18 octobre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-86.419

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2016:CR04305

Texte de la décision

N° U 15-86.419 F-D

N° 4305


SC2
18 OCTOBRE 2016


REJET


M. GUÉRIN président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
M. [J] [Q],


contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2015, qui, pour harcèlement moral et abus de biens sociaux, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;










La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;


Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, alinéa 1, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

"il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M.[Q] à une peine d'emprisonnement assorti du sursis ainsi qu'à une amende, du chef d'harcèlement et d'abus de biens sociaux, et de ne pas avoir mentionné le nom des magistrats ayant composé la cour lors du délibéré ;

"alors que, tout jugement doit établir par lui-même la preuve de la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; que la présomption de régularité instituée par l'article 592 du code de procédure pénale ne vaut que pour les audiences ; qu'en l'espèce, si l'arrêt mentionne expressément le nom de trois magistrats au titre de la composition de la cour lors des débats, aucune de ses énonciations ne permet d'établir que les magistrats présents lors de l'audience des débats ont pris part au délibéré ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de la régularité de la composition de la juridiction, a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, si l'arrêt attaqué indique seulement la composition de la cour d'appel lors des débats et non du délibéré, il ressort de ses autres mentions qu'à l'issue des débats à l'audience du 16 avril 2015, l'affaire a été mise en délibéré au 8 juin ; qu'après avoir été prorogé au 22 du même mois puis au 28 septembre de la même année, à cette date, l'arrêt a été prononcé par l'un des membres de la composition ;

Attendu que le grief allégué n'est pas encouru dès lors qu'il se déduit des énonciations de l'arrêt que les mêmes juges ont participé aux débats et au délibéré ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-33-2 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;

"il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le demandeur coupable de harcèlement moral et de l'avoir condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement assorti du sursis et à celle d'amende d'un montant de 10 000 euros ;

"aux motifs propres que sur le harcèlement moral, par des énonciations suffisantes auxquelles il convient de se référer expressément et par des motifs qui doivent être adoptés, le tribunal a exactement exposé et analyser (sic) les faits poursuivis en procédant à une appréciation des éléments constitutifs de l'infraction de harcèlement moral qui doit être approuvé, éléments de preuve dont les débats d'appel n'ont aucunement modifié le caractère déterminant ; qu'il suffit, à cet effet, de relever les éléments suivants ; qu'en ce qui concerne les fonctions exercées par M. [LQ] [N] :
- le contrat de travail de M. [N] stipule son entrée dans l'entreprise le 11 septembre 1989, l'octroi du statut de cadre à compter du 1er janvier 2002, les fonctions de responsable commercial entreprise avec, en plus de son travail commercial, la mention « il sera responsable des autres salariés commerciaux de la société ainsi que des VRP multicartes » ; que le procès-verbal de réunion des délégués et des cadres du 3 mars 2005, en ce qui concerne la « direction de la société » mentionne que M. [N], responsable commercial devient directeur de la société Besse, aidé, notamment, de Mme [U] [CO], responsable de gestion, Mmes [UR] [I] et [L] [MX], déléguées du personnel ; que l'organigramme de la société Besse en 2005 produit par M. [N] conforte les attributions de ce dernier, en qualité de directeur, responsable des commerciaux et de l'expédition, Mme [CO] étant désignée comme « responsable de gestion et achats » et Mme [I] comme « responsable production » ; que les bulletins de paie produits confirment en tout état de cause le poste de « directeur » occupé par M. [N], et poursuivi même après la reprise de la société GA Besse par M.[Q] en mai 2006, puisqu'ils se rapportent à l'année 2008/2009 ; que contrairement à ce que soutient M. [Q], M. [N] a poursuivi l'exercice de ses fonctions de directeur, ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire, jusqu'à son licenciement, y compris le certificat de travail dressé au nom de la société GA Besse le 31 juillet 2009 attestant de ce que M. [N] avait fait partie du personnel de l'entreprise du 11 septembre 1989 au 18 juillet 2009 en qualité de directeur ; qu'en ce qui concerne les témoignages recueillis lors de l'enquête, M. [Q] soulève « l'acrimonie » de l'équipe des commerciaux à son égard, et notamment, de M.(sic) [D], M. [K] [T], pour en contester l'objectivité ; que le contenu des nombreuses auditions recueillies auprès du personnel de la société GA Besse est cependant édifiant, comme le confirme dans leur ensemble ces déclarations, et notamment celles de Mme [UR] [I], responsable de production au sein de l'atelier de fabrication de [Localité 2] décrivait l'ambiance de l'entreprise comme « familiale », y compris sous la direction de M. [N], ajoutant que le chiffre d'affaires avait diminué après l'achat de l'entreprise par M. [Q], dont la façon de gérer l'entreprise était selon ses termes, « celle d'un dictateur », estimant, d'ailleurs que, ce dernier avait racheté la société « pour s'enlever un concurrent ; que peu lui importait le personnel » ; que Mme [Z] [B], assistante commerciale, précisait que la direction de la société avait été assurée par M. [N] pendant deux ans sans aucun problème, assurant à lui seul le plus gros chiffre d'affaires de la société ; que du fait de la décision de M. [Q] d'imposer à ce dernier d'aller sur le terrain en tant que commercial, « de ce fait il avait perdu les responsabilités qu'il détenait avant, à savoir celle de directeur général » ; que Mme [GK] [VY], secrétaire commerciale, exposait que les rapports entre eux (sic) MM. [Q] et [N] s'étaient « très dégradés avec le temps et il y avait peu de communication entre eux » ; qu'elle ajoutait « M. [N] a perdu toutes les responsabilités qu'il avait alors qu'il était un pilier de la société ; que sans lui la société n'était rien » ; que Mme [PL] [FD], en congé parental de 2005 à 2008, exerçant la fonction d'employée d'expédition, présente durant l'année 2009, apportait un témoignage explicite : « [LQ] [N] a été mis au placard d'une manière progressive. Il a perdu de nombreuses responsabilités et a été remplacé par une stagiaire en entreprise qui suivait une formation commerciale, Mme [R] [Y] » ; que Mme [E] [W], secrétaire commerciale, décrivait la situation de M. [N] en ces termes « j'ai remarqué chez M. [N] un changement d'attitude. De nature joviale il est devenu triste. C'est quelqu'un qui a toujours tout donné pour l'entreprise et vers la fin, on voyait qu'il n'était pas bien.» ; qu'elle ajoutait en ce qui concerne les salons des comités d'entreprise, (sic) M.[Q] les avait supprimés « estimant que cela coûtait trop cher alors que ce n'était pas le cas. Les commerciaux ont dû changer leurs clients en se tournant vers les petits commerçants. Par la suite tous les commerciaux ont été placé (sic) en congé maladie. Je pense que M. [J] [Q] voulait se débarrasser de ceux-ci. » ; que Mme [U] [CO], responsable adjointe de gestion en 2004, expliquait comment M. [M] [D] avait dû quitter l'entreprise suite à son refus de signer une modification de son contrat de travail, substituant son poste de commercial à celui de vendeur lors des foires et des marchés locaux ; qu'elle décrivait l'évolution de la situation de M. [N] de la manière suivante : « [J] [Q] a dans un premier temps retiré à [LQ] [N] son autorité dans le cadre des signatures de contrats et me l'a donné (sic). Par la suite il a déclassé [LQ] [N] en le faisant passer comme simple commercial pour l'ensemble de ses activités. [J] [Q] a décidé de placer en tant que directrice commerciale [R] [Y], en lieu et place de M. [N]. Elle faisait le lien entre le service commercial et [J] [Q]… [J][Q] a déclassé [LQ] [N] car pour lui « il n'était pas assez sur le terrain. Il devait faire plus de chiffre. Pour [J][Q], un commercial avait un certain coût, trop important pour lui au vu de leur rentabilité. » ; que M. [Q] était décrit comme « quelqu'un d'impulsif, méprisant dans certains de ses propos, dénigrant parfois le travail que les gens fournissent. Il a essayé de nous retourner les uns contre les autres de façon sournoise, sans pour autant y arriver. » ; que les investigations menées par la brigade des recherches de [Localité 1] au travers des nombreuses auditions recueillies, relevaient : « un mal-être au travail, survenu après le rachat de l'entreprise par [J] [Q]. L'absence (sic) de travail s'était dégradée à partir de cette date. Nombreux étaient les employés qui reprochaient à [J] [Q] de s'être emporté facilement lors de discussions celui-ci (sic) voulait avoir raison, allant même jusqu'à menacer certains pour faire mine de les frapper… Beaucoup estimaient qu'ils avaient été poussés à bout dans le but de démissionner » ; qu'en ce qui concerne l'examen des pièces de la procédure, et notamment :
- le compte rendu de la réunion du 20 mars 2009 ayant pour ordre du jour : « actions à mener par les commerciaux » comportent la mise en place de nouvelles méthodes à partir du 23 mars 2009 assorti de l'objectif de « faire du client » par la visite des comités d'entreprise et des revendeurs impartissant 720 visites durant quinze semaines à raison de quatre rendez-vous durant trois jours de la semaine ;
- le compte rendu de la réunion commerciale de synthèse du 5 juin 2009 porte expressément la mention selon laquelle « le suivi de l'équipe commerciale est effectué par Mme [R] [Y] à partir de ce jour » ; que par note du 10 juin 2000 émanant de cette dernière, en réponse à la réunion du 5 juin 2009, il était spécifié que « pour plus de cohérence dans la démarche commerciale, il me paraît important et urgent que vous vous présentiez sur votre messagerie vocale, avec vos seuls noms et prénom, en ne précisant pas pour quelle société pour travailler (sic). Merci. Bonne continuation » ;
- le contrat d'apprentissage en alternance de Mme [Y] : en première année d'apprentissage au sein d'une école de commerce, la présence en entreprise de Mme [Y] a débuté le 1er avril 2009 pour une durée de cinq semaines, suivie d'une seconde période de quinze semaines à compter du 1er juin 2009 ; que la fiche de son suivi professionnel d'apprentissage révèle que son stage en entreprise est prévu au sein de la société [J] [Q], et non au sein de la société GA Besse ;
- les instructions écrites de ne pas verser les avances sur commission en 2009, à l'équipe commerciale ;
- l'instauration d'une prime exceptionnelle de 100 euros bruts à [E] ;
- la demande de restitution immédiate du matériel, ordinateur portable, téléphone mobile et sa carte Sim, adressée à M. [N] le 23 juin 2009 ;
- les lettres de réclamation des commissions du 10 juin 2009 ainsi que celle du 24 juin 2009 ;
- le contrôle médical le 24 juin 2009 à 10 heures 55, avec mention de l'absence de M. [N] à son domicile contrôle exercé par le contrôle médical patronal MEDI'SIX, et non par les services de l'inspection du travail visés à tort par M. [Q] dans ses écritures ; qu'en ce qui concerne les certificats médicaux produits par M. [N] : les certificats médicaux du médecin généraliste le docteur M. [SD] et du psychiatre le docteur M. [ZX] [X] versés par M. [N] n'ont fait l'objet d'aucune remise en cause de la part de la médecine du travail ; qu'en outre l'activité indépendante de conseil exercée par M. [N] n'a débuté qu'à compter du 1er septembre 2011, soit plus de deux ans après les faits en cause ; qu'en ce qui concerne les attestations versées aux débats par M.[Q] :
- M. [S] [XF] exerçant la profession de commercial en Gironde, atteste avoir travaillé 2 juin 2010 (sic) à janvier 2011 en relation avec l'équipe des Landes, et non au sein de la société GA Besse, durant une période largement postérieure aux faits dénoncés ;
- M. [A] [HV] exerçant la profession de commercial en Gironde, a travaillé occasionnellement depuis plus de dix ans avec M.[Q], dont il n'a jamais eu à se plaindre « d'un quelconque signe de violence ou de dénigrement » ;
- Mme [G] [F] employée au sein de la société Clément des Landes de 2005 à 2010, société dont M. [Q] est le gérant, atteste que les relations professionnelles étaient bonnes ce dernier étant « plutôt proche et à l'écoute de ses salariés » ; qu'elle-même a eu l'occasion de travailler au siège de la société GA Besse à [Localité 1] et n'a jamais été témoin alors d'une quelconque animosité ou agressivité de la part de M.[Q] envers ses assistantes ou elle-même ;
- Mme [P] [O] employé (sic) en qualité de comptable, connaît [J] [Q] depuis dix ans professionnellement et atteste « ne l'avoir jamais vu être violent ou déplacé envers ses salariés ou même ses partenaires professionnels » ; que seule Mme [G] [F] a pu assister de février à juin 2009 à différentes réunions de travail en présence de MM. [KJ], [N], [V] et [T] au sein de la société GA Besse « tout au long de ces réunions qui se sont déroulées dans l'échange et la concertation, nous avons défini un cap à tenir et je n'ai pas de souvenirs de conflit et de reproches à l'encontre de M. [N]… » ; que cette attestation est au demeurant illisible en ce qui concerne la suite de ces termes, se terminant par « pas systématiquement présent » ; que le caractère incomplet de cette attestation en ce qui concerne précisément les faits dénoncés, et notamment les relations entre MM. [N] et [Q], ne présente par conséquent aucun caractère probant ; que les agissements répétés de la part de M. [Q] visant à ôter progressivement les attributions qui étaient dévolues à M. [N], selon différents processus, dans un contexte révélant l'absence de considération vis-à-vis du personnel de l'entreprise, voire de dénigrement, ont entraîné la dégradation des conditions de travail, et pour M. [N] un état dépressif réactionnel à la situation conflictuelle qu'il a connue avec son employeur, caractérisant l'atteinte à la santé de ce dernier ; qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé sur la qualification des faits de harcèlement moral et la déclaration de culpabilité ; que, sur la peine, /…/, de même les agissements répétés ayant eu pour effet d'entraîner la dégradation des conditions de travail et l'atteinte portée aux droits et à la dignité de M. [N], et les répercussions sur la santé de ce dernier, commandent une aggravation de la sanction financière ; que l'enquête de personnalité de M. [Q] mentionne 3 200 euros de salaires auquel (sic) s'ajoute (sic) 4 300 euros de revenus fonciers et de revenus agricoles, soit 7 500 euros de ressources mensuelles ; que des (sic) lors la peine d'amende sera justement appréciée un montant (sic) de 10 000 euros ; que M. [Q] n'ayant jamais été condamné, la peine de quatre mois d'emprisonnement assorti du sursis doit être confirmée ; que, sur l'action civile, le jugement doit être confirmé sur la recevabilité de la constitution partie civile (sic) d'[LQ] [N] et en ce qu'il a déclaré M. [Q] responsable du préjudice subi par celui-ci ; que M. [Q] sollicite de la cour le rejet de la constitution partie civile (sic) tout en développant au fil de ses conclusions la règle electa una via, moyen qui doit être en tout état de cause rejetée (sic) dès lors que les demandes formées devant la juridiction prud'homale le 11 mars 2010, visaient à contester son licenciement, obtenir le paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, étant observé que le préjudice réclamé au titre des circonstances vexatoires et brutales se rapportait aux conditions mêmes de son licenciement ; que M. [N] renouvelle devant la cour sa demande d'indemnisation de 7 500 euros au titre du préjudice moral et du pretium doloris ; que les premiers juges ont justement apprécié le montant de cette indemnisation au regard des certificats médicaux produits, dont le plus récent est en date du 22 septembre 2012 ; que le jugement doit être par conséquent confirmé de ce chef, de même qu'en ce qui concerne les frais irrépétibles alloués à concurrence de 1 000 euros ; que l'équité commande de faire application de l'article 475-1 du code de procédure pénale en cause d'appel et de condamner M. [Q] à verser la somme de 2 000 euros à M. [N] ;

"et aux motifs expressément adoptés que l'enquête diligentée par la brigade de recherches de gendarmerie de [Localité 1] a tendu à vérifier si, comme l'avait soutenu M. [N] dans sa plainte déposée entre les mains du procureur de la république de ce siège, les agissements de M. [Q] à l'égard du plaignant ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de ce dernier, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que s'agissant desdits agissements l'enquête, mais également les pièces versées au dossier de la procédure par le prévenu et la partie civile, ont permis d'établir qu'au mois de mai 2006, date il laquelle M. [Q] est devenu le gérant de la société GA Besse, M. [N] exerçait les fonctions de directeur de la société et ce depuis le mois de mars 2005 ; que ceci ressort du procès-verbal de réunion des délégués et des cadres dressé le 3 mars 2005 et signé notamment par l'ancien PDG de la société, M. [H] ; qu'il n'est pas contesté que c'est bien en cette qualité que M. [N] a exercé ses fonctions jusqu'à son licenciement au mois de juillet 2009, tel qu'en attestent ses bulletins de salaire ; qu'il convient d'ores et déjà de constater que la décision rendue par le conseil des prud'hommes de Cahors saisi par M. [N] d'une demande tendant à contester son licenciement et obtenir par voie de conséquence diverses indemnités, ainsi que celle de la chambre sociale de la cour d'appel d'Agen sont sans emport sur l'analyse des faits objet de la prévention dont est saisie la juridiction répressive ; qu'il ait été jugé que le licenciement de ce salarié était justifié par des motifs réels et sérieux et notamment son manque d'adhésion, voire même son opposition à la politique commerciale instaurée par M. [Q] après rachat de la société GA Besse, n'est pas contraire avec le fait que M. [N] ait pu concomitamment être victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur, sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire d'établir que ce dernier ait voulu délibérément par son comportement dégrader des conditions de travail de ce dernier entraînant les conséquences prévues par l'article 222-33-2 du code pénal ; que ce texte prévoit en effet que le délit de harcèlement moral peut être constitué si la dégradation des conditions de travail du salarié est directement liée aux agissements de l'employeur ; que M. [Q] a déclaré à l'audience que lorsqu'il avait fait l'acquisition de la société GA Besse en 2006 il ne maîtrisait pas une partie de son secteur d'activité, à savoir la distribution via les comités d'entreprises de foie gras et autres produits dérivés, les sociétés dont il était par ailleurs le gérant étant spécialisées dans la fabrication de ce type de produits ; qu'il est patent que les tensions sont apparues à compter du début de l'année 2009, et se sont aggravées jusqu'au licenciement de M. [N] en juillet 2009 ; qu'en sa qualité de directeur de la société, M. [N] était directement impliqué dans l'établissement de sa politique commerciale ; qu'il avait d'ailleurs géré la société GA Besse pendant un an après le départ de M. [H] avant l'arrivée de M. [Q] ; que, cependant, il n'a pas été associé à la révision de la politique générale de la société initiée par M. [Q] sur la base d'une forme d'audit réalisé par une personne extérieure à la société, ou même consulté ; que l'atelier de production de la société GA Besse situé à [Localité 2] avait été fermé, et l'effectif de vingt-cinq salarié (sic) existant en 2000 était réduit à huit ; que, pour autant, les objectifs fixés à l'attention des commerciaux de la société, au nombre desquels se trouvait M. [N], visaient à augmenter le chiffre d'affaires de 20 %, alors que M. [Q] a lui même fait état à l'audience d'une période de crise économique qui frappait notamment ce secteur d'activité ; que cet objectif a été qualifié d'irréaliste par M. [N] dont il faut préciser qu'il percevait des commissions sur le montant de ses ventes; que les autres commerciaux de la société, qui ont été entendus par les enquêteurs, ont formulé les mêmes observations ; que parmi eux, M. [D] a déclaré que M. [Q] avait tout mis en oeuvre pour se débarrasser de M. [N], M. [T], autre commercial, parlant lui d'une mise au placard ; que Mme [CO], responsable adjointe de gestion, a confirmé que M. [Q] avait retiré à M. [N] son autorité dans le cadre des signatures de contrats pour la lui confier ; que M. [N] avait été déclassé au grade de simple commercial pour l'ensemble de ses activités ; que ce "déclassement" est également confirmé par Mme [C] qui a déclaré que M. [N] avait perdu les responsabilités qu'il détenait avant, à savoir celles de directeur général, et qu'alors qu'il représentait à lui seul le plus gros chiffre d'affaires de la société il avait été réduit à un rôle de simple commercial ; que Mme [FD] a évoqué une mise au placard progressive, avec l'exigence que M. [Q] qu'il soit sur le terrain toute la semaine, selon elle afin de l'éloigner de l'entreprise ; que le fait que financièrement et contractuellement le statut de M. [N] soit resté inchangé, et qu'il soit ainsi resté sur le papier directeur de la société jusqu'à son licenciement, n'empêche pas que dans la réalité il ait été démis de son pouvoir décisionnel pour être relégué au rôle de simple exécutant ; que les déclarations recueillies par les enquêteurs témoignent de ce que M. [N] a progressivement été démis de ses responsabilités de directeur ; qu'il est en outre établi que M. [Q] a fait intervenir au sein de la société Mme [Y], stagiaire en fin d'études de commerce, mais à laquelle il a confié le "suivi de l'équipe commerciale "comme en atteste un compte rendu de réunion en date du 5 juin 2009, responsabilité dont M. [N] avait la charge ; que cette stagiaire a ainsi donné des directives aux commerciaux, dont M. [N] qui a reçu une note dès le lendemain de la réunion dans laquelle elle lui indiquait que "pour plus de cohérence dans la démarche commerciale, il lui paraissait important et urgent qu'il se présente sur sa messagerie vocale avec ses seuls noms et prénoms, en ne précisant pas pour quelle société il travaillait" ; qu'outre le fait que le caractère cohérent des instructions pourrait en réalité revêtir un caractère pénal, puisqu'il est indirectement demandé aux commerciaux de travailler pour une autre société dans laquelle M. [Q] à des intérêts alors qu'ils ne sont pas liés à cette autre entité par leur contrat de travail, il est flagrant que placer celui qui est censé être directeur de la société sous l'autorité d'une stagiaire sans expérience, revêt un caractère dégradant et vexatoire pour M. [N] ; que le qualificatif de vexatoire peut également être appliqué à l'ordre qui a été donné par M. [Q] à M. [N] qui venait d'être placé en arrêt maladie pour une durée de deux semaines, comme le prévenu l'a indiqué lui-même à l'audience, de restituer son ordinateur portable, son téléphone portable et sa carte SIM, mesure de défiance manifeste à l'égard de la partie civile ; que Mme [B], assistante commerciale, a déclaré à ce sujet qu'elle avait été désignée par M. [Q] pour aller sur le champ au domicile de M. [N] afin de prendre possession de ce matériel, et qu'elle avait très mal vécu une situation qui l'avait marquée ; que M. [N] a par ailleurs produit une télécopie dans laquelle M. [Q] avait donné pour consigne de ne pas verser aux commerciaux le solde des commissions qui leur étaient dues pour l'année 2008 ni d'avance pour l'année 2009, mais également le courrier qu'il lui a adressé ainsi qu' aux autres commerciaux après qu'ils lui aient fait part de leur mécontentement, dans lequel il s'excusait et arguait d'une erreur, alors que le comptable n'avait fait qu'exécuter ses instructions ; que les agissements constitutifs de harcèlement moral reprochés à M. [Q] ne reposent donc pas uniquement sur les déclarations de M. [N] mais sont démontrés par les déclarations des autres salariés de la société GA Besse qui ont été témoins de ce que leur directeur avait été progressivement démis de ses responsabilités pour finir par être placé sous l'autorité d'une stagiaire, ainsi que par les écrits susvisés ; que ces agissements ont entraîné une dégradation des conditions de travail de M. [N] qui a été relégué aux fonctions de simple exécutant et victime de pratiques vexatoires portant atteinte à sa dignité ; que M. [N] a produit plusieurs certificats médicaux de médecin généraliste mais également du docteur, M. [ZX] [X], psychiatre, qui indiquent le suivre depuis juillet 2009 dans le cadre d'un état dépressif réactionnel à la situation conflictuelle qu'il a connue avec son employeur : que les agissements du prévenu ont bien porté atteinte à la santé de la partie civile ; que ce premier délit est donc bien constitué et qu'il convient d'entrer en voie de condamnation de ce chef ;

"alors que le harcèlement moral se définit comme des agissements répétés, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que les agissements précités doivent être étrangers au pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur ; qu'une décision de rétrogradation, même si elle s'est poursuivie dans le temps par l'accomplissement d'autres actes la maintenant, reste un acte isolé et n'entre ainsi pas dans les prévisions de l'article 222-33-2 du code pénal ; qu'en l'espèce, afin de rentrer en voie de condamnation pour harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur les témoignages de salariés n'ayant fait qu'indiquer le déclassement de la partie civile et sur des documents se rattachant à cette rétrogradation ou concernant l'ensemble des commerciaux et la réorganisation de l'entreprise ; que la cour d'appel n'a donc relevé que des éléments relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, sans avoir établi l'existence d'autres agissements que la décision de rétrogradation, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure qu'après son licenciement de la société GA Besse, dont il était salarié depuis plusieurs années et au sein de laquelle il avait occupé, temporairement, les fonctions de directeur général puis celles de directeur commercial dont il a été écarté par le nouveau gérant, M. [Q], M. [LQ] [N] a porté plainte pour dénoncer les faits de harcèlement moral dont il avait été victime de la part de ce dernier; qu'à l'issue d'une enquête préliminaire, M. [Q] a été poursuivi de ce chef devant le tribunal correctionnel et, également, du chef d'abus de biens sociaux ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable des faits ainsi qualifiés et ont prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu, le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité du chef de harcèlement moral, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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