelle vient la société Tea [Localité 16], prévoit que: « TEA s'engage à accomplir les missions suivantes en fonction des besoins et instructions de VOLVO Automobiles France SAS :

(...)

Sorties de stock:

Seul VOLVO Automobiles France SAS sera habilité à donner à T.E.A. des instructions de destockage ; un ordre de déblocage écrit devra être adressé au parc TEA concerné.

(...) »



Il résulte de ces dispositions que les sociétés Tea devaient suivre les instructions données par la société Volvo concernant le déblocage des véhicules entreposés dans leurs parcs.



Or il ressort des pièces versées aux débats que par courriel du 30 juin 2014, la société Volvo (Isabelle Munaro du Service vente véhicule d'occasion) a adressé à la société Tea Corbas (Xavier de Torcy et [E] [P]) et à la société Tea Région Parisienne (Déblocage Fleury et Cédric Villiez) un courriel précisant: « SVP, merci de bien vouloir débloquer les VO (véhicules d'occasion) ci-dessous pour: ABVV Automobile ' [Localité 15] (...) » et énumérant les véhicules dont la remise à la société FG Négoce fait l'objet du présent litige.



Par courriel du 8 juillet 2014, la société Volvo ( Olivier Lecaplain du Service vente véhicule d'occasion) a repris son précédent courriel du 30 juin 2014 en précisant à la société Tea Corbas (Xavier de Torcy et [E] [P]) et à la société Tea Région Parisienne (Déblocage Fleury et Cédric Villiez): « Pour tous ces véhicules, merci de les libérer qu'après avoir reçu la confirmation de [D] [I] de la concession d'ABVV. Ces véhicules ne doivent être débloqués en aucun cas à un transporteur sans son accord. ».



Ainsi conformément aux stipulations contractuelles, la société Volvo a dans un premier temps adressé un ordre de déblocage des véhicules litigieux le 30 juin 2014 avant d'assortir cet ordre de déblocage de réserves le 8 juillet 2014 en conditionnant la libération des véhicules à l'accord de la société ABVV étant précisé que les deux ordres ont été adressés tous deux par courriel, aux mêmes destinataires, à huit jours d'intervalle, et que le lien entre ces deux ordres résultait de la reprise du courriel du 30 juin 2014 dans celui du 8 juillet 2014.



Contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, rien n'indique dans le contrat que la société Volvo n'avait pas la faculté de revenir sur une instruction précédemment délivrée ou de l'assortir de réserves en subordonnant le déblocage de véhicules à l'accord d'un tiers désigné par elle. En effet, aux termes du contrat précité, les sociétés Tea devaient exécuter les instructions de leur cocontractant concernant le déblocage des véhicules quelles qu'elles soient. En outre, le parallélisme des formes a parfaitement été respecté par la société Volvo puisque ces instructions ont été adressées par courriel, aux mêmes destinataires, avec une référence dans les secondes instructions aux premières. Il n'est par ailleurs aucunement établi que la société Volvo aurait ainsi dérogé aux procédures habituellement suivies dans le cadre de l'exécution du contrat de stockage. Il sera à cet égard relevé qu'à la réception du courriel du 8 juillet 2014, aucune des sociétés Tea n'a fait part à la société Volvo d'interrogations.



Dans ces conditions, dès lors que l'ordre de déblocage du 30 juin 2014 avait été partiellement restreint le 8 juillet 2014, il appartenait aux sociétés Tea, de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux instructions de la société Volvo et ainsi, dès le 8 juillet 2014, d'enregistrer informatiquement les véhicules concernés de manière à ce qu'ils ne soient libérés que sous réserve de l'accord de la société ABVV.



Pourtant il résulte des écritures des parties et de leurs pièces (courrier du 5 décembre 2014 de la société Volvo à la société Tea, courriels des 22 et 24 novembre 2014 de la société ABVV à la société FG, courriel du 24 novembre 2014 du service juridique de la société Tea à la société Volvo, courriel du 28 novembre 2014 de la société ABVV au service juridique de la société Tea), que le 8 octobre 2014, la société FG Négoce a pris possession des véhicules litigieux en mandatant un transporteur pour venir les chercher dans les parcs des sociétés Tea à [Localité 14] et à [Localité 16] sans que la société ABVV ait donné son accord à cette fin et que ce n'est que le 15 novembre 2014, que les sociétés Volvo et ABVV en ont été avisées lorsqu'un revendeur belge, la société DEX Easy Car shopping, a contacté la société ABVV pour obtenir les documents administratifs afférents à une dizaine de ces véhicules qu'elle déclarait avoir acquis auprès de la société « FG courtage ».



En remettant à la société FG Négoce les véhicules litigieux en violation des instructions délivrées le 8 juillet 2014 par leur cocontractant, la société Volvo, et en violation des stipulations du contrat du 9 avril 2001, les sociétés Tea Région Parisienne et Tea Corbas ont commis une faute engageant leur responsabilité à l'égard de la société ABVV puisque le déblocage des véhicules était conditionné à son accord préalable.



Sur le préjudice et le lien de causalité



A titre de préjudice, la société ABVV prétend avoir été dépossédée des véhicules dont elle était propriétaire ; ceux-ci ayant été remis par les sociétés Tea à la société FG Négoce sans qu'elle en perçoive le prix convenu. Les sociétés intimées démentent tout préjudice et tout lien de causalité avec les fautes qui leur sont reprochées.



Les sociétés intimées contestent tout préjudice subi par la société ABVV en affirmant tout d'abord que celle-ci n'était pas propriétaire des véhicules litigieux qui seraient demeurés la propriété de la société Volvo.



Toutefois il est établi (pièce 1 de la société ABVV) que le 30 juin 2014, la société ABVV a commandé à la société Volvo 19 véhicules dont les 18 litigieux identifiés sur le bon de commande par leur modèle, leur type, leur numéro d'immatriculation, leur lieu de stockage et leur prix d'achat. La société ABVV verse en outre aux débats une capture d'écran (pièce 26) adressée par courriel par la société Volvo recensant 19 factures du 30 juin 2014 numérotées et établies à l'égard de la société ABVV portant le numéro d'immatriculation des véhicules litigieux, leur modèle et leur lieu de stockage. Elle apporte encore la preuve (pièce 31) de virements bancaires effectués le 3 juillet 2014 du compte de la société CGL Société Générale vers le compte ING de la société Volvo comportant des numéros de factures correspondant à la pièce 26 et des débits correspondant aux prix des véhicules mentionnés à la pièce 1. Elle produit en outre aux débats (pièce 32) des avis de prélèvements de son compte bancaire effectués au mois de novembre 2015 au profit de la CGL Société Générale mentionnant des numéros de factures correspondant à la pièce 26 et des débits correspondant aux prix des véhicules mentionnés à la pièce 1.



Ces éléments concordants démontrent que la société ABVV est bien propriétaire des véhicules litigieux pour les avoir acquis auprès de la société Volvo le 30 juin 2014 et les avoir réglés le 3 juillet 2014 au moyen d'un crédit consenti par la CGL Société Générale. Il importe donc peu que la société ABVV ne produise pas aux débats les documents administratifs afférents à la cession de ces véhicules dont l'objet est principalement destiné à la circulation. En outre, contrairement à ce qu'affirment les sociétés intimées, il ne résulte pas des éléments versés aux débats que la société Volvo ait continué à se comporter comme le propriétaire des véhicules litigieux. En effet, le fait qu'elle ait demandé la restitution desdits véhicules aux sociétés Tea et qu'elle ait continué à régler leur frais de stockage postérieurement à leur vente à la société ABVV n'est que la conséquence de sa qualité de cocontractante des sociétés Tea et des obligations découlant du contrat de stockage du 9 avril 2001. Enfin il ne peut être tiré aucune conséquence quant à la propriété des véhicules du montant de 256 922 euros provisionné par la société Volvo sur ses comptes de l'exercice 2015 avec la mention « dotation affaire TEA ».



Ensuite les sociétés intimées affirment que le préjudice dont peut se prévaloir la société ABVV résulte du défaut de paiement du prix des véhicules par la société FG Négoce. Toutefois la société ABVV n'invoque pas, à titre de préjudice, un défaut de paiement du prix des véhicules par la société FG Negoce mais se plaint de la remise des véhicules à cette société par les sociétés Tea.



Les sociétés intimées prétendent par ailleurs que la remise des véhicules litigieux à la société FG Négoce n'a eu aucune conséquence préjudiciable pour la société ABVV dès lors que la société FG Négoce était en droit de les réclamer sans les payer, un paiement différé du prix ayant été convenu, et qu'elle les avait déjà revendus à un tiers de bonne foi au moment de leur remise.



Il convient de relever qu'il résulte de deux bons de commande préimprimés versés aux débats, renseignés de manière manuscrite, datés du mois de septembre 2014 et signés par la société ABVV que celle-ci a consenti à la vente à la société FG Négoce des véhicules litigieux pour un prix total de 320.962 euros TTC étant précisé que le premier bon de commande porte sur 13 véhicules pour un prix de 110.150 euros TTC et que le second bon de commande porte sur 6 véhicules pour un prix de 210.812 euros TTC. Ces deux bons de commande ne mentionnent pas de date de livraison ni de conditions de paiement. Ils contiennent tous les deux une clause de réserve de propriété préimprimée. Le second bon de commande porte la mention manuscrite « Enlèvement des véhicules après paiement intégral » avec le tampon de la société ABVV et une signature.



S'il ressort des échanges de courriels entre la société ABVV et le dirigeant de la société FG Négoce, M. [F] [H], datés des 22 et 24 novembre 2014, que ces bons de commande n'ont pas été retournés signés par la société FG Négoce à la société ABVV, ces mêmes échanges établissent que la société FG Négoce a néanmoins accepté la vente proposée par la société ABVV. Le contrat de vente s'est donc formé par cet échange des consentements bien que la société ABVV et la société FG Négoce se soient ensuite opposées sur la date convenue pour le paiement du prix; la société FG Négoce prétendant qu'un délai de paiement lui avait été consenti jusqu'au mois de décembre 2014 et la société ABVV affirmant que le prix devait être payé comptant.



Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Tea [Localité 16], bien que les courriels échangés entre M. [H] et la société ABVV soient adressés par M.[H] depuis une adresse électronique « FG Courtage » et contiennent un logo « FG Courtage », il est évident que la vente des véhicules litigieux a été conclue avec la société FG Négoce, représentée par son gérant M. [H], et non avec « FG Courtage », dès lors que le bon de commande est bien au nom de la société FG Négoce, que M. [H] est le gérant de cette société et que FG Courtage n'a pas de personnalité juridique, étant un établissement d'une autre société dont M. [H] est gérant, la société Eurocar Premium.



Enfin, en l'absence de stipulation contraire prévue au contrat de vente conclu entre la société ABVV et la société FG Négoce, le prix devait être payé comptant puisque le paiement du prix doit être concomitant à la délivrance et que celle-ci doit avoir lieu aussitôt que la vente a été conclue. Le fait qu'une clause de réserve de propriété soit insérée dans le bon de commande préimprimé n'implique pas que dans la vente conclue entre la société ABVV et la société FG Négoce, il avait été convenu un paiement différé.



Dans ces conditions, la société ABVV pouvait tout à fait s'opposer à la remise des véhicules à la société FG Négoce tant que le prix ne lui avait pas été payé.



Or en ne respectant pas les instructions reçues de la société Volvo en vertu desquelles les véhicules ne pouvaient être débloqués et remis à un transporteur que sous réserve de l'accord de la société ABVV, les sociétés intimées ont empêché la société ABVV de les retenir et de subordonner leur remise au paiement préalable du prix. Le préjudice de la société ABVV est ainsi caractérisé et est directement imputable à la faute des sociétés intimées. Il est en outre certain car si les instructions de la société Volvo avaient été suivies par les sociétés Tea, la société ABVV aurait refusé de délivrer les véhicules sans paiement préalable. La mention apposée sur le second bon de commande manifeste en effet clairement la volonté de la société ABVV de ne permettre l'enlèvement des véhicules qu'après paiement intégral du prix. Contrairement à ce que soutient la société Tea [Localité 16], cette mention est nécessairement contemporaine de l'émission du bon de commande dès lors que dans un courriel du 22 novembre 2014 adressé par la société ABVV à la société FG Négoce, soit antérieurement à tout litige l'opposant aux sociétés Tea, la société ABVV fait allusion à cette mention. Le préjudice subi par la société ABVV ne peut donc consister en une perte de chance puisque la perte de chance implique toujours l'existence d'un aléa et n'a pas sa place en présence d'un préjudice certain.



Il convient également de relever que contrairement à ce que prétend la société Tea [Localité 16], il n'est aucunement établi que la société FG Négoce avait déjà revendu les véhicules à une société belge le 8 octobre 2014. Il est même probable que cette vente soit largement postérieure au 8 octobre 2014 car ce n'est que le 15 novembre 2014 que ladite société belge s'est rapprochée de la société ABVV pour solliciter les documents administratifs afférents aux véhicules. A cet égard, il sera rappelé que la société belge ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil que si elle était en possession des véhicules, ce qui n'a pu résulter que de la faute commise par les sociétés Tea.



Enfin il ne peut être reproché à la société ABVV de ne pas avoir minimisé son préjudice en utilisant toutes voies de droits à l'encontre de la société FG Négoce ou de la société belge pour récupérer les véhicules ou encore pour recouvrer sa créance. Il sera néanmoins relevé que la société ABVV a déclaré sa créance à la procédure collective ouverte à l'égard de la société FG Négoce et n'a pu recouvrer sa créance dans ce cadre.



Sur les causes d'exonération



Sur la faute la société Volvo



Pour s'exonérer de leur responsabilité, les sociétés Tea invoquent la faute d'un tiers, la société Volvo.



Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne peut être reproché à la société Volvo d'avoir, par courriel du 8 juillet 2014, émis des réserves à son premier ordre de déblocage délivré le 30 juin 2014. En outre, les deux ordres ayant été adressés aux bons destinataires, il ne lui appartenait pas de vérifier qu'ils avaient bien été reçus et exécutés.



Enfin les allégations de la société Tea [Localité 16] concernant une collusion frauduleuse entre la société Volvo et la société ABVV ne sont aucunement démontrées. Le fait que la société ABVV n'ait engagé aucune procédure judiciaire contre la société Volvo dont la faute n'est aucunement avérée ne saurait caractériser une telle collusion.



Aucune faute n'est donc établie à l'encontre de la société Volvo.



Sur la faute de la victime, la société ABVV



Pour s'exonérer de leur responsabilité, les sociétés Tea invoquent ensuite la faute de la victime.



Pourtant il ne peut être fait grief à la société ABVV de ne pas avoir adressé de directives aux sociétés Tea concernant le déblocage des véhicules ou encore de s'être assurée de la bonne exécution des directives données par la société Volvo alors même qu'aucun lien contractuel ne l'unissait aux sociétés Tea et qu'elle n'avait aucun motif de penser que ces sociétés n'exécuteraient pas les instructions de leur cocontractant.



Par ailleurs, il ne peut être reproché à la société ABVV d'avoir donné à la société FG Négoce les éléments d'identification des véhicules qu'elle entendait lui vendre ni leur lieu de stockage. En effet, compte tenu des réserves émises pour le déblocage de ces véhicules, la société FG Négoce n'aurait pas dû pouvoir en prendre possession même munie de ces informations.



Enfin ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société ABVV pour ne pas avoir exercé l'action en revendication des véhicules ou encore pour ne pas avoir tout mis en oeuvre pour recouvrer sa créance à l'égard de la société FG Négoce. Il ne peut pas davantage lui être reproché d'avoir assigné cette société en redressement judiciaire pour obtenir paiement.



Aucune faute n'est donc caractérisée à l'encontre de la société ABVV.



En conséquence, il y a lieu de retenir la responsabilité délictuelle de la société Tea Région Parisienne et de la société Tea [Localité 16] à l'égard de la société ABVV pour avoir remis les véhicules litigieux à la société FG Négoce en dépit des instructions reçues de la société Volvo.



Sur l'indemnisation du préjudice



A titre de réparation de son préjudice, la société ABVV réclame des dommages et intérêts correspondant au prix de vente des véhicules litigieux qui avait été convenu avec la société FG Négoce.



S'il est certain que la société ABVV, sans la faute des sociétés Tea, aurait refusé de remettre à la société FG Négoce les véhicules litigieux sans paiement préalable de leur prix, il n'est pas certain que la société FG Négoce se serait acquittée de ce prix. Néanmoins dans ce cas, la société ABVV aurait pu résoudre la vente intervenue avec la société FG Négoce et revendre les véhicules à une autre société. Dans la mesure où la société ABVV démontre avoir acheté ces véhicules à la société Volvo pour un prix de 291.500 euros, le prix de revente fixé à 303.665 euros n'apparaît pas excessif et sera donc retenu pour évaluer le préjudice financier subi par la société ABVV.



Contrairement à ce que soutient la société ABVV, le prix figurant sur les bons de commandes émis à l'égard de la société FG Négoce est bien TTC, ce qui est d'ailleurs conforté par le bon de commande établi par la société Volvo à l'égard de la société ABVV qui mentionne des prix TTC . Il y a donc lieu de déduire des sommes réclamées à titre d'indemnisation par la société ABVV le montant de la TVA.



Enfin la société Tea [Localité 16] sollicite qu'il soit déduit du préjudice une somme de

50.000 euros qui n'aurait pas été payée par la société ABVV sans en rapporter la preuve.



Cette demande sera écartée.



En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 7.053,75 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, et condamné la société Tea [Localité 16] à payer à la société ABVV la somme de 8.129,50 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement. Statuant à nouveau de ces chefs, la cour condamnera la société Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 112 860 euros (141 075 euros ' 20%) à titre de dommages-intérêts et la société Tea [Localité 16] à payer à la société ABVV la somme de 130.072 euros (162.590 euros ' 20%) à titre de dommages-intérêts. La créance étant de nature indemnitaire, les intérêts sur ces sommes courront à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Les sociétés Tea succombent à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance seront confirmées. Les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne supporteront in solidum les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me Cordier selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. Elles seront en outre condamnées in solidum à payer à la société ABVV la somme supplémentaire de 6.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des sociétés Tea de ce chef seront écartées.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant publiquement et contradictoirement,



CONFIRME le jugement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir soulevée par les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne ainsi qu'en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 7.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;



INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 7.053,75 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et condamné la société Tea [Localité 16] à payer à la société ABVV la somme de 8.129,50 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;



Statuant à nouveau,



DÉCLARE la société Tea Région Parisienne et la société Tea [Localité 16] responsables à l'égard de la société ABVV du préjudice résultant de la remise des véhicules dont elles avaient chacune la garde à la société FG Négoce le 8 octobre 2014 en dépit des instructions reçues de la société Volvo et des termes du contrat du 9 avril 2001 ;



CONDAMNE la société Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme de 112.860 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la société Tea [Localité 16] à payer à la société ABVV la somme de 130.072 euros à titre de dommages-intérêt avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;



CONDAMNE in solidum les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne à payer à la société ABVV la somme supplémentaire de 6.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;



DÉBOUTE les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne de leurs demandes de ce chef ;



CONDAMNE in solidum les sociétés Tea [Localité 16] et Tea Région Parisienne aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me Cordier selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.









Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT





Greffière Présidente

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